KF/AE REPUBLIQUE DE CÔTE D IVOIRE ------------------- COUR D APPEL D ABIDJAN --------------- TRIBUNAL DE COMMERCE D ABIDJAN --------------- RG N 1546/13 ------------- JUGEMENT CONTRADICTOIRE du 26 /12/2013 -------------- Affaire : - Société LIDER KOZMETIK - Société SIDECOM SARL (M e Michel Henri KOKRA) Contre - Société UNILEVER Côte d Ivoire (M e AMON Sévérin) ----------------- DECISION : ------- Contradictoire ----- Reçoit les Sociétés LIDER KOZMETIK et SIDECOM SARL en leur action ; Constate la non-conciliation des parties ; Dit les Sociétés LIDER KOZMETIK et SIDECOM SARL partiellement fondées en leur action; Condamne la société UNILEVER Côte d Ivoire à leur payer respectivement la somme de cent millions (100.000.000) de francs CFA et celle de cinquante millions (50.000.000) de francs CFA à titre de dommages et intérêts ; Condamne la défenderesse aux dépens. AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU 26 DECEMBRE 2013 Le Tribunal de Commerce d Abidjan, en son audience publique ordinaire du vingt-six décembre de l an deux mil treize tenue au siège dudit Tribunal, à laquelle siégeaient : Docteur François KOMOIN, Président du Tribunal ; Messieurs KACOU Bredoumou Florent, AMUAH David, FOLOU IGNACE et René DELAFOSSE, Assesseurs, Avec l assistance de Maître DOUHO THEMAUBLY Danielle, Greffier, A rendu le jugement dont la teneur suit dans la cause entre : - LA SOCIETE LIDER KOZMETIK, de droit turc, dont le siège social est à Mimar Sinan Mahaliesi Yunus Emre Caddesi, n 38 Dilovasi, EBZE-KOCAELI, TURQUIE ; - LA SOCIETE SIDECOM SARL, Société Ivoirienne de Commerce, rue du chevalier de Clieu, Marcory Zone 4, 18 BP 1214 Abidjan 18 ; Demanderesses représentées par Maître Michel Henri KOKRA, Avocat près la Cour d Appel d Abidjan ; Et d une part, - LA SOCIETE UNILEVER CÔTE D IVOIRE, Société Anonyme sis à Abidjan, Boulevard de Vridi, 01 BP 1751 Abidjan 01 ; Défenderesse représentée par Maître AMON Sévérin, Avocat près la Cour d Appel d Abidjan ; d autre part, 1
Enrôlée pour l audience du 17 octobre 2013, l affaire a été appelée, puis renvoyée au 24 octobre 2013 pour une tentative de conciliation ; Après l échec de la tentative de conciliation, le tribunal a ordonné une instruction confiée au juge KACOU Bredoumou, puis a renvoyé l affaire au 28 novembre 2013 ; L affaire étant en état de recevoir une décision, elle a été mise en délibéré pour le 12 décembre 2013, lequel délibéré a été prorogé au 19 décembre 2013 puis au 26 décembre 2013 ; Advenue ladite audience, le tribunal a vidé son délibéré comme suit : Vu les pièces du dossier ; LE TRIBUNAL Vu l échec de la tentative de conciliation ; Ouï les parties en leurs fins, demandes et conclusions ; Et après en avoir délibéré conformément à la loi ; FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES Par exploit d huissier en date du 02 août 2013, les Sociétés LIDER KOZMETIK et SIDECOM SARL ont assigné la Société UNILEVER Côte d Ivoire, à comparaître le 08 octobre 2013 devant le tribunal de ce siège à l effet d entendre : - condamner la société UNILEVER à leur payer respectivement les sommes de 200.000.000 FCFA et 500.000.000 FCFA à titre de dommages et intérêts ; - condamner la défenderesse aux dépens. A l appui de leur action, elles exposent que par 2
ordonnance N 171/2013 rendue le 17 juin 2013 au pied d une requête en date du 14 juin 2013, la société UNILEVER Côte d Ivoire SA, se prévalant elle-même de droits prêtés à la société UNILEVER PLC, de droit anglais, sur des marques prétendument enregistrées «AXE» et «REXONA» sous les numéros 3200701827, 320071828 et 40481, a été autorisée par la juridiction présidentielle de la Section de Tribunal de Sassandra, à faire procéder à «la description détaillée, avec saisie, en tous lieux des produits MAJIX SPORT et REXSOSMEN COBALT», produits par la société LIDER KOZMETIK et distribués en Côte d Ivoire par la société SIDECOM ; Que, Maître KONE Daouda, Huissier commis, a procédé à l exécution de cette ordonnance selon procès-verbal dit de «CONSTAT DE PRODUITS CONTREFACONS VALANT SAISIE» du 22 juin 2013, procédant à la saisie réelle de quatre cent quarante-six (446) produits argués de contrefaçon appartenant et distribués par elles ; Que par ordonnance de référé N 278/13 rendue le 23 juillet 2013 par Monsieur le Président de la Section de Tribunal de Sassandra, la demande en nullité, mainlevée de la saisie et restitutions des biens a été jugée comme suit : «PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement en matière de référé d heure à heure et en premier ressort ; Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu elles aviseront mais dès à présent, vu l urgence ; Nous déclarons compétent ; Déclarons recevable l action des sociétés LIDER KOZMETIK et SIDECOM SARL ; Donnons acte à UNILEVER CI de la mainlevée par elle faite de la saisie description du 22 juin 2013 ; Ordonnons en conséquence la restitution des biens saisis dans les sept (7) jours du prononcé de la présente décision, sous astreinte comminatoire de cinq cent mille (500.000) francs CFA par jour de retard ; Déboutons les demanderesses du surplus de leur demande ;» Que l action de la société UNILEVER Côte d Ivoire 3
est une action téméraire et abusive qui leur cause un préjudice important qu il convient de réparer. Que le caractère téméraire et abusif de cette action vient d une part de ce que la société UNILEVER n a aucune qualité pour agir en contrefaçon contre elle parce que titulaire seulement d un exclusif d usage, et d autre part de ce que le procès-verbal de saisie description est nul parce qu il n y a aucune description et que la saisie a excédé les limites de la requête et de l ordonnance. Elles ajoutent que l action en contrefaçon initiée par la défenderesse contre elle n est pas fondée et constitue une voie de fait, un abus à l origine d un trouble illicite de jouissance. Elles font valoir que les saisies intempestives et abusives de la défenderesse leur ont causé des préjudices matériels financiers et moraux importants, qu elles évaluent pour LIDER KOZMETIK à la somme de deux cent millions (200.000.000) de francs CFA et pour la société SIDECOM à la somme de cinq cent millions (500.000.000) de francs CFA. La défenderesse s oppose à cette action. Elle soulève l irrecevabilité de l action de la société SIDECOM qui ne justifie pas de titre d exploitation des marques dont elle se prévaut. Au fond, elle fait valoir qu elle n a commis aucune faute parce que, bien que n étant pas propriétaire de la marque REXONA, son action visait à assurer la protection d un droit juridiquement protégé appartenant à un tiers, de sorte que les circonstances de la saisie imprime la bonne foi à son attitude. Elle ajoute que les défenderesses ne justifient pas les préjudices allégués. En la forme SUR CE Sur le caractère de la décision La défenderesse a été assignée à son siège social et a conclu. Il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard. 4
Sur la recevabilité de l action La société UNILEVER Côte d Ivoire soulève l irrecevabilité de l action de la société SIDECOM au motif que celle-ci ne justifie d aucun titre d exploitation des marques dont elle se prévaut. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l action de la société SIDECOM, distributeur des produits livrés par la société LIDER KOZMETIK ne vise pas la protection d un droit d exploitation d une marque mais a plutôt pour objet, la réparation d un préjudice que cette société prétend avoir subi à la suite de la saisie effectuée par la société UNILEVER portant sur les produits à elle livrés. Il en résulte que le moyen de la société UNILEVER Côte d Ivoire n est pas opérant et doit être rejeté, car pour cette action la société SIDECOM justifie incontestablement d un intérêt à agir, atteinte ayant, selon elle, été portée à ses activités commerciales et à son patrimoine. L action de la société SIDECOM, de même que celle de la société LIDER KOZMETIK, ayant été régulièrement introduites, il y a lieu de les déclarer recevables. Au fond Sur la demande en paiement de dommages et intérêts Les sociétés LIDER KOZMETIK et SIDECOM estiment que la procédure de saisie contrefaçon initiée à leur encontre par la défenderesse est téméraire et abusive de sorte qu elles sont en droit de solliciter la réparation du préjudice que leur a causé ladite procédure. L article 1382 du code civil dispose : «Tout fait quelconque de l homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer». 5
Il s évince en l espèce des pièces du dossier que suivant procès verbal en date du 22 juin 2013, la société UNILEVER Côte d Ivoire a fait saisir dans les magasins de la société SIDECOM à San Pédro, les produits Rexsosmen Colbat et Majix Sport changement considérés selon elle comme des contrefaçons de sa marque Rexona Colbat et Axe Twit2t. A l analyse, cette saisie dont mainlevée a été donnée par la société UNILEVER Côte d Ivoire elle-même au cours de l instance en nullité initiée devant le juge des référés de la Section de Tribunal de Sassandra par les sociétés SIDECOM et LIDER KOZMETIK est entachée d irrégularités. En effet, n étant pas titulaire des marques Rexona et Axe dont elle n a que le droit exclusif d usage résultant d un contrat de licence de marque la liant à la société UNILEVER PLC, la défenderesse n avait pas qualité pour exercer l action en contrefaçon conformément aux dispositions de l article 46 Annexe III de l Accord de Bangui Révisé. Elle n a pas non plus obtenu mandat du titulaire de la marque pour agir en son nom et pour son compte. En outre, il n est pas procédé dans le procès verbal à la description détaillée des produits saisis. Par ailleurs, l examen du procès-verbal de saisie révèle qu il a été procédé au-delà de ce qui a été judiciairement autorisé. Ces fautes commises par la société UNILEVER Côte d Ivoire constituent un abus dans l exercice d une voie de droit, qui ont causé des troubles illicites de jouissance à la société SIDECOM et LIDER KOZMETIK. Il est constant que celles-ci ont été irrégulièrement dépossédées des produits querellés ; ce qui manifestement a contribué d une part à une baisse de leurs activités, les produits enlevés étant ainsi soustraits à la vente, et d autre part à une atteinte à l image et à la réputation des demanderesses à cause de la dépréciation de leurs marques aux yeux de la clientèle, dépréciation 6
causée par la saisie abusive effectuée par la défenderesse. Le lien de causalité entre la faute de la société UNILEVER Côte d Ivoire et le préjudice subi par les demanderesses étant établi par les éléments cidessus relevés, il convient de retenir la responsabilité de ladite société. Cependant les dommages et intérêts sollicités par les sociétés SIDECOM et LIDER KOZMETIK en réparation dudit préjudice sont excessifs en tenant compte des circonstances de la cause et des éléments du dossier. Il convient de les réduire à de justes proportions et de condamner la société UNILEVER Côte d Ivoire à leur payer, à ce titre, respectivement les sommes de cent millions (100.000.000) de.francs CFA et cinquante millions (50.000.000) de francs CFA. Sur les dépens La société UNILEVER Côte d Ivoire succombe à l instance. Il y a lieu de la condamner aux dépens. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort, Reçoit les Sociétés LIDER KOZMETIK et SIDECOM SARL en leur action ; Constate la non-conciliation des parties ; Dit les Sociétés LIDER KOZMETIK et SIDECOM SARL partiellement fondées en leur action ; Condamne la société UNILEVER Côte d Ivoire à leur payer respectivement la somme de cent millions (100.000.000) de francs CFA et celle de cinquante millions (50.000.000) de francs CFA à titre de dommages et intérêts ; 7
Condamne la défenderesse aux dépens. Et avons signé avec le Greffier./. 8