Histoire de la police nationale du Laos
@L'Harmattan, 1998 ISBN: 2-7384-7016-5
Jean DEUVE Histoire de la police nationale du Laos L'Harmattan 5-7, rue de l'école Polytechnique 75005 Paris -FRANCE L'Harmattan Inc. 55, rue Saint-Jacques Montréal (Qc) - CANADA H2Y lk9
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1949
LA POLICE AU LAOS EN 1949 La Constitution, promulguée le Il mai 1947, crée le Royaume du Laos, formé par la réunion de l'ancien royaume de Luang Prabang et des provinces qui relevaient jusqu'alors de l'administration directe française. Le roi Sisavang Vong, roi de Luang Prabang, devient roi de ce nouveau royaume, qui reprend le nom traditionnel de Royaume du Million d'eléphants et du Parasol Blanc. La première Assemblée Nationale, formée de députés élus au suffrage universel, se réunit le 21 novembre 1947 et, le 25 de ce mois, le premier gouvernement du Royaume du Laos, présidé par le prince Tiao Souvannarath, est investi. Le 19 juillet 1949, la Convention Générale entre la France et le Laos matérialise les deux concepts des rapports franco-lao, à savoir, l'indépendance du Royaume et l'association avec la France, sur un pied d'égalité, au sein de l'union Française. Le Laos reçoit sa pleine souveraineté, interne et externe, dispose de ses finances, d'une Justice, de son armée, de sa police, établit des missions diplomatiques de son choix à l'étranger. Certaines restrictions sont prévues, toutefois, à l'exercice pratique de cette pleine souveraineté, tenant: a) à l'état de guerre régnant en Indochine, b) aux intérêts communs aux quatre pays associés, Cambodge, France, Laos, Vietnam. Ces dernières restrictions seront levées au fur et à mesure des progrès enregistrés au cours de conférences quadripartites. Cette Convention doit être suivie, aussitôt que possible, d'accords d'application pratique transférant au royaume du Laos les compétences exercées jusqu'alors par la France. Pour les 7
assumer, le Laos est dans l'obligation d'étoffer ses services existants, de les réorganiser ou d'en créer de nouveaux. Le gouvernement royal, présidé par Tiao Souvannarath, s'est, dès 1948, notamment préoccupé des problèmes que la souveraineté va poser dans le domaine de la police et a demandé à un officier français d'accepter la responsabilité de bâtir une police nationale, tâche pour laquelle le pays ne dispose d'aucun technicien. Tiao Boun Oum, qui prend la tête du gouvernement le 28 février 1949, confirme cette décision. Cet officier, de formation scientifique, venant de la réserve, avait dans les années 1945 et 1946 dirigé la guérilla contre les Japonais dans la région de Paksane et l'avait ensuite pacifiée alors que les Chinois, les Viet-minh et le mouvement Lao Issala s'opposaient au retour de la France et à l'autorité du roi de Luang Prabang. Il s'est fait de nombreuses amitiés dans tous les milieux Lao, et notamment, parmi les politiques, dont la plupart ont participé au même combat et, pour certains, côte-à-côte. Cet officier connait les problèmes qui peuvent se poser au Laos dans les domaines de la sécurité interne ou externe, de la subversion et des menées étrangères, car il vient de diriger, pendant plus de trois ans, le Service de Renseignements des Forces du Laos. Il parle, lit et écrit la langue et a la confiance du roi et des dirigeants lao. Le gouvernement français accepte de le détacher entièrement auprès du gouvernement royal et, le 21 septembre 1949, cet officier est nommé, par l'ordonnance Royale 73, directeur du Service Lao de Police et de Sûreté. En cette année 1949, les responsabilités en matière de police au Laos sont partagées entre la Sûreté Fédérale Française, le Service Lao de Police et d'immigration Indochinoise, les polices urbaines et l'armée de l'union Française. Le Service Lao de Police et d'immigration Indochinoise, créé en 1947, d'abord dirigé par un commissaire de po lice urbaine, Pheng Souvannavong, est, depuis peu, sous les ordres d'un jeune fonctionnaire, énergique et dynamique, Hom Sundara. 8
Il compte une quinzaine d'employés: deux frais diplômés de l'ecole de Droit et d'administration Lao, des agents détachés de la police urbaine et d'anciens militaires, récemment recrutés. Il dispose d'un seul bureau, dans la capitale, à Vientiane. Son rôle consiste à donner l'avis du gouvernement royal sur les demandes d'immigration de Vietnamiens et à tenter d'obtenir de la Sûreté Fédérale le refoulement ou le départ de résidents vietnamiens qui, pour une raison ou une autre, ont déplu aux autorités lao. Le service possède un fichier, réduit, de suspects de sympathie vietminh et son activité est, pour l'instant, entièrement bureaucratique et, en fait, fort minime. Son nouveau chef essaye de lancer ses subordonnés contre le piratage endémique qui sévit sur les bords du Mékong, mais ce projet n'en est qu'à ses débuts. Il existe des polices urbaines à Vientiane, à Luang Prabang, à Thakek, à Savannakhet et à Paksé. Leurs effectifs vont d'une douzaine à une trentaine d'hommes (Vientiane). Autonomes, ne dépendant que des préfets ou des chefs de provinces (chaokhouengs), elles sont formées d'anciens agents des polices urbaines de l'administration Française et souvent âgés et de quelques garçons venant de l'armée, récemment recrutés. Vivant en vase clos, sans espoir d'avancement autre que le grade de brigadier, ces policiers assurent le contrôle des marchés, la collecte des taxes urbaines, le bon ordre dans la commune, poursuivent les infractions aux règlements d'hygiène sur la voie publique, surveillent les prisonniers utilisés pour les travaux d'intérêt communal, portent les messages et jouent le rôle de plantons dans les bureaux administratifs. La Sûreté Fédérale Française, dirigée par un Contrôleur et, dans les provinces, par des commissaires, a son siège à Vientiane et dépend du chef de la Sûreté Fédérale Française en Indochine, qui réside à Saïgon, et du Commissaire de la République Française au Laos. Le personnel est formé de Vietnamiens et de Lao. Son action ne dépasse pratiquement pas le cadre des grandes villes et est axée essentiellement sur le contrôle des résidents étrangers, 9
sur l'immigration, sur la police administrative (permis de port d'armes...), sur le renseignement de contact en Thaïlande. Le commissariat de Vientiane dispose toutefois d'une section de Police spéciale dont les attributions portent sur la prévention et la répression des atteintes à la sûreté intérieure et extérieure. La direction entretient un excellent laboratoire technique et possède un important fichier dactyloscopique. Dans la campagne, c'est-à-dire sur la quasi-totalité du royaume, il n'y a pas de formations de police. C'est, en fait, l'armée de l'union (unités formées de Lao, encadrés de sousofficiers et d'officiers français) qui assure, par sa seule présence ou ses patrouilles, la paix et la tranquillité sur la majeure partie du pays. C'est elle seule qui mène la lutte contre la subversion et les implantations de groupes armés, alimentés du Nord-Vietnam, et surveille les frontières, en dehors des points de passages officiels ou traditionnels. Son service de renseignements apporte une couverture lointaine et rapprochée des menaces pesant sur le royaume en provenance des pays étrangers ou des zones de subversion. C'est dans ce contexte que le nouveau directeur prend la succession d'hom Sundara le 18 octobre 1949, avec la mission de créer une police nationale capable d'assumer les compétences qui vont, très prochainement, être transférées au gouvernement royal. 10