The global voice of savings and retail banking



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Transcription:

The global voice of savings and retail banking Les banques tirent les premières leçons de leur participation au programme du WSBI «Doubling Savings Accounts» visant a améliorer l accès financier des populations défavorisées S appuyant sur «L analyse comparative des obstacles rencontrés par les caisses d épargne pour améliorer l accès financier des populations défavorisées» de Stephen Peachey, conseiller technique du programme du WSBI, cette note est la première d un série d articles consacrés aux différents enseignements tirés du programme «Doubling Savings Accounts».

Les banques tirent les premières leçons de leur participation au programme du WSBI «Doubling Savings Accounts» visant a améliorer l accès financier des populations défavorisées Synthèse Les premiers projets du programme du WSBI «Doubler le nombre de comptes d épargne», financé par la Fondation Bill and Melinda Gates, ont été lancés il y a un an. Depuis, les dix banques participantes et le WSBI ont pris conscience qu améliorer l accès financier des pauvres est plus facile à dire qu à faire. Les populations non bancarisées sont en effet dispersées et vivent dans des zones reculées, ce qui rend l accès aux services bancaires très difficile. Pour répondre aux objectifs du programme, les participants doivent envisager des partenariats avec des opérateurs de solutions de banque mobile ou des coopératives villageoises d épargne et de crédit, proposer des produits et des services simples et abordables, former le personnel bancaire à l accueil et au service de ces populations malgré des coûts de formation étonnamment élevés, et ne pas hésiter à soulever le problème d une réglementation inadaptée. Les banques doivent prendre l initiative sachant que les principaux obstacles ne sont pas ceux qui empêchent ces populations d accéder aux services financiers mais plutôt ceux qui empêchent les banques d offrir ces services. PREMIERES LECONS 3

Un franc d économisé est un franc de gagné Particulièrement quand vous êtes pauvre et que vous êtes tenté d utiliser tout votre argent liquide pour couvrir vos besoins immédiats et répondre à des sollicitations incessantes. Dans ces conditions, épargner est un combat de tous les instants. Dans la mesure où épargner l argent que vous possédez déjà est aussi utile qu en gagner davantage, l épargne ne serait-elle pas une alternative crédible pour lutter contre la pauvreté? Prendre l habitude de placer un peu de cet argent sur un compte avant qu il ne tombe dans la poche de quelqu un d autre où il ne sera plus disponible immédiatement est peut-être un moyen de s extraire de la pauvreté. C est en tout cas ce que suggère la recherche. Dans les pays en développement les plus pauvres, les deux tiers des revenus en liquide sont utilisés immédiatement. 1 Que faire du tiers restant? Epargner de petits montants est un moyen de ne pas tout dépenser mais aussi de se constituer progressivement un patrimoine, de se prémunir contre certains risques et de préparer l avenir des générations futures. La difficulté est de placer cet argent dans un endroit sûr, peu coûteux et accessible. Les ménages défavorisés qui disposent d un compte d épargne et d autres services bancaires de base peuvent accéder à une certaine sécurité financière, investir dans l éducation et faire face aux imprévus. L accès aux services financiers est ainsi indispensable pour briser la chaîne de la pauvreté et plus globalement, pour stimuler la croissance des pays en développement. Faciliter l inclusion financière : le rôle des membres du WSBI Le WSBI (World Savings Banks Institute) mène un programme qui vise à doubler le nombre de comptes d épargne des populations défavorisées dans les pays en développement. Ce programme est financé par la fondation Bill & Melinda Gates à hauteur de 20 millions de $. Le WSBI est le seul représentant mondial des caisses d épargne et des banques de détail. Avec des membres dans 90 pays, le WSBI travaille en étroite collaboration avec les établissements financiers et donateurs internationaux pour promouvoir l accès aux services financiers dans le monde entier. Le programme «Doubler le nombre de comptes d épargne» s inscrit dans le cadre de l initiative «Services financiers pour les populations défavorisées» de la Fondation, qui mobilise de nombreux partenaires publics et privés. Au travers de la technologie et de l innovation, cette initiative vise à rendre l épargne et d autres services financiers immédiatement accessibles aux populations défavorisées des pays en développement, sans renoncer à l exigence de qualité. Le WSBI a ainsi demandé à ses membres de soumettre des projets susceptibles de bénéficier du soutien financier de la Fondation et de contribuer à la réalisation des objectifs du programme. A l issue d un processus d évaluation rigoureux portant sur propositions et les établissements candidats, le WSBI a sélectionné dix de ses membres pour participer au programme (voir la description des projets en annexe). Tous se caractérisent par une large couverture de leur territoire national et un engagement de longue date auprès des populations défavorisées : Kenya Post Office Savings Bank Lesotho PostBank PostBank Uganda Poste Maroc BTN, Indonésie SONAPOST, Burkina Faso Sistema FEDECRÉDITO, Salvador South African Post Office, Afrique du Sud Tanzania Postal Bank, Tanzanie Vietnam Postal Savings Service Company Un an après le lancement de ces projets, les banques et le WSBI prennent conscience qu améliorer l accès financier des pauvres est plus facile à dire qu à faire. Les principaux obstacles ne sont pas ceux qui empêchent ces populations d accéder aux services financiers mais plutôt ceux qui empêchent les banques d offrir ces services. S il est encore trop tôt pour dresser un bilan exhaustif, certaines leçons essentielles peuvent d ores et déjà être retenues. 1 Daryl Collins, Jonathan Morduch, Stuart Rutherford et Orlanda Ruthven, Portfolios of the Poor: How the World s Poor Live on $2 a Day, Princeton University Press (Princeton, NJ), 2009. 4 PREMIERES LECONS

Leçon n 1 Etablir des partenariats est primordial pour accéder aux populations non bancarisées Globalement, les banques participantes ont constaté qu accéder aux populations non bancarisées était plus ardu que prévu. Que ce soit en Afrique mais aussi au Salvador ou encore en Indonésie, ces populations sont très dispersées et vivent dans des zones reculées, ce qui rend très difficile l accès aux services bancaires. Rapprocher «physiquement» la banque de ces populations constitue donc la principale difficulté. Pour autant, ouvrir une agence dans une zone qui ne dispose pas de la clientèle suffisante est le plus sûr moyen d aller dans le mur. Jusqu où les banques peuvent-elles aller pour se rapprocher physiquement de ces populations? Il convient tout d abord de faire la distinction entre zones urbaines et zones rurales. Si les villes sont généralement bien desservies par les banques, ce n est pas le cas des banlieues ou des zones périurbaines qui abritent généralement des populations plus pauvres. Dans ces zones, la présence des banques peut être assurée par une agence, un petit bureau ou encore un kiosque, en veillant toutefois à minimiser les coûts afin de garantir la pérennité de cette présence. Dans les zones rurales, les habitants se rendent fréquemment dans les villes et les villages pour commercer ou satisfaire d autres besoins. Ces populations sont-elles assez nombreuses pour justifier l implantation d une petite agence ou d un kiosque? Si ça n est pas le cas, la banque n a-t-elle pas intérêt à opter pour un réseau d agents? Dans les pays en développement, ces agents peuvent jouer un rôle crucial grâce à leur présence sur des marchés spécifiques ou dans des zones reculées. Pour bien mesurer l importance des partenariats dans l accès aux populations non bancarisées, il convient donc d analyser les avantages et les limites du modèle d agents bancaires. Dans les pays en développement, lorsqu une banque n a pas les moyens d ouvrir une agence en zone rurale, elle distribue souvent ses services par l entremise de bureaux de poste ou de détaillants locaux, évitant ainsi les coûts engendrés par l ouverture et l exploitation d une agence. Généralement, les clients connaissent bien ces «agents bancaires» ou leurs employés puisqu ils ont souvent eu affaire à eux. Ils sont ainsi nettement plus à l aise dans le magasin que dans une agence bancaire flambant neuve où ils ne connaîtraient pas les employés. Supermarché, magasin de proximité, pharmacie, kiosque loterie quasiment tout commerçant ou bureau de poste peut faire office d agent bancaire. Le propriétaire (ou un employé) reçoit le client qui peut déposer, retirer ou transférer de l argent, régler ses factures et recevoir ses prestations sociales ainsi que son salaire. Les participants ont cependant réalisé qu il était difficile de tenir leurs engagements en termes de nombre de clients et que même une agence, un petit bureau ou un réseau d agents bien placé et doté de personnel qualifié ne permettait pas de se rapprocher suffisamment des populations rurales. Géographie de la proximité Le Lesotho est un pays montagneux, traversé de profondes vallées. Le pays illustre à la perfection le contraste entre ce qui est possible au niveau de l accessibilité en zone urbaine et les difficultés que l on rencontre quand on essaie d adapter ce modèle d accessibilité dans des régions rurales. Un quart seulement de la population réside en zone urbaine. Le reste se répartit sur les 50% de territoire habitable avec une densité de population de seulement un dixième des zones urbaines. Dans les zones urbaines, la densité est de seulement 200 familles par kilomètre carré, mais les zones urbaines sont caractérisées par des endroits vides et les ménages ont tendance à se rassembler en groupes. Ceci permet d exploiter un réseau traditionnel d agences. Une agence moyenne de Lesotho PostBank a entre 5000 et 10 000 clients. Cela est impensable dans les zones rurales et même une agence «mini» ou un kiosque (pour lesquels il faut entre 1000 et 2000 clients) sont tout simplement impossibles. En effet, la densité moyenne par kilomètre carré est de seulement 20 ménages. La stratégie de Lesotho Postbank est donc d utiliser un réseau de marchands, qui commenceront par offrir des services de remise en argent pour les détenteurs de cartes de paiement de Lesotho Postbank. Dans un deuxième temps, des services de prise de dépôts seront ajoutés. PREMIERES LECONS 5

Les statistiques démographiques du Burkina Faso illustrent également le défi. Le Burkina Faso est assez densément peuplé, avec un réseau routier plus dense que celui du Lesotho. Néanmoins, la taille des établissements diminue très rapidement, dès que l on quitte les principales villes et villages. Le graphique montre le nombre d établissements par rapport au nombre d habitants de ces établissements et ceci en ordre décroissant de taille de l établissement. S ill était possible de le montrer sur le graphique, le segment qu atteignent les banques commerciales serait un petit point en haut à gauche du graphique et ne représenterait que les principales villes et villages du Burkina Faso. Sonapost, le membre Burkinabé du WSBI arrive plus ou moins au milieu de la ligne bleue, malgré le fait qu il dispose du plus grand réseau d agences de toutes les institutions financières du pays. Cela s explique par le fait que son réseau de distribution est principalement basé sur les villes. Le seul autre groupe d institutions financières qui a cette démarche sont les banques d épargne et les banques de crédit locales. Les villes, cependant, ne représentent que 4% de tous les établissements et un tiers seulement des ménages. Un autre tiers des ménages vivent dans de grands villages avec quelques centaines, mais pas plus de mille ménages. Là, il serait possible de travailler avec des agents, mais le grand problème est de savoir s il y a suffisamment d institutions formelles avec qui une institution publique comme Sonapost pourrait former un partenariat. Atteindre le troisième tiers de la population qui vit dans les 80% des établissements qui ont moins de 300 ménages est un défi encore plus grand. Les marchands qui y sont présents appartiennent souvent au circuit informel. Sonapost examine jusqu où ses courriers cyclistes peuvent aller, mais il y a de sérieux problèmes au niveau de l organisation et de la sécurité. Dans certains pays, la moitié de la population est totalement inaccessible sans partenaire. Se pose dès lors une question essentielle : quels problèmes la banque peutelle résoudre en faisant appel à un partenaire et réciproquement, qu apporte la banque à ce partenaire? La banque peut fournir des produits que le partenaire ne peut pas offrir, tandis que le partenaire peut rendre ces produits utilisables en les approchant des clients potentiels. La banque fournit donc les produits, tandis que le partenaire fournit l accès. Des coopératives de crédit ou d épargne ou des institutions de microcrédit ou des groupes informels d épargne sont des candidats valables, mais de plus en plus d intérêt est porté sur des partenariats entre les banques et les fournisseurs d accès à l argent mobile. Cela s explique par la croissance exponentielle de l argent mobile. L argent mobile est un moyen facile de transférer de l argent avec un téléphone portable. Les commerçants convertissent l argent liquide du client en un solde positif sur le téléphone portable du client, qui fonctionne désormais comme une plate-forme de transferts électroniques. Tout comme les utilisateurs de téléphones portables qui utilisent leur solde pour téléphoner, ils peuvent utiliser ce solde pour payer pour des biens et services ou, plus souvent, pour transférer de l argent via un message SMS. De l argent peut ainsi être transféré de personne à personne, d une personne à une entreprise ou entre entreprises. L argent mobile a connu un succès retentissant au Kenya, ou 13 millions de personnes utilisent l opérateur M-PESA. Certains considèrent que l argent mobile menace jusqu à l existence même des banques d épargne traditionnelles. Ces critiques négligent cependant l opportunité pour ces banques de conclure des partenariats pour atteindre les pauvres sans relation bancaire. En Ouganda par exemple, la moitié au moins de la population restera inaccessible sans une certaine forme de paiement mobile. Une analyse détaillé du marché montre que la population n est tout simplement pas assez groupée pour permettre un réseau d agences. Postbank Uganda (PBU) expérimente actuellement une solution en intervenant comme interface de paiement mobile pour une caisse villageoise d épargne gérée par des femmes. Le défi est colossal (PBU n est pas présent dans 80% des villes) mais les opportunités aussi (plus de la moitié de ces villes ne sont desservies par aucune banque). De son côté, El Sistema FEDECRÉDITO s est rendu compte qu en plus de la mise en place d un réseau d agents dans la moitié au moins des villes non bancarisées du pays extrêmement pauvres pour la plupart il était indispensable de disposer d une solution de téléphonie mobile pour desservir les zones les plus défavorisées. Au Kenya, où est né M-PESA, Kenya Post Office Savings Bank propose déjà une solution de paiement mobile, appelée Patacash, opérée par un tiers et qui fonctionne en plus de son réseau d agents bancaires. 6 PREMIERES LECONS

Pour que ce type de partenariat produise des résultats immédiats, il faut inclure un compte d épargne dans l offre de services de banque mobile, de sorte que l agent puisse être viré directement par téléphone sur ce compte. Grâce à ce système, la personne peut se constituer une épargne plutôt que dépenser l argent qui lui reste. Elément important, le coût de services bancaires traditionnels est estimé à cinq dollars par mois, contre un dollar seulement pour une solution de paiement mobile. Etablir un partenariat avec un opérateur mobile apparaît donc comme la solution la plus économique. Cette solution soulève cependant une difficulté pour les établissements financiers, habituées à être la face visible de l épargne. Premièrement, le paiement mobile «dématérialise» la relation entre le client et sa banque. Or plus ce lien est distendu, plus il est difficile pour la banque de trouver un autre moyen de fidéliser son client. Les messages publicitaires et l envoi de SMS sont une solution mais la banque ne peut définitivement pas rester les bras croisés. Deuxièmement, lorsque deux marques coexistent, la question de la «propriété» du client suscite inévitablement des tensions. Cette difficulté peut être aplanie sachant qu en dehors du client, personne n est propriétaire de quoi que ce soit. Troisièmement, le modèle économique du paiement mobile a été conçu pour les transferts et n est donc pas adapté à l épargne. Négocier et faire vivre ces partenariats n est donc pas aisé, d autant que les caisses d épargne doivent apporter un plus par rapport aux banques commerciales, autres partenaires potentiels. Les produits et la promotion doivent bien sûr être convaincants mais ne suffisent pas à faire pencher la balance. Les caisses d épargne peuvent cependant faire valoir un atout de taille : un réseau de petites agences qui desservent des zones non couvertes par les banques commerciales, permettant ainsi aux agents de l opérateur mobile d économiser les trajets jusqu à la ville pour alimenter leur compte. Le Maroc constitue un exemple intéressant, montrant que les caisses d épargne peuvent apporter à ce type de partenariat l élément indispensable à toute relation commerciale : la confiance. La banque mobile constitue en effet la principale initiative de Poste Maroc dans un pays où les gens hésitent à utiliser les services de paiement mobile proposés en solo par des opérateurs de télécommunications pour la simple raison qu ils n ont pas suffisamment confiance. La recherche montre que les clients font plus facilement confiance à une banque, en particulier si celle-ci propose une offre complète de banque mobile, allant au-delà des seuls transferts d argent. Les opérateurs de solutions de paiement mobile ne sont pas leurs seuls partenaires potentiels. Les coopératives villageoises d épargne sont une autre possibilité. Leurs coordinateurs ciblent en effet des zones rurales négligées par la plupart des intervenants. Ils y habitent et disposent du même niveau de revenu que la population à laquelle ils s adressent. Ceci leur permet de réduire les coûts et de proposer des services abordables. La population fait confiance aux coordinateurs, dont l intégrité est garantie par un ensemble de dispositions. Pour devenir agent d une caisse d épargne, ils n ont besoin que d une solution de téléphonie mobile rudimentaire et, éventuellement, d un dépôt bancaire minimal. Confier à une coopérative villageoise d épargne les clés de l accès à la banque mobile peut s avérer une solution à la fois efficace et économique. En Tanzanie par exemple, la banque mobile est la seule alternative qui s offre aux habitants en dehors des grandes villes. Le projet de Tanzania Postal Bank est d offrir un accès combiné par carte et par téléphone portable à un service d épargne spécialisé, en plus des activités de Tanzania Postal Corporation en argent mobile comme agent de Vodacom Tanzania M-pesa. Ce service sera accessible via les 300 bureaux de poste de Tanzania, ainsi que par le biais d une série de coopératives d épargne et de crédit avec lesquelles TPB, en tant qu institution publique, peut créer un partenariat. TPB dispose d atouts solides pour se tailler un marché viable mais sa réussite nécessite d investir dans le marketing et la formation des agents. Les besoins d investissements initiaux apparaissent étonnamment élevé, entre autres raisons parce que la formation et l installation d employés d autres institutions est très difficile si l on veut donner aux clients potentiels l idée que la banque est présente, même s il n y a pas de présence physique. Néanmoins, il est intéressant de noter que ces coûts ne devraient pas compromettre la viabilité du projet. Si l investissement n est pas fait, c est souvent parce que l on n a pas fait suffisamment impression sur les clients pour arriver à une taille critique. En Indonésie, BTN fait face à un défi semblable. BTN équipe tous les bureaux de poste de la province centrale de Java de terminaux adaptés à un produit d épargne bon marché existant qui fonctionne à partir d une carte bancaire et afin de garantir l accès des populations pauvres le commercialise via un partenariat stratégique avec un groupe de femmes bénéficiant du soutien de l Etat. Ce programme ambitieux n ira pas sans risque pour le partenariat et nécessitera un travail de formation et de sensibilisation aux besoins d épargne des pauvres. Cette initiative permet cependant de stopper l érosion de la part de marché des caisses d épargne postales. La conclusion essentielle que l on peut tirer de tout ceci est qu il est important de comprendre le potentiel du marché au niveau local, puisque le chemin le plus sûr vers la création d un réseau non durable et d une clientèle non-rentable est de créer un point de vente non adapté à un endroit bien spécifique. PREMIERES LECONS 7

Montant projeté des coûts annuels ($ par client année 2) Projection du nombre de clients nécessaires pour atteindre le seuil de rentabilité 1 0,8 0,6 0,4 0,2 0 Control/ security On-site costs 1500 1000 500 Amortised investment 0 PBU kiosk Cash-back agent Parfois une banque doit maintenir une présence nationale suffisante pour être présente dans l esprit des clients et d être capable de traiter avec les clients selon ses propres critères, sans être limitée par les prix, le modèle commercial et la liberté réglementaire d un partenaire. Le projet en Uganda nous permettra de tester les deux possibilités ce qui est très important étant donné le coût important des commissions sur l argent mobile dans ce pays. Le coût de l argent mobile empêche une véritable mobilisation de l épargne parmi la population pauvre. Un partenariat avec un opérateur d argent mobile semble donc moins faisable en Uganda que dans d autres pays. Comme Postbank Uganda n est pas présent dans deux tiers des villes ougandaises (qui ont toutes au moins une petite agence bancaire et dont la moitié ne dispose pas d une banque), l institution doit acquérir une plus grande présence dans ces endroits. Mais alors que l ouverture d agences dans des petites villes aidera l accès dans les régions rurales (puisque toutes les villes ont un hinterland), la clé de l accès des pauvres aux services bancaire se trouve ailleurs. Un réseau d agents ou un partenariat est nécessaire pour arriver au niveau des petits villages. Les graphiques ci-dessus montrent les coûts opérationnels mensuels par client actif ainsi que le nombre de clients actifs nécessaires pour deux types de points de vente : un point de vente direct, un autre basé sur un partenariat. La définition d un break-even est le retour de suffisamment de coûts d investissement initiaux pour pouvoir financer un point de vente similaire après deux ans. La première option est un kiosque qui appartient à PBU et qui est installé sur un terrain loué. Les frais initiaux sont plus importants, mais peuvent être amortis sur une plus longue période. La deuxième possibilité est un agent qui offre des services d encaissement et de retrait sur base d un terminal bancaire connecté aux systèmes informatiques de PBU. Cette deuxième option est moins chère au niveau des frais opérationnels, mais la banque reçoit beaucoup moins de revenus pour faire face aux frais initiaux, car elle partage les recettes avec les SACCOs qu elle peut utiliser comme partenaires. Dans la première option, 1200 clients sont nécessaires pour arriver à un équilibre financier, ce qui est envisageable pour une petite ville de 3000 habitants avec un hinterland d encore 3000 personnes. La deuxième solution n a besoin que de 800 personnes, ce qui est faisable dans un grand village. Cependant, à ce niveau la banque doit faire face à la concurrence des opérateurs d argent mobile, au niveau des agents et des clients. 8 PREMIERES LECONS

Leçon n 2 Proposer des produits et des services simples et abordables Les produits et services bancaires doivent être faciles à comprendre, faciles à utiliser et bon marché. Une même approche permet de respecter ces trois objectifs : la simplification. A condition de se focaliser exclusivement sur les besoins du client, les banques peuvent proposer des produits et des services simples, pratiques et peu onéreux. Cette préoccupation doit être présente dès le stade de la conception. Avant toute chose, il faut identifier clairement le besoin que le produit est censé satisfaire. Ici, le besoin est simple : permettre au client de déposer de l argent là où il n ira pas le dépenser. Répondre à ce besoin ne devrait pas être plus compliqué : il suffit de proposer un moyen simple et rapide de déposer de l argent sur un compte, en toute sécurité. Ceci est le point de départ mais rien n empêche les banques de proposer davantage, et si possible plus que leurs concurrents. Elles ont d ailleurs tout intérêt à le faire. En général, les caisses d épargne inspirent davantage confiance. Par comparaison avec les banques virtuelles, elles disposent de locaux et d employés accessibles, et proposent outre des livrets d épargne des conseillers spécialisés qui peuvent aider le client à programmer son épargne. Par ailleurs, contrairement à certains de leurs concurrents, elles peuvent également octroyer des prêts. Il leur reste encore à trouver le bouquet de services qui galvanisera les clients ainsi que les employés chargés de le distribuer. Plus précisément, les banques peuvent offrir un ensemble de services qui va au-delà de l objectif idéal, à savoir un véritable compte bancaire «au bout» du téléphone portable. Elles doivent répondre à l ensemble des besoins des pauvres en matière de paiement et d épargne, et le faire de telle manière qu elles ne pourront pas être imitées par les prestataires de solutions de banque mobile et autres réseaux d épargne informels. Au minimum, elles doivent proposer la consultation instantanée des soldes ainsi que des mini-relevés. Pour répondre au besoin criant d information exprimé par les pauvres, elles doivent être en mesure de répliquer les informations contenues dans les anciens livrets d épargne sans les contraintes de traitement qui vont avec. Les banques peuvent aussi enrichir leur offre mobile avec des prêts. Quelle que soit l étape du processus, elles ne doivent cependant jamais perdre de vue l intérêt du produit ou du service pour le client. Il s agit là d un point crucial car ce processus de validation permet non seulement de garantir la simplicité du produit mais aussi de réduire les coûts, une priorité absolue dans un contexte où le succès de la banque mobile remet sérieusement en question la capacité des banques traditionnelles à imposer leurs tarifs. Dans d autres pays, la concurrence vient des banques qui travaillent spécifiquement avec les pauvres. Dans ces conditions, les économies générées par les réductions de coûts peuvent non seulement être répercutées sur les clients mais elles doivent l être obligatoirement. Le caractère abordable de l offre de service est indissociable de l objectif de réduction des coûts, qui doit être intégré dès le stade de la conception et accompagner toutes les étapes de la mise en œuvre. Si un processus n est pas utile au client, il convient de l éliminer. C est ce qu on appelle le «cost engineering». Par exemple, quel est l intérêt d inclure dans les dossiers des photos d identité de clients qui ne se présenteront jamais en personne puisqu ils accèdent à leur compte depuis un téléphone ou un terminal POS? Pourquoi photocopier une carte d identité sachant qu un téléphone équipé d un appareil photo qui est à la fois moins cher et portable peut enregistrer les informations de manière tout aussi satisfaisante? Pourquoi remplir un formulaire, attendre que la demande soit traitée et retourner à l agence pour retirer sa carte bancaire ou attendre qu elle soit livrée alors que toutes les informations peuvent être envoyées par SMS et la carte émise et activée dans la foulée? Photographies, signatures et numéros d identification sont autant de formes d identification inutiles pour les comptes d épargne dont l accès se fait par téléphone ou terminal POS. Ces éléments ne doivent pas détourner les banques de leur objectif, qui est de satisfaire les besoins des clients. Dans la mesure où l employé de la banque sait que toutes les informations nécessaires à un processus donné sont entre les mains d un employé ou d un agent compétent, il peut procéder sans délai à l ouverture du compte et régler les tâches administratives ultérieurement. Le «cost engineering» revêt une importance d autant plus grande que la capacité à répercuter les coûts diminue. N oublions pas que les pauvres constituent ici la cible, et que leurs moyens sont par définition limités. Ils sont pourtant prêts à payer pour épargner car ils subissent des pressions terribles et risquent de voir leur argent s envoler dès lors que leur famille, leurs amis, leurs connaissances ou leurs créanciers en apprennent l existence. C est d ailleurs l un des avantages d un compte d épargne par rapport à la monnaie virtuelle. Si vous utilisez l argent «mobile», alors votre portefeuille n est vraiment vide que lorsque votre téléphone l est également. Cela ne signifie pas pour autant que les banques peuvent facturer leurs produits plus chers que les opérateurs de banque PREMIERES LECONS 9

mobile. Au demeurant, la seule politique tarifaire susceptible de contribuer à doubler le nombre de comptes d épargne des pauvres consiste à proposer un produit plus performant que celui des opérateurs de banque mobile à un prix inférieur ou identique. Ceci implique de remplacer les commissions fixes par des commissions de transaction et d accepter les clients qui ne déposeront qu un dollar ou deux. Enfin, la banque est peut-être convaincue que ses produits sont sûrs, simples et abordables mais le client potentiel est-il du même avis? Pour atteindre les objectifs du programme, le personnel de la banque doit être en mesure de convaincre le client. Les pauvres ne peuvent pas se permettre de dépenser à mauvais escient. Ils doivent savoir à quoi ils s engagent. Avant de payer pour un service, ils doivent donc être convaincus de sa sécurité et de sa simplicité. Il est donc impératif que les explications fournies soient concises et totalement transparentes. Par rapport à certains supports marketing et brochures d organismes de microfinance, les documents des caisses d épargne sont généralement trop longs et trop axés sur les conditions d utilisation du produit ou du service. Or ces dernières n ont jamais convaincu personne d acheter un produit. Ce qui provoque la décision d achat, c est la conviction que le produit répond à un besoin réel. Mais la concision ne suffit pas. Pour être entendu, encore faut-il que le message soit adapté. Le vocabulaire et les images utilisés doivent ainsi «parler» au public visé. Il semble pourtant que les agences publicitaires qui sont habituées à travailler avec des banques ont du mal à concevoir des messages à la fois pertinents et sensibles. Les mots et les images qui accompagnent le message promotionnel doivent éviter la condescendance et ne pas projeter de modes de vie auxquels n auront jamais accès les populations visées. Les agences qui ont jusqu ici collaboré sur les projets ont clairement besoin d être conseillées dans ce domaine. Il faut leur rappeler que toute la communication doit s articuler autour des besoins des populations pauvres. Bien entendu, le vocabulaire utilisé doit être compréhensible par le client. Rédiger un message en plusieurs langues coûte probablement plus cher, mais moins cher que de perdre des clients. Les images permettent de contourner la barrière des langues et peuvent être comprises par ceux qui ne maîtrisent pas les rudiments de la lecture. Elles doivent toutefois être pertinentes et respectueuses. Aspirer à quelque chose est bien, à condition de pouvoir l atteindre un jour or trop souvent, les banques des pays en développement puisent dans l imagerie des campagnes publicitaires visant les minorités ethniques dans les pays développés. Dans d autres secteurs, les concurrents qui essaient de pénétrer le marché «d entrée de gamme» ne sont pas confrontés à cette difficulté. Les banques doivent continuellement s interroger sur le vocabulaire et les images des campagnes publicitaires envisagées : le message est-il simple et direct? Fait-il preuve de sensibilité? Répond-il vraiment aux besoins des populations défavorisées? 10 PREMIERES LECONS

Leçon n 3 la formation du personnel est indispensable et bien plus coûteuse que prévu Que la formation soit indispensable est une évidence. Mais la clé de la réussite réside dans un certain type de formation. Jusqu à récemment, la notion de «banque de pauvres» pouvait sembler absurde, le postulat étant que les banques étaient réservées aux riches. De fait, s il n était pas formé pour mesurer ce qu une banque peut apporter aux pauvres et plus important encore, ce que les pauvres peuvent apporter à la banque (en l occurrence de nouveaux clients), le personnel bancaire se montrait plutôt réticent à servir les pauvres qui s aventuraient dans l agence. Il était encore moins question de leur expliquer ce que la banque avait à leur proposer et d écouter leurs besoins. Compte tenu du changement de priorité des projets qui ne cherchent plus à comprendre pourquoi les pauvres n ont pas accès aux banques mais à mettre en avant ce que les caisses d épargne peuvent apporter à cette population le succès du programme repose désormais sur le personnel bancaire qui peut jouer un rôle décisif pour doubler le nombre de comptes d épargne parmi les populations défavorisées. Dans ces conditions, la formation d un personnel efficace et acquis à la cause des pauvres est encore plus importante que l emplacement des agences. Même bien placé, tout nouveau bureau, agence ou point de vente ne sera pas en mesure d attirer suffisamment de clients s il ne dispose pas de personnel formé. Les projets lancés jusqu à présent montrent effectivement qu ouvrir une nouvelle agence ne suffit pas. Les employés doivent jouer un rôle moteur et devenir les principaux commerciaux. Ils doivent notamment apprendre à commander, orchestrer et gérer une campagne publicitaire. Si elle bénéficie du soutien et de la formation nécessaires, la personne qui sert le client doit également devenir le vecteur le plus efficace pour promouvoir la nouvelle offre. Par exemple, lorsque Kenya Post Office Savings Bank, qui dispose de ressources financières limitées, pilotait son propre réseau d agents, le nombre de nouveaux clients a rapidement plafonné après les efforts consentis initialement par la banque. On peut en conclure que les agents ne suffisent pas et que l implication active de la banque est indispensable pour attirer de nouveaux clients. Autre exemple, chez Tanzania Postal Bank, un agent peut remplir en une journée près de 20% de l objectif qui lui est assigné en termes de nouveaux clients, mais lorsque le personnel de la banque n est pas présent, ce pourcentage diminue rapidement. Bien évidemment, ceci concerne aussi les partenariats. Le rôle du personnel bancaire est d autant plus important que le lien «physique» entre la banque et son client est distendu. La banque ne peut pas en effet se reposer totalement sur les agents (qu il s agisse de son propre réseau ou de celui de son partenaire) pour convaincre les pauvres de la pertinence de son offre. Un contact face à face est nécessaire afin de transmettre clairement les informations. En Tanzanie par exemple, une agence de marketing réduite mais très efficace forme le personnel de Tanzania Postal Bank dans tous les bureaux de poste récemment équipés de services de paiement mobile. Celui-ci apprend à gérer tous les aspects du renouvellement de l offre. Mais l aspect le plus préoccupant est le coût de la formation du personnel, supérieur au budget d investissement en systèmes et matériels informatiques. Dans le cas des banques postales du Kenya et de Tanzanie, les besoins d investissements «immatériels» (formation du personnel et des agents, marketing) sont largement supérieurs aux investissements matériels (équipement). En outre, les coûts liés à la supervision du réseau d agents sont plus élevés que les dépenses d équipement initiales. Que ce soit au Kenya ou en Tanzanie, la principale surprise pour les participants au programme a été le temps et l argent nécessaires à la constitution de leur propre réseau d agents et l importance du suivi pour s assurer que ces agents restent mobilisés. PREMIERES LECONS 11

Réglementation : les premiers pas Conclusion : faire valoir ses atouts S il est encore trop tôt pour que les participants tirent des leçons définitives sur les différents moyens d améliorer l accès financier des pauvres, ils ont néanmoins acquis suffisamment d expérience en matière de réglementation pour constater que les opérateurs de téléphonie mobile et certains organismes de microfinance échappent à la réglementation alors que les caisses d épargne partent du principe que cette réglementation n est absolument pas négociable. Les caisses d épargne doivent certes montrer plus d assurance mais elles ne peuvent pas entamer de discussions sans avoir préalablement bâti leur argumentaire et affûté leurs capacités de négociation. Au cours des discussions, elles doivent faire preuve d un esprit constructif et de leur volonté de résoudre les problèmes. Les instances de régulation resteront sourdes aux récriminations («tous les autres le font, pourquoi pas nous?»). Les caisses d épargne doivent se montrer persuasives et convaincre de leur bonne foi. A titre d exemple, les régulateurs jouent un rôle important dans la gestion du risque. Ainsi, lorsqu une banque trouve une solution pour éliminer l une des sources de risque d un processus, il est important qu elle la montre au régulateur, qu elle la teste et qu elle en profite pour aborder d autres problèmes qui lui tiennent à cœur. Par exemple, la question des paiements mobiles. En effet, c est seulement à partir du moment où le régulateur approuve le partenariat avec l opérateur mobile que celui-ci peut effectivement aider la banque à accéder aux populations non bancarisées. Certaines instances de régulation exigent que tout «solde mobile» soit adossé à un dépôt sur un compte bancaire associé. Dans ce cas de figure, le téléphone n est qu une plate-forme de paiement. D autres se montrent moins exigeantes : l opérateur mobile gère les soldes individuels sur des comptes proxy dans ses systèmes, la sécurité du dispositif étant assurée par le biais d un dépôt effectué auprès d une banque réglementée, dépôt dont le montant correspond à tout moment à la valeur cumulée des soldes. Le point important est que le régulateur peut faire preuve de souplesse. Les banques doivent donc se montrer plus entreprenantes lorsqu elles travaillent avec les autorités et parvenir à des solutions réglementaires qui accroissent leur capacité à accéder aux populations visées. Aucun de ces obstacles n est insurmontable mais la tâche s annonce ardue. Les banques disposent d atouts décisifs, qu elles doivent absolument faire valoir : elles permettent d épargner en toute sécurité, elles respectent le besoin de confidentialité des clients et contrairement à la concurrence, elles offrent des solutions d épargne à court et à long terme qui permettent de transmettre un patrimoine. Si la politique tarifaire pour ce qui concerne les transactions est progressivement confisquée par les opérateurs mobiles, les banques ne sont pas totalement démunies : elles peuvent réduire considérablement leurs coûts tout en préservant leur rentabilité en repensant entièrement leurs processus métiers, leurs produits et leurs services afin de les simplifier et de les rendre abordables. Si les solutions de paiement mobile apparaissent comme une menace existentielle pour les caisses d épargne traditionnelles, elles constituent aussi des opportunités de partenariat pour accéder à des populations reculées et non bancarisées. Pour conclure, une banque ne peut œuvrer en faveur des pauvres que si cet objectif est partagé à tous les échelons de l organisation. Mais elle n est pas seule dans cette mission : les caisses d épargne qui s engagent aux côtés des pauvres doivent en effet collaborer, parler d une même voix et innover en matière de services d épargne car la concurrence n attend pas. Cette question se règlera d elle-même lorsque les participants auront atteint une taille critique et seront en position de force pour négocier. Rien ne les empêche cependant de commencer à argumenter contre une réglementation inadaptée. 12 PREMIERES LECONS

ANNEXE APERçU DES PROJETS

The global voice of savings and retail banking SONAPOST Burkina Faso Amélioration du service dans les zones rurales La Sonapost compte améliorer la qualité des services proposés à la clientèle rurale en modernisant les systèmes de transaction électroniques et en améliorant la communication dans l ensemble de son réseau postal existant. L accès aux comptes d épargne viendra s ajouter à la palette des services proposés dans les villages. Dans les cas où il serait non rentable d ouvrir une agence, Sonapost prévoit de créer des partenariats avec des institutions locales : municipalités, associations, ONG, écoles, etc. Dans les villages plus petits, des kiosques mobiles seront installés sur des marchés. Les gens pourront y ouvrir des comptes et déposer leur argent. Pour les villages en zone rurale ou pour des ménages isolés en zone rurale, le service sera assuré par des «courriers cyclistes» qui assurent traditionnellement la livraison de courrier et de services dans tout le pays. Le projet s appuiera sur le réseau existant de courriers cyclistes pour collecter l épargner dans les villages et le porter à l agence Sonapost la plus proche. Ces trois mécanismes de livraison permettront de fournir une réponse au problème de l accès aux services financiers. Les clients pauvres vivant en milieu rural pourront accéder à leur compte d épargne sans perdre plusieurs heures de la journée de travail et sans dépenser de l argent pour aller à la banque. Avec ce projet, la Sonapost compte accroître sa clientèle de plus d un demi million de personnes d ici 2014. Doubling the number of savings accounts among the poor

The global voice of savings and retail banking Sistema Fedecrédito El Salvador Expansion du réseau d agents non bancaires Fedecrédito compte mettre en place un réseau d agents non bancaires (commerces, etc.) dans des zones comptant peu ou pas d établissements financiers. Il s agit pour l essentiel de zones de grande pauvreté. Le projet comprendra notamment l installation et le financement de réseaux de distributeurs automatiques/d agents, le lancement de services bancaires sur téléphone mobile et la recherche d agents et de clients. Avec ce projet, Fedecrédito compte élargir sa couverture à au moins 85 municipalités d El Salvador qui n ont actuellement pas accès ou n ont qu un accès limité à ses services et ajouter 200 000 ménages défavorisés à sa clientèle pauvre actuelle de 40.000 personnes. Doubling the number of savings accounts among the poor

The global voice of savings and retail banking Lesotho Postbank (LPB) Proposer des services abordables aux populations non bancarisées LPB va introduire une nouvelle technologie de carte de paiement. Le projet veut faire en sorte que les produits soient conçus d une telle manière que les besoins des pauvres soient rencontrés et que des canaux de distribution alternatifs, par exemple des agents bancaires, soient utilisés en plus du réseau postal. Le projet bénéficie d une coopération sud-sud : une équipe de KPOSB (Kenya) donne des conseils au niveau de l implémentation du processus. Si nécessaire, des ressources supplémentaires seront débloquées pour les investissements en infrastructures et les actions marketing. L objectif de la banque est de tripler sa clientèle, qui passerait ainsi à 180 000 clients, dont 90 % classés comme pauvres. Doubling the number of savings accounts among the poor

The global voice of savings and retail banking Poste Maroc Proposer une offre dédiée aux clients à faibles revenus Al-Barid Bank, qui utilise le réseau de la poste marocaine compte recentrer son offre de produits d épargne de base et de cartes prépayées sur la population rurale et périurbaine, dans une économie caractérisée par des taux de bancarisation très faibles et un taux d alphabétisation de seulement 40 %. Dans le cadre de ce projet, des points de service spéciaux seront créés pour aider les clients pauvres à utiliser le service et pour simplifier les produits. Des «points service» spécifiques seront créés pour aider les pauvres à utiliser les produits et services. Le programme développera et implémentera un système de banque par télélphone portable pour des transferts d argent et pour épargner. Le programme vise à augmenter l accès dans des régions rurales et périurbaines où l accès aux services bancaires n est pas toujours évident. Le projet compte conquérir au moins un million de nouveaux clients en plus des trois millions de clients actuels. Doubling the number of savings accounts among the poor

The global voice of savings and retail banking South African Post Bank (SAPB) Afrique du Sud Des opérations en espèces aux comptes en ligne SAPO compte remplacer le règlement en espèces des prestations sociales par des virements automatisés sur des comptes bancaires à bas coûts susceptibles d être également utilisés pour l épargne ou d autres paiements. La banque proposera également ces nouveaux services à ses clients et encouragera les membres des groupes d épargne informels (système permettant à un groupe d épargnants de partager un compte commun) à ouvrir des comptes d épargne individuels. L objectif de SAPO est de doubler le nombre de comptes parmi les populations défavorisées, pour le faire passer de 2,6 millions à plus de 5 millions.

The global voice of savings and retail banking Tanzania Post Bank (TPB) Tanzanie Développer l épargne rurale par l intermédiaire des réseaux de TPV TPB a l intention d automatiser son réseau existant d agences postales et de déployer un réseau parallèle d agents non postaux. Ce projet permettra à la banque de renforcer significativement ses capacités de paiement et de production de cartes, de développer un réseau de terminaux point de vente (TPV) et de réduire le coût des opérations effectuées dans les bureaux de poste. La gestion du réseau d agents s appuiera sur les bonnes pratiques et des actions marketing viendront accompagner son déploiement. TPB travaille également sur un projet de banque mobile. L objectif de ce projet est de rendre les services financiers de base plus accessibles pour les pauvres en mileu rural par le biais du développement de banque par téléphone portable (par exemple vérifier le solde du compte, effectuer un paiement). L objectif général de la banque est de doubler les clients à 1.3 million de personnes, dont 62 % de clients pauvres. Doubling the number of savings accounts among the poor

The global voice of savings and retail banking Postbank Uganda (PBU) La banque de proximité pour les pauvres PBU compte atteindre la population rurale, pauvre et non bancarisée, par divers moyens : agences, centres de services à bas coûts ou minibus. Dans le cadre du projet, PBU mènera des actions marketing auprès des agents et des clients, rapatriera la plateforme informatique et la production de cartes en interne afin de réduire les coûts et imaginera de nouveaux produits pour répondre aux besoins de la population rurale pauvre. L objectif est de conquérir 500 000 nouveaux clients, dont 90% sont pauvres. Doubling the number of savings accounts among the poor