Responsabilité sociale des entreprises et dialogue social



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Responsabilité sociale des entreprises et dialogue social Mode? Ecran de fumée masquant les dérives persistantes du capitalisme financier? Mutation de fond du comportement des entreprises? Les opinions divergent et ce d autant plus qu on ne sait pas toujours bien ce que cela recouvre. Clés du social se propose donc de faire un petit voyage en RSE, et trois étapes : 1. Comprendre la RSE (page 1/8) 2. Les bonnes raisons de s intéresser à la RSE (page 4/8) 3. La RSE que faire et comment faire? (page6/8) I. La RSE dans tous ses états : comprendre la RSE Le mouvement patronal a toujours fait place à des courants (minoritaires) qui défendaient une certaine éthique des affaires (patronat chrétien en particulier) et la responsabilité de l entreprise par rapport à son environnement social. Dans les pays anglo-saxons ce courant s est assis sur une tradition philanthropique avec la création et le financement de fondations humanitaires (Charities). La RSE n est pas étrangère à cette filiation, mais elle s est alimentée à bien d autres sources que la morale ou la religion. On peut lister : - La mondialisation et l internationalisation qui ont mis en difficulté (souvent sous la pression d ONG humanitaires) les valeurs et l image des grandes entreprises au contact des économies sous-développées, avec leurs inégalités criantes et l exploitation humaine qui y règne. - Les obligations de reporting, la communication financière et la surveillance des entreprises (cotées en particulier), qui ont poussé ces dernières à mener une politique d image et à se regarder en face. - Les conséquences des scandales liés à la crise financière de 2008/2009 qui ont justifié une demande d éthique des affaires et de transparence de la gouvernance des entreprises. - Les retombées des préoccupations des Etats et les engagements internationaux sur la sauvegarde des équilibres de la planète et le développement durable (en France le Grenelle de l environnement et la Conférence environnementale de septembre 2012). Si bien que l on se retrouve aujourd hui avec un écheveau de normes internationales et nationales, de cadres de référence, d initiatives, d organismes (publics et privés) qui prônent la RSE, l encadrent et la promeuvent. Que faut-il retenir et que tirer de cet écheveau? 1. La RSE : un contenu bien identifié La RSE n est pas une pétition de principes que chaque entreprise peut énoncer comme elle l entend. Document clesdusocial.com - RSE et dialogue social Septembre 2013 1 / 8

Des normes et standards, d origine publique et privée 1 permettent aujourd hui d établir un référentiel RSE internationalement reconnu. Si bien que si une entreprise prétend être engagée dans la RSE, elle doit démontrer qu elle a des engagements et des résultats conformes aux critères et indicateurs établis, dans tous les domaines couverts par la RSE. Les domaines couverts sont les suivants : - Les droits de l homme et leur respect - La qualité des conditions de travail et d emploi - La sauvegarde de l environnement - La bonne gouvernance de l entreprise ou de l organisation - Les bonnes pratiques des affaires (anticorruption, blanchiment, ententes illicites, ) - La protection des consommateurs (sécurité des produits, fiabilité de l information ) - La contribution au développement local (engagement sociétal). 2. La RSE : une démarche essentiellement volontaire Même quand l action de l entreprise est sous tendue par des obligations de reporting social et environnemental qui s imposent à elle (c est le cas en France avec l article 116 du code du commerce et le décret du 24 avril 2012 sur les obligations des entreprises en matière sociale et environnementale), l engagement dans une politique de RSE reste libre et volontaire. C est pourquoi se sont développées au fil du temps des formes particulières d organisations, pour assurer un prosélytisme favorable au développement de la RSE, et offrir un support politique et méthodologique aux entreprises qui veulent s y mettre. Sur les sites de ces clubs, associations, forums, nationaux et internationaux, on trouve beaucoup d informations sur la RSE et des données sur les pratiques des entreprises. En France on privilégiera le site de l Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises (ORSE) qui se propose de promouvoir la RSE, accompagner les entreprises en matière de reporting, et donner accès à l information sur le reporting RSE à toutes les parties prenantes : www.reportingrse.org. On notera enfin que le gouvernement vient de créer une plateforme partenariale (rattachée au Commissariat à la stratégie et à la prospective CGSP) regroupant toutes les parties prenantes (organisations patronales et syndicales entre autres) pour promouvoir la RSE. 3. La RSE une démarche en progression, même si elle reste minoritaire Au plan européen, la Commission donne les quelques estimations suivantes : - Le nombre d entreprises de l Union européenne ayant souscrit aux dix principes de la RSE définis dans le Pacte mondial des entreprises (Global Compact) des Nations Unies est passé de 600 en 2006 à plus de 1 900 en 2011. - Le nombre d organisations dont les sites sont enregistrés dans le système de management environnemental et d audit (EMAS) a progressé de 3 300 en 2006 à plus de 4 600 en 2011. 1 Voir notamment : - Les 10 principes définis dans le Pacte mondial des entreprises des Nations Unies (dit Global Compact) - Les principes directeurs de l OCDE à l intention des entreprises multinationales - La déclaration tripartite de l OIT sur les entreprises multinationales et la politique sociale - Les principes directeurs de l ONU sur les entreprises et les droits de l homme - La norme d orientation sur la RSE ISO 26000 - Le G.R.I (global reporting initiative) et son référentiel d indicateurs sur les programmes de développement durable des entreprises. Document clesdusocial.com - RSE et dialogue social Septembre 2013 2 / 8

- Le nombre d entreprises de l UE ayant signé des accords d entreprise transnationaux avec des organisations mondiales ou européennes de travailleurs, portant sur des questions comme les normes de travail, a grimpé de 79 en 2006 à plus de 140 en 2011. - Le nombre d entreprises européennes publiant des rapports sur la durabilité conformément aux orientations de la «Global Reporting Initiative» a progressé de 270 en 2006 à plus de 850 en 2011. Les marges de progrès sont importantes, mais les attentes sont fortes. Selon une étude de la Commission, 81 % des français (79% des européens) se disent très intéressés par tout ce que font les entreprises pour agir de manière responsables vis-à-vis de la société mais 69% (62% des européens) se disent pas du tout informés de ça. Plus négatif encore, 63% des français (contre 47% seulement des européens) portent une appréciation négative sur les efforts des grandes entreprises pour être responsables. Quant à l appréciation de l impact des entreprises sur la société, les français se partagent moitiémoitié en jugements positifs et négatifs. On notera que les 2/3 des français considèrent que c est à eux-mêmes qu il revient d exercer une influence sur ce que font les entreprises. Ils ne sont qu un tiers à considérer que c est là d abord le rôle des syndicats (!) Que conclure de ce court périple? La RSE n est pas une idée fumeuse. Elle reste encore une pratique minoritaire, mais c est une démarche de progrès : cadrée, accompagnée et soutenue, surveillée et contrôlée. Reste à voir les raisons qui justifient qu on s en occupe RV au prochain article de la série. Document clesdusocial.com - RSE et dialogue social Septembre 2013 3 / 8

II. Les (6) bonnes raisons de s intéresser à la RSE 1. La première bonne raison de s intéresser à la RSE est qu elle trouve obligatoirement sa place dans le rapport annuel d activité que les entreprises soumettent à leur conseil d administration ou au directoire. C est ce que prévoit le code du commerce français qui exige un reporting sur «la façon dont les entreprises prennent en compte les conséquences sociales et environnementales de leur activité et s acquittent de leurs engagements sociétaux en faveur du développement durable». N.B : on verra plus loin le contenu plus précis de cette obligation. Dans la gouvernance de l entreprise et son volet consultatif (CE et représentants du CE au conseil d administration) la RSE est donc présente et les représentants du personnel sont conduits nécessairement à s en préoccuper. La France et le Danemark sont à l heure actuelle les deux seuls pays européens à disposer d une telle obligation, mais la Commission européenne a élaboré cette année un projet de directive pour généraliser le reporting RSE à l ensemble des pays membres. Au-delà de cet intérêt juridique à s occuper de RSE, on peut relever d autres intérêts de nature plus politique et sociale. 2. S intéresser à la RSE pour obtenir des avancées globales sur le plan social, environnemental et sociétal. On a vu que la RSE était une option stratégique pour un nombre croissant d entreprises, même si le courant reste minoritaire. Dès lors il peut être intéressant de «prendre au mot» les employeurs qui en font leur crédo et de tirer parti de l enjeu d image pour l entreprise. C est une occasion pour poser des exigences et obtenir des avancées sur le plan social. Les entreprises qui disent faire de la RSE leur ligne de conduite sont tenues de le justifier sur la base d engagements explicites et avec des critères de résultats établis et reconnus. Les y pousser et contrôler la véracité de leurs dires est un levier de progrès pour les salariés, complémentairement à la réglementation et à la négociation. 3. S intéresser à la RSE pour développer l investissement responsable. Ces 20 dernières années ont vu se développer l actionnariat salarié, l intéressement et la participation avec leur corollaire : l épargne salariale. L encours global de cette dernière est de 85 milliards d euros. Dans les entreprises qui s affichent socialement responsables on se doit d être particulièrement attentif à l éthique des affaires et aux bonnes pratiques financières. Il devrait dès lors être plus aisé d y exiger que l épargne salariale soit orientée, en partie au moins, vers des fonds éthiques et servent d autres buts que la rentabilité maximum à court terme. Document clesdusocial.com - RSE et dialogue social Septembre 2013 4 / 8

4. S intéresser à la RSE pour une nouvelle donne en matière d externalisation et de soustraitance. La RSE ne s arrête pas aux frontières des sociétés mères et holdings. Elle englobe l ensemble des entités composant une entreprise ou un groupe, et notamment les filiales. Elle fait également grand cas des relations responsables de l entreprise avec les sous-traitants et fournisseurs. Elle exige même qu elle s assure que ces derniers adoptent aussi à l égard de leurs propres salariés et partenaires des comportements socialement responsables. S intéresser à la RSE c est donc, pour un syndicat et des représentants du personnel, se donner les moyens de combattre les délocalisations de pure rentabilité et l exploitation des sous-traitants. Dans sa forme la plus achevée cette action débouche sur des accords d entreprise transnationaux intégrant le respect des normes de travail décentes dans l ensemble du périmètre mondial de l entreprise ou du groupe, y compris les sous-traitants (près de 150 entreprises européennes ont signé de tels accords à cette date). 5. S intéresser à la RSE pour éviter les contradictions entre les acteurs de l entreprise et les acteurs externes. La démarche de RSE est une approche globale qui intéresse l ensemble des parties prenantes de l entreprise : salariés, actionnaires, clients, collectivités locales, populations environnantes Toutes ces parties prenantes ont leurs exigences et sont souvent organisées pour les faire valoir. Des contradictions peuvent surgir entre elles et notamment entre l intérieur et l extérieur. C est souvent le cas entre les syndicats de l entreprise et les associations de défense de l environnement. Les équilibres sont parfois difficiles à trouver entre l intérêt de l emploi et de l économie locale et celui de la protection totale de l environnement. Ne pas s intéresser à la RSE ce serait, pour des représentants du personnel, prendre le risque d être débordés par les exigences d autres acteurs, faute d anticipation et de connaissance ou compréhension mutuelle entre «parties prenantes». 6. S intéresser à la RSE pour élargir le champ du dialogue social. Le droit du travail français a vu ces 20 dernières années se multiplier les thèmes de négociation obligatoire (annuelles et pluriannuelles) : salaires, temps de travail, formation, GPEC, classifications, égalité hommes/femmes, pénibilité, seniors. On assiste donc à un empilement d obligations, mal respectées, comme d ailleurs en matière de consultations périodiques des CE sur des rapports multiples aux sujets eux-mêmes multiples. La négociation collective est donc éclatée et appauvrie. Elle porte trop rarement sur un contrat global entre l entreprise et les salariés qui lierait les objectifs de production, les moyens pour y parvenir, le mode de management associé, les contreparties sociales et le contrôle final du respect des engagements. La démarche de RSE ne pourrait-elle pas être l élément de synthèse entre tous ces domaines, avec des objectifs de performance globale (économique, sociale, managériale, environnementale) et une mesure des résultats? Quelques entreprises, mais trop rares, ont engagé de telles négociations (voir Danone et Rhodia) C est ce que prône le rapport «Responsabilité et performance des organisations» remis au mois de juin dernier au gouvernement par trois personnalités (Lydia Brovelli, Xavier Drago, Eric Molinié). Document clesdusocial.com - RSE et dialogue social Septembre 2013 5 / 8

III. Face à la RSE : que faire et comment faire? L entrée en matière, s agissant des salariés et de leurs représentants, se fera le plus souvent à l occasion de l exécution par l entreprise de son obligation de reporting annuel sur la RSE. C est par ce biais qu ils seront sollicités pour donner leur avis sur les informations sociales, environnementales et sociétales que le rapport annuel d activité remis au conseil d administration (ou directoire) doivent obligatoirement comprendre. Les termes explicites du rôle des délégués sont les suivants : «les IRP et les parties prenantes participant à des dialogues avec les entreprises peuvent présenter leur avis sur les démarches de RSE des entreprises en complément des indicateurs présentés» (article L 225-102-1 du code du commerce). C est donc un avis officiel, intégré au rapport et donc, comme le rapport, accessible aux tiers. L expression de cet avis doit être une bonne occasion pour formuler des exigences auprès de l entreprise. Mais de quoi s agit-il plus précisément? Comment s y prendre et quels appuis solliciter? 1. Le reporting RSE et sa portée Les entreprises et sociétés devant rapporter comment elles prennent en compte les conséquences sociales et environnementales de leurs activités et comment elles s acquittent de leurs engagements sociétaux en faveur du développement durable, sont les suivantes : - Sociétés cotées - Sociétés non cotées ayant un bilan ou un chiffre d affaires d au moins 100 millions d euros et employant 500 salariés au moins. Les informations devant figurer obligatoirement dans le rapport sont prévues par le décret du 24 avril 2012. Sur le plan social elles concernent : l emploi, l organisation du travail, les relations sociales, la santésécurité, la formation, l égalité de traitement et le respect des droits fondamentaux. Sur le plan environnemental il s agit de : la politique environnementale générale, la prévention des pollutions et la gestion des déchets, l utilisation durable des ressources (eau, matières premières, énergies) et les mesures évitant les effets négatifs sur le changement climatique (gaz à effet de serre, respect de la biodiversité). Enfin les informations concernant l impact territorial économique et social portent sur : l action sur l emploi et le développement régional, les populations riveraines et locales, les relations avec les associations et personnes juridiques intéressées par l activité de la société (enseignement, défense de l environnement, associations de consommateurs, associations d insertion) et, pour finir, les relations avec les fournisseurs et sous-traitants (prise en compte dans la politique d achats des enjeux sociaux et environnementaux), la prévention de la corruption et la sécurité des consommateurs. Document clesdusocial.com - RSE et dialogue social Septembre 2013 6 / 8

On le voit il s agit d un panorama complet et exigeant sur tous les volets de la RSE. S y intéresser exigera plus qu un simple survol Comment procéder? 2. Comment s y prendre? Tout d abord il faut exiger de la direction de l entreprise qu elle sollicite officiellement l avis de représentants du personnel (et des autres parties prenantes). Elle ne le fera pas spontanément d ellemême car il est plus aisé de garder la totale maîtrise de la façon de se raconter S agissant du rapport annuel au CA ou directoire, la consultation se fera normalement avec les représentants du comité d entreprise au Conseil d administration, s il y en a. La première exigence sera que l entreprise ne se contente pas d un habillage a posteriori de son activité pour la revêtir un peu artificiellement des habits de la RSE L engagement véritable dans la RSE nécessite une politique active, définie en amont de l exercice, avec des objectifs de progrès dans les divers domaines couverts, des indicateurs de mesure et une évaluation. C est tenter de faire passer la RSE d une seule logique unilatérale (initiatives volontaires décidées par la seule direction) à une logique quasi contractuelle avec les parties prenantes. Ensuite il faut clarifier la nature exacte et le type de rapport que l on veut avoir. N oublions pas en effet que si la loi fixe la liste des informations à fournir, elle laisse l employeur libre de la méthode pour y répondre et libre aussi du niveau d exigence pour se déclarer socialement responsable. Cela suppose de ne pas laisser la direction de l entreprise seule juge de la méthode. Il faut engager un vrai travail méthodique de fond pour un diagnostic de départ partagé sur les enjeux et les risques de l entreprise sur les plans sociaux, environnementaux et sociétaux, et sur ses forces et faiblesses. Cela suppose ensuite de clarifier les niveaux d exigences à se donner par rapport à des standards de bon niveau et reconnus. Il faut donc se documenter sur les différents domaines de la RSE, chercher des comparaisons dans le secteur et l industrie (comment font les autres, quels sont les standards exigibles?), travailler à ça avec les autres parties prenantes (associations locales notamment). II faut aussi lister, par domaines, les bonnes questions à poser pour vérifier que l entreprise assume bien ses obligations (qu est-ce que l entreprise doit avoir fait ou atteint, dans chaque domaine, pour pouvoir s estimer socialement responsable?). L idéal est de faire du sur-mesure adapté à la réalité de l entreprise, à son secteur économique et à son environnement? Mais on pourra utilement s inspirer des check-lists et questionnements qui figurent dans la norme de référence la plus reconnue : la norme ISO 26 000. Enfin il faut savoir communiquer pour donner toute sa portée à la formulation d un avis des représentants des salariés. Il ne s agit pas de se complaire dans la dénonciation des faux semblants éventuels, mais de se servir de l avis dans un rapport de force et obtenir des perspectives d amélioration dans une démarche de progrès. Document clesdusocial.com - RSE et dialogue social Septembre 2013 7 / 8

3. Où trouver des appuis et conseils? Les promoteurs et adeptes de la RSE sont nombreux au plan national, européen et international. Les IRP et syndicats risquent de s y perdre dans cette diversité et de ne pas trouver réponse à leurs questions. Aussi faut-il privilégier les centres de ressources qui font la synthèse de l ensemble et qui sont parés d une légitimité officielle. En France on accèdera utilement : a) Au site de l ORSE (Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises) et notamment à la page www.reportingrse.org b) Au site du ministère de l écologie, du développement durable et de l énergie et notamment à son entrée sur le développement durable et la responsabilité sociétale de l entreprise. www.developpement-durable.gouv.fr N.B : quand elle sera devenue opérationnelle la «Plateforme RSE» multipartenariale (toutes parties prenantes, dont les organisations patronales et syndicales), mise en place en juin dernier par le gouvernement, devrait donner accès à des données documentaires et pratiques. Document clesdusocial.com - RSE et dialogue social Septembre 2013 8 / 8