TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE LILLE N 1401158 M. Slimane M... Mme Stefanczyk Rapporteur Mme Bergerat Rapporteur public RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Le Tribunal administratif de Lille, (6 ème Chambre) Audience du 1 er juillet 2015 Lecture du 18 août 2015 36-10-09-01 C Vu la requête, enregistrée le 18 février 2014, présentée pour M. Slimane M..., demeurant par Me Fillieux ; M. M... demande au Tribunal : 1 ) d annuler la décision implicite par laquelle le directeur du centre hospitalier de Roubaix a refusé de saisir la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) afin qu elle émette un avis sur le bien-fondé de sa demande de mise à la retraite pour invalidité ; 2 ) d enjoindre au centre hospitalier de Roubaix de saisir la CNRACL afin qu elle émette un avis sur le bien-fondé de la demande de mise à la retraite pour invalidité dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 3 ) de mettre à la charge du centre hospitalier de Roubaix une somme de 2 000 euros au titre de l article L. 761-1 du code de justice administrative ; M. M... soutient que : - en dépit de l avis défavorable de la commission de réforme, le centre hospitalier de Roubaix était tenu de saisir la CNRACL ; - l avis de la commission de réforme ne lie pas l autorité administrative ; - la décision attaquée est entachée d incompétence négative dès lors que le centre hospitalier s est cru lié par l avis défavorable de la commission de réforme ;
N 1401158 2 - le centre hospitalier de Roubaix était tenu, suite à l avis de la commission de réforme, de saisir la CNRACL ; Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2014, présenté par le centre hospitalier de Roubaix, représenté par son directeur, qui conclut au rejet de la requête ; Le centre hospitalier de Roubaix soutient que : - il n a pas saisi la CNRACL de la demande de mise à la retraite présentée par le requérant dès lors que la procédure de reconnaissance de son invalidité n était pas close ; - suite à l avis défavorable émis par la commission de réforme hospitalière sur la demande de mise à la retraite du requérant, il a saisi la commission de réforme d une requête en révision le 16 décembre 2013 ; - il a été convenu avec la commission de réforme de diligenter une nouvelle expertise afin de trouver un accord sur le taux d invalidité et la possibilité d une reconnaissance de retraite en invalidité pour le requérant ; - le requérant a été convoqué pour une nouvelle expertise le 4 avril 2014 ; - il s est employé à régler le litige relatif aux taux d invalidité retenus et ainsi obtenir un avis favorable de la commission de réforme avant de formuler une demande de mise à la retraite à la CNRACL ; - il a agi dans l intérêt de l agent qui se serait vu opposer un refus de mise à la retraite pour invalidité par la CNRACL alors qu une nouvelle expertise peut encore intervenir et consolider le dossier qui sera présenté aux services de la caisse ; - le requérant n est pas resté sans revenu pendant le déroulement de la procédure et est toujours rémunéré dans le cadre de sa mise en disponibilité pour maladie et dans l attente de sa mise à la retraite ; - lorsque la CNRACL reconnaît la retraite pour invalidité d un agent en disponibilité d office, elle fixe la date d effet au jour de l avis favorable du comité médical départemental, soit pour le requérant une prise en compte de la retraite à compter du 23 octobre 2009 ; - le requérant n est pas lésé par les délais de traitement de son dossier ; Vu le mémoire, enregistré le 4 juin 2014, présenté pour M. M..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; M. M... soutient, en outre, que : - l avis de la commission de réforme ne lie pas la CNRACL ; - il résulte du procès-verbal de la commission départementale de réforme qu il est dans l incapacité absolue de continuer ses fonctions de manière définitive et que la commission n a émis un avis défavorable qu au motif que le taux d incapacité retenu serait trop élevé ; - plus de cinq ans après sa demande de mise à la retraite pour invalidité, la CNRACL n a toujours pas été saisie ; - le centre hospitalier de Roubaix n a saisi la commission de réforme d une requête en révision que le 16 décembre 2013, soit plus de six mois après l avis initial de cette commission ; - l illégalité de la décision attaquée n est pas conditionnée par l existence d un préjudice financier ; Vu le mémoire, enregistré le 29 octobre 2014, présenté par la Caisse des dépôts et consignations, représentée par son directeur, qui demande au Tribunal de la mettre hors de cause ; Elle soutient que la requête n est pas dirigée contre une décision susceptible de faire grief de sa part mais est dirigée uniquement contre le centre hospitalier de Roubaix ;
N 1401158 3 Vu la demande préalable ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la loi n 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; Vu la loi n 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ; Vu le décret n 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ; Vu le décret n 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1 er juillet 2015 : - le rapport de Mme Stefanczyk, premier conseiller, - les conclusions de Mme Bergerat, rapporteur public, - et les observations de Me Marcilly, substituant Me Fillieux, pour M. M... ; 1. Considérant que M. M..., agent d entretien qualifié au centre hospitalier de Roubaix placé en congé de longue durée, a sollicité le 15 avril 2009 sa mise à la retraite pour invalidité ; que le 23 octobre 2009 le comité médical départemental a émis un avis favorable à une mise à la retraite de l intéressé pour invalidité ; que la commission de réforme hospitalière a émis le 25 juin 2013 un avis défavorable à cette demande au motif que les taux d invalidité retenus par le comité médical départemental étaient excessifs ; que par un courrier en date du 19 novembre 2013, M. M... a demandé au centre hospitalier de Roubaix de saisir la CNRACL afin qu elle émette un avis sur sa demande de mise retraite pour invalidité ; que cette demande a fait l objet d une décision implicite de refus ; que M. M... demande au Tribunal d annuler cette décision et d enjoindre le centre hospitalier de Roubaix de saisir la CNRACL afin qu elle émette un avis sur le bien-fondé de la demande de mise à la retraite pour invalidité dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; Sur les conclusions aux fins d annulation : 2. Considérant qu aux termes de l article 30 du décret du 26 décembre 2003 susvisé : «Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande. / La mise en retraite d'office pour inaptitude définitive à l'exercice de l'emploi ne peut être prononcée qu'à l'expiration des congés de maladie, des congés
N 1401158 4 de longue maladie et des congés de longue durée dont le fonctionnaire bénéficie en vertu des dispositions statutaires qui lui sont applicables, sauf dans les cas prévus à l'article 39 si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement. En aucun cas, elle ne pourra avoir une date d'effet postérieure à la limite d'âge du fonctionnaire sous réserve de l'application des articles 1er-1 à 1er-3 de la loi du 13 septembre 1984 susvisée.» ; qu aux termes de l article 31 de ce décret : «Une commission de réforme est constituée dans chaque département pour apprécier la réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, les conséquences et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions. La commission de réforme compétente est celle du département où le fonctionnaire exerce ou a exercé, en dernier lieu, ses fonctions. ( ). / Le pouvoir de décision appartient dans tous les cas à l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination, sous réserve de l'avis conforme de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. ( )» ; 3. Considérant qu il résulte de ces dispositions que lorsque l administration se prononce sur la mise à la retraite d un fonctionnaire pour invalidité, elle doit recueillir préalablement, d une part, l avis de la commission de réforme, sans être toutefois liée par cet avis et, d autre part, l avis conforme de la CNRACL ; 4. Considérant que le centre hospitalier de Roubaix fait valoir en défense qu il n a pas saisi la CNRACL afin qu elle se prononce sur le bien-fondé de la demande de mise à la retraite pour invalidité présentée par M. M... dès lors qu il avait déposé le 16 décembre 2013 devant la commission de réforme hospitalière une requête en révision compte tenu de l avis défavorable émis par cette instance le 25 juin 2013, celle-ci ayant estimé que les taux d invalidité du questionnaire médical étaient excessifs selon le barème en vigueur et que deux des pathologies ne donnaient pas lieu à l attribution d un taux d invalidité ; que toutefois ni les dispositions du décret du 26 décembre 2003 ni celles du décret du 14 mars 1986 ne prévoient la possibilité pour l autorité administrative de saisir la commission de réforme hospitalière d une requête en révision ; que dès lors, le centre hospitalier de Roubaix, en s abstenant de saisir la CNRACL afin de se prononcer sur la demande de M. M..., alors qu il se trouvait en situation de compétence liée, a commis une erreur de droit ; 5. Considérant qu il résulte de ce qui précède que M. M... est fondé à demander l annulation de la décision attaquée ; Sur les conclusions aux fins d injonction 6. Considérant que le présent jugement implique nécessairement que le centre hospitalier de Roubaix saisisse la CNRACL afin qu elle se prononce sur le bien-fondé de la demande de mise à la retraite pour invalidité présentée par M. M... ; qu il y a, dès lors, lieu d enjoindre au centre hospitalier de Roubaix de saisir pour avis la CNRACL dans un délai d un mois à compter de la notification du présent jugement ; qu il n y a pas lieu d assortir cette injonction d une astreinte ; Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 7. Considérant qu aux termes de l article L. 761-1 du code de justice administrative : «Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la
N 1401158 5 partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.» ; 8. Considérant qu il y a lieu, dans les circonstances de l espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Roubaix la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. M... et non compris dans les dépens ; D E C I D E : Article 1 er : La décision implicite par laquelle le directeur du centre hospitalier de Roubaix a refusé de saisir la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales afin qu elle émette un avis sur le bien-fondé de la demande de mise à la retraite pour invalidité présentée par M. M... est annulée. Article 2 : Il est enjoint au centre hospitalier de Roubaix de saisir la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales afin qu elle se prononce sur le bien-fondé de la demande de mise à la retraite pour invalidité présentée par M. M..., dans un délai d un mois à compter de la notification du présent jugement. Article 3 : Le centre hospitalier de Roubaix versera à M. M... une somme de 1 000 euros au titre de l article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. M... est rejeté. Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. Slimane M... et au centre hospitalier de Roubaix. Copie en sera adressée à la Caisse des dépôts et consignations. Délibéré après l audience publique du 1 er juillet 2015 à laquelle siégeaient : M. Molla, président, Mme Balussou, premier conseiller, Mme Stefanczyk, premier conseiller. Lu en audience publique le 18 août 2015. Le rapporteur S. STEFANCZYK Le greffier N. GINESTET-TREFOIS Le président J.-F. MOLLA