Cour du travail de Bruxelles



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Transcription:

Numéro du répertoire Expédition Délivrée à 2015 / Date du prononcé 29 avril 2015 le JGR Numéro du rôle 2013/AB/694 Cour du travail de Bruxelles huitième chambre Arrêt

Cour du travail de Bruxelles 2013/AB/694 p. 2 CPAS - octroi de l'aide sociale Arrêt contradictoire (art. 747 C.J.) Définitif Notification par pli judiciaire (art. 580, 8 C.J.) B. M.-P., partie appelante, faisant défaut, contre CENTRE PUBLIC D ACTION SOCIALE DE JETTE, dont les bureaux sont établis à 1090 BRUXELLES, rue de l'eglise Saint-Pierre, 47-49, partie intimée, représentée par Maître CONING G. loco Maître HERICKX Luc, avocat à 1090 BRUXELLES, Vu la loi du 10 octobre 1967 contenant le Code judiciaire, Vu la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire, Vu le jugement prononcé, le 23 mai 2013, Vu la notification du jugement le 30 mai 2013, Vu la requête d appel reçue au greffe le 28 juin 2013, Vu l ordonnance de mise en état judiciaire, Vu les conclusions déposées pour le CPAS, le 25 mars 2014,

Cour du travail de Bruxelles 2013/AB/694 p. 3 Entendu le conseil du CPAS à l audience du 25 mars 2015, Madame B. ne comparaissant pas ni personne pour elle, Entendu Madame G. COLOT, Substitut général, en son avis oral auquel le conseil du CPAS a répliqué oralement. * * * I. FAITS ET ANTECEDENTS DU LITIGE 1. Madame M.-P. B. qui est de nationalité congolaise, est née le...et a un fils né le Elle a été aidée à différentes reprises, par le CPAS de Jette. 2. En février 2012, Madame B. a contacté le CPAS pour lui faire part de son intention de déménager dans un logement situé 2, rue Huybrechts à Jette. Par la suite, elle a expliqué qu'elle était maltraitée par son conjoint, qu'elle avait quitté son domicile et qu'elle était hébergée provisoirement chez sa sœur à Soignies. 3. Le 4 avril 2012, le CPAS a décidé de supprimer l'aide financière équivalente au revenu d'intégration au taux ayant charge de famille à partir du 1 er mars 2012, en invitant Madame B. à introduire une demande d'aide financière auprès du CPAS de Soignies. Le CPAS n a toutefois pas transmis sa décision d incompétence au CPAS de Soignies. La décision du 4 avril 2012 était motivée comme suit : «Vu que vous avez informé dans un premier temps notre centre de votre déménagement vers la Rue Huybrechts, 2 depuis le début du mois de mars ; Vu que vous bénéficiez d'une aide financière équivalente au revenu d'intégration au taux ayant charge de famille en complément d'un avantage en nature car vous ne deviez pas payer de loyer pour le logement situé à l'avenue de l'arbre Ballon ; Vu que votre loyer actuel est de 650 euros + 75 euros de charges ; Vu que cependant, en date du 4 avril 2012, vous nous avez informé résider actuellement chez votre sœur à Soignies suite à votre relation conflictuelle avec votre ex-conjoint ; Vu qu aucune visite à domicile n 'a encore pu prouver votre résidence effective sur la commune de Jette suite à votre déménagement ; Vu que vous confirmez ne pas résider sur notre commune pour l'instant ;

Cour du travail de Bruxelles 2013/AB/694 p. 4 Vu que vous ne remplissez donc actuellement plus les conditions d'octroi d'une aide financière équivalente au revenu d'intégration» Par requête déposée au greffe le 22 mai 2012, Madame B. a contesté cette décision. Elle demandait au tribunal de condamner le CPAS à lui allouer une aide sociale équivalente au revenu d'intégration au taux famille à charge depuis mars 2012. 4. Madame B. a déclaré avoir été hébergée chez une amie, Madame NGUMBI NGALIA, à partir de mai 2012. A partir de mai 2012, le CPAS a pris plusieurs décisions de refus de l aide sociale équivalente au revenu d intégration : - le 16 mai 2012, le CPAS a décidé de ne pas octroyer à Madame B. l'aide équivalente sous la forme d'un revenu d'intégration sociale au taux charge de famille, à partir du 25 avril 2012 1 ; - le 18 juillet 2012, le CPAS a refusé, à nouveau, d'accorder à Madame B. une aide équivalente au revenu d'intégration sociale au taux charge de famille à partir du 21 juin 2012; - le 18 juillet 2012, également, le CPAS a refusé d'accorder à Madame B., une adresse de référence. 5. À partir du 15 août 2012, Madame B. s'est installée avec son fils dans un appartement situé rue Ongena, 14 à Jette. Elle a apparemment été inscrite à cette adresse à partir du 31 août 2012. Le 12 septembre 2012, le CPAS a, encore une fois, refusé d accorder à Madame B. une aide équivalente au revenu d'intégration sociale au taux charge de famille, à partir du 14 août 2012. Enfin, par une décision du 24 octobre 2012, le CPAS a accordé une aide équivalente au revenu d'intégration sociale au taux famille en complément des ressources à partir du 1 er octobre 2012. 6. Dans le cadre de la procédure introduite par la requête du 22 mai 2012, Madame B. a, par des conclusions déposées le 28 mars 2013, demandé au tribunal : - d annuler la décision du 4 avril 2012, mais aussi les décisions postérieures des 16 mai 2012, 18 juillet 2012 et 12 septembre 2012, 1 Le CPAS et le jugement font état d une décision du 13 juin 2012 par laquelle le CPAS aurait refusé d'accorder à Madame BILA une aide sociale équivalente au revenu d'intégration sociale au taux charge de famille, à partir du 5 juin 2012. La cour n a pu trouver trace de cette décision dans le dossier des parties.

Cour du travail de Bruxelles 2013/AB/694 p. 5 - de condamner le CPAS à lui allouer l'équivalent du revenu d'intégration au taux famille à charge pour la période du 1 er mars 2012 au 30 septembre 2012, sous déduction des salaires perçus, - de condamner le CPAS à la prise en charge de dettes à concurrence de 1.100,00 EUR et 532,34 EUR. 7. Par jugement du 23 mai 2013, le tribunal du travail a déclaré la demande recevable mais non fondée en ce qu'elle porte sur la décision du 4 avril 2012. Il a déclaré la demande non recevable en ce qu'elle porte sur les décisions des 16 mai 2012, 18 juillet 2012 et 12 septembre 2012. Il a déclaré la demande non fondée en ce qu'elle porte sur la prise en charge de dettes. Madame B. a fait appel du jugement par une requête déposée au greffe de la cour du travail, le 28 juin 2013. II. OBJET DE L APPEL 8. Madame B. indique qu elle n est pas d accord avec le jugement. Le CPAS demande à la cour du travail de dire l appel nul ou à tout le moins irrecevable et à titre infiniment subsidiaire, non fondé. III. DISCUSSION A. En ce qui concerne la recevabilité de l appel 9. La requête d appel indique de manière expresse que Madame B. n est pas d accord avec le jugement. C est à tort que le CPAS soutient avoir subi un grief du fait de cette contestation laconique. Il n est pas plus difficile de répondre à une argumentation qui postule de se référer à ce qui a été dit en première instance par l appelant qu à de nouveaux moyens. Il apparaît du reste qu en conclusions d appel, le CPAS a ré-expliqué le fondement de la décision litigieuse, confirmant ainsi sa compréhension suffisante de l objet de l appel et de

Cour du travail de Bruxelles 2013/AB/694 p. 6 sa motivation (voir en ce sens, Cour trav. Bruxelles, 6 ème ch., 4 février 2013, RG n 2012/AB/193). 10. Pour le reste, les éventuelles imprécisions de la requête ne pourraient, selon ce qu a décidé la Cour constitutionnelle dans son arrêt n 51/2009 du 11 mars 2009, aboutir à faire déclarer irrecevable l appel introduit par un assuré social. La Cour du travail a, à différentes reprises, jugé en ce sens que : «, l article 1057 du Code judiciaire ne peut avoir pour effet de rendre irrecevable la requête d appel d un assuré social au motif qu elle n est pas motivée. Il y a lieu d avoir égard aux principes suivants : - Il résulte de l article 704, 2 du Code judiciaire que dans les matières de sécurité sociale, les demandes des assurés sociaux sont introduites par une requête écrite, déposée ou adressée, sous pli recommandé, au greffe du tribunal du travail. La requête (par laquelle la procédure est introduite devant le tribunal du travail) ne doit donc pas être motivée : elle ne doit pas satisfaire à l article 1034ter du Code judiciaire qui énumère les mentions qui doivent en principe figurer dans une requête. Dès l entrée en vigueur du Code judiciaire, il a été ainsi admis que «même lorsque les moyens apportés sont obscurs ou font défaut, la requête doit être acceptée lorsque l'objet de la demande apparaît clairement de documents figurant au dossier, de textes de loi ou de pièces jointes à la requête» (voy. T.T. Bruxelles, 2 mars 1971, R.B.S.S., 1972, p. 436). - Pour l appel introduit contre une décision du Tribunal du travail, il n est pas formellement dérogé à l article 1057, 7, du Code judiciaire qui précise que «l'acte d'appel contient, à peine de nullité ( ) l'énonciation des griefs» formulés contre le jugement. Cette sévérité plus grande pour l introduction de l appel que pour l introduction de la procédure est de nature à «surprendre» l assuré social qui fait appel. Il en est d autant plus ainsi qu à l occasion de la notification du jugement, l attention de l assuré social ne doit pas être spécialement attirée sur le fait qu en cas d appel, la requête doit répondre à certaines exigences de forme. En effet, l article 792 du Code judiciaire précise que lorsqu il notifie le jugement, le greffier doit faire «mention des voies de recours, du délai dans lequel ce ou ces

Cour du travail de Bruxelles 2013/AB/694 p. 7 recours, doivent être introduits ainsi que de la dénomination et de l'adresse de la juridiction compétente pour en connaître». Il n est pas prévu, par contre, que le greffier doit signaler l obligation de respecter l article 1057, 7, du Code judiciaire. - Dans son arrêt n 51/2009 du 11 mars 2009, la Cour Constitutionnelle a ainsi décidé qu en ce qu il peut, malgré cette absence d information, aboutir à faire déclarer irrecevable l appel introduit par un assuré social, l article 1057 du Code judiciaire a des effets disproportionnés et viole les articles 10 et 11 de la Constitution. Il résulte de cet arrêt de la Cour constitutionnelle que l assuré social ne peut être tenu de respecter au stade de l appel des exigences de forme dont il était dispensé au stade de l introduction de la procédure : en conséquence, la requête d appel ne peut être déclarée irrecevable en raison de l absence de motivation» (Cour trav. Bruxelles, 8 ème ch., 20 mars 2013, RG n 2011/AB/624; Cour trav. Bruxelles, 8 ème ch., 2 octobre 2013, 2010/AB/881; Cour trav Bruxelles, 8 ème ch., 14 décembre 2011, RG n 2010/AB/736). 11. L appel est recevable B. En ce qui concerne la limitation de la période litigieuse 12. Le tribunal a considéré que la contestation n a été valablement introduite que contre la première décision. Il considère que l extension de la demande aux décisions des 16 mai 2012, 18 juillet 2012 et 12 septembre 2012, par le biais de conclusions déposées plus de trois mois après la notification de ces décisions, était tardive. Le tribunal s est référé à l arrêt de la cour de cassation du 17 novembre 2008 ( J.T.T. 2009, p. 85). Ceci étant le tribunal ne s est pas posé la question de savoir si les nouvelles décisions nécessitaient l introduction d un recours spécifique. 13. En règle, «le litige soumis au tribunal du travail, n est pas limité à la question de savoir si la condition litigieuse était réalisée à une date déterminée mais comprend celle de savoir si le demandeur se trouvait, depuis cette date, dans un état où la condition devait être considérée comme réalisée» ( notamment, Cass. 30 mars 1981, Pas. 1981, I, p. 826). Lorsque les décisions postérieures à la décision du 4 avril 2012, ont été portées à la connaissance de Madame B., la procédure visant la première décision était déjà pendante devant le tribunal du travail.

Cour du travail de Bruxelles 2013/AB/694 p. 8 Comme l objet des différentes décisions est resté similaire (puisqu il s agissait chaque fois de refuser le bénéfice d une aide équivalente au revenu d intégration), la condition litigieuse était la même que celle dont le tribunal était déjà saisi. La nécessité d introduire un recours spécifique contre une décision confirmative d un refus faisant déjà l objet d un litige pendant devant le tribunal, ne pourrait se comprendre que si en ayant introduit une nouvelle demande auprès du CPAS, Madame B. avait entendu limiter la saisine du tribunal ou avait voulu obtenir une aide d une autre nature. Avec H. MORMONT, on admettra, toutefois, que le fait d introduire auprès du CPAS une demande identique à celle faisait l objet de la procédure judiciaire ne peut être interprété comme manifestant la volonté de limiter la période concernée par le litige en cours : «si l on admet aisément que le demandeur a la possibilité de limiter la période litigieuse, encore faut-il que sa volonté de le faire soit certaine. Or, dans l immense majorité des cas, ni l introduction d une nouvelle demande administrative, ni l absence de recours formé contre une nouvelle décision ne pourrait être interprété de manière absolument univoque comme une manifestation de la volonté de limiter la période visée par le recours contre la première décision en cause. Bien souvent, l introduction d une nouvelle demande sera au contraire la manifestation du maintien de la contestation initiale. De manière plus large, il nous paraît que la légitime confiance justifie la thèse d une saisine étendue, le demandeur pouvant, dans de nombreux cas, raisonnablement penser que son unique recours a pour effet de saisir les juridictions de l entièreté de sa situation litigieuse, sans qu il soit tenu à l introduction de nouveaux recours à chaque décision ultérieure» (H. MORMONT, K. STANGHERLIN, «La procédure judiciaire», in Aide sociale intégration sociale. Le droit en pratique, La Charte, 2011, p. 746). En pratique, on admettra également que le principe d économie de procédure renforce le point de vue selon lequel la contestation des décisions confirmatives est inutile lorsque la question litigeuse est déjà pendante devant le tribunal. Ainsi, dès lors que le tribunal était déjà saisi d une demande d aide sociale équivalente au revenu d intégration à partir de mars 2012, les décisions ayant confirmé le refus du CPAS d accorder cette aide sociale, ne devaient pas faire l objet d un nouveau recours spécifique. Les recours introduits par conclusions plus de trois mois après la notification des nouvelles décisions de refus, ne peuvent a fortiori être considérés comme tardifs. Le jugement doit être réformé en ce qu il a déclaré irrecevables, les recours dirigés contre les décisions des 16 mai 2012, 18 juillet 2012 et 12 septembre 2012 et a limité la période litigieuse à la seule période du 1 er mars au 24 avril 2012.

Cour du travail de Bruxelles 2013/AB/694 p. 9 C. En ce qui concerne le fondement 14. S agissant de la période du 1 er mars 2012 au 15 août 2012, la cour constate que la situation n a pas pu être éclaircie de manière suffisante. Il reste encore actuellement difficile de déterminer où Madame B. et son fils ont résidé pendant cette période. Les visites effectuées au domicile de Madame NGUMBI où Madame B. avait déclaré résider, n ont pas permis de confirmer sa présence effective. La question de savoir par qui les dépenses journalières de Madame B. et de son fils ont été prises en charge, n a pas non plus pu être éclaircie; il semble que lorsqu elle était hébergée par Madame NGUMBI, Madame B. ne participait pas aux charges. Le dossier ne permet pas, en tout cas, de constater que pendant cette période, l endettement de Madame B. se serait accru, de manière significative. Elle a été condamnée par un jugement du 9 mai 2012 à payer une somme restant due au CHU Brugmann : la dette est toutefois antérieure à la période litigieuse (le jugement condamnant aux intérêts à compter du 28 septembre 2011). Il semble aussi que Madame B. a travaillé à temps partiel, à partir d août 2012. Dans ces conditions, en ce qui concerne la période du 1 er mars 2012 au 15 août 2012, la demande doit être déclarée non fondée. La résidence effective sur le territoire de la commune de Jette et l existence d un état de besoin ne sont pas rapportées à suffisance. 15. Madame B. a occupé un appartement rue Ongena, 14, à Jette à partir du 15 août 2012. L occupation du logement a pu être confirmée lors d une visite effectuée par un assistant social du CPAS, le 4 septembre 2012. Les preuves du paiement du loyer ont été remises au CPAS (voir accusé de réception des preuves du paiement des loyers d août, septembre et octobre 2012). A partir du 15 août 2012, la résidence sur le territoire de la commune de Jette est donc certaine. Il apparaît, en outre, que Madame B. a entrepris une formation et a encore travaillé à temps partiel en septembre 2012 : ses revenus étaient toutefois particulièrement limités.

Cour du travail de Bruxelles 2013/AB/694 p. 10 L état de besoin dont le CPAS a admis l existence à partir du 1 er octobre 2012, doit être considéré comme établi à suffisance à partir du 15 août 2012. 16. Dans ces conditions, Madame B. a droit à une aide sociale équivalente au revenu d intégration prévu pour une personne vivant avec une famille à charge, pour la période du 15 août 2012 au 30 septembre 2012, sous déduction des salaires obtenus pendant cette période soit 606,77 Euros (175,61 : moitié du salaire d août 2012 + 431,16 : salaire de septembre 2012). POUR CES MOTIFS, LA COUR DU TRAVAIL, Statuant contradictoirement (art. 747 C.J.), Après avoir entendu le Ministère public, Déclare l appel recevable et fondé dans la mesure ci-après, Dit que le CPAS doit verser pour la période du 15 août 2012 au 30 septembre 2012, une aide sociale équivalente au revenu d intégration prévu pour une personne vivant avec une famille à charge, sous déduction des salaires obtenus pendant cette période, soit 606,77 Euros, Réforme en conséquence le jugement dont appel, Déboute Madame B. de ses autres demandes, Condamne le CPAS aux dépens non liquidés. Ainsi arrêté par : Jean-François NEVEN, conseiller, Luc MILLET, conseiller social au titre d'employeur, Alain GERILS, conseiller social au titre d'employé, Assistés de : Alice DE CLERCK, greffier

Cour du travail de Bruxelles 2013/AB/694 p. 11 Luc MILLET, Alain GERILS, Alice DE CLERCK, Jean-François NEVEN, et prononcé, en langue française à l audience publique de la 8ème Chambre de la Cour du travail de Bruxelles, le 29 avril 2015, où étaient présents : Jean-François NEVEN, conseiller, Alice DE CLERCK, greffier Alice DE CLERCK, Jean-François NEVEN,