Jacques Lévy, professeur à l'universités de Reims et à l'institut d'études politiques de Paris, fellow au Wissenschaftskolleg zu Berlin



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e point sur La cartographie, enjeu contemporain Jacques Lévy, professeur à 'Universités de Reims et à 'Institut d'études poitiques de Paris, feow au Wissenschaftskoeg zu Berin De ce vieux Mercator, à quoi bon Pôe Nord Tropiques, Equateurs, Zones et Méridiens? Tonnait Homme à a coche ; et chacun de répondre : Ce sont conventions qui ne riment à rien! Ques rébus que ces cartes, avec tous ces caps Et ces îes! Remercions e Capitaine De nous avoir à nous acheté a meieure - Qui est parfaitement et absoument vierge. Lewis Carro, La Chasse au snark (1876). Trad. Henri Parisot. Le paysage actue de a cartographie fait apparaître un tripe paradoxe : nous produisons de pus en pus de cartes et pourtant I. cees-ci intéressent de moins en moins d utiisateurs ; II. a divergence entre es cartes savantes et es cartes popuaires s accroît ; et III. on observe un écart croissant entre es cartes dont nous disposons et cees dont nous aurions besoin pour mieux comprendre e monde qui nous entoure. Expicitons : es technoogies de audiovisue et de informatique, ensembe (mutimédia) ou séparément (systèmes d information géographique SIG, imagerie de masse), mutipient e nombre d objets que on peut nommer cartes, es cartes météo en offrant une iustration écatante. Mais, simutanément, a carte est de pus en pus souvent rendue substituabe par d autres technoogies qui, cette fois, concernent des usages autres que a simpe ecture. C est aors e GPS (Goba Positioning System, système de ocaisation panétaire) embarqué dans une automobie qui devient a figure embématique, évitant à ceux que a carte routière rebute de devoir s y ponger, ou s y noyer. Pus généraement, aors que certaines évoutions se font jour dans e monde scientifique et technique en faveur d une diversification des objets cartographiques, a formation des utiisateurs de ces objets ne sembe pas progresser dans e système éducatif, dans es médias ou aieurs. La carte a pus traditionnee et/ou a pus ma conçue écrase de sa ourde présence toute autre image. Cea gêne a diffusion de cartes qui seraient davantage en prise sur es travaux récents et permettraient de rendre pus isibe espace des sociétés. Enfin, cette dynamique savante demeure très timide. Ee reste bien en deçà de ce qu on pourrait imaginer pour prendre en compte tout autant es changements spectacuaires, à toutes es échees, qui marquent es espaces de a panète et es nouvees manières de es pratiquer. On peut parer de ibertés géographiques récemment acquises ou à acquérir par es habitants de a panète. Ees reèvent du déveoppement de a capacité à aer et venir, mais aussi de a possibiité de choisir parmi tous es iens imaginabes entre endroit où on est et ceui ou, peut-être, on se rendra. Parmi ces innombrabes virtuaités, es acteurs

2 DP 8011 Panisphère d'orteius (1569) que nous sommes ne cessent d arbitrer, orsque nous aons au travai, en vacances, en voyage d affaires, que nous déménageons, que nous migrons La carte devrait ogiquement être très présente dans a préparation et e dérouement de action spatiae, qu ee soit stratégique ou tactique. Ce ne sembe pas être e cas. En matière de cartes, en bref, on ne peut que se sentir frustré de ces décaages béants entre e nécessaire, e possibe et actue. Cependant, beaucoup de choses intéressantes anciennes ou nouvees méritent d être signaées dans ce champ de a connaissance qui touche à a fois a recherche fondamentae et a communication de masse. En montrer e sens et a vaeur et es rendre ainsi pus aisément utiisabes constituent objet de ce fascicue. On insistera notamment sur e fait que des cartes pertinentes et originaes se rencontrent parfois sinon surtout en dehors du champ de a cartographie savante d aujourd hui. Les cartes d avant a cartographie mathématique, es images pubicitaires utiisant e angage cartographique, es mutipes usages esthétiques de a carte méritent notre attention, non seuement à titre de curiosité mais tout simpement comme source de connaissance. A bien y regarder, ces cartes qui n appartiennent pas au paysage standard se révèent à occasion fort proches des innovations des cartographes professionnes. Cees-ci gagnent ees aussi à être mieux connues car, tout en provenant de cheminements inteectues et techniques compexes, ees sont souvent, dans eur principe et dans eurs résutats, aisément compréhensibes et faciement reproductibes. D où idée que ces cartes vivent en société et peuvent être abordées comme des outis dans diverses actions menées par es individus et es organisations. Ce que cartographier veut dire Dans e Dictionnaire de a géographie et de espace des sociétés (2003), a carte est définie comme une représentation fondée sur un angage caractérisé par a construction d une image anaogique d un espace. Cette définition se proonge par une iste d attributs propres à a carte : I. des outis d identification de espace-référent ; II. une ou pusieurs échees cartographiques ; III. un principe de transposition anaogique des ocaisations de cet espace vers a carte ; IV. une ou pusieurs métriques ; V. un ou pusieurs thèmes, c est-à-dire une substance ; VI. une sémioogie de représentation graphique ( égende ) des objets correspondant à ces thèmes et des reations entre ces objets.

3 DP 8011 Chorèmes Suisse Un angage spécifique La cartographie est donc un angage particuier, un système de signes encodés de manière arbitraire afin de e rendre capabe de porter des messages. Comme angage, a carte est à a fois anaogique et symboique, non verbae et non séquentiee. I s agit donc d un univers très spécifique, avec deux caractéristiques fondamentaes. 1. La carte possède une forte dimension anaogique. Cea signifie qu i existe une reation immédiate, intuitive entre a carte et e terrain, sur e modèe de homothétie en géométrie, c est-à-dire d une proportionnaité entre es ongueurs, cees de a réaité et cees de a carte. Sur ce point, a carte se situe dans un moyen terme entre e symboique pur et e figuratif. D un côté, ee se différencie de angages comme ceux de a peinture abstraite ou es énoncés mathématiques, où aucun ien spontané ne peut se faire avec objet représenté. De autre, ee s écarte de représentations franchement figuratives comme cees que produisent a photographie et e cinéma, où anaogie porte sur un si grand nombre de caractéristiques de a réaité traitée que nos sens tendent à substituer eur image de a représentation à cee du rée. Ces angages créent un effet de réaité qui concerne, jusqu à un certain point, a carte. Cette composante anaogique concerne e principe même du transfert des ééments proprement spatiaux (positions, distances, configurations) de a réaité à représenter, mais e traitement des autres composantes de cette réaité (a substance des objets ocaisés, exprimée par des figurés ) est, ui, peinement symboique. Le principe consiste à choisir, pour chaque carte, une série de formes simpes, faciement repérabes et compatibes entre ees. Le choix de représenter es objets de manière figurative ( éevage des chameaux par un pictogramme où on reconnaît un chameau) a été de pus en pus contesté en cartographie car i introduit des bruits visues qui perturbent a ecture. Notons que ces pratiques n ont pas disparu, oin s en faut, de a cartographie popuaire, cee qui est destinée au tourisme, par exempe. De son anaogie et de son symboisme, a carte peut tirer deux espèces distinctes de égitimité. La carte est vue tantôt comme exacte c est-à-dire transparente à a réaité, tantôt comme cryptée, comme un discours mystérieux accessibe aux seus initiés. Lorsque es deux quaifications se cumuent, ee donnent à a carte un pouvoir dangereux ; orsqu ees s annuent, ee font de a cartographie un art moyen peu digne d intérêt. 2. On utiise au mieux a spécificité d une carte en abordant comme un espace, en a soumettant à une ecture spatiae. Qu est-ce que cea veut dire? En opposition aux angages séquenties (comme a musique jouée), une carte offre, simutanément, au récepteur ensembe de information qu ee contient. Ee organise une coexistence d ééments qui pourraient se présenter de manière dispersée dans un exposé verba. Magré a présence de mots, qui sont à considérer comme un aspect de sa sémioogie graphique, a carte se distingue donc cairement du discours verba, écrit ou ora. Ee s oppose, pus généraement, aux angages dont es ééments sont organisés par une reation temporee, exigeant un ordre de succession strict. A inverse, par eur caractère non séquentie, es cartes se rangent parmi es figures, par opposition aux discours. Au sein des figures, ees appartiennent, du fait de eur ecture gobae et instantanée, à a famie des images. L avantage d une ecture gobae et immédiate permet de faire ressortir des structures spatiaes simpes ; i a pour contrepartie inconvénient d une imitation drastique de a quantité d informations que e ecteur peut effectivement appréhender. Bruits visues En effet, faute d une autoimitation rigoureuse de a part du concepteur, a carte perd sa isibiité en tant qu image et bascue dans e registre des istes ordonnées. La suppression des bruits visues permet en revanche d éviter es effets secondaires que des informations superfues pourraient avoir sur e message. Le recours à des contours simpifiés (qu on appee en cartographie généraisés ) apparaît ainsi égitime puisqu i contribue à concentrer e regard du ecteur sur essentie, mais, si on va trop oin dans ce sens, on bascue vers des

4 DP 8011 Corse formes géométriques qui peuvent fort bien revêtir des significations symboiques fortes dans une société donnée. Ainsi es figures es pus simpes (cerce, triange, carré) possèdent souvent des connotations de pureté qui tendent à rendre pus vrais, pus natures ou pus égitimes es objets représentés. Si on es utiise de manière trop massive ou excusive, cea peut créer de nouvees interférences et des effets indésirabes. Ainsi a concision du message dans e propos crée-t-ee dans a ecture de a carte une dictature de instant qu on ne peut jamais renverser vraiment. Contrairement aux textes écrits, a carte ne peut disposer en ee-même d appuis systématiques et non imités en voume pour étayer et déveopper ses raisonnements. Cette imitation rend décisifs es dispositifs de traduction du angage cartographique vers e angage verba, et inversement. C est dans a égende que es choses se jouent. Là se trouve un des pièges tendus à a cartographie scientifique. On peut tenter de vouoir tout dire dans a carte : ce fut a tendance des cartes encycopédiques, saturées d un brouiard de toponymes ou de figurés. On peut, au contraire, rester ausif et renvoyer a formuation expicite à une égende qui, parfois, demeure ee aussi squeettique. C est à un des reproches qui a été fait à approche chorématique (cf. p.44) : faute d énoncés d expicitation, es cartes peuvent prendre un caractère ésotérique ou, à inverse, simpiste. Dans es deux cas, e moment de a discussion et de a réfutation s en trouve affaibi. La carte expoite un système de signes spécifique. Ce angage est minoritaire et pèse peu face à a domination des angages verbaux. En conséquence, i est guetté par excès d autoréférence, c est-à-dire par e risque que a cartographie devienne un exercice cos sur ui-même, oubieux de ce qui est cartographié. Le diaogue entre es cartes a pour équivaent ce qu on appee intertextuaité dans es angages verbaux, et on en connaît importance. Cependant, dans e angage nature, e domaine du discours est si proche du monde socia ordinaire (où a paroe ne cesse de circuer) que, si on évoque autoréférence, ce sera putôt une manière d aborder, au moyen du angage, es caractéristiques d un contexte cuture. Ce n est pas e cas pour es cartes qui, orsqu ees ne font que se parer entre ees, tendent à se couper du monde. Avec a carte, on construit un univers propre, qui est d autant pus magique qu i n est pas immédiatement accessibe mais, en même temps, reativement facie à contourner. Le monde de a carte reste un domaine à part. Du fait de sa doube spatiaité, cee du référent et cee du angage, a carte se présente comme une manifestation concrète de objet de a géographie, ce qui ne manque pas de créer des confusions. Ainsi, idée que a carte d étatmajor (devenue ensuite carte topographique ) était une carte générae, c est-à-dire qu ee contenait toutes es informations fondamentaes pour comprendre un espace, a été diffusée par a géographie cassique. Cea iustrait es faibesses théoriques de a discipine géographique à époque de Pau Vida de La Bache et de ses successeurs. Toute carte est évidemment thématique, ee suppose un projet et ee exprime des choix, ce qui signifie qu ee excut une mutitude d autres cartes possibes. Cette iusion de transparence nous apparaîtrait seuement puérie, si ee n avait pas eu des effets de réaité non négigeabes en matière de géopoitique. L iusion d un absou cartographique donnait a main à un autre absou, ceui des idéoogies nationaistes visant à imposer eur propre matrice comme principe unique de ecture des espaces. A époque de a protogéographie de Écoe française, cette naïveté a aussi servi de ressource pour empirisme, pour e refus d une réfexion sur objet et es méthodes de a recherche. Ee a assuré, pour queques décennies, un court-circuit confortabe entre e rée et a pensée. Échee(s) La question de échee a souvent aussi été occasion d attitudes paresseuses. Ce fut prétexte à retarder a reconnaissance du caractère propre du angage cartographique. L échee cartographique, exprimée originairement de manière graphique (sous forme d un objet qui ressembe à une échee), pus tard associée à une fraction, indique un rapport

5 DP 8011 Maroc de réduction qui peut, dans e principe, être éga ou supérieur à 1 (ce dernier cas est exceptionne en matière de cartes). Mais a notion d échee cartographique peut se généraiser à toute production d un objet anaogue à un autre de manière à pouvoir en étudier ou en manipuer pus aisément es caractères, que ce soit en deux ou en trois dimensions (maquettes), que ce soit en diminuant ou en augmentant a taie de objet d origine. Dans a cartographie cassique, on traite es distances dans e cadre de a métrique eucidienne : i s agit d un système cohérent, permettant une mesure uniforme, continue, sans acune. C est a manière a pus banae et a pus conventionnee de mesurer es distances, en mètres ou en kiomètres, par exempe. L anaogie entre a carte et a réaité est d autant pus facie à réaiser que, dans es deux cas, a même métrique est utiisée. Une tee simpicité emporte aisément adhésion ; cependant, on note que cette formue ne vaut que pour es ongueurs, dont a mesure (routes terrestres ou maritimes, portée d artierie, etc.) a ongtemps constitué un usage important des cartes. Si on passe aux surfaces, a proportion sera égae au carré de échee nominae. Pour une carte au 1/100 000 (1 cm pour 1 km), e rapport des surfaces sera donc de 1/10 000 000 000 : i y a bien 10 miiards de cm 2 dans 1 km 2. Un te décaage peut avoir pour effet de rendre contre-intuitive une ecture qui justement tirait de son caractère anaogique une faciité apparente d accès à information. C est a réaisation de mappemondes et a réfexion sur es projections qui accompagne qui ont fini par faire prendre conscience aux concepteurs et aux usagers de a carte du caractère non trivia de échee. Un autre espace La projection d une sphère sur un pan impose en effet de faire des choix : on ne peut respecter à a fois es anges (projections conformes) et es surfaces (équivaentes). Quant aux ongueurs (principe d équidistance), ce n est possibe qu à partir d un point ou sur une igne et non pour toute une surface. La première méthode (comme dans a projection de Mercator) a ongtemps dominé a production ; or échee y est variabe, e pus souvent pus grande aux hautes qu aux basses atitudes, fabriquant un Groenand pus grand que Austraie aors que, sur e terrain, sa superficie est près de quatre fois pus petite. Cea retire à échee son universaité. Par aieurs, a nécessité de traiter es surfaces indépendamment des ongueurs (projections équivaentes), qui paraît étrange en géométrie pane, donne à voir ce que es promoteurs de a cartographie mathématique ont ongtemps souhaité ne pas mettre en umière : e caractère discrétionnaire des choix en matière d échee. Cee-ci est e résutat d options prises parmi une série de possibes et non d une vérité intrinsèque découverte par a carte. Dès ors que e caractère construit de échee est admis, rien n interdit de s interroger sur a nature du terrain que a carte est censée transcrire anaogiquement. Ce peut être une autre réaité que a superficie : a popuation, a richesse ou tout autre chose.

6 DP 8011 Une différenctiation par es ooptions au sein du angage cartographique De même, a confusion, pus ou moins invoontaire, entre deux sens bien différents du mot échee géographique et cartographique a contribué à retarder a réfexion critique des géographes sur a carte. I est courant, depuis queques décennies, d entendre des géographes reprendre d autres géographes pour es prier d inverser e sens de grand et petit à propos d échee. Cea a même fait partie, pour certains, du mouvement de rénovation de a discipine. Petite échee signifierait grand espace et inversement. On peut comprendre que, pratiquant a cartographie et s intéressant, par aieurs, aux échees spatiaes, es géographes aient été entraînés à eur insu vers ce gissement de sens. Le caractère récent et voontariste de inversion incine à penser qu i s agit putôt à d une idéoogie professionnee, consistant à égitimer une position institutionnee par a maîtrise d un angage technique initiatique. Du point de vue de a connaissance, cette attitude est en tout cas intenabe. On peut fort bien représenter un petit espace sur une carte à petite échee et un grand sur une carte à grande échee : i suffit de faire varier a taie du support, papier ou écran. I faut donc être cair sur ce point : échee cartographique et échee géographique sont deux notions distinctes et qui ne doivent en aucun cas être confondues. On doit donc être toujours conscient que e choix de mesures conventionnees des ongueurs et des surfaces, par exempe par a métrique eucidienne, qui réduit tout espacement à une vision à vo d oiseau, a des effets radicaux de dévaorisation de tout espace dont a taie n est pas iée à ces paramètres. Du point de vue des échees géographiques, une vie, une petite vie même, est un grand espace, comparé à un arrière-pays désert. Comme objet sur une carte eucidienne, ee se trouvera au contraire minorée. Cependant, si a carte n est pas espace, une carte est bien un espace. Comme e dit Miche Lussaut, ce nouve espace s ajoute à tous ceux qui ui préexistent et enrichit, en s y incorporant, ensembe des spatiaités qui contribuent à définir une situation. On peut bien sûr traiter une carte comme un simpe tabeau de données, et notamment comme un simpe croisement entre des coordonnées terrestres et une autre information (toponymes, cotes hypsométriques ou bathymétriques), et on s éoignera aors de a carte pour en faire une charte (en angais, usage du mot chart s est maintenu pour es cartes marines). Si au contraire, on assume a ecture spatiae, c est-à-dire instantanée et gobae, de a carte, cee-ci devient ipso facto un modèe graphique, émettant un message forcément restreint par es conditions de sa réception. En tant qu univers idée, dont intérêt n est pas moindre que es mondes matéries comme source d information ou, tout simpement, comme objet à connaître, a carte devient un terrain parmi d autres pour es sciences sociaes.

7 DP 8011 Une différenctiation pare contenu et e traitement de 'information thématique Attention, projections La thématique de a projection, quant à ee, a accompagné a naissance et e raffinement de a cartographie mathématique. Ce probème aux soutions inévitabement bâtardes n est pas forcément essentie. Ce n est qu un cas particuier de a question, pus générae, du traitement de a réaité empirique par sa mise en carte. D abord, parce que, pour des étendues de petite dimension en comparaison de a panète, es choix de projections ont peu d effet. Ensuite et surtout, parce que a projection n est qu une des options pour représenter espace de a panète, et pas toujours a meieure. En mettant tous es points de a Terre sur e même pan, e résutat d une projection en deux dimensions, a mappemonde, donne en effet e primat aux océans (qui représentent 71 % de sa surface). Du fait de a perte de a circuarité panétaire, cea aboutit notamment à créer des ruptures exagérées entre es continents. D où a nécessité de reprendre cette question en fonction d un probème expicite, en remettant éventueement en cause es postuats de a projection. Les déveoppements des mathématiques hors géométrie eucidienne peuvent ici être précieux. On peut ainsi considérer a Terre non pus comme un espace en trois dimensions mais comme une surface courbe, ce pour quoi a cartographie n est nuement désarmée. Pus généraement, espace mondia pose a question de son agencement. Les manières dont a carte peut en rendre compte sont mutipes, en centrant sa réfexion sur es règes de base de a construction de a carte. C est à (cf. infra) un des chantiers contemporains de rénovation de a cartographie. Par eur caractère spatia, es cartes présentent un ordre angagier qui enrichit et dérange univers habitue des énoncés à visée scientifique. D où a réaction des marins de La Chasse au snark. Gênés par es signes conventionnes des cartes habituees, is pébiscitent a carte totaement vide que Homme à a coche eur présente, a map they coud a understand. En tant qu acte de connaissance, a carte ne va jamais de soi ; ee est d abord un probème posé par e cartographe, ensuite, peut-être, une soution. Le simpe cassement des différents types de cartes (voir es schémas ci-dessus) est déjà assez compexe. Aucune carte ne s est faite toute seue, aucune carte ne traduit un ordre immanent que son auteur n aurait fait que retrouver, aucune carte ne peut être totaement extraite d un contexte qui a rendu possibe et souhaitabe sa réaisation. Aussi histoire de a cartographie constitue-t-ee une démarche pertinente et percutante pour approcher es dynamiques de a reation des sociétés à eesmêmes et à ce qui es entoure.

8 DP 8011 C arte et société : des reations mutidimensionnees L histoire de a carte exprime a ente émergence du paradigme zénitha (seon expression de Caude Raffestin). Parmi es cartes es pus anciennes, datant au pus de deux mie ans, qui nous soient effectivement parvenues (de pus précoces, comme cees de Grecs étant passées par des copies pus ou moins fidèes), on constate une hésitation entre es visions en pan et en éévation. Les objets représentés, souvent de manière partieement figurative, sont vus de face ou obiquement, tandis que ensembe de a feuie appartient au registre de a représentation à vo d oiseau. C est e cas dans es documents européens d avant a Renaissance mais aussi arabes ou chinois. Un doube mouvement Le bascuement compet dans a représentation en pan correspond à un effort d abstraction considérabe. On e retrouve dans a peinture occidentae à partir du XVIII e sièce avec a raréfaction progressive des perspectives obiques, tees qu on es voyait dans es premières vedute (paysages) et dans es scènes de bataies. I y a comme une spéciaisation de a peinture et de a cartographie dans deux postures comparabes, mais qui es ont peu à peu conduites dans des directions opposées. La cartographie évoue seon un doube mouvement. Par e choix progressif d un angage proprement cognitif qui éimine es dimensions du mythe ou de imaginaire, sont vaorisés es usages techniques de a carte : navigation, manœuvre miitaire, gestion administrative et juridique. La formaisation géométrique et a précision géodésique donnent quant à ees naissance à a cartographie mathématique. Ce second aspect peut être considéré comme indépendant du premier, car déjà présent chez es Grecs. Avec son diaphragme (ouest-est) et sa perpendicuaire (nord-sud) se croisant à Rhodes, Dicéarque (347-285 av. J.-C.) donnait corps, indépendamment des connaissances concrètes de a panète, à idée de atitude et de ongitude. Cette démarche fut poursuivie durant es cinq sièces suivants par Ératosthène, Hipparque et Ptoémée pour aboutir à ébauche d une cartographie géométrique dont on peut considérer Mercator (1512-1594) comme e continuateur. Y a-t-i une spécificité européenne dans anticipation d espaces non encore exporés, dans apprivoisement de inconnu par e seu pouvoir de a mesure? En fait, durant une ongue partie de histoire occidentae de a cartographie, s entremêent connaissances vérifiabes et mythes. On connaît e rôe productif de différents types d iusions géographiques et cartographiques dans a découverte de Amérique par es Européens. Pendant encore pusieurs sièces, a recherche d un continent austra capabe d équiibrer hémisphère Nord se poursuivra jusqu à éimination expérimentae, à a fin du XIX e sièce, de nombreuses hypo Carte chinoise

9 DP 8011 Titre Cette définition en bouce, qui renvoie au contenu pour expiquer objet et à objet pour iustrer e contenu, dissimue a nature probématique de a carte (et de sa production), qui vient du fait qu ee constitue un énoncé inguistique fort sophistiqué. Les études es pus récentes ont intégré cette dimension et ont montré que a carte, considérée comme un véritabe angage, résutant d un faire spécifique ( un et autre inséparabe), est une médiation symboique puissante, capabe de s interposer d une façon autonome dans a communication. [ ] La cartographie est donc capabe de s insérer dans a communication en tant que médiation symboique déterminant es modaités seon esquees e monde est ordonné, connu et successivement expérimenté. Dans cette perspective, a question de interprète (mot qui désigne, mieux que ceui d utiisateur, activité cognitive) est cruciae : i s agit d un acteur socia qui fait appe à a carte pour en tirer des informations qui ui permettront de poursuivre des objectifs. En effet, interprétation de a carte est un moment de action spatiae qui préfigure des stratégies de production, d utiisation et de médiatisation de espace. Pour cette raison, ee est non seuement un instrument important d appropriation inteectuee de espace, mais aussi une partie intégrante de ce processus : c est e système ordonnateur par e biais duque a société se ie au monde. La cartographie apparaît aors comme e produit d une cuture qui devient ui-même cuture. Ee se raccorde au potentie cognitif d une société particuière à aquee ee apporte ses capacités à fixer et diffuser es savoirs géographiques de tout type (savants, miitaires, égendaires, idéoogiques, poitiques, etc.). Ee s impose en tant que médium de communication autonome, instrument d interprétation du monde à intérieur du dispositif de contrôe de a société qui a produit. Source : thèses pus ou moins fantaisistes. La singuarité européenne ne porte pas tant sur une capacité inteectuee hors du commun (on retrouve des compétences comparabes aux mêmes époques, du monde arabe à a Chine). Ee provient putôt de a confrontation concrète entre représentations inteectuees et exporation du monde. Or cette expérience n est pas uniquement de nature cognitive. Ee est, pour une part décisive, a conséquence d une pratique du saut d échee iée à a géopoitique européenne : en guerroyant entre eux à échee du continent, es États européens ont fait expérience d un contact vioent avec atérité, ce qui a rapproché es espaces visités de ceux des cartes. Ensuite, cette pratique a pu être portée à échee mondiae par a conquête de mondes totaement inconnus. La dynamique représentation/action a pu ainsi se poursuivre jusqu à ce que es cartes soient rempies d objets de moins en moins mythiques. Cette historicisation contextuee de a cartographie permet d enrichir a démarche critique qu on peut appiquer à a cartographie tee qu ee se pratique dans es sociétés contemporaines. Vérités et mensonges de a carte Dans son artice Cartographie du Dictionnaire de a géographie et de espace des sociétés, a géographe itaienne Emanuea Casti insiste sur e fait que es définitions de a carte sont souvent tautoogiques et aissent de côté essentie : a compexité de a reation sociae à a carte. Pas de carte sans contexte De nombreux auteurs, parmi esques Brian Harey, Caude Raffestin, Miche Lussaut, Jean-Pau Bord, Franco Farinei ont déveoppé, sous des anges divers, idée que a carte n était pas pensabe en dehors de son contexte de production et d utiisation et qu i faait donc toujours a traiter aussi comme un pouvoir. Pusieurs chercheurs ont insisté spécifiquement sur e caractère manipuatoire de cartes utiisées dans univers poitique, notamment cees qui ont pour mission de justifier auprès de opinion pubique es prétentions géopoitiques d un État. La ecture des numéros de Zeitschrift für Geopoitik, a revue fondée en 1924 par e géographe nazi Kar Haushofer, montre e rôe joué par image dans argumentaire beiciste et raciste. Ce genre de cartes, à a fois de facture simpe mais de construction sophistiquée, sert à faire vaider par un savoir technique apparemment indiscutabe une interprétation et un engagement pourtant hautement contestabes. Mark Monmonnier a généraisé e propos en intituant son ivre How to Lie with Maps. Vue ainsi, a carte se trouve simpement banaisée comme angage et comme corpus de discours. Ee n a pas un statut différent des autres manières de diffuser du sens au sein d une société. Si cette entrée de a carte dans e droit commun des énoncés signifiants est récente, c est sans doute parce que e mythe de son objectivité fondé sur sa rigueur technique (géodésie et projection) a pus ongtemps protégée de a démarche critique. Cette posture sautaire consistant à mettre en situation, à montrer comment fonctionne argumentaire et à e déconstruire ne devrait pas pour autant déboucher sur une vision conspiratoire de a carte. Cee-ci peut conduire à s éviter de comprendre es ogiques de communication et même de connaissance qui sont présentes dans a pupart des cartes. Lire une carte comme un écart avec a bonne carte ne peut suffire, surtout si on n appique pas à ses propres productions a même démarche critique. Pour es cartes comme pour n importe que discours, i paraît pus efficace de traiter comme vérités à a fois compémentaires et contradictoires entre ees es messages émis et de ne considérer a tentative déibérée de manipuation et de tromperie du récepteur que comme un cas particuier.

10 DP 8011 La cuisine au beurre... Les chantiers de a cartographie La carte a servi utiement d auxiiaire à pusieurs activités humaines à forte composante spatiae : exporation, a guerre, e contrôe étatique et, pus récemment, e choix d impantations d entreprises ou a promenade. Les cartes se sont mutipiées avec d autant pus de faciité que es probèmes techniques de a coecte des données et de eur traitement connaissaient des soutions nouvees et satisfaisantes grâce à a statistique, à a téédétection et à informatique. Le système d information géographique (SIG) consacre e succès technique d une cartographie proiférante, quoique dissociée du support papier. Cependant, on voit se profier une certaine crise de a carte, en raison non seuement d un probème de réception et d usage par e pubic (c étaient es deux premiers paradoxes souevés au début de ce texte), mais aussi de incapacité de ceux qui conçoivent et réaisent es cartes de prendre en compte ce qui doit être cartographié (e troisième paradoxe). Des cartes du monde d aujourd hui Un nombre croissant de phénomènes apparaissent en effet ma traités et matraités par a carte. On pourrait être tenté de proposer affirmation suivante : a carte a constitué un bon outi pour représenter et servir un monde rura, ancré au so, guerrier et autoritaire. Vu du monde déveoppé contemporain, que reste-t-i de ses avantages dans un contexte urbain et mobie, où a guerre s éoigne et a démocratie rend possibe de nouvees ibertés? Sous a profusion, on assisterait à obsoescence de a carte, à son décrochage progressif vis-à-vis de a demande sociae. Les espaces densément peupés, qui se trouvent submergés par es étendues vides, es réseaux, dont es points et es ignes entrent ma dans a ogique de surface qui domine a feuie cartographique, a compexité et entremêement des espaces, subjectifs et objectifs, matéries et idées, qui se retrouvent aminés par a représentation pane, seraient es victimes incontestabes de cette dérive radicae. La survaorisation des surfaces à faibe densité a pu avoir un sens dans un monde où a production de biens agricoes jouait un rôe structurant dans a société. Mais, entre-temps, urbanisation s est à a fois déveoppée directement (50 % des habitants de a panète vivent dans des aggomérations) et généraisée, indirectement, comme un mode de vie de pus en pus universe, incuant aussi, à divers titres, ceux qui vivent dans es campagnes, y compris dans es pays pauvres. L urbain est aujourd hui un principe anthropoogique, civiisationne, se manifestant dans diverses expressions morphoogiques, y compris à faibe densité. Ce fut e cas, précédemment en Europe, orsque es civiisations ruraes incorporaient des paysa-

11 DP 8011 Carte mentae ges urbains. L archipe métropoitain mondia (qu on peut approcher simpement en croisant a taie des vies et eur richesse), constitue a trame principae de espace mondia, son fond de carte, en somme. Or ces pierres d anges, ces ignes de fond, surtout organisées en réseaux, apparaissent peu, et surtout ne jouent pas de rôe structurant, sur es mappemondes es pus courantes. La carte est-ee en train de renoncer à a part a pus informative de sa mission : décrire par espace e monde d aujourd hui? Liens et ieux L émergence d un acteur individue, capabe de construire des visées stratégiques et de peser sur a transformation de nos espaces, mutipie es points de vue pertinents. Dans une démocratie, ce sont aussi immédiatement des points de vue égitimes. Les perceptions, es comportements, es représentations et es attentes de chacun deviennent des objets d étude de pein exercice et non pus, comme on e voyait parfois naguère, un suppément d âme venant in fine couronner une étude des infrastructures ou des fux. De même, es cartes mentaes ne peuvent pus être traitées comme simpes déformations des réaités objectives. Pendant trois décennies de forte périurbanisation, imagerie spatiae, expicite ou non, de ceux qui en ont été es acteurs principaux, es habitants, a pesé ourd. C est ee qui, dans une arge mesure, a contraint espace matérie à s adapter. L irruption de mutipes acteurs ouvre aussi sur un constat dont nous n avons pas encore sans doute pris a peine mesure : de par ses mobiités actuees ou virtuees, chaque individu e pus petit opérateur spatia s approprie d une manière ou d une autre toutes es échees, de a maison au Monde. D où a nécessité de dessiner des cartes qui assument ce décaage entre des aires imitées (cees que représentent habitueement es cartes) et es spatiaités sans rivage de ceux qui y vivent. Cea a des conséquences directes sur es représentations cartographiques de habitat. Pendant ongtemps, es recensements ont exprimé idée que pour comprendre espace des individus, i était nécessaire et suffisant de ne s intéresser qu à un ieu, eur ieu de résidence. On ne peut pourtant pus assigner à résidence des popuations qui ressembent davantage à des éectrons ibres qu aux moutons d un troupeau. Dans cet esprit, i faut trouver es voies d une prise en compte de a reative indétermination de a ocaisation de chaque individu à chaque instant, non tant parce que information serait hors de portée que parce que cea n a pas de sens, sinon comme photographie éphémère d une réaité changeante. Très concrètement, i faudrait se rendre capabe de mesurer jusqu à que point résidence principae et habitat cessent d être synonymes. Quee mesure des distances dans un monde à vitesses mutipes? Nous vivons dans un monde à pusieurs vitesses, et dire cea ne constitue qu un aspect de a diversification des métriques, c est-à-dire des manières de mesurer et de gérer a distance. Nous n assistons pas en effet à a mise en pace d un temps unifié comme étaon universe de a mesure de espace. Au contraire, es approches conventionnees du temps (en heures, en jours ou en semaines) se révèent tout aussi insuffisantes que cees de espace. Ainsi, dans es enquêtes sur e choix d un mode de transport, es automobiistes et es usagers des transports pubics ne mesurent pas e temps de a même manière, tout simpement parce qu is ne e vivent pas et ne évauent pas seon es mêmes critères, critères qui sont fortement corréés avec e choix du mode de transport. A vouoir trop simpifier, on passe à côté de ce qui compte vraiment, de ce qui fait sens pour es intéressés. Nous devons admettre qu i existe une infinité de modaités de mesure de a distance, non seuement parce qu ees varient seon es acteurs, individues et coectifs, mais aussi parce que, pour chacun d entre eux, i s agit d un système compexe et mouvant. En fait, contrairement à ce que on pouvait observer dans es époques précédentes, es métriques ne permettent pas de casser es individus dans des groupes stabes. Ce n est pus a portée du dépacement, pas pus que sa vitesse, qui définit a position hiérarchique de individu dans a société, mais un ensembe mutidimensionne de reations à espace. Ce sont à a fois es touristes des pays riches et es migrants des pays pauvres qui empruntent es

12 DP 8011 pus grandes difficutés à représenter es ieux, comme es vies, autrement que par des figurés proportionnes, inévitabement réduits pour ne pas faire écran à ce qui se trouve au-dessous et posés comme des corps étrangers sur un fond de carte avec eque is n ont rien à voir. Air France avions ongs-courriers, et a pupart du temps dans a même casse de sièges. Dans es métropoes, ce sont, de manière croissante, es habitants qui peuvent recourir à des modes de transports apparemment ents qui tirent partie au mieux de a ressource urbaine. Ce sont eux qui apparaissent es mieux dotés en capita spatia, défini comme a capacité à utiiser au mieux es ieux et eur configuration au bénéfice de eurs stratégies. Ces phénomènes sont a conséquence du fait que accroissement des mobiités ne traduit pas une exposion vibrionnante des mouvements dans espace. Le dépacement n est que actuaisation d une partie minoritaire des mouvements possibes, et ces virtuaités ne prennent sens que par rapport à a fonction de ien entre es ieux qui fonde a mobiité. La maîtrise de espace, c est d abord aujourd hui a métrise, c est-à-dire e pouvoir patrimoine d expériences et compétence pour en vivre de nouvees de gérer à eur profit des métriques. C est a possibiité d organiser intégration d une mutitude de distances et de iaisons de natures différentes entre es ieux porteurs d opportunités. Autrement dit, es ééments fixes, es biens situés, comme es vies, qui tiennent en partie eur vaeur de eur ocaisation, représentent eux aussi une dimension fondamentae de a modernité. C est à un autre défi posé à a carte. Comment, d un même mouvement, exprimer à a fois des distances et des fux, d une part, des masses et des attributs ocaisés, de autre? Non seuement i faut être attentif à a diversité des vitesses et de eurs usages, mais i faut en pus donner toute eur pace à des objets censés être trop petits pour être cartographiés (comme es espaces pubics) aors qu is jouent souvent, par eur agencement spatia, un rôe majeur dans es sociétés ocaes. I y a ainsi de quoi être préoccupé des retards de a réfexion cartographique, qui éprouve es Rendre a carte contemporaine Dans ce contexte, prenant acte du décaage entre es attentes et es insatisfactions, certaines voix annoncent a mort de a carte. Is mettent en avant deux points décisifs que peuvent boueverser es outis informatiques : e caractère statique d un document figé, face à a possibiité d organiser a carte en séquences dynamiques, faites d images mutipes ; a restriction à deux dimensions face aux procédés de simuation des trois dimensions sur un écran ou même avec des dispositifs pus sophistiqués de réaité virtuee ( faux et vrai et 3D). I y a certainement à des ouvertures stimuantes ; ce sont de nouveaux objets qui voient e jour mais qui ne mettent pas forcément en cause intérêt pour un document stabe à deux dimensions. De même que e cinéma n a pas tué a photographie, on peut penser que a carte possède des règes de construction qui vaent par es contraintes qu ees imposent : es deux dimensions correspondent à un aspect significatif de organisation des sociétés, ceui-à même qu étudie a géographie ; image fixe permet un meieur contrôe du message par e récepteur, e maintenant comme ecteur putôt que comme spectateur, visent à montrer que, dans es techniques comme dans es images produites, beaucoup d innovations vaent a peine d être déveoppées, connues et vaorisées. La mutipication de technoogies aternatives obige cependant a carte à se recentrer sur son créneau d exceence. Ceui-ci se situe notamment dans a capacité de donner à voir, de manière régée, interaction entre espace et étendue, a reation entre une spatiaité particuière et un fond de carte. C est justement ce dernier qui avait été traité sur e mode de évidence à a suite de imposition du fond eucidien unique et dont i convient de retravaier es principes de construction. Cea passe par ouverture des métriques (sans excure es métriques réticuaires), a recherche de fonds mutisaaires, a réaisation d une autoconfiguration de ensembe de a carte par es distances reatives entre objets représentés (cartes sans fond). C est aussi une voie de sortie des impasses de a projection, ce qui peut affranchir es cartes du Monde de contraintes trop dirimantes. Renonçant au mythe de a carte générae, on entrerait aors pus franchement dans univers du cartogramme, une carte en anamorphose

13 DP 8011 dont e fond est défini par une grandeur autre que a superficie. Ce genre d images cartographiques porte des messages pus expicites que a carte traditionnee et peut devenir pus faciement objet d une ecture critique, y compris de a part de non-spéciaistes. Le cartogramme offre des soutions dans a manière de gérer e rapport rée/représentation en s affranchissant de a projection, et en intégrant davantage a thématique (e contenu de a carte) dans e déveoppement du angage ui-même. Dans ses différentes variantes, a démarche cartogrammatique aboutit donc à une réintégration en un même dispositif inteectue des différentes caractéristiques de a carte. Pus généraement, enjeu scientifique consiste à dessiner des cartes capabes de transcrire a diversité des vitesses sans s en tenir aux cartes isochrones à origine unique et d écouter a mutipicité des pratiques spatiaes en aant au-deà des cartes mentaes habituees. Reconnaissons que e défi cognitif est redoutabe et que on s engage ici sur un terrain encore ma baisé. L utiisation de toutes es ressources inteectuees disponibes en géographie, bien sûr, mais aussi en mathématiques, notamment dans es branches que es angages cartographiques ont jusqu ici trop peu utiisés (topoogie et prétopoogie, fractaes), en ingéniérie des transports (anayse des réseaux) ou en sciences cognitives, apparaît indispensabe. Citoyens-cartographes Sommes-nous capabes de produire des cartes à a fois isibes, utiisabes et pertinentes pour représenter es espaces compexes d aujourd hui? De a réponse à cette question dépend pour une part e statut à venir de a cartographie, simpe technique de transcription ou outi véritabe pour a réfexion. Ça marche mieux avec es intéressés On peut bien sûr prévoir une poursuite de expansion de a production, suivant cee pus générae des images de toutes sortes et des supports mutimédia. Le déveoppement très rapide des systèmes d information géographique (SIG) et des ogicies qui es rendent possibes appee un premier objectif de capitaisation des techniques déjà utiisées, notamment dans a cartographie interactive (choix des thèmes, des échees, des données, des principes de discrétisation (cf. p.36), des modes de ecture ) et cinétique. Mettre à a disposition des Français et des Européens un outi, fruste mais robuste, te que ceui du Census Bureau des États-Unis serait bien utie. Cet organisme pubic donne accès à travers un site Internet, à une grande quantité de données qui peuvent être transformées en cartes, chaque utiisateur déterminant à son choix e cadrage, échee, e thème et es figurés de a carte. L enjeu civique de ces innovations est considérabe. D abord, a mutipication des cartes diffusées sur un nombre croissant de supports pose a question de a cuture minimae nécessaire pour éviter es naïvetés, sinon es (auto)manipuations. En outre, es vaeurs démocratiques nous invitent à produire des cartes dans des conditions d énonciation qui permettent au ecteur de manifester son esprit critique. Cea regarde es dispositifs de diffusion (s assurer, par exempe, que a égende accompagne a carte) mais aussi de production. De même que on ne fait pas a même carte Déformations de a France par région en fonction du PIB (2000) et de a popuation (1999) Fond cassique Déformation / PIB Déformation / Popuation Source : Insee Oivier Viaça / CartogrAm (2002)

14 DP 8011 New York e 21 septembre 2001 orsque on adopte une posture de recherche ou que on priviégie a divugation de résutats, de même n obtiendra-t-on pas es mêmes objets si on vise seuement à déivrer un message ou si on souhaite au contraire stimuer e débat pubic. En matière d aménagement du territoire, a carte a ongtemps été un mode d expression utie à a communication vers e grand pubic mais non exempt de défauts : manque d expicitation des principes de construction, usage non contrôé de composantes esthétiques ou éthiques. Un enjeu civique Ce qui reste de magique dans a cartographie d aménagement et d urbanisme, parfois présentée comme toujours-déjà à par des professionnes ou des décideurs qui s imaginent évouer au-dessus de a tête des citoyens, pourrait ainsi utiement céder a pace à une cartographie participative, outi pour un aménagement partagé. Nous vivons actueement en France dans un contexte renouveé qui cumue avantage d une pus grande sensibiité de a société aux enjeux de aménagement et une compétence accrue des citoyens à débattre entre eux et avec es responsabes poitiques sur es types d espaces dans esques is souhaitent vivre. C est particuièrement frappant en ce qui concerne intersection entre es options d aménagement et d urbanisme, d une part, es représentations de environnement nature, d autre part. Si cette évoution est sensibe, c est d abord parce que es décisions prises dans e cadre de dispositifs et de procédures associant démocratie représentative et démocratie participative sont pus efficaces, davantage pertinentes pour es probèmes posés et finaement moins contestées. Or a carte, comme angage potentieement présent à toutes es étapes de a construction d une action pubique, se prête particuièrement bien à échange au sein de forums hybrides (seon expression de Miche Caon). Dans ces assembées, a paroe a souvent inconvénient de constituer un marqueur trop prégnant des différences et des inégaités existant dans a société. Sans porter par ee-même a neutraité, ni exempter ceux qui utiisent de cuture et de rigueur, expression cartographique présente avantage de donner a possibiité à chacun de dire son mot à sa manière, tout en favorisant a commensurabiité et a mise en commun des informations et des propositions. La carte possède cette soupesse de pouvoir évouer sans rupture dans a chaîne de communication entre informe et e forme, de passer de esquisse au schéma, du projet au document contractue (et vice versa) en maintenant es acteurs en état de vigiance. Si ee est utiisée avec pertinence, a carte peut servir de moyen d expression pus immédiat et pus égaitaire pour es citoyens. Ee offre a possibiité de mettre sur e même pan e présent, e prévisibe et e souhaitabe. Ee permet aux citoyens d avoir une paroe non seuement réactive aux documents présentés par es éus et es experts, mais aussi active, à tout moment de a procédure de prise de décision. La carte peut sans doute devenir un vecteur priviégié de ce qu on nommera aménagement au temps des acteurs, un aménagement du territoire priviégiant es marges de iberté sur es contraintes statiques, es enjeux de société sur es scénarios cés-en-main, a gouvernance sur es poitiques pubiques sectoriees, e poitique sur a poitique, en bref visant à associer fortement prospective et citoyenneté. Cartes scoaires Dans ce contexte, a pace de a carte dans e système scoaire apparaît contrastée. D un côté, i est incontestabe que enseignement de histoire-géographie donne une pace respectabe à a carte. Les programmes et es manues manifestent une réee sensibiité à innovation cartographique : i est désormais bana de voir des cartogrammes schématiques dans es ivres de géographie. Dans e même temps, des difficutés non négigeabes empêchent une véritabe appropriation des angages cartographiques par es éèves. Construire des compétences ouvertes On peut regrouper ces difficutés en deux famies. La première concerne entraînement à a ecture des images qui est, en France, peu présent. Les images, qu ees soient figuratives ou symboiques, sont e pus souvent traitées comme des iustrations qui rendraient e discours verba pus attrayant. L expication de documents a certes modifié partieement cet état de choses mais surtout pour traiter a carte

15 DP 8011 comme réservoir d informations. Le commentaire de carte de a géographie scoastique n a pas éteint ses derniers feux. Nous sommes encore oin d une formation à anayse d un objet graphique comme réaité gobae, mutidimensionnee. Cette attitude fait égaement défaut orsqu i est question d œuvres picturaes. La seconde famie concerne a reation à a carte. Nous venons d une époque où a production de cartes par es éèves existait sous a forme de travaux pratiques ; i s agissait d exercices purement graphiques, à faibe teneur inteectuee. L extinction progressive de ce stye d activité aisse a pace vide, aors même que a carte pourrait être occasion de déveopper chez es éèves des démarches de conception cartographique. Les cartes d urbanisme et d aménagement, avec eurs scénarios aternatifs, es cartes exprimant des choix personnes d importance variabe (pour a mobiité quotidienne comme pour es stratégies d habitat) constituent des ressources dignes d intérêt pour mettre es individus en position d inventeur de a carte, et non de seus ecteurs. L informatique et a faciité d accès des ogicies de cartographie mutipient es possibiités de production d images mais aussi es moyens d autocontrôe Dans d autres pays européens, cette dimension est expoitée pour associer a construction inteectuee de a carte et sa réaisation pratique. Là encore, nous sommes, en France, oin de ce qui pourrait raisonnabement être atteint. Pour es acteurs du système éducatif, enjeu consiste à a fois à se tenir aussi directement que possibe à écoute des innovations et à se considérer comme responsabes de a construction chez es éèves de compétences ouvertes sur eurs expériences futures. C est vrai de tout enseignement, mais pus encore dans un domaine dont nous sommes certains qu i évouera dans es années à venir. Enseigner a carte, c est aussi apprendre à apprendre, pour rendre possibe des apprentissages à a ecture et même à a conception de cartes dont es principes n existent pas encore. Une tee démarche suppose de rompre e cerce vicieux dans eque s est ongtemps enfermée notre cuture cartographique. En tournant e dos à innovation sous prétexte de difficutés de ecture, on n a pus d autre issue que de tourner en rond et de ressasser es cartes déjà connues. Comme pour a réception de a peinture abstraite dans es premières décennies du XX e sièce, e conservatisme s autoprocame e détenteur de abes de quaité supposés intangibes et se pare des vertus de a pédagogie, faisant mine d oubier que es nouveaux venus à a connaissance n ont aucune raison d être condamnés à s enfermer dans es routines et es bocages de eurs aînés. I appartient d abord aux formateurs de se former aux nouveaux courants de a cartographie ; is seront aors es mieux pacés pour rendre progressivement accessibes ces nouveaux savoirs. Lire des cartes non encore dessinées A issue d un travai en commun sur a carte et a cartographie, un certain nombre de chercheurs, réunis dans e projet CartogrAm ont mis au point un manifeste pour a carte qui propose queques orientations pour répondre aux interrogations et aux attentes du moment présent. Is constatent d abord e décaage entre es recherches prometteuses ancées dans es années 1960 et e peu de retombées concrètes sur a manière de faire es cartes, en continuant notamment à donner un primat écrasant au fond eucidien. Is s inquiètent du manque de contrôe des citoyens sur es bases de données géographiques, y compris orsqu ees sont détenues par des organismes d État. Is formuent aors sept propositions : 1. Abandonner idée que a carte construite dans un espace eucidien est horizon indépassabe de a représentation géographique. 2. Rechercher, dans esprit des travaux déjà réaisés, une rénovation conceptuee. 3. Ne pas renoncer à construire des objets cartographiques seon des codes simpes. 4. Poser a question de a portée et des imites des angages cartographiques. 5. Considérer éducation à a carte comme composante de innovation cartographique. 6. Traiter aussi a carte comme vecteur de a diaogique poitique. 7. Penser a carte comme un bien commun à transformer. Ces pistes de réfexion font sens pour a recherche mais aussi pour tout environnement qui reie es sciences et es techniques de pointe à a société de inteigence, c est-à-dire aux conditions requises pour qu une part croissante des individus s approprient es savoirs et augmentent eur capacité à maîtriser et à transformer eur environnement. Les enjeux de a cartographie sont donc de nature sociétae dans a mesure où is concernent à a fois a connaissance théorique et a vie quotidienne, e angage et a technoogie, économique et e poitique. Dans ces défis déjà partieement reevés par es concepteurs et es utiisateurs de cartes contemporains, ce qui se joue concerne d abord a quaité du diaogue entre pensée géographique et angage cartographique. I porte aussi, au-deà, sur existence d une connexion effective entre a construction des savoirs et action citoyenne.

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