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Transcription:

RAPPORT DE SYNTHESE 2 ème séminaire sous régional sur la criminalité transnationale de Dakar 1er-3 octobre 2014 Depuis plusieurs années, l Afrique de l ouest est la cible d intenses et violentes activités liées à la criminalité et aux trafics en tous genres. Cette criminalité dépasse les frontières, tant au stade de la préparation de l infraction qu au stade de sa commission. Le caractère transversal et transnational de la criminalité appelle donc une réponse concertée et intégrée afin que les criminels n aient plus «ce temps d avance» sur les autorités politiques et judiciaires. Car la lutte contre le crime s inscrit bien dans une stratégie globale, celle de la lutte contre l impunité. Une solide stratégie de lutte contre la criminalité transnationale suppose donc d œuvrer à une culture du dialogue et de la coopération internationale. Or cette coopération internationale repose sur la bonne compréhension des outils, la bonne connaissance des mécanismes existants et l acquisition des réflexes sur leur utilisation par les différents acteurs. Cette exigence d appropriation des instruments est certainement l un des principaux fils conducteurs des échanges qui se sont déroulés durant trois jours, à Dakar, à l initiative de l AIPPF, en partenariat avec le ministère de la justice du Sénégal, et avec le soutien actif de l Organisation internationale de la Francophonie. Le séminaire a accueilli des représentants des organisations internationales et régionales, des procureurs, des officiers de police judiciaire de plusieurs pays de la sous-région et de l Afrique centrale :

Bénin Burkina Faso, Côte d Ivoire, Cameroun, Mali, Mauritanie, Sénégal, Tchad et Togo ; ainsi que du Canada et de la France. Ce séminaire, qui se déroule dix mois à peine après la première réunion de Bamako qui portait sur la criminalité transnationale organisée en Afrique de l ouest, est destiné à poursuivre la réflexion entamée en évaluant, notamment, les recommandations adoptées à Bamako et en recensant les bonnes pratiques des Etats membres dans le champ de la lutte contre le crime et le terrorisme. 1. Sur le fond, l objectif de cette rencontre était notamment de réfléchir à : - la structuration et la rationalisation du cadre conventionnel de lutte contre le crime au niveau sous régional en insistant sur la nécessaire ratification des textes ; - la nécessité d adapter les législations nationales pour anticiper au maximum et prévenir la survenance de la criminalité ; - l appropriation, des instruments et structures pertinentes par les professionnels ; Ces trois niveaux de préoccupations doivent servir l efficacité des structures et cadres juridiques existants et favoriser la mise en place de dispositifs nationaux performants. 2. En conséquence, et après un éclairage sur les évolutions de la criminalité organisée et du terrorisme en Afrique de l ouest à travers les exposés d Interpol et de Francopol, plusieurs thèmes et cas pratiques ont été abordés et des ateliers ont été organisés.

Le premier thème concernait le crime organisé (les textes, l organisation judiciaire et les techniques d investigation) et a permis d exposer les caractéristiques des législations françaises, canadiennes et de la sousrégion ouest-africaine tant sur le plan de leur adaptation à la criminalité organisée que sur le plan de l organisation des structures judiciaires. Trois cas pratiques en matière de trafic d êtres humains, de trafic d arme, de trafic de stupéfiants ou de contrefaçons, illustrant cette problématique, ont ensuite montré l importance de la collaboration avec Interpol, pour appuyer les autorités nationales dans la lutte contre le crime. Le deuxième thème portait plus particulièrement sur les aspects spécifiques de la lutte contre le terrorisme. Les présentations ont mis en évidence, pour lutter efficacement contre le terrorisme, la nécessaire centralisation pour favoriser notamment l échange d information ; la collaboration indispensable des acteurs entre eux ; et l adaptation des législations nationales et des structures judiciaires et policières. Puis les délégués se sont répartis dans quatre ateliers qui avaient pour thème : - atouts et faiblesses des législations de lutte contre le terrorisme et le crime organisé en Afrique de l ouest ; - la collaboration police-justice (au niveau interne et international) ; - atouts et faiblesses de l organisation judiciaire pour lutter efficacement contre le terrorisme ; - la coopération policière et judiciaire internationale, notamment par la constitution de réseaux Le troisième thème a permis d aborder les aspects financiers du crime organisé et du terrorisme. Un bilan des législations nationales sur la lutte

contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, et plus largement, sur les structures mises en place, a été présenté par chaque délégation. Le GIABA, institution spécialisée de la CEDEAO, ses missions et ses réalisations dans la lutte contre le blanchiment des capitaux ont ensuite été présentés. Deux cas pratiques ont été exposés en guise d illustration. A travers des actions criminelles en Mauritanie et au Nigeria, ils ont montré la grande variété des sources de financement des activités terroristes (par le commerce, par les ONG et le système caritatif, par la contrebande, par le trafic de drogue et de médicaments, par les enlèvements ) Le quatrième thème traitait de la mise en œuvre de l entraide dans la sous-région et ses perspectives d évolution. Après l exposé du dispositif conventionnel dans la région et la sous-région et des initiatives d Interpol pour faciliter l entraide, les présentations ont mis en évidence le rôle des réseaux de contact existants qu il s agisse notamment du WACAP (en Afrique de l Ouest), du Réseau judiciaire européen, de la plateforme Eurojust et du Réseau européen de formation judiciaire (en Europe) ou du réseau continental d échange d informations relatives à l entraide judiciaire (en Amérique). Enfin, ces préoccupations ont débouché sur l organisation de quatre ateliers : l un faisant le bilan sur le fonctionnement et l organisation des réseaux de contact : l autre évoquant les obstacles à l entraide judiciaire en Afrique de l ouest et les améliorations possibles ; un autre sur l état de la coopération policière en Afrique de l ouest ; et le dernier sur la coopération en matière de formation des magistrats 3. Au cours des discussions, plusieurs points sensibles, qui sont autant de défis/enjeux posés aux Etats et aux gouvernements dans la lutte

contre le crime, ont été mis en exergue ; ces défis renvoyant à autant d obstacles : Le premier défi, global, consiste à adopter une démarche pro active d anticipation par rapport au crime organisé pour que les autorités ne soient pas en décalage et en retard par rapport aux criminels. En découle un deuxième défi, qui a trait à la mise en œuvre de tous les cadres juridiques possibles (instruments normatifs, institutions ) pour lutter contre le financement du terrorisme et le blanchiment des capitaux. D où, troisième défi, celui de la nécessité de développer la confiance entre les acteurs de la lutte contre le crime. Concrètement, cela conduit à admettre notamment le principe de reconnaissance mutuelle des décisions de justice qui fonde les procédures de coopération ; sans quoi toute tentative de collaboration, formelle ou informelle d ailleurs, peut être vouée à l échec. Mais la confiance mutuelle, c est aussi travailler à une étroite collaboration police-justice-services de renseignements pour développer une démarche commune de stratégie d enquête (cf. les recommandations). Quatrième défi, en conséquence, celui de la formation : il est nécessaire de construire des programmes ambitieux de formations spécialisées pour les magistrats et policiers, afin, d une part, qu ils s approprient la spécificité des procédures en matière de lutte contre le crime et de financement des activités criminelles et, d autre part, qu ils prennent l habitude de travailler en commun Mais la réalisation de ces défis se heurte à plusieurs obstacles :

- premier obstacle : le contexte de la sous-région : instabilité politique, porosité des frontières (qui induit des difficultés d identification formelle des ressortissants des Etats de surcroît dans un espace de libre circulation des personnes comme la CEDEAO), pauvreté et chômage des jeunes qui deviennent des groupes vulnérables, cibles pour les groupes terroristes ; poids du secteur informel de l économie qui rend difficile la traçabilité des transactions ; densité des transactions en espèce - deuxième obstacle : la trop grande diversité des procédures et des instruments dans l espace commun CEDEAO ou CEMAC (par exemple les délais de perquisition sont différents d un Etat à un autre ) ; diversité qui découle aussi de la différence des systèmes de droit (civil law et common law) et des barrières linguistiques ; - troisième obstacle : le défaut d adaptation suffisant des législations nationales pour lutter contre le crime d une part ; et les transpositions insuffisantes des dispositions des conventions internationales, d autre part ; 4. Pour autant, de nombreuses bonnes pratiques, tournées vers les démarches opérationnelles facilitant la coopération judiciaire et policière en matière pénale ont été présentées ; en voici quelques-unes, à titre non exhaustif : - des législations nationales qui prévoient un certain nombre d adaptations du droit commun dans le cadre des enquêtes sur le crime organisé : o renforcement dans le cadre du droit commun des moyens d investigations (c est le cas par exemple en France avec les

perquisitions de nuit et l extension de la garde à vue à 96 heures possibles dans certains cas entrant dans le champ de la criminalité organisée et du terrorisme ; ou au Canada avec quatre type d infraction possibles qui s ouvrent au procureur à partir du moment où il a à faire à du gangstérisme ; ou encore les dispositions du code pénal camerounais qui sans viser expressément le terrorisme permettent de connaître ce type d actes) ; o renforcement des moyens et techniques d enquêtes. En France, géolocalisations, captation de données informatiques, infiltration, etc ) et notamment sous l influence du droit européen (mandat d arrêt européen ; équipe commune d enquête ) ; au Canada : une année pour l interception des communications au lieu de 60 jours ; mandat général ou d entrée subreptice ; agents d infiltration - la création de structures judiciaires spécialisées : comme le pôle antiterroriste implanté à Paris, compètent sur tout le territoire national ou les juridictions spécialisées dans la lutte contre la criminalité organisée (huit «JIRS» en France par exemple) ; idem au Mali avec les juridictions spécialisées du pôle anti-terroriste et du pôle économique et financier ; - la création de réseaux de contact et de coopération efficaces : = en matière policière, par exemple, le Comité des chefs de police d Afrique de l ouest (CCPAO) et son homologue en Afrique centrale - et son sous-comité technique qui se réunit une fois par an pour identifier les tendances criminelles prioritaires nécessitant des opérations conjointes ; son équivalent en Afrique centrale ;

= en matière judiciaire, les initiatives de l ONUDC avec notamment la plate-forme de coopération judiciaire pénale des pays du Sahel (lutte contre le terrorisme) ; le WACAP (Réseau d autorités centrales et de procureurs d Afrique de l ouest contre la criminalité organisée) ou encore ARINWA (réseau pour lutter contre le blanchiment de capitaux) ; - les actions de formation des OPJ par Francopol : formations de cyber enquêteurs au Tchad ; formation sur la cybercriminalité ; - le développement d outils pour renforcer les capacités des Etats et des acteurs dans la lutte contre le crime : des programmes : = à l initiative d Interpol avec par exemple les programmes e- extradition, e-mla (e-entraide répressive internationale) ou SIPAO (système d information policier d Afrique de l ouest) ; des unités d action : = les unités mixtes de contrôle au Togo qui ont permis des saisies de drogue ou d ivoire en provenance de pays tiers ; = les équipes intégrées de sécurité nationale pour accroître la capacité de collecte des données, faciliter l échange d informations au Canada ; = les unités spécialisées dans la lutte contre le financement de la criminalité au Sénégal : ex : la brigade économique et financière de la police judiciaire ; la brigade de lutte contre la cybercriminalité ; ou encore l unité délinquance économique, financière et cybercriminalité de la gendarmerie ;

des actions : = l organisation d opérations conjointes entre Etat de la sousrégion dans les différents domaines de la CTO (médicaments contrefaits ; trafic de drogue ; terrorisme ) ; = la remise de police à police, qui dans le cadre d accords de coopération, et dans les zones frontalières notamment est en vigueur dans la sous-région et en Afrique centrale ; 5. A l issue des travaux et des échanges de très haute qualité, les participants attachés à surmonter les blocages identifiés et à rechercher des solutions concertées pour y remédier, formulent les recommandations suivantes : A l attention des Etats et gouvernements : Concernant les outils normatifs : - Tendre vers l harmonisation des instruments disponibles dans les grands systèmes de droit présents dans la sous-région afin d assouplir les procédures d enquêtes et d extradition ; et harmoniser les instruments pertinents entre l UEMOA et la CEDEAO ; - Œuvrer en faveur de la reconnaissance mutuelle des décisions de justice pour faciliter l entraide ; - Doter les pays de la sous-région d un mandat d arrêt ouest africain permettant la remise simplifiée des personnes mises en cause pour des infractions graves liées au terrorisme et à la criminalité organisée, et ce quelle que soit leur nationalité dans le cadre d une procédure judiciaire rapide offrant les garanties juridiques nécessaires ;

Concernant les structures : au sujet de la collaboration police-justice : - associer le parquet aux réunions des chefs de police dans les sousrégions Afrique de l ouest ou centrale ; - développer les méthodes de travail entre procureurs et OPJ, notamment les réunions opérationnelles permettant les échanges d informations et la définition en commun de stratégies en amont pour la conduite des dossiers ; et garantir une direction effective de la police judiciaire par l autorité judiciaire ; - remédier à la faible exploitation des bases de données existantes et à l insuffisante fiabilité de certaines d entre elles ; et utiliser davantage les outils mis à la disposition des polices nationales par Interpol ; - sécuriser les bases de données policières et judiciaires et les transmissions sur les informations individuelles ; au sujet des Réseaux de contact : - soutenir le renforcement des réseaux de coopération policière et judiciaire existants ; - appuyer les synergies entre les réseaux judiciaires, à l instar de l AIPPF et du WACAP (Réseau d autorités centrales et de procureurs de l Afrique de l Ouest contre la criminalité organisée) notamment pour renforcer la confiance mutuelle et une meilleure compréhension des conditions juridiques réciproques ;

- veiller à la rationalisation des réseaux existants et de leurs activités pour assurer leur complémentarité et éviter leur multiplication sans motif particulier dans les sous régions concernées ; Concernant la formation : - œuvrer en faveur d une spécialisation des magistrats et des enquêteurs en proposant, notamment, des formations spécialisées en matière de lutte contre le crime organisé, de techniques d enquêtes en matière de terrorisme et d appropriation des textes sur l entraide judiciaire et l extradition ; - intensifier le rôle des structure existantes (type GIABA et Interpol ) dans la coordination de formations spécialisées dans tous les volets de la lutte contre le crime organisé ; A l attention de la CEDEAO : - œuvrer à l adoption et à l application d un mandat d arrêt ouest africain et soutenir les initiatives allant dans ce sens (cf recommandation ci-dessus à l intention des Etats et Gouvernements), A l attention de l OIF - poursuivre le soutien aux actions engagées par l AIPPF et leur suivi à l occasion du premier séminaire sous régional de haut niveau de Bamako et du 2 ème séminaire régional de l AIPPF organisée à Dakar sur le crime organisé en Afrique de l ouest ; étendre ces réflexion à d autres régions de l espace francophone et

notamment l Afrique centrale et l océan indien, afin de doter ces régions d un arsenal juridique efficient avec les bonnes pratiques nécessaires à sa mise en œuvre en matière de lutte contre le crime organisé et de ses financements ; A l attention de l AIPPF - mobiliser l expertise de l AIPPF pour envisager l organisation d un atelier de travail sur la rédaction juridique du texte d un mandat d arrêt ouest africain impliquant, au départ, les Etats de la sousrégion qui le souhaitent, en vue de porter ensuite ce projet de texte à l attention des autorités politiques nationales ; - favoriser l implication constante des procureurs et poursuivants francophones dans les activités et la promotion du Réseau ; En conclusion : Les participants du 2 ème séminaire régional de l Association internationale des procureurs et poursuivants francophones sur le crime organisé en Afrique de l Ouest, qui s est tenue à Dakar du 1 au 3 octobre 2014, soucieux de faire de la coopération judiciaire en matière pénale et de l extradition des instruments de lutte efficaces contre toutes les formes de criminalité dans la sous-région, entendent favoriser la mise en œuvre et le suivi des recommandations adoptées à l issue du séminaire, afin de faire de la sous-région un espace de paix, de liberté et de sécurité dans laquelle toutes les formes de criminalité, de terrorisme et de financement de ces dernières seront éradiquées. Fait à Dakar, le 3 octobre 2014