Faire grimper le bon cholestérol sans rougir! 10/12/10 Si beaucoup pensent à faire baisser leur mauvais cholestérol, la démarche d'accroître son bon cholestérol est bien moins commune. Et pour cause, le seul médicament qui permet d'augmenter le taux de cholestérol HDL provoque un rougissement de la peau pour le moins gênant. Lors d'un séjour post-doctoral en Allemagne, Julien Hanson et ses collègues ont mis le doigt sur les causes de ce rougissement. Cette découverte ouvre la voie à la conception de nouveaux médicaments qui ne feront plus rougir les patients. Première cause de mortalité dans le monde, les maladies cardiovasculaires constituent un ensemble de troubles qui affectent le cœur et les vaisseaux sanguins. Selon la Ligue Cardiologique Belge, environ 30% de la tranche de la population âgée de 35 à 84 ans présentent un risque de plus de 15% de faire un accident cardioou cérébrovasculaire majeur endéans les 10 ans. Quant à l'organisation mondiale de la santé (OMS), elle estime à plus de 23,6 millions le nombre de personnes qui mourront d'une maladie cardiovasculaire d'ici 2030. Lutter contre ces maladies est donc devenu une des priorités de santé publique. Hormis l'âge, le sexe et l'hérédité, il existe des facteurs de risques cardiovasculaires sur lesquels chacun peut agir pour diminuer le risque d'être un jour sujet à ce type de maladie. Parmi les principaux bourreaux des cœurs, on compte notamment le tabagisme, l'hypertension artérielle, la sédentarité, le surpoids, ou encore le cholestérol. Ou plutôt ce que l'on appelle parfois, par abus de langage, le mauvais cholestérol. - 1 -
Le cholestérol, bon ou mauvais? Une question d'apoprotéine! Pourquoi parle-t-on de bon et de mauvais cholestérol? En réalité le cholestérol n'est ni bon, ni mauvais. Mais, ce lipide (graisse) qui joue un rôle crucial dans la formation des membranes de nos cellules et dans la fabrication de nombreuses hormones, n'existe presque pas sous forme libre. En effet, il s'associe à des protéines de transport, appelées apoprotéines pour former une lipoprotéine soluble dans le sang. Selon le type d'apoprotéine à laquelle il se lie, le cholestérol peut ainsi former des lipoprotéines de deux grands types : les LDL (lipoprotéines de basse densité) ou les HDL (lipoprotéines de haute densité). C'est plus précisément de ces lipoprotéines qu'il s'agit lorsqu'on parle de mauvais ou de bon cholestérol. - 2 -
Sous la forme LDL, le cholestérol est acheminé depuis le foie vers les organes. C'est donc sous cette forme qu'il risque de s'accumuler dans les vaisseaux et de boucher les artères, lorsqu'il est en excès. «Lorsque le LDL pénètre dans les artères, il provoque une réaction inflammatoire qui cause l'épaississement de la paroi artérielle et contribue à la formation de plaques d'athérome», explique Julien Hanson, Chargé de recherche au laboratoire de chimie pharmaceutique de l'ulg. «Cela engendre une diminution du flux sanguin puisque la section du vaisseau diminue. Et, lorsque la plaque d'athérome se fissure, le contact entre le sang et l'intérieur de cette plaque peut provoquer la formation d'un thrombus, sorte de caillot sanguin, pouvant conduire à une thrombose, ce qui peut avoir comme conséquence un infarctus du myocarde ou un accident vasculaire cérébral», poursuit Julien Hanson. D'où l'étiquette de «mauvais cholestérol». De leur côté, les apoprotéines HDL font le chemin inverse : elles récupèrent le cholestérol en excès dans l'organisme et l'éliminent, en le ramenant vers le foie ou par d'autres mécanismes. Elles ont un effet nettoyant dans les vaisseaux sanguins et le cholestérol sous cette forme est dès lors qualifié de «bon cholestérol». - 3 -
Plus de bon cholestérol, moins de maladies cardiovasculaires Le cholestérol qui circule dans notre organisme via le sang a deux origines : une origine endogène et une origine exogène. En effet, le cholestérol est fabriqué en grande quantité par le foie mais peut également provenir de l'alimentation. C'est pourquoi, en cas d'hypercholestérolémie non liée à un défaut du métabolisme - 4 -
lipidique, la première chose que les médecins recommandent à leurs patients est de suivre un régime alimentaire limitant l'ingestion de cholestérol. Celui-ci se retrouve principalement dans les produits d'origine animale. Une diminution de l'apport de ce lipide via l'alimentation se répercute directement sur le taux sanguin de LDL. Mais surveiller son alimentation ne suffit pas toujours à faire baisser le taux de mauvais cholestérol. En combinaison avec un régime adapté, les médecins peuvent alors prescrire des statines, une classe de médicaments efficace pour diminuer fortement la synthèse de LDL au niveau du foie. Limiter les risques des maladies cardiovasculaires en contrôlant son cholestérol passe certes par faire baisser le taux de mauvais cholestérol dans le sang mais également par augmenter le taux de bon cholestérol. En effet, il a été prouvé que plus la concentration de HDL dans l'organisme est grande, moins il y a de risques de maladies cardiovasculaires! «L'idéal serait d'avoir une double action en diminuant le LDL et en augmentant le taux de HDL», indique Julien Hanson. La sensation d'un coup de soleil Si la démarche de tenter de faire baisser son mauvais cholestérol est largement répandue dans le grand public, tenter d'augmenter son bon cholestérol est une approche nettement moins connue. Cela est en partie lié à l'effet secondaire, non néfaste mais particulièrement gênant, du seul traitement à ce jour disponible qui associe une diminution des taux de LDL (bien que moins puissant que les statines) avec une forte hausse de la concentration de cholestérol HDL. A base d'acide nicotinique (qui n'a rien à voir avec la nicotine trouvée dans le tabac), ce traitement provoque en effet un rougissement de la peau au niveau du visage et de la partie supérieure du torse. Ce rougissement, accompagné de sensations de chaleur et de brûlure comparables à celles perçues en cas de coup de soleil, apparaît rapidement après la prise du médicament et dure environ 1h30. Lors de son séjour post-doctoral à l'université de Heidelberg puis au Max Planck Institute for Heart and Lung Research en Allemagne, Julien Hanson s'est penché sur les mécanismes impliqués dans ce rougissement. «Le laboratoire de pharmacologie du Professeur Offermanns avait mis au jour le mécanisme lié à l'effet bénéfique de l'acide nicotinique sur le métabolisme lipidique», explique le jeune chercheur. «Ils ont également découvert que le récepteur à l'acide nicotinique est présent sur les cellules de Langerhans, un des deux grands types de cellules qui composent l'épiderme, et que celles-ci jouent un rôle dans l'apparition du rougissement», continue Julien Hanson. Lorsque ce dernier rejoint le laboratoire du Pr. Offermanns en 2007, les chercheurs viennent de découvrir que le récepteur à l'acide nicotinique est également présent au niveau des kératinocytes, le deuxième grand type de cellule de l'épiderme. - 5 -
Grâce à sa recherche sur des souris transgéniques, Julien Hanson a permis d'affiner les connaissances sur le rôle de chacun de ces deux types de cellules de l'épiderme dans l'effet secondaire de l'acide nicotinique. «Nous avons supprimé l'expression du récepteur à l'acide nicotinique au niveau de l'un et/ou de l'autre type - 6 -
de cellule et nous avons observé les conséquences de ces manipulations sur l'apparition du rougissement», précise-t-il. Un rougissement biphasique Alors que les scientifiques pensaient jusqu'ici que les cellules de Langerhans étaient seules responsables du rougissement de la peau suite à la prise d'acide nicotinique, les résultats obtenus par Julien Hanson et publiés dans the Journal of Clinical Investigation (1) ont démontré que les kératinocytes ont également une grande part de responsabilité dans cet effet secondaire. De fait, alors que l'expression du récepteur à l'acide nicotinique était supprimée au niveau des cellules de Langerhans, l'effet secondaire se manifestait toujours en partie. «Le rougissement est biphasique. Les cellules de Langerhans sont à l'origine de la première phase de rougissement et la seconde phase, plus longue, résulte de l'activation des kératinocytes», indique Julien Hanson. Désireux d'en savoir plus sur les causes de ce rougissement, le chercheur et ses collègues ont creusé davantage le problème. «Nous avons découvert que les deux phases de l'effet secondaire étaient accompagnées de la synthèse de deux types de prostaglandines qui sont directement responsables du rougissement observé», poursuit-il. Les deux types de prostaglandines doivent donc être pris en compte pour éliminer l'apparition des rougeurs. «Cela explique aussi pourquoi un médicament qui existe et qui combine acide nicotinique et un inhibiteur des récepteurs des prostaglandines de type PGD2 - formées suite à l'activation des cellules de Langerhans - n'est pas totalement efficace contre le rougissement. C'est parce qu'il ne s'attaque qu'à une partie du problème, il faut également prendre en compte la PGE2, prostaglandine produite suite à l'activation des kératinocytes», conclut Julien Hanson. Cette découverte devrait permettre aux firmes pharmaceutiques de développer un médicament permettant d'accroître la concentration de cholestérol HDL dans le sang tout en évitant l'effet secondaire gênant de l'acide nicotinique. Et cela, soit en combinant ce dernier avec des inhibiteurs de la formation des deux types de prostaglandines impliquées dans le rougissement, soit en bloquant les récepteurs respectifs de ces prostaglandines. Sans l'effet de rougissement, augmenter son bon cholestérol afin de diminuer les risques de maladie cardiovasculaire est une démarche qui devrait en effet gagner en popularité - 7 -
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(1) Nicotinic acid- and monomethyl fumarate-induced flushing involves GPR109A expressed by keratinocytes and COX-2-dependent prostanoid formation in mice. Hanson J, Gille A, Zwykiel S, Lukasova M, Clausen BE, Ahmed K, Tunaru S, Wirth A, Offermanns S. J Clin Invest. 2010 Aug 2;120(8):2910-9 - 9 -