La détention d un animal par le locataire Fiche juridique Droit du bail Le preneur peut-il détenir un animal dans les lieux loués? Le propriétaire-bailleur a-t-il le droit d interdire au locataire de posséder un animal? Comme nous l avons déjà constaté en droit du bail, les réponses ne sont ni simplement positives ni simplement négatives. Nous allons aborder la question sous différents aspects. 1.-La Constitution La constitution belge, dans son article 23.3 relatif au droit à un logement décent, ne reconnaît pas au preneur le droit de détenir un animal dans le bien loué.
2.-Le Code civil Ni les dispositions générales relatives aux baux des biens immeubles ni les dispositions particulières aux baux relatifs à la résidence principale du preneur et à certains baux de loyer, ne traitent expressément du sujet. Cependant, l article 577-10, 4, de la loi relative à la copropriété, détermine les conditions d application et de recours des dispositions du règlement d ordre intérieur ainsi que des décisions de l assemblée générale applicables aux personnes titulaires d un droit réel ou personnel sur l immeuble en copropriété et aux titulaires d une autorisation d occupation. 3. Les réglementations régionales des logements dits sociaux et des logements gérés par les agences immobilières sociales en Région wallonne et en Région de Bruxelles-Capitale L article 12, 2, du contrat de bail-type des dispositions relatives au logement dit social en région de Bruxelles-Capitale, précise que «les animaux perturbateurs et/ ou dangereux ne sont pas admis dans le logement». L arrêté du 6 septembre 2007 du Gouvernement wallon organisant la location des logements dits sociaux laisse quant à lui la liberté aux sociétés de logements d établir un règlement d ordre intérieur ; mais dont aucune disposition ne peut être contraire au contrat de bailtype prévu par cet arrêté. En ce qui concerne l arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 28 février 2008 organisant les agences immobilières sociales, le bail-type de sous-location mentionne qu à défaut de règlement d ordre intérieur, «sauf autorisation écrite et préalable du bailleur, le preneur ne peut pas posséder d animal dans le logement». De son côté, à notre connaissance, la réglementation du Service public de Wallonie relative aux agences immobilières sociales, ne prévoit pas de bail-type. 4.- Le contrat de bail Nous constatons fréquemment, dans les baux qui nous sont soumis, la présence de clauses relatives à l interdiction de détention d un animal. Des baux font également référence au respect des règlements d ordre intérieur et de copropriété. En référence à l article 1134, alinéa 3, du Code civil, les conventions doivent être exécutées de bonne foi. Les parties signataires du contrat de bail doivent agir selon une conduite honnête et loyale.
Dès lors, le preneur doit respecter les dispositions du contrat de bail et autres règlements en matière de détention d animal et demander l autorisation écrite du bailleur si c est mentionné. Toutefois, au travers des décisions de justice présentées ci-dessous, nous constatons une évolution au bénéfice du locataire moyennant le respect de certains critères, de manière générale, ou de certaines conditions déterminées dans le contrat de bail (ou le règlement d ordre intérieur). 5.-La jurisprudence 5.1. Jugement du 21 octobre 1986, tribunal de I ère Instance (Civ. Liège, Jurisprudence de Mons, Liège et Bruxelles, J.L.M.B., 1987, p.578) Situation Une clause du contrat de bail intègre une disposition du règlement d ordre intérieur de la résidence qui interdit formellement la détention d animaux domestiques tels que chiens, chats ou oiseaux bruyants. En cas de transgression, le bail est automatiquement résilié. L interdiction totale de détenir un animal domestique quelconque porte atteinte au droit à l intégrité de la vie privée et de la vie familiale que consacre l article 8,1, de la convention de sauvegarde du 4 novembre 1950. Cette disposition prime sur le droit interne et doit être appliquée par les juridictions nationales. Les particuliers ne peuvent instaurer des pénalités à caractères répressif, car le pouvoir répressif est hors commerce. Le chat, lui aussi, a ses droits. De plus, cette disposition du règlement d ordre intérieur est formulée comme une clause résolutoire expresse qui doit être considérée, selon l article 1762bis, comme non écrite. La demande de résolution du bail aux torts du preneur n est pas acceptée. 5.2.-Jugement du 20 mars 1990, J.P. Namur 2 Sud (Journal des Juges de paix, J.J.P., 1990, p.150) Il a été jugé que la possession d un animal domestique dans une chambre meublée, contraire à une clause du bail, ne peut pas être justifiée par le droit à la vie privée reconnu dans l article 8,1 de la Convention européenne des droits de l homme : une norme européenne insuffisamment précise et complète telle que l article 8.1, ne peut pas avoir d effet direct dans l ordre juridique belge. En outre, le juge précise que cette interdiction relève de ladite liberté des parties. La demande de résolution du bail aux torts du preneur est acceptée.
5.3.-Jugement du 5 février 1993, J.P. Huy (J.J.P. 1993, p.335) Le juge de paix a accepté qu à la lumière de son objet social d offrir du logement à des personnes moins fortunées et afin de pouvoir gérer raisonnablement un grand nombre de logements, une société (société de logements dits sociaux) reconnue de logement doit instaurer tous les règlements possibles afin de prévenir des conflits entre preneurs. Dans la mesure où l exercice du droit reconnu par l ordre international et national à la vie privée par un preneur se ferait au détriment d autres, la société a le droit de régler les modalités de l exercice de ce droit, par exemple par une interdiction de tenir des animaux domestiques. 5.4.-Jugement du 7 avril 2006 (en néerlandais) (Civ. Bruxelles, J.J.P. 2007, p. 177) Résumé : La simple possession d animaux sans nuisances particulières, en contrariété avec une clause d interdiction figurant dans le bail, ne suffit pas à établir une faute contractuelle. Pareille clause peut être considérée comme portant atteinte, dans l état actuel des conceptions et des habitudes sociales, au droit à l intégrité de la vie privée, de la vie familiale et du domicile que consacre la disposition directement applicable de l article 8.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l homme.» La demande de résolution du bail aux torts du preneur n est pas acceptée. 5.5.- Jugement du 12 avril 2010, J.P. Mouscron-Comines-Warneton (J.J.P. 2012, p.169). Situation Une société de logements dits sociaux spécifie dans le contrat de bail l interdiction de détenir plus d un chien ou d un chat et l exclusion, que l animal soit dangereux ou source d ennui. Nous reproduisons ici l extrait du jugement publié dans le J.J.P. Attendu que la demande, mue par citation du 8 juin 2009, a trait à la location d un logement social sis à 7784 Warneton, rue de 13 ; que plus particulièrement la demande tend à entendre prononcer la résolution du bail aux torts de la défenderesse, au motif qu elle détient un chien Rottweiler en contravention avec une clause du bail et subsidiairement à entendre condamner la défenderesse à se défaire de son chien sous peine d astreinte. Attendu qu il est acquis aux débats que : - la demanderesse a donné en location l immeuble prédécrit par bail conclu le 1 er juin 1995 ; - l article 16, 3, i du contrat de bail prévoit que : «Pour les locataires des maisons, (il est interdit) de détenir plus d un chien ou chat, pour autant que celui-ci ne soit pas dangereux et
à l exclusion de tout autre animal. De toute manière, la présence d animaux, quels qu ils soient, ne peuvent jamais constituer une source d ennui ou de dégâts ni pour les voisins, ni pour la société, ni mettre en danger la propreté et l hygiène des lieux habités tant pour le locataire que pour les voisins.» ; -la défenderesse possède deux chiens : un Rottweiler et un Jack Russel. Attendu que la défenderesse soutient que la clause d interdiction contenue dans l article 16, 3, i du contrat de bail serait nulle parce que contraire à l article 8.1 de la Convention européenne des droits de l homme, et que, de toute façon, son chien est bien éduqué, calme et non agressif ; qu en outre, elle soutient que la demande en résolution du bail pour détention d un chien constitue un abus de droit de la part du bailleur. Motifs du juge Validité de la clause Attendu que l interdiction totale de détenir un animal domestique quelconque porte atteinte au droit à l intégrité de la vie privée, de la vie familiale et du domicile, consacré en l article 8.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l homme ; que cette disposition prime en effet sur le droit interne et doit être appliquée par les juridictions nationales (Civ. Liège, 21 octobre 1886, J.L.M.B., 1987, p.578, obs. J.H.). Attendu que cette interdiction n est contraire à ladite Convention que dans la seule mesure où il s agit d une clause comportant une interdiction générale et absolue sans référence à une quelconque nocivité (Civ. Liège, 16 janvier 1990, R.G.C.D., 1990/6, p.475). Attendu qu il n en va pas ainsi de la clause contenue dans l article 16, 3, i du bail puisque : - d une part, elle n interdit pas d avoir un animal : il est seulement spécifié qu il est interdit de détenir plus d un chien ou chat ; - d autre part, l animal ne peut être détenu que pour autant qu il ne soit pas dangereux, voire même uniquement une source d ennui pour les voisins, pour la société, ou mettre en danger la propreté et l hygiène des lieux tant pour le locataire que pour ses voisins. Attendu qu il est donc clair que la clause de l article 16, 3, i du bail ne comporte pas une interdiction générale et absolue de détenir un animal sans référence à une quelconque nocivité ; que la clause est valable. Attendu qu il est normal que la bailleresse, qui poursuit un objectif social consistant à offrir des logements à des gens économiquement faibles, et doit gérer un parc important de logements, insère pareille clause dans ses baux. Attendu que la défenderesse doit respecter cette clause du bail ; qu elle doit donc se séparer d un des deux chiens qu elle détient. Attendu que même si le Rottweiler de la défenderesse est une brave bête, il n empêche qu il s agit d un chien dangereux ; que l actualité a suffisamment démontré qu un Rottweiler sage et sociable peut avoir une soudaine crise d agressivité (notamment en été) ; que ce n est évidemment pas un hasard si la race des rottweiler a été classée comme chiens dangereux en France (loi du 6 février 1999 renforcée par la loi du 20 juin 2008) tandis que les nouveaux
propriétaires de chiens en Grande-Bretagne devront implanter une micropuce sous la peau de chaque animal. Attendu que le Rottweiler possède une denture puissante capable de sectionner un bras humain sans effort ; qu une fois qu il se met à mordre, il ne lâche pas sa proie. Attendu dès lors que la défenderesse ne peut conserver qu un chien, elle devra se dessaisir du Rottweiler, plutôt que du Jack Russel.» Application Attendu qu il ne convient pas de prononcer la résolution du bail à ce jour. Attendu qu il sera recouru à cette mesure extrême que si la défenderesse n exécute pas la sentence. La demande de résolution du bail aux torts du preneur n est pas acceptée à la condition qu il se sépare du Rottweiler. Selon l évolution de la jurisprudence, il apparaît que l interdiction générale et absolue sans référence à une quelconque nocivité d un animal domestique, ne constitue plus une clause valide dans un contrat de bail. Par contre, le bailleur est en droit de motiver l interdiction de détention d un animal en référence à la sécurité des autres locataires, la quiétude et le calme des occupants de l immeuble, Exemple : les animaux domestiques habituels sont autorisés, pour autant qu ils ne constituent pas de gêne, nuisance, même sporadique, de quelque nature de ce soit. Cependant, le locataire détenteur d un animal doit savoir Usage du bien en bon père de famille Selon l article 1728, 1, du Code civil, le preneur doit user de la chose en bon père de famille, autrement dit, le preneur doit adopter un comportement qui ne puisse nuire aux lieux loués. Même en cas d autorisation de détention d un animal, le preneur doit veiller à l immeuble, avec tout le soin et les précautions nécessaires et éviter des actes troublant la jouissance des tiers. Il doit donc être attentif à tout comportement animalier susceptible de dégrader le bien loué et d engendrer des troubles de voisinage (aboiements, ). Responsabilité en cas de dégradation du bien loué Selon l article 1732 du Code civil, le locataire répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu il ne prouve qu elles ont eu lieu sans sa faute.
En outre, selon l article 1735 du Code civil, le locataire est responsable des dégradations et des pertes qui arrivent par le fait «des personnes de sa maison», c est-à-dire toute personne qui vit avec lui ou qui entre dans les lieux loués tels qu entrepreneurs, clients ou même toute personne qu il autoriserait à résider même gratuitement. Le preneur est aussi responsable de ses sous-locataires. Exemple : le preneur garde le chien d un ami pendant que celui-ci est à l hôpital. Le preneur est responsable des éventuels dégâts causés par le chien dans le bien loué. Dès lors, le bailleur peut requérir la désignation d un expert chargé de déterminer les dégâts locatifs, en référence au Code judicaire, à l article 594-1 (compétence du juge de paix) et aux articles 1025 à 1034 (introduction et instruction de la demande sur requête unilatérale). Il dispose également du droit de demander la résolution du contrat aux torts du preneur. Pour être exhaustif, il faut ajouter Même si le bailleur marque son accord quant à la détention d un animal, le législateur, qu il soit fédéral, régional ou communal, impose certaines conditions et restrictions. 6.-Les règlements de police des villes et des communes Chaque ville ou commune y va de son propre règlement en matière de détention et de conditions de détention d animaux, et plus spécifiquement des chiens. Nous pouvons relever : interdiction pure et simple de la présence de certaines races de chiens sur le territoire communal, port de la muselière obligatoire pour une série de races de chiens, interdiction de la présence de chiens d une taille au garrot ou d un poids précisé sur les foires, marchés et braderies, etc. 7.- La loi fédérale et les réglementations régionales Tout d abord, nous pouvons différencier l animal de compagnie de l animal domestique. En effet, l animal de compagnie est, en référence au dictionnaire, un animal domestique familier qui vit auprès de l homme pour lui tenir compagnie. Un animal domestique est un animal qui vit auprès de l homme pour l aider, le nourrir, le distraire et dont l espèce est depuis longtemps apprivoisée (rendue plus docile, moins dangereuse). Par contre, il n existe pas de définition spécifique des animaux qui sont qualifiés d exotiques. Ainsi, les reptiles et les amphibiens peuvent être considérés comme des animaux de compagnie exotiques mais certaines espèces le sont plus que d autres comme les iguanes. En Belgique, les conditions de détention des animaux sont fixées par la loi fédérale relative au bien-être animal (géré par le Service public fédéral Santé, loi du 14 août 1986), tandis que les autorisations de détention des animaux dits exotiques dépendent des Régions.
Le législateur fédéral a dressé une liste positive de 42 espèces de mammifères pouvant être détenus comme animaux de compagnie, sans autorisation. En ce qui concerne la détention d animaux dits exotiques en Région wallonne, le citoyen désireux de cohabiter avec des mygales et autres animaux «affectueux» doit demander un permis d environnement à l administration régionale compétente. À ce sujet, il existe un projet visant à simplifier la législation relative à la détention des animaux exotiques, appelés «nouveaux animaux de compagnie» ou NAC. Depuis le 1 er juillet 2014, les régions sont compétentes en matière de Bien-être animal. Dès lors, tout citoyen, locataire ou non, avant de détenir un animal, veillera à se renseigner sur la loi fédérale, les dispositions régionales ainsi qu au besoin, à s informer auprès de sa ville ou commune. Catherine Culot Octobre 2012 (Mise à jour Mars 2015)
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