KARIBE CONVENTION CENTER



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Transcription:

RAPPORT DE LA CONFÉRENCE SUR LA RELANCE DU CRÉDIT À LA PRODUCTION KARIBE CONVENTION CENTER PÉTION-VILLE, HAITI 9-10 JUIN 2014

Rapport de la Conférence sur la relance du crédit à la production Table des matières I- Programme de la Conférence II- Introduction Générale - Contexte de la conférence - Objectifs de la conférence III- Exposé de Monsieur Auguste Kouamé (conférencier d honneur) IV- Minutes des présentations et des ateliers V- Principales recommandations issues de la conférence VI- Biographies des Intervenants. 2

I.- PROGRAMME DE LA CONFÉRENCE Lundi 9 juin 2014 8h00 : 8h30 : 8h40 : 9h10 : 9h30 : Accueil des participants Ouverture de la conférence Présentation du cadre macroéconomique et perspectives pour les prochaines années (un Panel de la Banque de la République d Haïti, présidé par M. Fritz Duroseau, Membre du Conseil d'administration) Échanges avec les intervenants Thème I : Identification et minimisation des contraintes à l investissement, à la production et au crédit The Latin America's experience in credit growth to finance high-value-added projects: successful cases; approaches and strategies used (Mr. Alessandro Bozzo, General Manager, FOGAPE (FondoGarantíaPequeñoEmpresario)) 10h10 : 10h30 : 11h00 : 11h30 : 12h10 : 12h50 : 13h20 : 14h20 : 14h45 : 15h35 : 16h35 : Échanges avec M. Alessandro Bozzo [Pause-café] Entraves au crédit en général et à la production en particulier/ Expérience du secteur bancaire haïtien (M. Maxime D. Charles, Président, Association Professionnelle des Banques) Caribbean experience in credit recovery, development finance and promotion of foreign direct investments (Dr. Alan Slusher, Consultant, Banque Centrale de Bélize) Concept et pratique de gouvernance économique (Dr. Ludovic Comeau Jr., Professeur, DePaulUniversity (Chicago)) Échanges avec les intervenants [Déjeuner] Thème I (suite) : Identification et minimisation des contraintes à l investissement, à la production et au crédit Corporate banking, investissement et crédit à la production (Mme Gladys Coupet, Présidente du Conseil d'administration, Banque de l'union Haïtienne) Crédit à la micro-entreprise/production et commerce (M. Jocelyn St. Jean, Directeur Général, Fédération des Caisses Populaires Haïtiennes Le Levier) Échanges avec les intervenants Clôture de la journée Mardi 10 juin 3

8h30 : 8h40 : 9h00 : 9h30 : 9h55 : 10h50 : Ouverture de la deuxième journée Synthèse de la journée précédente (Rappel) Thème II : Initiatives pour la modernisation du secteur financier Innovation et développement des PME (M. Charles Clermont, Vice-Président, SOFIHDES) How the Jamaica Stock Exchange could contribute in the deepening of the Haitian financial sector(mr. Leo Williams, Executive Director, Jamaica Stock Exchange) Financial inclusion strategies and economic growth (Mr. Juan Buchenau, Banque Mondiale) [Pause-café] Thème III: Secteurs porteurs identifiés ; opportunités et obstacles 11h20 : Sustainable community development and long term growth in Haiti (Mr. Emmanuel Stefanakis, Sustainable Strategies International) 11h45 : Agriculture et production aviaire (M. Michel Chancy, Secrétaire d'état à la Production Animale) 12h10 : L expérience du financement et d assurance agricole en Haïti (M. Claude Lapointe, Représentant de Desjardins International en Haïti) 12h40 : Restauration, Hôtellerie et Secteur Culturel, Contraintes et Perspectives (Ministère du Tourisme) 13h05 : Échanges avec les intervenants 13h30 : [ Déjeuner ] Thème III (suite) : Secteurs porteurs identifiés ; opportunités et obstacles 14h30 : Politiques publiques, coopération internationale et production nationale (M. Raymond Lafontant Jr., Consultant, Cadre Intégré Renforcé, OMC) 14h55 : Compétitivité de l économie haïtienne/secteurs compétitifs et à forts potentiels (M. Pierre-Marie Boisson, Président Directeur Général, SOGESOL) 15h25 : Échanges avec les intervenants 15h55 : Synthèse de la journée 16h30 : Discours de clôture de la conférence (M. Jean Baden Dubois, Directeur Général, Banque de la République d'haïti) 4

II.- INTRODUCTION GENERALE La conférence sur la relance du crédit à la production organisée par la Banque de la République d Haïti dans le cadre des activités commémoratives du 35 ième anniversaire de cette institution s est tenue les 9 et 10 juin 2014 au Karibe Convention Center à Pétion-Ville, Haïti. La cérémonie d ouverture de la conférence s est déroulée dans la soirée du 8 juin 2014 au même endroit. Au cours de cette cérémonie, le Gouverneur de la Banque de la République d Haïti, Monsieur Charles Castel, a prononcé le discours inaugural et présenté le mot de bienvenue à l assistance composée de distingués invités, des intervenants locaux et étrangers ainsi que des participants qui vont animer les deux jours de conférence. Dans son discours, le Gouverneur a mis l accent sur le contexte et les principales raisons qui ont justifié la réalisation de cette conférence. Après le discours du gouverneur, le conférencier d honneur (keynote speaker), Monsieur Auguste Kouamé a fait un brillant exposé de ses connaissances de la problématique du crédit bancaire au secteur privé dans les pays en voie de développement dont Haïti en évoquant sa longue expérience dans le secteur financier acquise en travaillant dans ces pays. Cette soirée s est terminée par un moment de convivialité autour d un buffet copieux dans une ambiance musicale animée par deux musiciens haïtiens de renom : Beethova Obas et Claude Carré. Ce rapport vise à fournir un résumé des faits saillants relevés des différentes présentations et toutes autres informations pertinentes relatives à cette conférence. 2.1 Contexte de la Conférence Après le séisme dévastateur du 12 janvier 2010, la Banque de la République d Haïti a mis en œuvre une série de mesures d assouplissement monétaire visant à stimuler le crédit bancaire au secteur privé dans le but de contribuer aux efforts de reconstruction du pays et aussi de relancer l économie nationale après cette catastrophe dont les dégâts sont estimés à près de 120 % du PIB. Ces mesures ont donné de bons résultats en termes de croissance du crédit à l économie. En effet, De 2009 à 2013, le crédit privé a presque doublé passant de 35.41 à 63.28 milliards de gourdes, ce qui représente une augmentation de 79% sur une période de quatre ans. Cependant, nous 5

sommes encore loin d une situation idéale puisque, d abord l activité économique reste insuffisamment financée et ensuite le financement bancaire n est pas orienté vers les secteurs porteurs de l économie et les activités productives à haute valeur ajoutée. En dépit de cette avancée, le système bancaire ne prête pas assez comparativement à d autres pays puisque c est seulement 43 % des dépôts collectés par les banques qui sont convertis en prêts, alors que dans la région de la Caraïbe, 65 % des dépôts bancaires, en moyenne, sont utilisés pour accorder des prêts au secteur privé. Pour atteindre ce niveau, notre système bancaire devrait accorder des prêts additionnels de l ordre de 28 milliards de gourdes. De plus, la plus grande partie du crédit bancaire, soit près de 60 %, est octroyée au secteur commercial à très peu de valeur ajoutée et n ayant pas d effets induits significatifs sur les autres branches de l économie, tandis que certains secteurs porteurs de croissance et des créneaux à fort potentiel de compétitivité reçoivent très peu ou pas du tout de crédit bancaire. A titre d exemple, l agriculture qui occupe la plus grande partie de la population active du pays et dont la contribution au PIB est près de 25 % est le secteur économique le moins financé. Il est paradoxal que dans ce contexte de stabilité macroéconomique et financière qui a caractérisé le pays au cours de ces dix dernières années que la distribution du crédit reste encore biaisée au détriment du secteur productif de l économie. Par ailleurs, le crédit accordé au secteur commercial qui est en grande partie utilisé pour les activités d importations n est pas sans conséquence pour la stabilité macroéconomique en renforçant les pressions sur le marché des changes par l augmentation de la demande de devises, pour ne citer que cela. C est bien sur la base de toutes ces considérations que le Conseil d Administration de la Banque de la République d Haïti, encouragé par le gouvernement de la République, a pris l initiative d organiser cette conférence. 2.2 Objectifs de la Conférence L objectif visé par cette conférence est de fournir un forum aux professionnels, experts et spécialistes nationaux et internationaux travaillant dans différentes sphères du système de crédit en particulier et du financement de la production en général, pour analyser et discuter intensivement la problématique du crédit à la production dans ses 6

différents aspects. Ces analyses et discussions permettront de faire un état des lieux qui portera à identifier les contraintes, défis, et opportunités auxquels sont confrontés les acteurs de l offre et de la demande de crédit et déboucheront sur des recommandations relatives aux actions à entreprendre et aux politiques à mettre en œuvre pour promouvoir la relance d un crédit bancaire qui sera désormais plus favorable aux activités productives de l économie. Un tel crédit a des implications positives pour la croissance économique et la création d emplois et contribuera en même temps à assurer le maintien de la stabilité économique et financière. 7

III.- Exposé de M. Auguste Kouamé lors de la Cérémonie Inaugurale de la Conférence Dans son allocution de la soirée inaugurale du 8 juin 2014, M. Auguste Kouamé (Banque Mondiale) a commencé par souligner l adéquation de la conférence par rapport aux objectifs de la BRH. Il a ensuite décrit le rôle structurel du crédit, les limites d une politique visant sa stimulation, les conditions du succès d une telle politique ainsi que les questions relatives à un tel thème dans le contexte haïtien. M. Kouamé a ainsi rappelé que dans un contexte où les politiques de stabilisation macroéconomique de la BRH ont connu un succès significatif, il était tout à fait approprié que la Banque Centrale se penche sur des questions relatives à la croissance et au développement. En ce sens, la justification de la conférence découle de la corrélation observée entre le crédit et la croissance économique 1, notamment dans le cadre des pays en développement, lesquels sont censés être dans un processus de rattrapage par rapport aux pays à hauts revenus. Si dans ces derniers, on tend à penser que les politiques de stimulation du crédit ont un objectif principalement conjoncturel, il convient de se rappeler que dans les économies moins avancées, les contraintes de financement sont un frein structurel à la capacité des entreprises de produire. Il existe toutefois des limites à l efficacité de telles politiques. Ainsi, les effets des mesures de stimulation du crédit peuvent être modestes, si l on est en présence de marchés financiers de faible profondeur. Les déficits du cadre institutionnel peuvent aussi se révéler être un frein tout comme la prévalence d une forte inflation. La stimulation du crédit à des fins de production peut également occasionner des fuites vers le financement de la consommation, lequel peut conduire à une hausse des importations et du déficit commercial. Elle peut aussi contribuer à la détérioration du portefeuille des banques ou favoriser les principaux secteurs existants sans qu ils ne regroupent nécessairement des activités à forte valeur ajoutée. 1 Voir les travaux de Philippe Aghion et de Patrick Bolton 8

Pour s assurer de l efficacité d une politique de stimulation du crédit, trois conditions préalables devraient être en place. Il s agit de : La stabilité macroéconomique ; L existence d un environnement attractif pour les investissements ; Partant de ce constat, on peut au moins se poser quatre questions sur le crédit dans le contexte haïtien : La politique de crédit en Haïti a-t-elle joué jusqu à date un rôle moteur dans la production et la croissance? Le secteur financier a-t-il su jouer son rôle d intermédiaire pour soutenir la production? Quel serait le rôle du crédit dans le cadre d une politique de réduction de la pauvreté et de croissance économique partagée? Quelles seraient les implications pour la politique monétaire de la mise en place de mesures visant à stimuler le crédit à la production? Sur cette dernière question, M. Kouamé reconnaît que le rôle principal dévolu à la Banque Centrale concerne la stabilité monétaire et financière et non la mise en place d une politique de croissance économique. Toutefois, les considérations liées à la croissance ne sont pas étrangères à la fonction de banque centrale. Sur ce point, il convient de se rappeler qu en Haïti, le niveau de crédit n est pas toujours déterminé par les taux d intérêt. Il s en suit qu une hausse des taux d intérêt directeurs peut ne pas immédiatement affecter le crédit de façon négative. Des mesures visant à encourager l utilisation du «leasing», la mise en place de fonds de garantie partielle et des réformes dans un domaine comme le cadastre peuvent ainsi s avérer plus déterminantes pour la stimulation du crédit à la production. 9

IV- MINUTES DES PRESENTATIONS ET DES ATELIERS 4.1 Les Travaux de la Première Journée de la Conférence Thème I : Identification et minimisation des contraintes à l investissement, à la production et au crédit L EXPERIENCE DU FONDS DE GARANTIE PARTIELLE DES PME AU CHILI (FOGAPE) par M. Alessandro Bozzo. M. Alessandro Bozzo, à travers sa présentation de l expérience du FOGAPE (Fondo de Garantía para los Pequeños Empresarios) 2, a donné l exemple d une structure financière permettant de contourner les différentes contraintes au crédit bancaire et à l investissement dans le cadre de l économie émergente qu est le Chili. Créé en 1980 et géré par une banque publique, «Banco Estado», le FOGAPE joue le double rôle de fonds de garantie partielle pour les PME et de compagnie de réassurance des cautions accordées par les institutions de garantie réciproque. Le modèle utilisé par le FOGAPE a ceci de particulier que le fonds ne réalise pas lui même les analyses des risques des entreprises dont il entend se porter garant, laissant aux banques traitant avec les PME le soin de réaliser cette tâche. Ceci permet au FOGAPE de fonctionner avec un personnel réduit (8 employés) comparativement à des agences similaires opérant dans d autres pays de l Amérique Latine. Partant de ce modèle, les résultats obtenus par le FOGAPE tels que présentés par M. Bozzo témoignent de l impact significatif des actions du fonds sur les activités des PME chiliennes. En effet, alors que trois entreprises bénéficiaient de la garantie du FOGAPE en 1998, ce nombre est passé à environ 32 par année récemment. De plus, depuis 2000, 11 milliards de dollars de financement ont été accordés et 7,5 milliards de dollars de garantie ont été fournies. Les principaux secteurs bénéficiant de l appui du fonds étant le commerce, l agriculture et le transport., Alors que 63% des opérations du 2 Latin America's experience in credit growth to finance high-value-added projects : successful cases; approaches and strategies used. 10

FOGAPE visent à financer les fonds de roulement des PME, 37% sont destinés aux investissements de long terme. Une évaluation des résultats du FOGAPE 3 a fait ressortir l impact positif et significatif du fonds sur le volume de crédit obtenu par les PME ainsi que sur leur probabilité d accès au système financier formel dans la zone métropolitaine au Chili. Ainsi, le volume de crédit a cru de 40% sur la période considérée et 14% des clients accédaient pour la première fois au système financier formel. De plus, en moyenne, les entreprises bénéficiant de la caution du FOGAPE ont vu leurs ventes et leurs profits augmenter de 6% et de 4% respectivement. Il convient également de souligner la forte implication du FOGAPE dans le financement de concessions accordés par l État à des opérateurs privés dans le cadre de projets d infrastructures (routes à péage par exemple) notamment dans le cadre des programme de reconstruction faisant suite aux séismes ayant affecté le Chili. LES ENTRAVES A LA DISPENSE DU CREDIT EN HAITI par M. Maxime D. Charles. La présentation de M. Maxime D. Charles de l APB 4 a été l occasion de revenir sur les contraintes structurelles à l expansion du crédit au secteur privé. Après avoir présenté certaines caractéristiques majeures du système financier haïtien, à savoir la prépondérance du secteur bancaire dans le cadre d une petite économie dépendante des flux de transferts privés et de l aide internationale. C est dans ce cadre que viennent se greffer des contraintes structurelles majeures en dépit d une augmentation sensible du montant des prêts accordés par le système bancaire, lequel est passé de 23 milliards de gourdes en juillet 2005 à 65,9 milliards en mai 2014. Ces contraintes ont été regroupées en sept catégories : La pauvreté de l information financière Le manque de capital 3 Étude réalisée par Quiroz, Larrain et J. M. Benavente 4 Entraves à la dispense du crédit en Haïti 11

Le coût du crédit Les questions d identité Les faiblesses du système foncier Les déficiences du cadre légal Les carences du système judiciaire La pauvreté de l information financière La pauvreté de l information financière a été présentée comme découlant, entre autres, de la faiblesse de l information fiscale accompagnée d une rareté d états financiers fiables et de plans d affaires valables. Ces obstacles étant rendus plus criants par l absence de ressources fondamentales pour l évaluation de la situation financière de potentiels emprunteurs tels qu un Bureau de Crédit ainsi qu un plus grand nombre de cadres qualifiés et rompus à l exercice de l analyse des risques et opportunités associés à la dispense du crédit. Le manque de capital Le faible niveau actuel du stock de capital domestique a été décrit comme la résultante de catastrophes naturelles récurrentes et de nombreux épisodes de troubles sociopolitiques, tels que la période de l embargo. Cette confluence de chocs négatifs a conduit à une paupérisation croissante ainsi qu à la décapitalisation progressive des agents économiques. Le coût du crédit Les coûts administratifs tels que les commissions, agios et autres frais légaux (arpentage, enregistrements hypothécaires auprès des notaires, ) s additionnent aux couts infrastructurels (énergie, sécurité, ) substantiels et contribuent à maintenir des taux d intérêts élevés et à alourdir la charge supportée par les emprunteurs. Ces contraintes demeurent importantes malgré l adoption de mesures visant à les atténuer au lendemain du séisme de 2010 (élimination de réserves obligatoires sur le montant des fonds alloués au crédit immobilier, réduction des frais d enregistrement hypothécaires, ). 12

Les questions d identité L absence d un véritable système d identification nationale constitue un frein additionnel à l inclusion financière et à une plus large distribution du crédit, vu que les documents d identification valides et à jour demeurent rares. Ce problème est magnifié par la précarité de l habitat ainsi que la mobilité d une large couche de la population, laquelle n a fait qu augmenter suite au séisme de 2010. Les faiblesses du système foncier Cette déficience se retrouve également au niveau du système foncier, lequel est marqué par l absence de cadastre et des titres de propriété souvent contestés. De même, les risques élevés de squattérisassions et l absence de zoning soumettent les propriétés immobilières à une menace constante de réduction de leur valeur marchande. Les déficiences du cadre légal Malgré l adoption récente de certaines lois économiques (sur la copropriété par exemple), le corpus législatif dans ce domaine demeure insuffisant et inadapté. Le code de commerce date ainsi de plus de 50 ans alors qu il n existe pas de législation sur le commerce électronique. Le processus d adoption des nouvelles législations dans ce secteur demeure lourd alors qu une certaine réticence des juristes à faire évoluer les normes professionnelles est observée. Les carences du système judiciaire Le nombre de tribunaux n a pas augmenté en rapport avec la croissance de la population, la carence persistante en matériels de travail et le manque de formation des juges et de leurs auxiliaires font que le système judiciaire ne soit pas à même de répondre aux demandes que susciterait une croissance soutenue du crédit au secteur privé. 13

Perspectives et mesures à prendre En vue de minimiser les contraintes à la croissance du crédit, un ensemble de mesures devraient être envisagé telles que : Établir un système d identification fiable : en ayant recours aux informations disponibles auprès d acteurs sociaux tels que des employeurs, des associations diverses, des donateurs ou des églises ; Adopter de nouvelles lois à caractère économique : notamment dans le domaine des assurances, du bureau de crédit, du code de commerce et des loyers ; Renouveler régulièrement la loi bancaire et autres lois économiques en fonction des derniers développements sociaux, financiers et technologiques ; Raffermir, protéger le droit de propriété ; Promouvoir les modes alternatifs de résolution des conflits (comme c est le cas avec la Chambre de Conciliation et d Arbitrage) ; Améliorer la formation des juges et des agents para-légaux ; Réduire et plafonner les frais légaux ; Promouvoir la bonne gouvernance. Pour arriver à mettre en œuvre ce train de mesures, des changements d attitude au niveau des différents acteurs devraient se matérialiser. Ces changements concerneraient par exemple le renforcement du dialogue public-privé suivant le modèle adopté dans le cadre de l adoption de la «loi anti-blanchiment» par le parlement. Ils devraient également conduire au raffermissement des associations socioprofessionnelles, afin de permettre à leurs membres de se constituer en interlocuteurs majeurs auprès des décideurs (suivant l exemple récent de la réaction de l ATH à la suite de l obligation faite par la BRH de facturer en gourdes les transactions effectués sur les cartes de crédit domestiques). De façon générale, la responsabilité citoyenne devrait être promue en vue de favoriser l engagement des différentes couches de la société dans les débats publics. 14

L EXPERIENCE DES PAYS DE LA CARAÏBE DANS LA PROMOTION DU CREDIT AU SECTEUR PRIVE Par Dr. Alan Slusher. La présentation du Dr Alan Slusher de la Banque Centrale du Bélize visait à camper le cadre des petites économies ouvertes, tel que c est souvent le cas des pays de la Caraïbe, et de souligner comment leurs caractéristiques particulières peuvent nécessiter l adoption de mesures de politique monétaire non orthodoxes. Les petites économies ouvertes sont ainsi caractérisées par leur statut de preneurs de prix sur les marchés internationaux, tant à l export qu à l import. Dans ce contexte, les méthodes conventionnelles de la politique monétaire peuvent ne pas être adaptées puisqu elles ont été développées dans des économies de plus grande taille. Dans une optique de dépassement des obstacles au développement du crédit au secteur privé, des outils de politiques monétaires plus adaptés devraient être développés. CONCEPT ET PRATIQUE DE GOUVERNANCE ECONOMIQUE par Dr. Ludovic Comeau. Alors que d autres présentations de la conférence ont mis l accent sur la nécessité d améliorer la gouvernance afin de faire face aux contraintes structurelles au développement du crédit à des activités à haute valeur ajoutée, le Dr. Ludovic Comeau (De Paul University, Chicago) a voulu présenter un modèle à partir duquel une gouvernance de meilleure qualité pourrait émerger. Ces réflexions partent d un puzzle, à savoir, la croissance significative du crédit au cours des quatre dernières années n a pas été suivie d une croissance soutenue de l économie réelle. Après avoir défini la gouvernance économique comme «un système de gestion de la chose publique, stimulé par une vision stratégique de promouvoir le développement durable et d assurer le plus grand bien possible au plus grand nombre possible», il met en place les éléments de base d un modèle axé sur : 15

Le rôle majeur du paradigme de la politique générale en vue de dessiner une vision de long terme du développement économique; La nécessité de coopération entre l État et la Société civile en vue de concevoir ce paradigme et de mettre en œuvre cette nouvelle forme de gouvernance; La gestion des affaires publiques par des leaders visionnaires, compétents, intègres, stricts et authentiques (dans le sens de l importance accordée à l identité nationale et au patrimoine culturel). l importance de qualités spécifiques du leadership et de dimensions clés de la gouvernance elle-même (gouvernance appropriée) pour optimiser la stratégie retenue; Après avoir clarifié ces aspects qu il juge essentiels à la définition adéquate du concept de gouvernance économique, le modèle fait état de cinq dimensions jugées nécessaires pour fonder et évaluer la gouvernance économique. En l occurrence : 1. La protection du droit de propriété, qui sert d incitation majeure à l investissement productif ; 2. L exécution des contrats, qui fournit une garantie contre les postures opportunistes du type de ceux rencontrés dans des situations assimilables au «dilemme du prisonnier» ; 3. La prise en charge de l action collective par l état afin d éviter les problèmes de manque de fourniture de biens publics dus à la présence de resquilleurs (freeriders); 4. La mise en place de l état de droit suite au maintien d un climat de coopération favorable entre les différents acteurs de la société ; 5. La Nécessité d un État «fort» pratiquant une gouvernance de l équilibre entre la nécessité de coopération entre les acteurs du corps social et leur besoin d autonomie. CORPORATE BANKING, INVESTISSEMENT ET CREDIT A LA PRODUCTION par Madame Gladys Coupet. Dans une veine non sans rapport avec la présentation de Maxime D. Charles, Mme Gladys Coupet (BUH) analyse les raisons de la faiblesse du crédit accordé aux activités 16

productives comparativement à ceux orientés vers la commercialisation. Après avoir passé en revue le concept de banque d affaires (corporate banking), l importance de l investissement ainsi que la répartition du crédit actuel selon les secteurs d activités (plus de 40% au secteur des services contre 0,16% à l agriculture et 15,40% au secteur manufacturier), sa présentation a porté sur les caractéristiques du financement des grandes entreprises en Haïti, sur la réponse du secteur bancaire par rapport à la demande de crédit et sur les mesures à mettre en œuvre tant du côté du secteur public que de celui des banques en vue d encourager la production. Mme Coupet a également souligné l impact du relèvement des taux de réserves obligatoires et de son impact sur la liquidité bancaire ainsi que la capacité générale des banques à financer des activités à forte valeur ajoutée. Ainsi, alors que les entreprises haïtiennes d une taille assez considérable sont généralement adéquatement financées par le secteur bancaire, ces dernières hésitent à investir davantage en l absence d une politique claire de croissance et d un plan de relance économique, d une perception négative du «secteur privé» dans l opinion publique, des problèmes de compétitivité liés aux coûts des infrastructures (ports, électricité, etc.), du faible degré de confiance entre les secteurs privé et public ainsi que des délais et des coûts de transaction élevés (enregistrement d hypothèque, transfert de fonds, etc.). La présentatrice a également noté au passage que le secteur bancaire a su mieux répondre à la demande de crédit au cours des quatre dernières années, avec notamment un ratio de prêts sur dépôts passant de 26%, fin 2010 à 43% en mars 2014. La progression du crédit bancaire a néanmoins ralenti, si bien que le ratio sus cité est resté pratiquement inchangé entre septembre 2013 et mars 2014. À ce ralentissement tendanciel est venu s ajouter l effet de la hausse des taux de réserves obligatoires, accompagné d une exigence de couverture en gourdes de 50% sur les réserves en dollars. Cette dernière décision a eu pour effet de raréfier les liquidités en gourdes du système, diminuant ainsi de manière sensible l offre de fonds prêtables. D après Mme Coupet, si dans un contexte où les réformes structurelles en vue de relancer la production tardent à se matérialiser, la BRH «se voit obligée de protéger la monnaie 17

locale, avec un impact négatif sur la compétitivité nationale», une croissance significative du crédit au secteur productif ne pourra se faire dans un tel cadre de politique monétaire. Pour encourager la production, les initiatives à mettre en œuvre du côté du secteur public devraient tout d abord mettre l emploi et la croissance au centre des décisions gouvernementales. C est dans ce sens que la PDG de la BUH regrette que les décisions récentes d investissements dans les infrastructures routières, n aient pas adopté le revêtement en ardoquin en lieu et place de l asphalte alors que le premier a le double mérite d être plus intensif en main d œuvre et d utiliser des intrants locaux. Elle suggère également que les pouvoirs publics favorisent les entrepreneurs impliqués dans la production de biens et de services avec un impact social, en favorisant leur accès à du «capital intelligent», de travailler à améliorer le climat des affaires tel que mesuré par l indice «Doing Business». De même, dans la recherche d investisseurs étrangers potentiels, elle les invite à rechercher des «investisseurs de qualité» en lieu et place de ceux principalement intéressés par la disponibilité de la main d œuvre à bon marché. De façon générale, elle propose que les décideurs publics contribuent à une plus grande célébration de l entreprenariat et de l innovation au sein de la société en général. Par ailleurs, au niveau du secteur bancaire, encourager la production nécessiterait une plus forte coopération entre les banques de la place, à travers la provision de prêts syndiqués par exemple. Les banques devraient également développer une clientèle d «investisseurs» ayant accès à un marché financier secondaire en lieu et place de simples «déposants». De même, elles gagneraient à promouvoir beaucoup plus des instruments financiers tels que le crédit-bail qui permet d augmenter l offre de crédit tout en s assurant de la disponibilité d une garantie physique de la part de l emprunteur. Toutefois, Mme Coupet avance l hypothèse que la faiblesse du crédit à la production pourrait ne pas être la contrainte principale à une croissance soutenue de l économie réelle, car les banques locales font preuve d innovation quand des projets intéressants leurs sont présentés. L obstacle majeur se situerait plutôt au niveau de la capacité de 18

production de l économie haïtienne. Il s avèrerait donc nécessaire de créer un écosystème d entrepreneurs à partir d objectifs ambitieux tels : La création d un million d emplois dans les secteurs prioritaires; La construction de logements décents pour un millions de familles ; Le lancement d un million de PME qui aideraient entre autres à créer des emplois et à payer des taxes ; L éducation d un million de jeunes à travers la formation professionnelle et entrepreneuriale. CREDIT A LA MICRO-ENTREPRISE par M. Jocelyn St. Jean. Cette présentation s est articulée autour de l expérience de la fédération des caisses populaires, Le Levier. Après avoir présenté l historique et les objectifs de cette fédération qui rassemble 42 des plus importantes coopératives d épargne et de crédit du pays, il a passé en revue la composition du portefeuille de crédit en mettant l accent sur la présence de la fédération dans le monde rural. Par la suite, il a été présenté les points forts de «Le Levier», les contraintes auxquelles elle fait face ainsi que les perspectives à moyen terme ont été mis en exergue. Quoique le portefeuille du réseau soit dominé par le crédit commercial (34,56%), la tranche allouée à la production (agriculture, élevage et petite industrie 5 ) y occupe une place significativement plus importante (18,53%) que dans le cas des banques commerciales. L importance de l agriculture dans le crédit alloué à la production est patente puisque ce secteur d activité y compte pour 52,8%, soit un montant de 222 872 920 gourdes, cela s explique aisément par le faite que le portefeuille de crédit du réseau se concentre à 58,8% dans les zones rurales. Parmi les points forts du réseau, M. Saint Jean a souligné sa couverture géographique et les relations de proximité qu elle entretient avec les sociétaires, l existence de produits de crédit adaptés aux besoins des membres, l utilisation d un réseau informatique commun par les différentes caisses membres ainsi que l accompagnement 5 La branche petite industrie regroupe des établissements tels les boulangeries, les usines à glace, les ateliers d ébénisterie, de menuiserie et de forgerons. 19

dont elles disposent au niveau de la fédération. Toutefois, plusieurs contraintes liées à la nature des MPME 6 haïtiennes. Ainsi, le faible nombre de MPME en milieu rural constitue un frein notable, alors qu un bonne partie des activités des caisses a lieu dans ce secteur. Les caisses se retrouvent également avec des ressources insuffisantes pour le développement à long terme des MPME clientes. De même que leur faible niveau de rendement dû, entre autres, à leurs faiblesses en termes de gestion interne, le faible niveau des garanties dont elles disposent limitent de façon significative le montant du crédit auquel elles peuvent prétendre. Le financement des entreprises en démarrage demeure limité vu que les projets soumis sont souvent non-viables, exigent un niveau élevé d investissement et que les potentiels entrepreneurs ne disposent pas de l expérience et des capitaux propres nécessaires. En soulignant les actions à poursuivre en vue de favoriser la croissance du crédit des caisses populaires à la production, M. Saint Jean a souligné, tout comme Mme Coupet l avait fait pour le secteur bancaire, l importance de reconnaître et promouvoir l esprit d entreprise, en particulier chez les jeunes et les femmes. Il encourage également l adoption de mesures visant à formaliser les entreprises de production tout en développant des programmes de supports spécifiques pour les micro-entreprises à fort potentiel. L approfondissement de la connaissance des différents milieux dans lesquels évoluent la clientèle s avère nécessaire, à la fois pour adapter les services offerts par les caisses aux expériences de financement antérieur et développer des approches de crédit différenciés selon qu on soit en milieu rural ou urbain. En ce qui a trait aux activités propres à la fédération, les caisses envisagent la création d un centre de traitement de crédit qui leur permettrait de mettre en commun leurs ressources financières (dans une optique similaire aux appels à l augmentation des prêts syndiqués dans le secteur bancaire) afin de faire face aux besoins de crédit additionnels de la clientèle. Des efforts de formation additionnelle devraient également être déployés au niveau des officiers de crédit travaillant avec les entreprises alors que le réseau s emploiera à développer des partenariats lui permettant d accéder à des 6 Micro Petites et Moyennes Entreprises. 20