«Les situations de handicap en milieu carcéral» Exploitation de l enquête HID Prison



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Transcription:

«Les situations de handicap en milieu carcéral» Exploitation de l enquête HID Prison Jean-Yves BARREYRE, Clotilde BOUQUET, Carole PEINTRE INTRODUCTION Première enquête de grande envergure sur les détenus handicapés, l enquête HID-prison permet de montrer que les situations de handicap se posent aussi en milieu carcéral, et même de façon plus fréquente encore qu en milieu ordinaire, si l on en croît la prévalence plus forte des déficiences et incapacités dans cet environnement spécifique 1. Cependant, les détenus déclarant des «limitations d activités dans leur vie quotidienne en raison de leur santé» ou une déficience n ont pas, pour une grande majorité d entre eux, une reconnaissance officielle d un handicap (alors que deux détenus sur trois présentent une déficience, seul 8% de la population carcérale s est vu attribuer un taux d incapacité 2 ). Ce constat souligne ainsi la difficulté de qualifier la population dite «handicapée» en raison de l absence de consensus autour de sa définition. La loi de 1975, fondatrice du secteur médico-social, n avait pas tranché mais déplacé le questionnement en considérant comme handicapée toute personne reconnue par les commissions départementales (CDES et COTOREP) 3. Trente ans plus tard, la loi du 11 février 2005 propose quant à elle une définition extrêmement large du handicap, qui ne rompt pas avec l approche biomédicale 4 qui prévalait jusqu ici (que ce soit dans les critères d obtention des allocations ou d admission dans les structures spécialisées) mais qui reconnaît cependant l impact important de l environnement dans la situation de handicap, dans l esprit de la nouvelle classification de l OMS (Classification Internationale du Fonctionnement, du handicap et de la santé). 1 Aline Désesquelles, «Le handicap est plus fréquent en prison qu à l extérieur», INSEE PREMIERE n 854 juin 2002. 2 Accordé par la CDES, la COTOREP, la sécurité sociale, l armée, les assurances, etc. 3 Sachant que jusqu en 1993, cette évaluation du handicap chez les adultes s appuyait sur le barème d invalidité du code des pensions militaires d invalidité et des victimes de guerre. 4 Le handicap est défini «comme une limitation d activité ou une restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne» mais dont l origine est en lien avec une difficulté fonctionnelle ou un problème de santé («en raison d une altération substantielle, durable ou définitive d une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d un polyhandicap ou d un trouble de santé invalidant»).

L enquête HID, s étant largement inspirée des principes et des indicateurs de la classification internationale du handicap (y compris des débats portant sur sa révision et qui ont abouti au vote de la CIF), a ainsi pour intérêt de fournir des données de cadrage sur l ensemble des personnes présentant des difficultés dans la réalisation des activités de la vie quotidienne, qu elles soient reconnues ou non comme handicapées par les instances officielles, que ces difficultés soient permanentes ou temporaires, et quels que soient les événements ou facteurs à l origine de ces difficultés. Mais si cette enquête permet de recenser des limitations de capacités pouvant aboutir à des «situations de handicap» inconnues des commissions d orientation, en raison de la volonté des personnes à rester à l écart d un dispositif stigmatisant et plus certainement, pour les détenus, en raison de problèmes d accès à leurs droits ou en raison d un handicap insuffisant pour justifier l accès à des aides spécifiques, elle discrimine en revanche une population extrêmement hétérogène pour laquelle il est difficile de déterminer des profils spécifiques. Or l hétérogénéité de la population carcérale en situation de handicap, qui évolue dans un environnement spécifique, nécessite, avant toute tentative de comparaison avec d autres publics (ex : détenus non handicapés) ou avec d autres cadres de vie (ex : personnes handicapées en institution ou à domicile), de cerner précisément les profils de ces personnes tels que permet de les décrire l enquête HID-Prison (à partir des variables proposées). Aussi, pour mieux connaître les détenus en «situation de handicap», nous avons choisi de considérer simultanément cette question au travers des trois dimensions, pouvant, à notre avis, constituer ou révéler une situation de handicap : - le fonctionnement humain et ses répercussions sur l accomplissement des gestes de la vie courante (déficiences et incapacités) ; - les modes de reconnaissance officiels du handicap, actuels ou par le passé (reconnaissance COTOREP, aides techniques, etc.) ; - et la reconnaissance du handicap par le système pénitentiaire (aménagement de la cellule, formation adaptée, aménagement du poste de travail en prison). Il reste que l analyse des données de l enquête «HID Prisons» doit tenir compte du mode et des conditions de collecte des données en milieu carcéral. La particularité des relations entre un prisonnier et une personne extérieure à la prison est bien connue des sociologues et des travailleurs sanitaires et sociaux en contacts physiques ou épistolaires avec cette population. L enfermement imposé comme peine, la restriction des activités et la contrainte d une vie quotidienne dans un espace restreint avec des individus non choisis influent sur le mode de relations et surtout sur le contenu informatif des échanges avec des personnes extérieures à la prison. L enquête HID Prison comportera de ce fait un biais qui limitera toute étude comparative à partir d un déclaratif par questionnaire, mais elle fournit des indications d une part sur les troubles, déficiences et difficultés exprimés par les détenus et d autre part sur les demandes d aide et les modes de reconnaissance du handicap en prison. 2

OBJECTIF DE L ÉTUDE L objectif de cette étude est de dégager une typologie permettant de mieux connaître les détenus en «situation de handicap» et de les classer en groupes homogènes présentant des caractéristiques similaires en terme de déficiences, d'incapacités, d'aides techniques, de reconnaissance administrative de leur handicap, et de mesurer le poids respectif de ces groupes dans la population carcérale française. 82% DE LA POPULATION CARCÉRALE EST IDENTIFIÉE COMME VIVANT UNE SITUATION DE HANDICAP Si les choix méthodologiques retenus pour l étude (à partir des variables contenues par l enquête HID et le mode déclaratif de ces informations) conduisent à considérer que la très grande majorité des détenus des prisons françaises sont en situation de handicap (82%), les difficultés déclarées altèrent rarement la réalisation des activités quotidiennes et ne nécessitent quasiment jamais le recours à l aide d un tiers. En effet, les réponses «beaucoup de difficultés» et «aide partielle ou totale» ne concernent, pour chaque activité, qu un ou 2% des détenus. Ce sont les difficultés dans les relations sociales qui apparaissent au premier plan. Ainsi, 41% des détenus déclarent une déficience du psychisme (dont 14% correspondant à des troubles mentaux graves) et près de la moitié des détenus (environ 20 000) auraient ainsi des comportements agressifs et/ou se mettraient en danger et/ou feraient preuve d un comportement «critiquable» ou encore présenteraient des difficultés pour communiquer 5. 30% d entre eux (environ 6 000 6 ) étant régulièrement suivis par un psychiatre ou un psychologue. Hormis la déficience du psychisme, les déficiences graves semblent quasiabsentes des prisons. En effet, l enquête HID prison ne recense aucun détenu présentant un retard mental moyen, grave, profond ou sévère. Les déficiences intellectuelles observées ne concernent que des limitations ou des dysfonctionnements légers de la fonction intellectuelle (retard mental léger, troubles de l acquisition et des apprentissages, troubles de la mémoire, désorientation spatio-temporelle). De même, aucun détenu sourd et/ou mutique n a été recensé. La cécité semble également concerner des situations très rares (2 individus qui représenteraient une vingtaine de détenus sur l ensemble des prisons françaises). La déficience motrice, qui toucherait environ un détenu sur quatre (près de 10 000 détenus), constitue la déficience la plus fréquemment citée après celle du psychisme et correspond essentiellement à des problèmes de dos (déficience du tronc) et à des déficiences motrices concernant un seul membre ou des fonctions motrices spécifiques (déficience motrice autre que la paraplégie, la tétraplégie ou l hémiplégie). Si ces atteintes motrices compromettent très rarement les déplacements (en dehors 5 On reproche ainsi à plus d un quart des détenus d être trop agressifs ou impulsifs. Par ailleurs, 24% d'entre eux auraient un comportement critiquable pour d'autres raisons que l'agressivité ou l'impulsivité. 18% se mettraient parfois ou souvent en danger par leur comportement. Enfin, 7% rencontreraient des problèmes de communication (autres que ceux liés à des problèmes de surdité). 6 14% des détenus français (prévalence) 3

de monter un escalier) et la préhension des objets, elles occasionnent un peu plus souvent quelques difficultés pour changer de posture (15% pour se pencher et ramasser un objet posé au sol et 11% pour se lever du lit). Les incapacités déclarées par les détenus concernent généralement plusieurs domaines d incapacité. Ainsi, les difficultés rencontrées pour assurer seul son hygiène s accompagnent souvent d autres incapacités, dans les différentes tâches relatives à l entretien personnel (s habiller, assurer l élimination de son urine et de ses selles, prendre son repas), mais aussi dans des activités de déplacement ou de manipulation. Seuls les problèmes de comportement apparaissent fréquemment de façon isolée sans générer d autres incapacités dans les activités de la vie courante. Près d un détenu sur cinq serait dans ce cas. UNE RECONNAISSANCE PEU FRÉQUENTE DES DIFFICULTÉS DÉCLARÉES Pour un quart seulement des détenus en «situation de handicap», les difficultés déclarées (déficiences et incapacités) ont donné lieu, dans leur parcours de vie, à une forme de reconnaissance officielle de leur handicap (26%) [Tableau 1]. 67% 26% Tableau 1 Répartition des détenus en situation de handicap selon les différentes dimensions associées qui composent leur situation de handicap. LES DÉTENUS EN SITUATION DE HANDICAP Déclaration uniquement de déficiences et/ou d incapacités Déclaration de déficiences et/ou d incapacités + déclaration d un suivi psychologique régulier Déclaration de déficiences et/ou d incapacités donnant lieu à une forme de reconnaissance officielle du handicap actuelle ou passée (aides techniques, reconnaissance CDES ou COTOREP, scolarité aménagée, emploi protégé, etc.) Déclaration de déficiences et/ou d incapacités donnant lieu à une forme de reconnaissance officielle du handicap actuelle ou passée (aides techniques, reconnaissance CDES ou COTOREP, scolarité aménagée, emploi protégé, etc.) + déclaration d un suivi psychologique régulier Déclaration de déficiences et/ou d incapacités donnant lieu à une forme de reconnaissance officielle du handicap actuelle ou passée (aides techniques, reconnaissance CDES ou COTOREP, scolarité aménagée, emploi protégé, etc.) + Dispositions particulières mises en œuvre par l administration pénitentiaire (avec ou sans suivi psychologique régulier) Déclaration uniquement d un suivi psychologique ou psychiatrique régulier) Effectif réel Effectif pondéré %* 530 19 028 52 192 5 616 15 268 6 469 18 117 2 918 8 12 255 0,7 18 1 158 3 Autres associations 25 883 2 Total 1 162 36 327 100 Source : HID-Prison Délégation ANCREAI Ile-de-France - 2005 * les % sont calculés à partir des effectifs pondérés : 36327 détenus en situation de handicap 4

Cette reconnaissance s est traduite, selon les personnes, par l attribution d un taux d incapacité (8% de l ensemble des détenus dont 3% bénéficient au moment de l enquête d une allocation pour adulte handicapé), par la mise à disposition d aides techniques et matériels adaptés (8% de l ensemble des détenus), ou encore par la mise en place d une mesure de protection juridique (2% de l ensemble des détenus). La mise à disposition par l administration pénitentiaire de dispositions particulières pour compenser le handicap concernerait une proportion très restreinte de détenus. Ainsi, une centaine seulement de détenus (sur l ensemble des prisons françaises) bénéficierait d'une cellule aménagée en raison de problèmes de santé ou d'un handicap (WC adaptés, douche individuelle, lit ou siège adapté, des dispositifs de soutien ). Une soixantaine de détenus (0,3% de l ensemble des détenus) bénéficierait de matériel spécial ou d'une aide individuelle pour leur scolarité en raison d'un handicap ou d'un problème de santé. Enfin, ils seraient environ 250 (0,6%) à voir leurs conditions de travail dans le bâtiment pénitentiaire aménagées avec des aides telles que l'aide d'un tiers, du matériel spécial, des fonctions modifiées, (etc.). SEPT GROUPES DE DÉTENUS EN SITUATION DE HANDICAP La classification hiérarchique mise en œuvre sur les détenus ayant déclaré «une situation de handicap» (82% de l ensemble des détenus) a permis de dégager sept groupes homogènes de détenus, essentiellement en termes d incapacités et de modes de reconnaissance du handicap (les déficiences ne venant qu a posteriori caractériser ces groupes variables illustratives). Répartition des différents profils en terme d autonomie au sein de l ensemble de la population carcérale Effectifs redressés % Détenus «sans handicap» 7 401 17 Classe 1 les plus autonomes 25 665 59 Classe 2 1 019 2 Classe 3 1 989 5 Classe 4 3 124 7 Classe 5 2 269 5 Classe 6 1 531 4 Classe 7 730 2 TOTAL 43 728 100 76% des détenus présentant une bonne autonomie Des difficultés du langage et/ou psychologiques avec des répercussions sur les relations sociales (7%) Des difficultés motrices ayant des répercussions légères sur la plupart des activités quotidiennes (7%) Des détenus âgés avec des difficultés visuelles (5%) Des détenus vieillissants au handicap reconnu par la COTOREP (4%) Les détenus les + dépendants dans les actes de la vie quotidienne (2%) La première classe, rassemblant la majorité des détenus identifiés comme vivant une situation de handicap (et représentant 59% de l ensemble des détenus des prisons françaises), le sont essentiellement en raison d un problème de comportement (donnant lieu à un suivi psychologique régulier pour plus d un quart d entre eux) et/ou de difficultés fonctionnelles légères isolées (notamment de vision ou motrice). Ce groupe de détenus ne semble pas nécessiter des aides humaines, des aides techniques ou des aménagements spécifiques. 5

Les classes 2 et 3 regroupent des détenus souffrant de difficultés de langage et/ou psychologiques qui ont essentiellement des répercussions sur la communication et les comportements. Ils représentent 7% de l ensemble des détenus. Pour ces deux classes, les aides éventuelles pourraient concerner d abord les relations avec autrui et la communication, ces deux types d activités semblant être intriqués pour ce groupe dans les réalisations problématiques. Outre les contrôles sensoriels et les appareillages liés à la vue et à l ouïe, il serait utile de mieux connaître les problèmes de langage et leurs origines et d analyser dans quelles mesures les problèmes de communication sont ou non en lien avec les problèmes de cohérence (impulsivité, agressivité, mise en danger, etc.). De plus, compte tenu des problèmes déclarés en termes de déficience du psychisme, le suivi psychologique et psychiatrique semble particulièrement important, de même que pourrait l être une pédagogie scolaire adaptée pour la population la plus jeune. Les classes 4, 5, 6 et 7 concernent plutôt des détenus vieillissants (âges moyens : 39, 41, 43 et 47 ans) dont les difficultés (et les déficiences) sont plutôt liées à des dysfonctionnements (moteur, visuel, etc.) ou des problèmes corporels (vieillissement, accident, etc.). En effet, comme le souligne le rapport de l IGAS de 2001 7, nous assistons à un fait nouveau dans les prisons : «la présence en prison d un nombre croissant de personnes âgées, fruit de différents facteurs allongement des peines, impact de la délinquance sexuelle responsable d une entrée plus tardive en détention - rend plus fréquents la survenue de maladies chroniques et les phénomènes de perte d autonomie». Cependant ces quatre classes présentent des profils relativement différenciés : La classe 4 regroupe des détenus souffrant de difficultés motrices variées ayant des répercussions légères sur la plupart des activités quotidiennes, qui ne donnent pas lieu à une reconnaissance officielle du handicap (7% de l ensemble des détenus). Ce premier groupe des détenus vieillissants pose la question de l accessibilité des prisons : escaliers, lits superposés, sanitaires, lieux d activités, de travail et de loisirs. Une enquête globale sur cette question dans les prisons françaises appuyée sur les difficultés des groupes 4, 6 et 7, soit 13% des détenus ou 1 détenu sur 7, pourrait être proposée. La classe 5, qui rassemble des détenus vieillissants atteints essentiellement d une déficience visuelle mais faisant preuve d une bonne autonomie pour l ensemble des activités et participations sociales (5% de l ensemble des détenus), met essentiellement en évidence l insuffisance des contrôles sensoriels et des appareillages liés à la vue et à l ouïe pour les détenus, et d une façon plus large pointe la nécessité d une prévention sanitaire du vieillissement au sein des prisons. La classe 6 se caractérise par des détenus vieillissants dont les déficiences variées et les incapacités légères (en lien probablement avec des problèmes somatiques) ont pourtant donné lieu à une reconnaissance officielle de leur handicap pour la plupart d entre eux (les deux-tiers détenant la carte d invalidité). Cette petite classe de détenus (4% de l ensemble de la population carcérale) correspond également à celle pour laquelle la proportion de prothèse / appareillage est la plus élevée (17%) et les mesures de protection juridique les plus fréquentes (22%). De plus, au moins la moitié des 7 IGAS, IGSJ «L organisation des soins aux détenus» Rapport d évaluation - Juin 2001 6

détenus appartenant à cette classe ont bénéficié de cette reconnaissance COTOREP avant leur incarcération (50% sur les 94%). Compte tenu de ces caractéristiques, on peut poser l hypothèse que ce groupe rassemble des personnes aux incapacités modérées pour lesquelles des droits ont été ouverts avant leur incarcération, concernant plutôt la reconnaissance d une difficulté en terme d emploi (48% des détenus appartenant à cette classe ont déclaré par le passé avoir bénéficié d une reconnaissance comme travailleur handicapé), et que cette ouverture préalable des droits a facilité, en cours d incarcération, l attribution d allocations et l obtention de la carte d invalidité. Cette classe pourrait ainsi représenter des populations handicapées dites «limites» ou définies souvent par les équipes des COTOREP comme souffrant avant tout de «handicap social». Par ailleurs, la prison est peut-être venue, pour ces détenus, aggraver les difficultés fonctionnelles initiales. Des problèmes somatiques liés au vieillissement ont pu aussi intervenir en cours d incarcération et se surajouter ainsi aux difficultés préexistantes. Les données disponibles dans l enquête HID ne permettent pas de vérifier ces hypothèses. Enfin, la classe 7 regroupe les détenus les plus dépendants dans la mesure où leurs difficultés importantes, en particulier sur le plan moteur, ont des répercussions sur les actes les plus essentiels de la vie courante (se laver, s habiller, aller aux toilettes, manger). Cette classe la plus petite en terme d effectifs (elle représenterait environ 700 détenus dans l ensemble des prisons françaises) est également la plus âgée (en moyenne 47 ans et 20% ont 60 ans et plus). Malgré des incapacités déclarées bien plus lourdes que les détenus appartenant à la classe précédente (classe 6), la reconnaissance par la COTOREP n est pas toujours effective (59%) et moins de la moitié d entre eux perçoivent, au moment de l enquête, une allocation ou un revenu en lien avec le handicap (45%). Seuls 30% détiennent une carte d invalidité. La présence de détenus présentant ce type de profil pose la question de l aide professionnelle à la personne au sein de la prison, pour la réalisation des actes indispensables de la vie quotidienne, qu elles soient consécutives à une maladie ou qu elles résultent d une perte d autonomie liée à l avancée en âge. L âge moyen élevé et l association fréquente de problèmes somatiques (déficiences respiratoires, cardiaques, etc.) pour ces détenus interrogent sur la nécessité de proposer un accompagnement qui traverserait le découpage actuel des professionnels sanitaires et sociaux. Par ailleurs, la comparaison des détenus appartenant aux classes 6 et 7 questionne également l accès aux droits communs, en terme de reconnaissance officielle du handicap, des personnes incarcérées (les plus lourdement handicapées n étant pas les plus nombreuses à bénéficier d une allocation ou d une carte d invalidité). EN CONCLUSION Si 70% des détenus déclarent des incapacités, seule une très petite minorité d entre eux évoquent des incapacités majeures dans les gestes élémentaires de la vie quotidienne (manger, faire sa toilette, se rendre aux WC, s habiller, se lever de son lit). De même, 3% seulement de la population carcérale est confrontée à des problèmes d accessibilité physique aux différents espaces de la prison. Si cette proportion de détenus ayant besoin d aide dans leurs activités 7

quotidiennes et/ou privés de promenade pour des raisons d accessibilité semble relativement faible, on peut supposer qu elle recouvre, en revanche, des situations humaines dramatiques. Peut-on parler pour les prisonniers handicapés d une double peine? L application de la nouvelle loi sur le Handicap du 11 février 2005 ne suffira certainement pas à garantir une «égalité des droits et des chances» entre détenus (handicapés et valides). Le projet de décret relatif à «l accessibilité des établissements recevant du public et des bâtiments d habitation modifiant le code de la construction et de l habitation» 8 laisse même plutôt penser le contraire. En effet, ce texte législatif prévoit un traitement différencié des règles d accessibilité pour les prisons («le ministre intéressé et le ministre chargé de la construction fixent par arrêté les règles d accessibilité applicables aux établissements pénitentiaires», de même que pour les établissements militaires, les hôtels restaurants d altitude, les chapiteaux et tentes, etc.). Compte tenu des enjeux financiers présents dans les mesures relatives à l accessibilité du bâti, il est à craindre que les dispositions spécifiques retenues pour les prisons seront moins contraignantes que pour les autres bâtiments recevant du public, d autant plus que les détenus et leurs familles ne constituent pas des lobby influents. En dehors de cette minorité de détenus nécessitant de l aide pour la vie quotidienne, le traitement de l enquête HID met en évidence des besoins spécifiques en terme de soins et de prévention sanitaire pour ces détenus déclarant des déficiences et des incapacités, liés en particulier au vieillissement et aux troubles psychiques. En revanche, si l enquête HID permet de définir des grands profils de détenus au regard des caractéristiques de leur «situation de handicap», et d estimer leur poids respectif dans la population carcérale, elle ne contient pas d informations suffisamment précises pour connaître les répercussions concrètes du handicap sur leurs conditions de vie en prison et les éventuelles stratégies de compensation qu ils ont mis en place (aide du co-détenu ou du surveillant, renoncement à certaines activités, etc.). En effet, contrairement à l enquête HID en milieu ordinaire, il n est pas possible ici d observer l effet du handicap sur leur participation sociale (loisirs, activité professionnelle, relations familiales et amicales, etc.). C est pourquoi, il aurait été déterminant, de façon plus forte encore que pour les deux autres volets de l enquête HID (institutions et ménages ordinaires), de compléter cette enquête par questionnaire par des entretiens semi directifs auprès d un panel de détenus. Il reste que l enquête HID-Prison, plus encore que les deux autres volets de l enquête INSEE, constitue une avancée considérable pour la recherche appliquée aux sciences sociales, tant dans la méthodologie de l observation qu elle propose (approche multidimensionnelle du handicap, avec une prise en compte des facteurs environnementaux) qu en terme de connaissance du public concerné. En effet, si les statistiques sur les personnes handicapées en France font d une façon générale considérablement défaut, que dire de la situation des personnes handicapées incarcérées Dans la perspective du renouvellement d une telle enquête, il est certain que des entretiens menés de façon complémentaire viendraient éclairer les déclarations et propos des détenus, et mettraient ainsi en valeur toute la pertinence et la richesse de l enquête HID-Prison. 8 Ce projet de décret a reçu un avis favorable au CNCPH le 13 décembre 2005. 8