Douleurs idiopathiques
Un certain nombre de douleurs ne trouvent pas de place claire dans les systèmes de classification courants. Ces douleurs sont mal comprises, mal définies, mal évaluées et souvent mal traitées. Le profil psychologique particulier des personnes souffrantes, leur demande pressante de soulagement et l impossibilité du praticien à y répondre compliquent encore la situation. Du fait de la ressemblance des tableaux cliniques, que les entités sont souvent présentes simultanément ou successivement sur un même patient, qu elles partagent des facteurs de risques et que leur étiologie et physio-pathogénie sont pour l'essentiel inconnues, il a été proposé de les regrouper dans le concept d'algies orofaciales idiopathiques (Feinmann, 1996 ; Harris, 1996, Woda Pionchon 2001, Woda et al 2005).
Il pourrait s agir d une même entité, mais avec une expression différente: -Os(AFA) -Dent(OA) - Articulation (ADAM) - Muqueuses (stomatodynie)
Algie Faciale Atypique (AFA) Odontalgie atypique (OA) ADAM stomatodynies? Woda et Pionchon. Algies oro-faciales idiopathiques : sémiologie, causes et mécanismes Rev Neurol (Paris). 2001 ;157(3):265-83. Woda et al. Towards a new taxonomy of idiopathic orofacial pain. Pain. 2005, 116(3):396-406.
1. L'algie faciale atypique (AFA) Sémiologie : la douleur est l élément majeur du tableau clinique. Son intensité est variable, pouvant être qualifiée d atroce, horrible. Elle est localisée à la bouche, aux maxillaires ou à la face. Elle est souvent décrite comme une brûlure ou comme mécanique, à type de tiraillement, constriction, serrement, percement, mouvement dans l'os. La douleur est continue mais n'apparaît que lors des périodes de veille. Il n'existe pas de réelle zone gâchette même si la douleur peut être aggravée par la mastication ou la phonation par exemple. Les épisodes d'aggravation n'ont jamais le caractère paroxystique des névralgies essentielles. Avec le temps, la douleur s'étend vers des territoires plus vastes sans respecter les zones d'innervation des branches trigéminales ou cervicales. Elle se bilatéralise dans un tiers des cas.
La douleur est quelquefois associée à des dysesthésies, des paresthésies ou une allodynie. Des symptômes ou signes associés de type sympathique ou vasculaire sont également souvent présents : impression de chaleur, de gonflement des muqueuses ou des tissus péri maxillaires (érythème, œdème), modifications observables ou non du débit salivaire, et élévation de la température au niveau de l'apex des deux dernières molaires maxillaires. Une forte proportion de patients rapporte également l'existence de symptômes généraux associés comme des douleurs chroniques cervicales ou lombaires, des migraines, des troubles cutanés prurigineux, des troubles digestifs fonctionnels, ou des dysménorrhées. Etio-pathogénie : elle n est pas connue. La douleur peut avoir été précédée d'un traumatisme accidentel ou plus souvent chirurgical (dentaire, ORL, maxillo-facial).
signes psychologiques associés fréquents: dépression, anxiété, cancérophobie, stress intense, présence d'un événement familial ou professionnel déstabilisant dans les 6 mois ayant précédé l'apparition des symptômes Cpdt, l'existence d'un lien causal entre ces facteurs et la maladie algique n est pas prouvée.
Traitement Les analgésiques usuels sont peu efficaces, voire totalement inutiles. L'anesthésie locale de la zone édentée fait disparaître les douleurs. Une très forte demande de traitements invasifs conduit à une errance thérapeutique (7,5 praticiens consultés en moyenne) et à de multiples interventions sans autre effet qu'une aggravation de la sémiologie et la constitution d'un secteur édenté. Cet édentement entraîne une impotence fonctionnelle car la prothèse dentaire amovible est mal supportée. Toutefois, la capacité à travailler n'est que relativement peu diminuée.
Famille Molécule Dénomination commerciale dose usuelle Antiépileptiques Carbamazépine Phénytoïne Tégrétol Dihydan 400/1600mg/j 200/300mg/j Gabapentine Lamotrigine Neurontin Lamictal 1800/3600mg/j 50/200mg/j Antidépresseurs - Tricycliques Imipramine Amitryptiline Doxépine Désipramine Nortriptyline Clomipramine Tofranil Laroxyl Quitaxon Pertofran Motival Anafranil 50/350mg/j 25/150mg/j 25/100mg/j 12,5/250mg/j 20/30mg/j 50/150mg/j -IRS Fluvoxamine Fluoxétine Floxyfral Prozac 100/300mg/j 20/60mg/j Principaux médicaments utilisés dans le traitement des douleurs neuropathiques. IRS= inhibiteurs de la recapture de la sérotonine.
2. L'odontalgie atypique (OA) Sémiologie: - Douleur est localisée au niveau d'une dent dont l'état ne peut expliquer l'existence de la symptomatologie (ref Marbach). - Les prémolaires et molaires sont les plus souvent concernées, et le maxillaire l'est plus que la mandibule. - La douleur peut migrer dans des zones voisines, notamment après l extraction de la dent algique. - Le patient désigne alors une autre dent qui sera à son tour traitée ou extraite, ce qui aggrave la situation et transforme l'odontalgie en algie faciale atypique. -L interrogatoire révèle souvent un ou plusieurs traumatismes susceptibles d avoir lésé des éléments nerveux, tels que des pulpectomies, extractions, chirurgie sinusienne qui pourraient donc laisser supposer un mécanisme de type neuropathique pour ces douleurs. -Traitement identique AFA
3. Stomatodynies Woda et al. Towards a new taxonomy of idiopathic orofacial pain. Pain. 2005 Aug;116(3):396-406.
Sémiologie : Le signe clinique principal est la douleur, décrite le plus souvent comme des brûlures de la langue et moins fréquemment des autres muqueuses bucco pharyngées : palais, gencives, lèvres et pharynx. Aucune lésion visible ne permet d expliquer la symptomatologie mais des travaux récents laissent supposer une origine neuropathique. Dans les cas typiques, la zone douloureuse est bilatérale et symétrique. L'intensité de la douleur est variable, d'une simple dysesthésie à une douleur invalidante. La douleur est continue, quotidienne et presque exclusivement diurne en dépit de possibles perturbations du sommeil. Elle est généralement spontanée, mais peut être déclenchée ou aggravée par l'ingestion de certains aliments en particulier épicés ou acides. A l'inverse, la prise de nourriture ou de boissons peut diminuer les sensations douloureuses. D'autres circonstances liées à l'activité quotidienne sont également susceptibles de moduler la symptomatologie. La douleur persiste généralement pendant plusieurs années mais il existe des périodes de rémission. Xérostomie, soif et dysgueusie sont fréquentes. Les symptômes de brûlure et sécheresse peuvent également être ressentis dans d autres muqueuses, vaginale notamment. Des désordres psychiques sont également rencontrés, parmi lesquels la dépression, l'anxiété, la cancérophobie, mais ne sont pas systématiquement associés.
étiopathogénie Lauria G. Small fibre neuropathies. Curr Opin Neurol. 2005 Oct;18(5):591-7. Review
Traitement Clonazepam: (Rivotril ), cps 2mg ou 0,5mg quadrisécables. Protocole : 1mg, sucer 3min, cracher, 3 fois par jour pendant 14 jours A. Woda: Gremeau-Richard C et al. Topical clonazepam in stomatodynia: a randomised placebocontrolled study. Pain. 2004, 108:51-7.
Fig. 2. Effect of clonazepam in the 24 patients belonging to the active treatment group. For each patient the numerical pain scale (NS) scores was recorded before treatment (grey) and 14 days after the first application (black). The three groups were set up from the results. Group 1, very successful treatments, the NS score decreased by 4 7 units; group 2, partially successful treatments, with NS score decrease of 2 or 3 units; and group 3, unsuccessful treatments.
4. ADAM