par Geoffroy Delitte



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Transcription:

par Geoffroy Delitte E.R. : Eric Poncin - Rue des Deux Eglises 45-1000 Bruxelles CPCP asbl - décembre 2008 CPCP - Centre Permanent pour la Citoyenneté et la Participation asbl Rue des Deux Eglises, 45-1000 Bruxelles - Tél.: 02/238 01 00 - info@cpcp.be - www.cpcp.be

En février 2008, un énorme scandale secoue l Allemagne. La presse allemande relate au grand public l aboutissement d une enquête record: le fisc allemand a fait l acquisition d une liste de plus d un millier de riches contribuables soupçonnés d avoir caché des fonds au Liechtenstein. C est un véritable coup de tonnerre. La vague germanique se propage vite à d autres pays d Europe occidentale, dont la Belgique. Cette affaire débouche chez nous en juin 2008 sur une cinquantaine de dossiers qui resteront dans le collimateur de la justice. L affaire fait grand bruit tant dans la presse européenne que mondiale, on frôle même la crise diplomatique: l isolement du Liechtenstein qui soutient la cause du secret bancaire. Cette crise nous invite à réfléchir au rôle que jouent les différents paradis fiscaux et/ou centres off-shores. Il s agit d évaluer les effets de leur politique et le rôle grandissant que jouent ces places financières dans notre système économique globalisé. Il n existe pas vraiment de critère clair, unique et objectif définissant le «paradis fiscal». On les appelle aussi paradis bancaires, havres fiscaux ou centres financiers «off-shore». Par là, on désigne un territoire défini où les flux de capitaux circulent dans un contexte rendu attractif par le système fiscal. Celui-ci peut même être parfois inexistant pour les non-résidents. Ce système est souvent couplé à un secret commercial et bancaire absolu, mettant les personnes physiques à l abri des autorités internationales. Il s agit généralement de petits territoires qui, à leur échelle, peuvent dégager des ressources fiscales suffisantes, le grand nombre d opérations compensant le faible taux d imposition. Ce phénomène est loin d être nouveau... Déjà, 2000 ans avant J-C, les commerçants grecs envoyaient des émissaires pour que vendeurs et acheteurs, lors d une transaction, se retrouvent à un point convenu et puissent transborder la marchandise en échappant aux taxes portuaires. Ainsi sont apparues les premières zones franches : des îles méditerranéennes, aux positions stratégiques. Elles pratiquaient un commerce libre de taxes et de douanes leur permettant de se développer comme port de commerce par où transitaient notamment les produits de luxes de l époque. Au moyen-âge, de nombreuses villes franches verront le jour, souvent des villes portuaires mais pas toujours. A cette époque sont aussi instituées les périodes de foire dans les grandes villes. Durant le temps de la foire, le commerce et les échanges sont libérés de toutes taxes ou impôts. Vers le XVIe siècle, c est dans les comptoirs coloniaux que ce développent les premières activités bancaires offshore liées aux opérations commerciales. Au début du XXe siècle, le terme de «blanchiment» apparaît avec la prohibition aux USA. Et dans les années 20, certains états, comme la Suisse ou le Luxembourg, permettent aux étrangers de venir déposer leurs capitaux chez eux pour échapper à l impôt. Ainsi apparaît une nouvelle série de paradis fiscaux. La libéralisation et le développement rapide des moyens de communication permettant de plus en plus les mouvements rapides de capitaux, le nombre de centre offshore ne cessera d augmenter. 2

Quel est leur impact au niveau mondial? Par la quasi-inexistance d imposition, ces paradis fiscaux créent une concurrence très forte, insoutenable même, pour les pays industrialisés mais aussi pour les pays en voie de développement.cela provoque une fuite de gros capitaux, et donc un manque à gagner fiscal pour les états. Le trou creusé dans les caisses nationales, provoque alors un rognement du budget au détriment par exemple de mesures sociales ou de soutien aux PME. Ces états, privés de ces ressources et désireux d endiguer la fuite de capitaux, sont tentés de multiplier les incitants fiscaux tels qu exemptions d impôt. Mais il en résulte encore une fois un coût au détriment d autres services. Ces dernières années, avec l aide de grandes entreprises de consultance et d optimisation fiscale, l évasion fiscale prend une ampleur plus que considérable. Dans un documentaire intitulé «Paradis fiscaux: la grande évasion», le journaliste Frédéric Brunnque illustre parfaitement ce phénomène par l exemple de l île anglo-normande de Jersey : située sur la Manche à quelques kilomètres des côtes bretonnes, elle est devenue, en écritures comptables, le plus gros exportateur de bananes vers l Europe. En occultant l origine des fonds transférés chez eux, et en refusant de coopérer avec la communauté internationale en matière de recherche fiscale, les paradis fiscaux ouvrent grandes les portes au blanchiment d argent sale: drogue, armement, terrorisme, traite d êtres humains. Ces paradis fiscaux n affectent pas que les pays industrialisés. De nombreuses ONG crient haut et fort qu ils sont une véritable hémorragie pour les pays du Sud et les empêchent de mener des politiques de développement ambitieuses. D après Oxfam, pour chaque euro d aide au développement versé au continent africain, environ cinq euros sortent du continent pour s abriter sur des comptes off-shores. Et près de deux tiers de ces flux illicites sont imputables aux seules multinationales. Que ce soit pour éviter l impôt, ou pour le secret de la provenance des fonds, c est une partie colossale de la richesse mondiale qui se cache dans les filiales off-shores. La concurrence fiscale liée au secret bancaire attire tant les fortunes de particuliers que les filiales de multinationales. Pour les multinationales et fonds d investissement, ces nombreuses filiales permettent aussi de fausser la qualité des bilans et comptes résultats. Cela accentue le manque de confiance dans le monde des finances et rend le marché encore plus volatil. En effet, en entretenant un flux élevé et continu de transferts douteux, amplifiant ainsi le phénomène de gonflement de bulles financières de plus en plus mobiles et imprévisibles, les centres off-shore soutiennent en permanence l instabilité financière. Les paradis fiscaux ont d ailleurs clairement été visés comme un des facteurs responsables de la crise financière de 2008. Leur politique et ses conséquences fragilisent et déstabilisent l entièreté du système économique mondial. Même si les paradis fiscaux ne sont pas une nouveauté, la globalisation des marchés financiers accroît encore leurs effets pervers. 3

Vers un cercle vicieux? Les grandes disparités poussent les entreprises et particuliers à profiter de ces paradis fiscaux. Plus ceux-ci en profitent, plus les autres sont tentés de faire pareil, parfois même ils y sont contraints par souci de concurrence. Les états perdent donc une part importante de leurs revenus. Ils doivent alors soit augmenter les taxes pour équilibrer leurs budgets, soit jouer le même pari en diminuant les taxes pour contrer la fuite de capitaux. Ainsi, parallèlement à l essor des paradis fiscaux, le taux moyen de l impôt sur les sociétés au sein des pays de l OCDE est passé de 40% à 30 % en vingt ans. Il en résulte un sous-financement des services publics dont on a pourtant besoin: sécurité, éducation, services de secours... Ce cercle vicieux est inquiétant car il met en danger l avenir de nos systèmes démocratiques qui se retrouveraient sous-financés. Des répercussions négatives qui inquiètent... 4 Voila pourquoi les institutions internationales s inquiètent de plus en plus du rôle joué par les paradis fiscaux et autres centres offshore. L OCDE, Organisation de Coopération et de Développement Economique, fut plusieurs fois appelée à dresser une «liste noire» des paradis fiscaux. L OCDE identifie une juridiction comme paradis fiscal selon quatre facteurs: Une imposition nulle ou négligeable, l absence de transparence, l absence d échanges de renseignements fiscaux avec les autres administrations, l absence d activités substantielles. Les pays se retrouvant sur cette liste noire subissent des pressions de la part de l OCDE et de ses membres, leur demandant plus de transparence et de coopération en matière d échange d informations. Le GAFI, Groupe d Action Financière, est un organisme intergouvernemental fondé en 1989 en réponse aux préoccupations croissantes à propos du blanchiment de capitaux. Il regroupe les pays du G7, de la Commission européenne et huit autres pays. Visant à développer et promouvoir des politiques nationales et internationales afin de lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, il étudie les techniques du blanchiment de capitaux, analyse les actions menées au niveau national et international et établit les mesures à prendre pour lutter contre le blanchiment. C est suite à ses recommandations que La Commission financière du FMI (Fond Monétaire International) a lancé un appel à tous ses membres à mettre sur pied des URF, Unités de Renseignements Financiers, destinées à enquêter sur les «déclarations de soupçons» et à élaborer des moyens de partage de ces informations. Les «déclarations de soupçons» sont une obligation des organismes financiers ainsi que d autres professions liées à ce secteur (avocats, notaires...) de déclarer toutes opérations leur paraissant suspectes : provenance des capitaux, identité réelle de l opérateur, transactions suspectes. Afin de regrouper et échanger les informations des URF des différents Etats, le Groupe Egmont a été mis sur pied en 95 à Bruxelles. Il regroupe à ce jour 108 URF à travers le monde. Comme on peut le deviner, le nombre de réactions par rapport aux transactions frauduleuses et la lutte contre le blanchissement d argent dans les paradis fiscaux se sont largement amplifiées depuis les attentats du 11 septembre 2001 et la déclaration de «

guerre contre le terrorisme» de Georges W. Bush. C est ainsi que la mission du GAFI a été élargie pour couvrir désormais la lutte contre le financement du terrorisme et l adoption de nouvelles mesures dans le domaine. Suite à ces évènements, les USA ont aussi signé un grand nombre de conventions bilatérales en vue d échanges en matière fiscale avec de nombreux paradis fiscaux. Dernièrement, menacées de sanctions en cas de non-coopération la plupart des juridictions visées par l OCDE se sont engagées à collaborer. La liste noire de l OCDE ne compte plus à ce jour que trois pays dits «non-coopératifs»: Monaco, Andorre et le Lichtenstein. Evolution de la liste des juridictions qualifiées de «paradis fiscaux» par l OCDE: En 2000 En 2002 En 2008 Andorre, Anguilla, Antigua et Barbuda,Aruba, les Îles Bahamas, Bahreïn, la Barbade, Bélize, les Îles vierges Britanniques, Guernesey- Sercq-Aurigny, les Îles Cook, la Dominique, Gibraltar, la Grenade, l île de Man, Jersey, le Liberia, le Lichtenstein, les Maldives, les Îles Marshal, Monaco, Montserrat, Nauru, les Antilles Néerlandaises, Niue, Panama, Saint-Christophe et Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent et les Grenadines, Îles Samoa Occidentales, Seychelles, Tonga, Îles Turques et Caïques, Îles Vierges Américaines, Vanatu Andorre, le Liberia, le Lichtenstein, les Îles Marshall, Monaco, Nauru, Vanatu Andorre, le Lichtenstein, Monaco Certains pays ont avancé l idée d interdire les transactions via des places offshore. Mais cela couperait brusquement les revenus de ces mini-états, risquant de les plonger dans une situation désastreuse. Et interdire aux établissements financiers de son pays de traiter avec ces centres risquerait de provoquer leur déménagement. D autres associations ont aussi proposé la mise en place de la taxe Tobin. Du nom du lauréat du Prix Nobel d Economie de 1972 James Tobin, cette taxe, entre 0,05 et 1 %, s appliquerait aux transactions monétaires internationales,. Elle est censée permettre de stabiliser les marchés et de redistribuer de manière plus équitable les fruits de la spéculation par la création d un fond international de soutien au développement. Tax Justice Network, un réseau mondial pour la justice fiscale s est constitué suite au Forum social européen de Florence en 2002 et du Forum Social mondial de Porto Alegre en 2003. Il tente de combattre, au niveau mondial, les «courants nocifs» qui menacent la capacité des états à imposer les riches bénéficiaires de la mondialisation. Les buts fondamentaux de ce réseau sont de faire connaître les problèmes et d éduquer les parties concernées, de stimuler la recherche et le débat, d encourager et de soutenir des campagnes au niveau national et régional. Selon eux, outre les paradis fiscaux, il existe en Europe 14 paradis bancaires dont trois au sein même de l UE: la Belgique, le Luxembourg et l Autriche. Selon eux, la quasi-totalité des fonds spéculatifs ont recours aux centres financiers off-shore. 5

Absence de solutions: manque de réelle volonté? Les paradis fiscaux sont donc montrés du doigt par tous, ou presque tous. Mais malgré la mise en place de tous ces outils, l émergence de toutes ces réflexions, idées et mesures, le nombre de paradis fiscaux ne semble pas diminuer. Ceux-ci semblent même se spécialiser dans des domaines précis. On remarque que plusieurs organismes ou institutions établissent des listes classant les différents paradis fiscaux et centres offshore coopérants ou non. Seulement, suivant leur point de vue, leur situation diplomatique ou les différents lobbyings subis ou exercés, ces listes apparaissent complètement différentes. De plus, à mesure que les paradis fiscaux signent la convention de l OCDE, ils sont déclarés «coopératifs» et s engagent donc à répondre aux demandes d informations judiciaires concernant le blanchiment. On se rend pourtant compte de la difficulté des autorités locales à identifier les véritables propriétaires de comptes suspects. La liste noire de l OCDE ne compte plus aujourd hui que trois pays dits «non-coopératifs»: Monaco, Andorre et le Lichtenstein alors que le FMI en dénombre 72 et le TJN ajoute certains pays pour leurs législations spécifiques dans des domaines précis. L implication tant des multinationales que des principales puissances économiques est loin d être inexistante et leur attitude reste ambiguë. La plupart des pays industriels occidentaux tolèrent d ailleurs les implantations de leurs agents économiques dans ces centres offshores telles les filiales d entreprises permettant les transferts de fonds via des sociétés-écrans. Ainsi, selon Daniel Lebegue, président de Transparence International France, les plates-formes offshore abriteraient l essentiel des banques de la planète, environ deux tiers des 2000 fonds spéculatifs (Hedges Funds), ainsi que 2 millions de sociétés-écrans. La preuve la plus flagrante de l implication des états occidentaux et du laxisme latan autour de cette problématique est sans doute la condamnation des USA par l OMC pour concurrence déloyale suite à une plainte de la Commission européenne. Les Etats-Unis autorisaient explicitement leurs sociétés de vente à l exportation à se domicilier dans leurs centres offshores afin de favoriser l obtention de gros contrats internationaux sans payer l impôt. Cela revenait à une subvention indirecte de l Etat. Ce type de montage facilite aussi le versement de pots de vin, fréquents dans certains domaines tels que l armement, l aviation commerciale ou les travaux publics. L Irlande est souvent accusée de dumping fiscal par les autres Etats membres de l Union Européenne. En effet, les cotisations sociales, taxes professionnelles et impôts des sociétés sont ultra-bas par rapport à ceux des autres pays de l UE, alors que l Irlande a bénéficié depuis son entrée dans l Union de fonds européens de développement régional. Londres est le principal centre offshore de fonds spéculatifs. 6

Au sein même de l Union Européenne, plusieurs états, dont la Belgique, disposent encore du secret bancaire renforcé. Outre le secret bancaire, la Belgique même si elle n est pas à classer dans la catégorie pur-sang, possède quelques caractéristiques reconnues comme celles des paradis fiscaux: Il n y a pas de taxation des plus-values sur action. La taxation des revenus mobiliers est beaucoup moins élevée que l imposition des revenus professionnels. La Belgique est aussi un des pays européens les plus avantageux pour les particuliers, en matière d impôts sur la fortune. La libre circulation des Titres au porteur. La non-globalisation des revenus: la TVA, les revenus professionnels et l immobilier sont taxés séparément et non en fonction du total des différents revenus. Pendant des années, les centres de coordination, sorte de banques d investissements internes des multinationales étaient détaxés autour de 1 % - chez nous. Cette mesure a été reconnue comme discriminatoire vis-à-vis des plus petites entreprises par l Europe. Par conséquent, l apparition des intérêts notionnels pourrait être perçue comme une forme de compensation à la perte d avantages fiscaux pour les entreprises. Ce genre de détails n échappe évidemment pas aux centres offshore auxquels l OCDE a demandé de coopérer sous peine d une série de «mesures défensives» qui n ont en fait jamais vu le jour. Et le Premier Ministre de Vanuatu de rappeler au secrétaire général de l OCDE que d importants membres de l organisation (Suisse, Luxembourg, Belgique et Portugal) ne se sont pas engagés en faveur des standards leur étant demandés, et de souligner du coup que son gouvernement avait de très sérieuses réserves concernant plusieurs aspects centraux de cette initiative. Pas de paradis sans enfer! 7 Les défenseurs de l ultra-libéralisme n oublieront pas de rappeler que les paradis fiscaux ne peuvent exister que par opposition à des enfers fiscaux. La plupart des pays, par leurs nombreuses taxes et impôts divers, n offrent plus toujours un environnement fiscal propice à la création de richesses économiques. La lutte contre les paradis fiscaux rencontre aussi un autre obstacle majeur: le principe de souveraineté des états. Les pays sont libres de décider de leur politique. Pourquoi un état aurait-il le droit de remettre en cause la législation fiscale d un autre? Rien n oblige strictement à ce jour les paradis fiscaux à se plier aux exigences d autres pays. Les sociétés, elles, sont libres de profiter de cette situation. Vincent Drezet, secrétaire national du Syndicat National Unifié des Impôts en France affirme même: «tous les fonds spéculatifs ont recours au paradis fiscaux», «ils constituent une soupape de sécurité au système financier international en permettant de maximiser les profits des entreprises». Depuis ces vingt dernières années, les entreprises de conseils en finance internationale et en optimisation fiscale reçoivent des demandes croissantes, venant d un public de

plus en plus vaste. L augmentation de cette demande est évidement liée en premier lieu à un souci d optimisation fiscale par contradiction aux politiques fiscales à haut niveau d imposition et autres prélèvements dans la majorité des états. Mais d autres facteurs sont aussi à prendre en compte pour expliquer cette croissance, comme la volonté de croissance économique mondiale soutenue, l instabilité politique et économique dans certaines zones géographiques ou l internationalisation de nouveaux marchés. C est ainsi que les paradis fiscaux, avec la mondialisation, ont pris une place prépondérante dans notre système économique. Outre l exemple de l importation des bananes cité précédemment, d autres sont tout aussi saisissants. Ainsi, les Îles Vierges investissent plus en Chine que les USA. Aujourd hui, les spécialistes estiment que l activité des paradis fiscaux représente au moins la moitié des activités des banques. Des effets pervers qui se retournent contre eux-mêmes? Les paradis fiscaux et autres centres offshore sont donc devenus une réalité structurelle de notre système économique globalisé. En favorisant le développement de bon nombre d entreprises multinationales et d institutions financières, ils se protégeaient d un isolement par les instances internationales. Mais avec la volatilité de marché accrue, les fuites de capitaux de plus en plus critiquées et leur opacité, ils deviennent de plus en plus préoccupants pour l équilibre économique mondial. Pourtant, après avoir fait pression, les instances internationales se sont vite montrées plus clémentes après les premiers gestes de bonne volonté. Sans doute la multiplication des organismes censés réguler les paradis fiscaux a pour effet qu aucun n a véritablement d autorité. L échange d informations entre ces organismes ainsi qu entre pays reste insuffisant malgré l intensification des efforts depuis 2001. Il n a jamais été possible d exiger des banques un choix clair: s installer dans un état réglementé et donc renoncer à toute relation avec les centres offshore isolant ainsi ces places - car cela demande que tous les pays et grandes places financières adoptent une politique commune afin d éviter l accentuation de cette concurrence fiscale déloyale. C est notamment en s appuyant sur ces différences entre les grandes puissances aux niveaux politique, juridique et économique que les paradis fiscaux ont pu résister à la guerre contre le trafic de drogue, et celle contre le terrorisme, même amplifiée par les attentats du 11 septembre 2001, ainsi qu aux différentes réglementations internationales mises en place. Mais une question se pose aujourd hui. La crise financière la plus grave depuis 1929, dit-on provoquera sans doute de nouvelles législations au niveau international dans le but de limiter la volatilité des marchés. Ces fameux «paradis», poches de nonrégulation, survivront-ils à la crise financière mondiale actuelle et à ses conséquences? 8 Désireux d en savoir plus! Animation, conférence, table ronde... n hésitez pas à nous contacter, Nous sommes à votre service pour organiser des activités sur cette thématique.