Élus, entreprises et citoyens : Comment bâtir ensemble une ville plus intelligente?



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Transcription:

LES DÉBATS DE L INSTITUT DE L ENTREPRISE SYNTHÈSE Élus, entreprises et citoyens : 15 novembre 2013 Julien DAMON, Jean-Christophe FROMANTIN, Élisabeth LULIN, Jean-Louis MISSIKA, Augustin de ROMANET, Christian SAINT-ETIENNE, Sylvie SPALMACIN-ROMA

DÉBAT Le débat, animé par Julien Damon, professeur associé à Sciences-Po, a réuni : Jean-Christophe Fromantin, député-maire de Neuilly-sur-Seine, Élisabeth Lulin, directeur général de Paradigmes et caetera auteur de la note Service Public «2.0» 1, Jean-Louis Missika, conseiller de Paris et adjoint au maire de Paris chargé de l innovation, de la recherche et des universités, Augustin de Romanet, président-directeur général d Aéroports de Paris, Christian Saint-Etienne, économiste professeur titulaire de la Chaire d économie industrielle au Conservatoire National des Arts et Métiers, Sylvie Spalmacin-Roma, vice-présidente Smarter Cities IBM Europe. Outre les traditionnels échanges avec la salle, les participants sont conviés à transmettre leurs réactions à l animateur au fil du débat, et ce par l intermédiaire de leur smartphone. Ces remarques ou questions sont retranscrites en italique. 1. Service public «2.0», Note de l Institut de l entreprise par Élisabeth Lulin dans la série «Sphère publique - sphère privée : nouveaux enjeux, nouveaux modèles», juillet 2013

Conférence-débat du 15 novembre 2013 En introduction du débat, Frédéric Monlouis- Félicité rappelle en quelques mots le contexte dans lequel les travaux sur les smart cities s inscrivent. L Institut de l entreprise a lancé, en 2012, un Atelier de la performance publique, présidé par Augustin de Romanet et répondant à une double ambition. Première ambition, renouveler les termes du débat sur la sphère publique : au-delà de la nécessaire réduction de la dépense publique, il apparaît effectivement indispensable de réfléchir au périmètre de l action publique, à ses modalités et à la qualité des services rendus aux citoyens. Deuxième ambition, repenser le lien entre l État, les citoyens et les entreprises : l exploration de ce sujet repose sur une idée simple, selon laquelle l avenir passe par le renforcement des capacités de la sphère privée plutôt que par l extension indéfinie de la sphère publique. Les travaux sur les villes intelligentes sont donc partie intégrante de cette réflexion plus large. Ils visent à examiner le potentiel en termes d attractivité et de compétitivité des communautés urbaines innovantes et d un haut niveau de services que sont ces villes intelligentes. Comment faire en sorte que les municipalités réduisent leurs dépenses publiques locales, améliorent la qualité de service rendu aux citoyens et créent les conditions d une croissance économique équilibrée? Telles sont les questions qui se jouent à travers la problématique des smart cities. Les débats de l Institut de l entreprise Décembre 2013 3

Quels sont les principaux apports des travaux de l Atelier de la performance publique de l Institut de l entreprise sur les smart cities? Augustin de Romanet indique que l Institut de l entreprise travaille, sur un plan général, à identifier des pistes d action permettant aux entreprises de mieux s insérer dans la société. Plusieurs phénomènes s imposent aujourd hui : les difficultés liées au chômage de masse, l urbanisation croissante, l enjeu que représente, pour l avenir, le traitement et la bonne utilisation des données, etc. Au sein des métropoles, entrepreneurs et élus font face à un défi collectif, consistant à inventer des services qui correspondent réellement aux besoins des citoyens, dans un contexte de développement de la concurrence entre États, entre entreprises, entre régions ou départements, mais également entre villes. Les travaux présentés dans le rapport 2 de l atelier, issus de la confrontation de très nombreux points de vue, abordent tous ces sujets. Quels sont les domaines dans lesquels on peut rendre la ville SMS : «Que serait un smart aéroport?» Augustin de Romanet explique qu un aéroport capable d informer un passager sur la façon de s y 2. Smart cities. Efficace, innovante, participative : comment rendre la ville, Rapport issu des travaux de l Atelier de la performance publique de l Institut de l entreprise et publié dans la série «Sphère publique - sphère privée : nouveaux enjeux, nouveaux modèles», novembre 2013 Augustin de Romanet rendre en contournant les difficultés liées au trafic, de mettre à sa disposition une signalétique améliorée pour aller jusqu au terminal n 1, de lui indiquer où il pourra trouver du Glenfiddich en promotion s il s agit d un amateur de whisky, de lui donner le temps de faire son achat en lui proposant une offre de fast track, etc. pourra être considéré comme un smart aéroport. En d autres termes, il sera en mesure de prendre en charge le voyageur et de réduire au maximum ses sources de stress. Jean-Louis Missika observe néanmoins que les solutions de la smart city s adressent à tous les habitants des villes, peut-être même plus aux habitants les moins fortunés qu aux voyageurs des classes affaires utilisant régulièrement les fast tracks des aéroports. En effet, leur rôle est de faciliter la vie quotidienne, et ceux qui ont le moins d argent en ont souvent le plus besoin. Si l on prend l exemple d une application multimodale permettant, en temps réel, d informer les passagers des horaires des transports en commun, mais aussi de 4

leur communiquer le taux de remplissage des véhicules, de leur proposer des itinéraires de substitution en cas de problème ou de faire des calculs d itinéraire combinant l ensemble des moyens de déplacement, y compris la voiture individuelle, les Autolib et les Vélib, un tel dispositif pourrait améliorer de 10 % la fluidité des déplacements dans une agglomération comme Paris, à offre de transport constante. Cela démontre à quel point des systèmes d information en temps réel, simples, pratiques, consultables en mobilité et gratuits, peuvent véritablement améliorer la vie de dizaines de millions de personnes, tout en permettant aux collectivités de dégager des économies substantielles. Dans un contexte où l urbanisation ne fait que progresser, confirme Sylvie Spalmacin-Roma, de nombreuses villes ne peuvent répondre à leur propre croissance en créant des infrastructures nouvelles. De fait, s il est une ressource non exploitée à l heure actuelle, ce sont les données, d où la volonté d IBM de lancer, à la fin de 2008, un projet Smarter Cities. Si l on veut résumer la situation le plus brièvement possible, on peut dire que l espace urbain est équipé d un nombre croissant d éléments communicants et que la technologie fonctionne parfaitement : il est possible de traiter des milliards de données en temps réel, d élaborer des prévisions utiles à la prise de décision,... En revanche, la plupart des villes sont organisées en silos qui ne communiquent pas vraiment entre eux. Par conséquent, l enjeu est de passer, au niveau de la gestion des villes, d un travail en mode participatif à un travail en mode collaboratif, ce qui nécessite un accompagnement au niveau organisationnel. La France, en tête ou en queue de peloton? Selon Sylvie Spalmacin-Roma, la France, vue de l extérieur, a une position absolument unique car elle dispose de nombreux géants, tels Veolia, qui ont développé, à l échelle mondiale, toute une gamme d activités au service des villes et des citoyens, et qui sont beaucoup plus reconnus à l étranger qu au sein même de l Hexagone. La France est donc vue comme un pays en pointe dans un certain nombre de domaines. Or elle étouffe ses propres capacités en ayant peur de l avenir. Il faut donc aider la société française à comprendre que la transformation en cours n est pas qu un problème : elle peut aussi apporter des évolutions très positives. Jean-Louis Missika Les débats de l Institut de l entreprise Décembre 2013 5

Le smart va-t-il sauver le monde? Christian Saint-Etienne estime que le smart n est que la partie émergée de l iceberg. La troisième révolution industrielle, en marche depuis trois décennies, a la particularité de se nourrir d un écosystème entreprenarial qui se développe dans les métropoles modernes, des villes où les possibilités de contacts sont démultipliées par rapport à des zones moins denses. La révolution en cours est donc celle de la «métropolisation de la croissance» : désormais la croissance, à l échelle de la planète, est tirée par les villes. Le phénomène de smart city, soit l optimisation des services rendus aux citoyens grâce à la gestion des données, n est qu un effet de cette transformation. Par ailleurs, la capacité à organiser les territoires ne dépend pas seulement des gens qui gèrent la municipalité et la problématique du développement des villes, dont les technologies de la smart city, encore une fois, ne sont qu une composante, doit s inscrire dans un projet global. En France le pays possède effectivement quelques grands acteurs, mais ceuxci interviennent plutôt hors du territoire national, une reconfiguration territoriale, passant par l élaboration d une stratégie déterminée et nationale, mettant en lien les principales villes, s impose. On pourrait notamment configurer un réseau d environ 70 métropoles réparti en trois niveaux : trois grandes métropoles, à savoir le Grand Paris, le Grand Lyon et le Grand Marseille, une quinzaine de métropoles permettant de tirer l ensemble des territoires et une cinquantaine de villes capables de disséminer les technologies de la smart city. Un État stratège, très léger, travaillerait avec une douzaine de régions et les équipes dirigeant ces différentes villes pour dessiner les évolutions à venir. Dans cette vision, les technologies propres à la smart city seraient mises au service de la stratégie élaborée. En tout cas, si ces technologies ne s inscrivent pas dans un projet plus global, on obtiendra des réalisations intelligentes ici ou là, mais on ne répondra pas à l insatisfaction globale qui se manifeste aujourd hui. La place des entrepreneurs dans la smart city SMS : «Un panel de grand patrons et d élus pour parler smart cities et open data. Où sont les entrepreneurs? / le mal français» Christian Saint-Etienne Christian Saint-Etienne rappelle avoir précisé que les élus municipaux ne doivent pas forcément être en pointe de ce mouvement. Les mairies doivent concevoir l organisation des villes pour que celles-ci deviennent des métropoles modernes et connectées, au service de l écosystème entreprenarial, dont les besoins doivent évidemment être pris en compte. 6

Pour Augustin de Romanet, le fait d opposer les petits entrepreneurs et les grands patrons relève d une attitude typiquement française. Ce n est pas le sujet! Dans ce pays, on n a de cesse de regarder dans l assiette du voisin au lieu de considérer que tout le monde est dans le même bateau. Les petites entreprises jalousent les grandes. Celles-ci n ont peut-être pas toujours eu la bonne attitude, mais on sait désormais à quel point certains comportements ne sont pas durables. Ce n est pas parce que les grandes entreprises, de par leur taille et leur influence, ont plus de devoirs que les autres qu il faut chercher à les détruire et, faut-il rappeler cette sentence, «quand les gros commencent à maigrir, les maigres sont déjà morts». Ce qui compte, par conséquent, c est que chacun se sente responsable! SMS : «Quel dommage de n avoir personne de moins de 35 ans autour de la table!» Il faut arrêter de diviniser l entrepreneur, ajoute Christian Saint-Etienne. Dans l écosystème entreprenarial en cours de construction, il n est pas un deus ex machina, mais joue simplement le rôle d assembleur de compétences et de capitaux. Il doit faire collaborer chercheurs, capital-risqueurs, ingénieurs et ouvriers de production autour d un projet global, étant précisé qu il n y a désormais plus de distinction entre produits et services. Paradoxalement, la vision d un entrepreneur tout puissant relève plus de la deuxième que de la troisième révolution industrielle. C est avant tout d un travail collectif sur une stratégie globale dont on a besoin, une réflexion qui engloberait toutes les problématiques auxquelles un pays comme la France est confronté. En effet, la situation actuelle est tellement complexe qu il ne semble possible de résoudre les problèmes qu en les traitant tous simultanément. Métropolisation versus paupérisation des territoires ruraux : comment la France évolue-t-elle et quel peut être l apport des smart cities dans ce contexte? SMS : «La métropolisation et la croissance créent à vitesse accélérée une paupérisation des territoires ruraux.» SMS : «En six ans, plus 25 % d investissements d infrastructure en Île-de-France, moins 25 % dans le Limousin.» Pour Jean-Christophe Fromantin, la question qu il faut se poser est celle-ci : où se situent nos avantages comparatifs? Ils se trouvent certainement plus dans les zones à faible densité conservant les traditions industrielles, artisanales, culturelles les territoires que dans les métropoles qui ont plutôt tendance, tous pays confondus, à converger vers les mêmes standards. Ce constat conduit logiquement à s interroger sur l articulation entre ces différents espaces. Si on ne réaménage pas cette articulation, c est un double problème qu il faudra résoudre : d une part, on aura abandonné les territoires abritant les capacités productives et le potentiel de différenciation du pays et, d autre part, les métropoles se retrouveront vite coincées dans une C est pourquoi, effectivement, un sujet révolutionnaire doit être traité en France, celui d une réorganisation des territoires. L exemple du Grand Paris, un kaléidoscope extrêmement complexe de niveaux de gouvernance, auxquels sont associés des services déconcentrés de l État, le tout chapeauté par une conférence territoriale de l action publique pour tenter d apporter de la cohérence, illustre parfaitement le décalage entre des territoires de projets complètement éclatés et la convergence rendue Les débats de l Institut de l entreprise Décembre 2013 7

faut pas abandonner les villes moyennes. Cette étude est vraiment riche d enseignements, dont on doit s inspirer pour mettre en œuvre, dans l avenir, un projet de reconfiguration territoriale. L émergence d un service public «2.0» ou la transformation du service public par les technologies de participation ou de collaboration Jean-Christophe Fromantin possible par les technologies. Ainsi, malgré l optimisme que peuvent susciter les avancées technologiques, il ne sera pas possible d aller bien loin si les territoires ne sont pas, demain, en capacité de mener à bien des projets. Dans le cadre d une récente étude, il a été demandé à cinquante grandes entreprises françaises de reporter, sur une carte de France, leur organisation. La carte globale qui en résulte illustre parfaitement l écart existant entre l organisation du pays telle qu on l imagine au niveau de l Assemblée nationale, par exemple, ou, plus généralement, de l administration et la réalité. Cette carte montre qu il faut réarticuler les métropoles, interfaces avec la mondialisation, et les territoires ; elle évoque le nécessaire rapprochement des territoires et des grands ports maritimes pour tirer profit du phénomène de conteneurisation ; elle prouve que tout Français qui ne se trouve pas à moins de deux heures d une ville connectée au monde est automatiquement disqualifié ; elle fait apparaître que, les territoires abritant les avantages comparatifs du pays, il ne Élisabeth Lulin explique qu il y a derrière la notion de service public «2.0» l idée d un service co-produit par tous les citoyens, à l image du covoiturage, par exemple, constituant une forme de transport public dont les opérateurs sont des personnes privées. Si de tels services sont susceptibles de se développer, c est parce qu un problème en quête de solutions va peut-être rencontrer une solution en quête de problèmes... Le problème en quête de solutions est celui de l essoufflement du service public. Il ne se réduit pas à des questions de financement, mais traduit aussi une inadaptation des modèles existants à l époque actuelle. En d autres termes, une société diverse ne s accommode pas d un service public uniforme, standardisé et délivré à grande échelle. En outre, les citoyens, devenus consommateurs de service public, ont développé des comportements consuméristes, plus exigeants, plus impatients, perdant totalement de vue leur rôle civique de co-responsables du bien public. La solution en quête de problèmes est celle du développement d une économie collaborative et du partage. Par exemple, 21 millions de Français parti- 8

cipent à des actions bénévoles, soit environ 40 % de la population, et une étude récente du CREDOC démontre l existence d une véritable entraide entre voisins. Il est parfaitement possible de combiner ces deux phénomènes un service public à bout de souffle et des citoyens prêts à s impliquer et ce qui a été étudié dans le cadre du rapport sur le service public «2.0», ce sont les moyens par lesquels on peut modéliser ces formes de combinaison pour pouvoir les étendre. La ville de Boston, par exemple, a réorganisé son dispositif de voirie pour mieux impliquer les citoyens. Par l intermédiaire des téléphones portables de ces derniers, reliés par GPS à un cadastre numérisé, ses services sont en mesure de détecter plus aisément les nids de poules ou les feux tricolores qui ne fonctionnent pas. Jean-Louis Missika évoque l application «DansMa- Rue» lancée par la ville de Paris, qui permet à tout citoyen de signaler un tag, un lampadaire défectueux ou des encombrants. Le service est lancé depuis quelques mois seulement et la mairie n a pas communiqué massivement sur le sujet. Pourtant, elle reçoit 3 000 signalements par mois, qui sont traités à hauteur de 95 %. En outre, l application a été élaborée en open source, ce qui signifie que n importe quelle municipalité peut utiliser le code correspondant pour créer son propre dispositif. Elle n a pas pour but de faire une «économie de fonctionnaires», mais vise plutôt à améliorer la performance des agents, notamment des agents de la propreté. Entièrement connectée avec le back-office de la municipalité, «DansMaRue» est un exemple typique de co-gouvernance de la cité et de dispositif de smart city. Élisabeth Lulin précise que, dans les communautés ayant développé ce type d outils, deux bénéfices sont constatés : des gains de productivité et une responsabilisation des citoyens. Ce dernier point a été démontré dans l exemple de Boston. Les habitants ont expliqué qu ils avaient auparavant l impression de se plaindre lorsqu ils signalaient un problème, mais qu avec les nouveaux dispositifs, ils avaient plutôt l impression de participer. C est ainsi que l on transforme le bien public en bien commun, au sens qu Elinor Ostrom donne à ces notions. Ce changement conceptuel est considérable. Élisabeth Lulin Les débats de l Institut de l entreprise Décembre 2013 9

Quel est le prix du smart? Sylvie Spalmacin-Roma explique que non seulement l innovation ne coûte pas forcément cher, comme on a pu le laisser entendre, mais qu elle permet même, en contribuant à réduire les coûts opérationnels, de dégager des moyens pour lancer de nouveaux projets. C est particulièrement le cas des projets smart. La ville de Besançon en offre un bon exemple : pour pouvoir financer et lancer un projet très innovant visant à peser les poubelles, le maire a cherché à identifier des secteurs dans lesquels on pouvait rationaliser certaines opérations. Il s est intéressé aux 700 bâtiments publics que la municipalité possède. Une rationalisation par la technologie appliquée à ce périmètre a permis de réduire de 15 % les coûts opérationnels et, ainsi, de trouver les financements pour mettre en œuvre le projet. Existe-t-il une smart city de gauche et une smart city de droite? SMS : «Comment bâtir une ville intelligente et smart avec la loi Duflot?» Jean-Louis Missika déclare partager la position de Christian Saint-Etienne quant à la prééminence du politique sur la technologie : cette dernière ne peut qu être au service de la gouvernance et de l organisation. Par ailleurs, une métropole ne peut jamais être totalement modélisée car c est un organisme vivant et complexe, au sein duquel l invention de nouveaux usages est quotidienne. Pourquoi insister sur ces points? Il existe une vision «technologisante» de la smart city, consistant à croire qu avec le big data, le cloud, la mise en relation des systèmes d information, entre autres éléments, on va pouvoir construire une sorte de poste de pilotage, similaire à ceux que l on trouve dans les centrales nucléaires ou les avions de ligne, et que l on disposera ainsi d un outillage suffisant. C est faux, et il faut se méfier des personnes qui portent de tels messages! Sylvie Spalmacin-Roma Enfin, dernier élément essentiel, il faut pratiquer le bottom-up, être en mesure d identifier et, surtout, d expérimenter des innovations de rupture. La ville de Paris, par exemple, mène avec une start-up dénommée Qarnot Computing une expérimentation dans un immeuble du XV e arrondissement. Ayant été constaté, dans les data centers, que les ordinateurs dégagent énormément de chaleur, 400 «radiateursordinateurs» ont été placés dans les appartements de cet immeuble, afin de vérifier s il est ainsi possible de chauffer des habitations, bien sûr sans coût aucun pour le locataire. La logique est la suivante : plutôt que de récupérer la chaleur dans les 10

data centers pour l amener jusqu aux habitations, on récupère le résultat de la capacité de calcul placée chez les particuliers pour l amener là où c est nécessaire. Si cette solution fonctionne, elle sera totalement révolutionnaire. À l échelle de la ville de Paris, uniquement sur les logements sociaux et les bâtiments publics chauffés à l électricité, elle peut représenter une économie de 10 à 20 millions d euros sur un budget de fluides de chauffage de 90 millions d euros. Le smart doit être au service du projet politique, confirme Jean-Christophe Fromantin, ce projet pouvant être de droite ou de gauche. Cela étant dit, il peut aussi contribuer à casser la notion de relation clients/fournisseurs qui s est instaurée au niveau de la gestion des villes et qu il semble essentiel de briser. Dans ce domaine, un double défi est à relever : il faut sensibiliser la population sur le fait que chacun a un rôle à jouer pour sa ville et convaincre les élus de ne pas faire de la politique un métier. Le développement du smart offre une occasion extraordinaire de remettre à plat la relation politique et d amener chacun à prendre ses responsabilités dans le projet politique. C est pourquoi la smart city doit procéder, non pas d une approche fonctionnelle, mais d une approche politique. Christian Saint-Etienne insiste sur le fait que la finalité ultime du projet de la métropole ou du pays est, non pas de construire un système optimisé et efficace, mais d instaurer un environnement favorisant, au-delà de la seule création de richesses, l épanouissement des habitants. Les technologies, si elles sont correctement mises en œuvre, permettront toujours une amélioration. Pour autant, le smart ne peut se substituer au projet politique. S il existe en région parisienne des déséquilibres majeurs entre les zones où les individus habitent et celles où ils travaillent, et si l on optimise le fonctionnement de la ville sans régler ce problème global, on améliorera la situation à la marge, mais on ne traitera pas ce qui constitue les véritables causes de frustration de la population. Par conséquent, ce sont bien trois éléments qu il faut considérer : d abord la métropolisation de la croissance, phénomène qui, au demeurant, n implique pas que seules les grandes villes ont un avenir ; puis le projet stratégique, élaboré collectivement en impliquant tous les acteurs, qui conçoit la ville du futur au service de ses habitants ; enfin, les technologies liées à la smart city, dont l objectif doit d être de venir en support de ce projet commun. SMS : «Cela sert à quoi de parler de smart city alors que, pour le Grand Paris, le logement sera à la métropole et le transport à la Région. Pas de smart city sans smart gouvernance.» Au sujet de cette articulation entre smart et politique et, précisément, des aspects relatifs aux services publics collaboratifs, Élisabeth Lulin explique que la philosophie politique sous-jacente à ces phénomènes est très clairement le «personnalisme», c est-à-dire l idée selon laquelle un basculement s opère entre une société d individus et une société de personnes. La différence entre ces deux notions réside dans le fait que la personne, contrairement à l individu, a une histoire et est reliée à d autres personnes. Or curieusement, le personnalisme a des liens avec tous les bords politiques. Christian Saint-Etienne observe néanmoins que, mal utilisés, les dispositifs de la smart city peuvent conduire à une accentuation de l individualisme. En Les débats de l Institut de l entreprise Décembre 2013 11

apparence, on donnera des informations permettant à chacun d être co-producteur des services publics, mais on pourra aussi évoluer vers un système de big government dans lequel on ne signalera plus seulement les encombrants dans la rue, mais on dénoncera aussi les comportements déviants de ses voisins. Pour aller dans la direction énoncée par Élisabeth Lulin, il faut donc veiller à mettre en place, dans le cadre du développement de ces technologies, des protocoles permettant d éviter les déviations. SMS : «Le 2.0 est le bottom-up par nature, mais on start depuis le modèle. Vive Google!» Quels risques fait courir le smart? En particulier, comment pourra-t-on préserver l intimité dans la smart city? vie privée. Tous ces sujets sont d une complexité folle et certains ne peuvent se traiter qu à l échelon international. Au sujet des questions de respect de la vie privée, Sylvie Spalmacin-Roma souligne qu aucun citoyen ne se pose aujourd hui la question de savoir s il va continuer à avoir une assurance ou un compte en banque, alors même que les compagnies d assurance et les banques savent tout de lui. Tout ceci est évidemment et heureusement très bien encadré et ce que l on sait déjà faire en matière de protection des données est bien sûr appliqué de la même manière dans le cadre de la ville intelligente. Ainsi, il est hors de question, quand on travaille sur l optimisation des réseaux d eau par exemple, de transmettre des informations permettant de savoir Les procédés déployés dans le cadre de la smart city, indique Jean-Louis Missika, soulèvent de nombreuses questions qui ne relèvent pas de la gouvernance ou de la transformation économique du pays, mais sont néanmoins fondamentales. Tout d abord, plus le système d information est intégré et plus le risque systémique est important. Par ailleurs, comme l a révélé l affaire des écoutes de la NSA, il existe un risque d utilisation d informations par des puissances étrangères. Bien évidemment, un système d open data peut aussi fournir des informations, par exemple sur les réseaux de gaz, qui s avéreraient utiles à une action terroriste : c est pourquoi les données ne sont pas intégralement mises à la disposition du grand public. Enfin, des problèmes se posent au niveau du respect de la 12

à quelle heure une personne donnée prend sa douche chaque jour. En revanche, certaines technologies permettent de capter les données échangées en temps réel sur les réseaux sociaux, qui sont des données ouvertes, et la manne que constituent ces données pourrait aider les responsables politiques à mieux comprendre les problématiques des citoyens, ou même des touristes, présents sur leur territoire. En outre, la question peut être formulée en sens inverse : quels risques courrait-on à ne pas utiliser l innovation et la technologie? S il faut évidemment prévoir des garde-fous dans le cadre de l utilisation de compteurs intelligents d eau ou de gaz afin de ne pas violer la vie privée des gens, a-t-on une idée de ce que cela coûterait, en termes de gaspillage de ressources, de ne pas avoir recours à ce type d équipements? Sur l île de Bornholm, au Danemark, on a prouvé qu un réseau de 2 000 véhicules électriques équipant 2 000 foyers pouvait fonctionner uniquement grâce à des sources d énergie renouvelable. Quand on se lance dans ce genre d expérimentations en grandeur réelle, on en voit les résultats. Voilà pourquoi la question se pose de savoir quels risques l on court à ne pas avoir recours aux progrès technologiques! Les débats de l Institut de l entreprise Décembre 2013 13

ÉCHANGES AVEC LA SALLE Claude Foulon observe que le mur végétal du musée du Quai Branly est d une grande beauté. Néanmoins, la végétalisation donne plus de résultat à l horizontal! Qu en est-il sur ce sujet? Jean-Louis Missika confirme qu une trentaine de projets sont actuellement expérimentés dans ce domaine au niveau de la ville de Paris. La végétalisation constitue en effet un enjeu majeur de la smart city, et ce pour trois raisons. Elle peut permettre de faire baisser la température d une ville comme Paris de 2 à 3 degrés en été, ce qui serait un progrès fondamental au regard du réchauffement climatique. Par ailleurs, on s aperçoit que la biodiversité, notamment de par sa fonction dépolluante, peut jouer un rôle extrêmement important dans le bon fonctionnement de la ville. Enfin, l agriculture urbaine ne représente pas qu un passetemps pour bobos : 6 milliards de personnes vivront bientôt dans les villes ; celles-ci, pour la plupart, sont installées sur des terres riches et cultivables qu elles consomment en s étendant ; la question de savoir comment nourrir les populations urbaines dans l avenir est donc cruciale. C est pourquoi, notamment, l équipe qui défend la candidature d Anne Hidalgo à la mairie de Paris a élaboré des objectifs très ambitieux en matière de végétalisation urbaine. La discussion, souligne Jacques Degroote, a tourné de façon relativement elliptique autour d un concept émergent il est en tout cas de plus en plus présent dans le langage employé par les politiques et les entrepreneurs : il s agit de l économie circulaire qui semble, d une certaine manière, faire la synthèse des différents éléments évoqués. Jean-Louis Missika reconnaît qu utiliser le déchet de l un comme ressource de l autre est une forme d économie circulaire. Autre exemple en la matière, le passage aux véhicules électriques a ceci de vertueux que les batteries de ces véhicules peuvent être utilisées pour lisser le pic de consommation électrique dans les appartements avant d être rechargées pendant la nuit : un tel dispositif, appliqué à une mégapole comme Paris, pourrait permettre d économiser la production de deux ou trois centrales nucléaires. Christian Saint-Etienne signale qu un des trois axes fondamentaux du programme qu il a élaboré pour sa propre candidature à la mairie de Paris est de faire de la ville la première capitale mondiale à énergie positive. À cet égard notamment, l économie circulaire est une façon très intelligente de régler de nombreux problèmes. George Grosz remarque que la construction collective d une ville intelligente est un projet à moyen, long, voire très long terme. Or les responsables politiques doivent se faire réélire tous les quatre ou cinq ans. Comment réconcilier ces échéances? Pour Christian Saint-Etienne, cette question vient corroborer sa remarque précédente sur la nécessité d élaborer un projet stratégique national, décliné au niveau des territoires et des métropoles. Si l on enclenche un projet fort et cohérent, on voit mal comment celui-ci ne pourrait pas s imposer aux alternances politiques. 14

CONCLUSION Jean-Christophe Fromantin souligne néanmoins que l élaboration de nombreux projets est contrecarrée par la complexité du système de décision. Cela renvoie à l observation déjà formulée : si l on ne permet pas aux territoires, par des réformes institutionnelles, d être des porteurs de projets, engager des réflexions ou des discussions ne donnera pas grand résultat. D ailleurs, c est aussi parce que les territoires ne sont pas en capacité de porter les projets que la société civile ne s engage pas en politique. Il semble vraiment que l on soit parvenu au bout d un système de partis et d appareils qui neutralise la perspective évoquée de construction à moyen ou long terme. Jean-Louis Missika confirme la stabilité de certains projets dans les métropoles. Sur Paris, par exemple, on peut raisonnablement envisager que la future équipe dirigeante ne reviendra pas sur la politique mise en œuvre pour l automobile. En revanche, l absence d alignement entre l État-nation et la métropole mondiale est très préoccupante et, pour l instant, l heure ne semble pas à la convergence. Augustin de Romanet conclut la matinée en rendant hommage à l Institut de l entreprise pour avoir organisé les travaux de l Atelier de la performance publique et à Julien Damon, smart teacher qui a passé son temps, au cours de ces travaux, à ne pas prendre la parole, mais à la distribuer. Par ailleurs, il tient à remercier les hommes politiques qui sont intervenus au cours du débat ils se sont comportés en smart politiques et, sur un plan plus général, tous les intervenants qui, au travers de leurs observations et prises de position, ont progressivement fait émerger cette notion de transformation du bien public en bien commun, autrement dit de transformation du consommateur de service public en «consommacteur». Ce débat promettait d être aride et technique. Il s est avéré d un excellent niveau et a permis, de façon très naturelle et heureuse, de passer d une réflexion sur la technologie à une réflexion sur la politique. Dans quelle mesure le contrat ne doit-il pas supplanter la loi autant que faire se peut? Dans quelle mesure le citoyen doit-il être considéré comme une personne plutôt que comme un individu? À ces interrogations, qui dépassent largement le champ du débat, peut-être peut-on ajouter une dernière remarque : s il n y a pas de smart city de gauche ou de droite, n est-ce pas dans une gouvernance locale, de plus en plus moderne car de plus en plus participative, que la gouvernance nationale pourra trouver des sources d inspiration? Augustin de Romanet tient enfin à remercier toutes les personnes ayant participé aux travaux de l Atelier de la performance publique. Ces travaux ont permis de faire naître un peu d espoir, ce qui, à l heure actuelle, est absolument nécessaire. Les débats de l Institut de l entreprise Décembre 2013 15

Dans un contexte où la population urbaine ne cesse de progresser et où les villes deviennent de plus en plus des moteurs de la croissance, la smart city se donne pour objectif, au travers de l innovation technologique, de gérer la complexité inhérente à ces écosystèmes et d optimiser le service rendu aux citoyens. Ce faisant, elle permet aussi une réduction des dépenses engagées par les municipalités. À l orée des élections municipales de mars 2014 et à l occasion de la sortie de son rapport intitulé Smart Cities. Efficace, innovante, participative : comment rendre la ville, l Institut de l entreprise a réuni un panel de responsables politiques, de patrons et de chercheurs pour évoquer ce sujet, qui est l affaire de tous : élus, entreprises et citoyens. Tout en balayant les bienfaits et les risques attachés aux démarches mises en œuvre au nom de la ville intelligente, et en apportant un éclairage précis sur l évolution des services publics, c est à une réflexion bien plus large qu invite ce débat. La construction d une ville plus intelligente semble en effet dépasser de loin les simples enjeux techniques : elle implique de revisiter le lien politique, de repenser le rôle de chacun et de mettre en œuvre une stratégie territoriale renouvelée. Le compte rendu de cette réunion a été réalisé par Cécile Beguery. 29, rue de Lisbonne 75008 Paris Tél. : +33 (0)1 53 23 05 40 Fax : +33 (0)1 47 23 79 01 www.institut-entreprise.fr