Citation : S. C. c. Commission de l assurance-emploi du Canada, 2015 TSSDA 1234 S. C. Commission de l assurance-emploi du Canada



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Transcription:

[TRADUCTION] Citation : S. C. c. Commission de l assurance-emploi du Canada, 2015 TSSDA 1234 Date : Le 20 octobre 2015 Dossier : AD-15-981 DIVISION D APPEL Entre: S. C. Demanderesse/Appelante et Commission de l assurance-emploi du Canada Intimée Décision rendue par Shu-Tai Cheng, membre de la division d appel Décision sur la foi du dossier, datée du 20 octobre 2015

MOTIFS ET DÉCISION INTRODUCTION [1] Le 28 juillet 2015, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le Tribunal) a tenu une audience dans cette affaire et a déterminé que la prestataire (l appelante) n était pas admissible aux prestations parentales prévues au paragraphe 23(1) de la Loi sur l assurance-emploi. [2] L appelante avait la garde de son petit-fils en vertu d une ordonnance de la cour en date du 7 janvier 2015. Une demande de prestations parentales a été établie à son profit le 11 janvier 2015. [3] La Commission de l assurance-emploi du Canada (l intimée) l a déclarée non admissible au bénéfice des prestations pour une période indéterminée, en application du paragraphe 23(1) de la Loi sur l assurance-emploi, parce que l enfant avait été placé sous la garde de l appelante de façon temporaire, avec l intention de redonner la garde de l enfant à ses parents lorsqu ils seraient de nouveau en mesure de s occuper de lui. [4] L appelante a demandé une révision de cette décision, invoquant le fait qu elle s occupait de son petit-fils depuis sa naissance, pour la protection de l enfant en raison de préoccupations concernant la mère et le père biologiques, et qu elle avait dû quitter son emploi pour cela. Elle assumait la responsabilité entière de l enfant, tant au plan financier, éducatif et physique que psychologique, et elle comptait demander à obtenir la garde permanente de l enfant. [5] L intimée a maintenu sa décision originale étant donné que le paragraphe 23(1) de la Loi sur l assurance-emploi exprime l intention du législateur de rendre admissible un prestataire qui veut prendre soin d un enfant placé chez lui en vue de son adoption, et que l enfant avait été placé chez l appelante de façon temporaire et à des fins de protection, ce qui fait que l appelante ne satisfaisait pas aux critères. [6] La division générale a tenu une audience par téléconférence le 28 juillet 2015. L appelante était présente à l audience devant la division générale. La division générale a

ensuite rendu sa décision le 3 août 2015, et le Tribunal a communiqué cette décision à l appelante par voie de lettre le 12 août 2015. [7] L appelante a déposé une demande de permission d en appeler (la demande) devant la division d appel du Tribunal, le 4 septembre 2015. La demande a été reçue dans le délai de 30 jours prévu. [8] Le 18 septembre 2015, la division d appel du Tribunal a demandé à l appelante de lui fournir des renseignements supplémentaires. Le Tribunal lui a demandé de préciser les moyens d appel invoqués et les erreurs commises par la division générale sur lesquelles elle se fondait. En outre, le Tribunal lui a demandé d indiquer quelle question en litige allait devoir être tranchée à la date de l audience indiquée dans les documents. L appelante a fourni des renseignements supplémentaires le 13 octobre 2015. [9] L intimée s est vu offrir la possibilité de répondre aux renseignements supplémentaires de l appelante. Dans des observations datées du 14 octobre 2015, l intimée a concédé l appel et a demandé que la demande de permission d en appeler soit accueillie et qu une décision accueillant l appel soit rendue sur la foi du dossier. QUESTION EN LITIGE [10] Le Tribunal doit déterminer si l appel a une chance raisonnable de succès. [11] S il est d avis que l appel a une chance raisonnable de succès, le Tribunal doit décider s il y a lieu de rejeter l appel, de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, de renvoyer l affaire à la division générale pour réexamen, ou de confirmer, d infirmer ou de modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale. DROIT APPLICABLE ET ANALYSE [12] Selon les paragraphes 57(1) et 57(2) de la Loi sur le ministère de l Emploi et du Développement social (la Loi), une demande de permission d en appeler peut être présentée à la division d appel selon les modalités prévues par règlement, et ce, dans les trente jours suivant la date où l appelant reçoit communication de la décision, dans le cas d une décision rendue par la section de l assurance-emploi. La division d appel peut proroger d au plus un an suivant la date

où l appelant reçoit communication de la décision le délai pour présenter la demande de permission d en appeler. [13] Selon les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi, «[i]l ne peut être interjeté d appel à la division d appel sans permission» et la division d appel «accorde ou refuse cette permission». [14] Le paragraphe 58(2) de la Loi est ainsi libellé : «La division d appel rejette la demande de permission d en appeler si elle est convaincue que l appel n a aucune chance raisonnable de succès.» [15] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi, les seuls moyens d appel sont les suivants : a) la division générale n a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d exercer sa compétence; b) elle a rendu une décision entachée d une erreur de droit, que l erreur ressorte ou non à la lecture du dossier; c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. [16] Le paragraphe 59(1) de la Loi énonce ainsi les pouvoirs de la division d appel : La division d appel peut rejeter l appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l affaire à la division générale pour réexamen conformément aux directives qu elle juge indiquées, ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale. [17] Selon le paragraphe 23(1) de la Loi sur l assurance-emploi : 23. (1) Malgré l article 18 mais sous réserve des autres dispositions du présent article, des prestations sont payables à un prestataire de la première catégorie qui veut prendre soin de son ou de ses nouveau-nés ou d un ou plusieurs enfants placés chez lui en vue de leur adoption en conformité avec les lois régissant l adoption dans la province où il réside.

Demande de permission d en appeler [18] Pour que la permission d en appeler soit accordée, le Tribunal doit être convaincu que les motifs d appel correspondent à l un des moyens d appel prévus et qu au moins l un d eux a une chance raisonnable de succès. [19] L appelante se fonde sur l alinéa 58(1)c) de la Loi, en l occurrence, des conclusions de fait erronées que la division générale a tirées de façon abusive ou arbitraire. En particulier, l appelante fait valoir ce qui suit : a) Elle avait suffisamment d éléments de preuve démontrant que son petit-fils avait été placé chez elle par la Société d aide à l enfance et qu elle avait assumé la pleine garde et la responsabilité financière entière de l enfant; b) On lui avait demandé de s absenter du travail pour prendre soin d un nouveau-né; c) Une ordonnance temporaire avait été faite puis confirmée, plaçant l enfant sous ses soins et sa garde; d) Le 13 avril 2015, elle a demandé une ordonnance (non temporaire) pour avoir la garde de l enfant; e) Une audience a eu lieu devant un tribunal le 6 octobre 2015. La question concernait une ordonnance plaçant l enfant sous ses soins et sa garde pour une période de six mois et, en vertu de cette ordonnance, l appelante était tenue de ne confier l enfant aux soins d une autre personne qu avec l approbation d un travailleur de la Société d aide à l enfance; f) Elle a la ferme intention d adopter son petit-fils mais les procédures judiciaires demandent du temps. [20] La division générale, dans sa décision, a conclu ce qui suit : a) Un prestataire doit démontrer que, lors du placement de l enfant, l objectif est l adoption. Dans le contexte du paragraphe 23(1), adoption doit nécessairement vouloir

dire une adoption légale, puisque que la disposition énonce que le but du placement est l «adoption en conformité avec les lois régissant l adoption dans la province où il réside». Bien que le paragraphe n exige pas qu un enfant soit légalement adopté au moment du placement, il doit y avoir un élément de preuve que les responsables du placement, l organisme de services à l enfant et à la famille ou le tribunal placent l enfant chez le prestataire dans le but que le prestataire adopte l enfant [para. 19]; b) La preuve fournie par l appelante démontre que son petit-fils a été placé chez elle en vertu d une ordonnance de garde temporaire. Bien qu elle ait exprimé l intention d adopter son petit-fils, elle ne le peut, car elle n en a pas la garde permanente. La question de la garde permanente dépend de décisions que doivent rendre d autres organismes décisionnels [para. 20]; c) Pour le moment, l enfant n a pas été placé chez l appelante aux fins d adoption [para 21]; d) L appelante n a pas droit aux prestations parentales parce qu elle n a pas satisfait à tous les critères législatifs [para. 22]. [21] L intimée fait valoir que la demande de permission d en appeler devrait être accueillie et que l appel devrait aussi être accueilli pour les raisons suivantes : a) Au paragraphe 19 de sa décision, la division générale s est fondée sur l opinion dissidente d un des juges dans un arrêt de la Cour d appel fédérale (CAF). La décision de la CAF était en fait en faveur de la prestataire; b) Après avoir réexaminé de nouveau l affaire, l intimée concède l appel et demande que la demande de permission d en appeler soit accueillie et que l appel soit accueilli. [22] Dans Canada (PG) c. Hunter, 2013 CAF 12, la Cour d appel fédérale était saisie d une demande de contrôle judiciaire d une décision d un juge-arbitre qui avait confirmé la décision d un conseil arbitral selon laquelle l intimée (la prestataire) était admissible aux prestations prévues au paragraphe 23(1) de la Loi sur l assurance-emploi. Le petit-fils de l intimée avait été placé chez elle en vertu d une ordonnance de garde temporaire; l intimée était la seule personne

à subvenir aux besoins de l enfant, elle entreprenait des démarches en vue de son adoption légale avec l aide de l agence de protection de l enfance. Le conseil arbitral avait conclu que la prestataire avait droit aux prestations parentales. Le juge-arbitre a décidé que le conseil arbitral pouvait conclure qu en l espèce il avait été satisfait au critère relatif à l objet prévu par la loi, à savoir que l enfant avait été placé chez la prestataire «en vue de [son] adoption». La Couronne a soutenu que la demande ne pouvait être accueillie parce qu à l époque pertinente, la prestataire n avait que la «garde légale temporaire» de son petit-fils et que seule une ordonnance judiciaire (ou l équivalent) accordant à la prestataire la «garde permanente» permettait de satisfaire au critère relatif à l objet prévu par la loi. [23] Dans une décision majoritaire, la CAF a tiré la conclusion suivante : 6 [ ] Retenir cette thèse reviendrait à imposer une condition judiciaire préalable à l admissibilité à des prestations au titre du paragraphe 23(1), laquelle ne figure ni expressément ni implicitement dans cette disposition. Le législateur a choisi de formuler de manière large le critère relatif à l objet au paragraphe 23(1). À mon avis, il faut présumer que le législateur a reconnu que le placement d un enfant en vue de son adoption pouvait se produire dans des circonstances variées. 7 Je comprends que, dans certains cas, une loi provinciale ou des documents concernant la garde d un enfant donné (en supposant que ces documents soient disponibles eu égard aux questions de confidentialité) puissent répondre de façon concluante à la question de fait que pose le paragraphe 23(1) quant à l objet du placement d un enfant. En l espèce, toutefois, la Couronne n a produit aucun document de ce genre et n a que rarement fait mention de la loi provinciale applicable. Je n ai pu trouver aucune loi provinciale contredisant la conclusion du conseil arbitral. 8 Selon moi, rien dans le dossier ne permet à la Cour d annuler la conclusion du juge-arbitre portant que la décision du conseil arbitral était raisonnable. Je serais donc d avis de rejeter le recours en contrôle judiciaire. [24] Dans un avis dissident dans l affaire Hunter case, le juge d appel Nadon s est exprimé en ces termes: 28 Le paragraphe 23(1) dispose, en termes clairs, que les prestations sont payables à un prestataire qui prend soin d un ou plusieurs enfants placés chez lui «en vue de leur adoption en conformité avec les lois régissant l adoption dans la province où il réside». Ainsi, le prestataire doit démontrer qu au moment du placement, il avait l intention d adopter l enfant. L adoption, dans le contexte du paragraphe 23(1), s entend nécessairement de l adoption légale, puisque, suivant les termes de la disposition,

l enfant est placé en vue de son «adoption en conformité avec les lois régissant l adoption dans la province où [le prestataire] réside». Bien que la disposition n exige pas que l enfant soit légalement adopté au moment du placement, il doit ressortir de certains éléments de preuve que les intervenants qui s occupent du placement, soit l agence des services à l enfance et à la famille, soit la cour, placent l enfant chez le prestataire dans l intention que celui-ci adopte l enfant. Que l adoption ait, ou non, lieu en définitive n est à mon avis pas pertinent à ce stade. 29 Par conséquent, ce ne sont pas tous les placements d enfant auprès du prestataire qui donnent droit aux prestations parentales. L adoption d un enfant par un prestataire, au sens juridique, doit être l objet véritable du placement. Tout autre motif ou objectif, si louable soit-il, ne saurait suffire. Il faut donc produire des éléments de preuve suffisants dont il ressort que le placement mènera ou est censé mener à l adoption par le prestataire. 30 En faisant cette affirmation, je n entends pas formuler un critère rigide. Au contraire, j estime qu une certaine souplesse est de mise dans l interprétation de la disposition et que toute conclusion doit nécessairement reposer sur les faits au dossier. Toutefois, l analyse visant à rechercher si le placement est fait en vue de l adoption demeure nécessairement objective. Le fait que la prestataire affirme, comme c est le cas en l espèce, qu elle a l intention d adopter l enfant n est qu un des éléments du casse-tête. De toute évidence, si la prestataire n a pas l intention d adopter l enfant qui lui a été confié, alors la question ne se pose plus. Quoi qu il en soit, il n est pas nécessaire que je m attarde sur cette question puisque les preuves ne permettent manifestement pas de conclure que l enfant était placé chez la défenderesse en vue de son adoption. J examinerai donc de plus près les preuves afin de démontrer que le conseil arbitral ne pouvait pas conclure comme il l a fait. [25] Je conviens avec l intimée que la division générale a rejeté l appel de l appelante en se fondant sur l opinion dissidente du juge Nadon de la Cour d appel fédérale. La division générale n a pas mentionné la décision rendue à la majorité ni n a fait de distinction à ce sujet afin de rejeter l appel. En agissant ainsi, la division générale a rendu une décision entachée d une erreur de droit. [26] En conséquence, j accueille la demande de permission d en appeler. Bien-fondé de l appel [27] Comme l a établi antérieurement la Cour d appel fédérale dans les arrêts Canada (PG) c. Jewett 2013 CAF 243 et Chaulk c. Canada (PG) 2012 CAF 190 et dans d autres affaires, la norme de contrôle applicable aux questions de droit et de compétence se rapportant aux appels

en matière d assurance-emploi est celle de la décision correcte, alors que la norme de contrôle applicable aux questions de fait et aux questions mixtes de fait et de droit concernant ces appels est celle de la décision raisonnable. [28] En l espèce, la division générale n a pas indiqué le critère approprié ou elle a mal énoncé le critère. Elle a commis une erreur de droit. [29] Par conséquent, selon la norme de la décision correcte, la division d appel doit faire sa propre analyse (Housen c. Nikolaisen, [2002] RCS 235, 2002 CSC 33 (CanLII) au paragraphe 8) et décider si elle doit rejeter l appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l affaire à la division générale pour réexamen, ou confirmer, infirmer ou modifier la décision de la division générale. [30] L affaire Hunter est semblable dans les faits à la présente affaire (voir les paragraphes [22] et [23] ci-haut). En appliquant l affaire Hunter à l affaire dont je suis saisie, je conclus qu il a été satisfait au critère relatif à l objet prévu par la loi, à savoir que l enfant a été placé chez la prestataire «en vue de [son] adoption» et que l appelante satisfait au critère énoncé au paragraphe 23(1) de la Loi sur l assurance-emploi. [31] Compte tenu de tout ce qui précède ainsi que de la demande et la concession de l intimée, j accorde la permission d en appeler. En outre, puisque cette affaire ne nécessite pas la présentation de nouveaux éléments de preuve ni une audience devant la division générale, je rends la décision que la division générale aurait dû rendre, qui est d accueillir l appel de l appelante et d annuler l inadmissibilité imposée en application du paragraphe 23(1) de la Loi sur l assurance-emploi. CONCLUSION [32] La demande de permission d en appeler est accueillie. [33] L appel est accueilli. Shu-Tai Cheng Membre de la division d appel