L employeur peut produire en justice les SMS d un téléphone mis à la disposition d'un salarié.



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1502250 IRP L employeur peut produire en justice les SMS d un téléphone mis à la disposition d'un salarié. L employeur peut-il produire en justice les SMS d un téléphone professionnel d'un salarié obtenus à son insu? Alors que les courriers adressés par le salarié à l aide de l outil informatique mis à sa disposition par l employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, l arrêt rapporté en date du 10 février 2015 permet de s attarder sur une autre problématique, celle de la recevabilité comme mode de preuve des SMS d un téléphone professionnel du salarié. (Cass com., 10 février 2015, pourvoi n 13-14779) En l espèce, une société avait débauché un grand nombre de salariés d un de ses concurrents. Ce dernier, invoquant la désorganisation de son activité, avait obtenu, par ordonnance sur requête, l autorisation de procéder à un constat au siège de son concurrent ainsi que sur les outils de communication mis à la disposition de ses anciens salariés. Le concurrent a alors introduit une requête tendant à la rétractation de cette autorisation. La Cour d appel a rejeté sa demande aux motifs que les SMS à caractère non marqué «personnel» émis et reçus sur du matériel appartenant à une société étaient susceptibles de faire l objet de recherches pour des motifs légitimes et que l utilisation de tels messages par l employeur ne pouvait être assimilée à l enregistrement d une communication téléphonique privée effectué à l insu de l auteur des propos invoqués. La société concurrente a alors formé un pourvoi en cassation en soutenant que la production en justice des SMS envoyés et reçus au moyen d un téléphone professionnel du salarié constitue un procédé déloyal au sens des articles 9 du code civil et 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l homme et des libertés fondamentales rendant irrecevable ce mode de preuve. La question était donc toute posée : l employeur peut-il produire en justice les SMS d un téléphone professionnel d'un salarié obtenus à l insu de celui-ci? La réponse de la Cour de cassation est limpide : «les messages écrits ( short message service ou SMS) envoyés ou reçus par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l employeur est en droit de les

consulter en dehors de la présence de l intéressé, sauf s ils sont identifiés comme étant personnels ;» Dés lors, «la production en justice des messages n ayant pas été identifiés comme étant personnels par le salarié ne constitue pas un procédé déloyal au sens des articles 9 du code civil et 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l homme et des libertés fondamentales rendant irrecevable ce mode de preuve» Cet arrêt fait suite à une série d arrêts, par lesquels la Cour de cassation a admis la possibilité pour l employeur d accéder aux courriers non marqués «personnels» ou «privés» adressés par le salarié à l aide de l outil informatique mis à disposition par l employeur pour les besoins de son travail. En effet, la Cour de cassation a jugé que : «Si l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectué à l'insu de l'auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue, il n'en est pas de même de l'utilisation par le destinataire des messages écrits téléphoniquement adressés, dits SMS, dont l'auteur ne peut ignorer qu'ils sont enregistrés par l'appareil récepteur» (Cass. soc. 23 mai 2007, pourvoi n 06-43209) De même, la Cour de cassation a déjà jugé que : «Si l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectué à l'insu de l'auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue, il n'en est pas de même de l'utilisation par le destinataire des messages téléphoniques vocaux dont l'auteur ne peut ignorer qu'ils sont enregistrés par l'appareil récepteur» (Cass. soc. 6 février 2013, n 11-23738). Par ailleurs, les courriers adressés par le salarié à l aide de l outil informatique mis à disposition par l employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel. En effet, en 2010, la Cour de cassation a jugé que : «les courriers adressés par le salarié à l'aide de l'outil informatique mis à sa disposition par l'employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel en sorte que l'employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l'intéressé, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels» (Cass. Soc. 15 décembre 2010, pourvoi no 08-42.486) En outre, la Cour de cassation a jugé que : «Est licite, l'ouverture par l'employeur d'un pli, qui, arrivé sous une simple enveloppe commerciale démunie de toute mention relative à son caractère personnel, présente un caractère professionnel» (Cass. ch. mixte, 18 mai 2007, pourvoi no 05-40.803)

Il ressort donc de ces arrêts que les courriers adressés par le salarié à l aide de l outil informatique mis à disposition par l employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, sauf si le salarié prend le soin de les identifier comme étant personnels. Ce qui est nouveau avec la décision rapportée et qui explique son importance, c est que la Cour de cassation étend cette solution aux SMS envoyés et reçus par le salarié au moyen d'un téléphone professionnel. En effet, contrairement au moyen du pourvoi qui faisait valoir que cette solution ne s appliquait aux SMS envoyés ou reçus par les salariés sur leur téléphone mobile en raison de l impossibilité de les identifier comme «personnel», la Cour de cassation a considéré malgré tout que les SMS envoyés ou reçus par le salarié au moyen d un téléphone professionnel sont présumés avoir un caractère professionnel. Leur utilisation ne peut être assimilée à l enregistrement d une communication téléphonique privée effectué à l insu de l auteur des propos invoqués. Par conséquent, l employeur est admis à produire en justice, en tant que mode de preuve, les SMS d'un salarié obtenus au moyen d'un téléphone professionel. La difficulté se sera, dès lors, pour le salarié de rapporter la preuve du caractère personnel d'un SMS. En effet, comment identifier un SMS comme étant personnel si par définition il ne comporte pas de champ «objet»? On peut donc penser qu en l état actuel de la technologie, tous les SMS envoyés ou reçus par un salarié au moyen d'un téléphone professionnel seront présumés avoir un caractère professionnel et l employeur pourra donc accéder légitimement au contenu desdits SMS. Il revient donc au salarié d être vigilant dans l utilisation d un téléphone professionnel car tout ce qu il dira pourra être retenu contre lui. Yaya MENDY Des qualités professionnelles peuvent-elles justifier une différence de salaire à l embauche? Si les qualités professionnelles ou la différence de qualité de travail peuvent constituer des motifs objectifs justifiant une différence de traitement entre deux salariés occupant le même emploi, de tels éléments susceptibles de justifier des augmentations de salaires plus importantes ou une progression plus rapide dans la grille indiciaire, pour le salarié plus méritant, ne peuvent justifier une différence de traitement lors de l embauche, à un moment où l employeur n a pas encore pu apprécier les qualités professionnelles.

Cass. Soc. 13 novembre 2014 n 12-20069, 13-10274 Éric ROCHEBLAVE Mise à pied disciplinaire : le règlement intérieur doit être explicite Dans un arrêt du 07 janvier 2015, la Cour de cassation rappelle qu une mise à pied prévue par le règlement intérieur n est licite que si ce règlement précise sa durée maximale. La durée fixée par la convention collective applicable est sans effet ici. Les faits Un salarié s était vu notifier par son employeur une mise à pied disciplinaire de deux jours. Contestant cette sanction, il saisit la juridiction prud homale afin de la contester La position des Juges Dans un premier temps, les juges de la Cour d appel de Reims ont débouté le salarié. Ils ont constaté que la lettre notifiant cette sanction était suffisamment caractérisée et matériellement vérifiable et que l employeur justifiait les reproches indiqués dans ce courrier. Surtout, bien qu il ne soit pas contesté que le règlement intérieur de l entreprise ne comportait pas la durée maximale de la mise à pied, ils ont considéré que cette lacune importait peu puisque la convention collective (de la mutualité) applicable au contrat de travail prévoit que la sanction de mise à pied sans traitement peut aller jusqu à une durée de dix jours ouvrables. L arrêt de la Cour de cassation Les juges de notre Haute Cour ont censuré cette interprétation en rappelant qu «une mise à pied prévue par le règlement intérieur n est licite que si ce règlement précise sa durée maximale». C est un rappel de la jurisprudence antérieure. La position de la Cour de cassation n exclut pas à notre sens une autre possibilité : - Le cas où par exemple le règlement intérieur de l entreprise ET la convention collective applicable fixeraient des durées maximales différentes de mise à pied. En ce cas, il serait possible de considérer que seule la durée la plus favorable au salarié (et donc la plus courte) deviendrait licite. Temps de trajet - droit à contreparties - charge de la preuve

II résulte de l'article L. 212-4 dans sa rédaction antérieure à la loi n 2005-32 du 18 janvier 2005 et de l'article L. 3121-4, tel qu'issu de cette loi, que le temps de trajet pour se rendre du domicile au lieu de travail, lorsqu'il excède le temps nécessaire à un travailleur pour se rendre de son domicile à son lieu de travail habituel, doit être considéré comme du temps de travail effectif et, à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 18 janvier 2005, faire l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La charge de la preuve de ce temps de trajet inhabituel n'incombe spécialement au salarié que pour la demande de contrepartie (Cass. soc. 15 mai 2013, n 11-28749, Sté CF Ingénierie). RPDS 2014, n 825, somm. n 090, comm. M.C. Précision : - Les contreparties auxquelles ont droit les salariés dont le temps de trajet est allongé sont en principe fixées par convention ou accord collectif de travail. À défaut, l'employeur peut les déterminer seul, après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'il en existe. Abus de documents confidentiels par l employeur : Comités d entreprises, saisissez le Juge des référés La société Sanofi Aventis recherche et développement (R&D) a annoncé en juillet 2012 un nouveau projet de réorganisation des métiers de la R&D, ainsi que de ceux des fonctions support. Dans le cadre de la procédure d information consultation, l employeur a adressé aux élus du comité central d entreprise (CCE), le 2 octobre 2012, en vue d une réunion fixée au 11 octobre suivant, deux documents intitulés «Projet de réorganisation et d adaptation 2012-2015 de Sanofi Aventis recherche et développement» et «Projet de plan de mesures d accompagnement à la mobilité interne et aux départs volontaires», classés confidentiels. Le CCE a saisi le juge des référés sur le fondement de l article 809 du code de procédure civile, pour qu il fasse interdiction à la société de se prévaloir des dispositions de l article L. 2325-5 du code du travail à propos de l intégralité des documents et ordonne la reprise à l origine des procédures d information sur la base de documents transmis sans mention de confidentialité. La société fait grief à la Cour d appel de Paris de prononcer l annulation des documents intitulés «Projet de réorganisation et d adaptation 2012-2015 de Sanofi Aventis recherche et développement» et «Projet de plan de mesures d accompagnement à la mobilité interne et aux départs volontaires» et d ordonner la reprise, à l origine, des procédures

d information et consultation prévues par les articles L. 2323-15 et L. 1233-28 du code du travail. Pour satisfaire aux conditions de l article L. 2325-5 du code du travail, l information donnée aux membres du comité d entreprise, doit non seulement être déclarée confidentielle par l employeur, mais encore être de nature confidentielle, au regard des intérêts légitimes de l entreprise, ce qu il appartient à l employeur d établir. Pour la Cour de cassation, la Cour d appel de Paris qui a retenu que la société avait placé non pas, comme elle le prétendait, «la majeure partie», mais l intégralité des documents adressés au CCE sous le sceau de la confidentialité sans justifier de la nécessité d assurer la protection de l ensemble des données contenues dans ces documents, ce dont il résultait que l employeur avait porté une atteinte illicite aux prérogatives des membres du comité d entreprise dans la préparation des réunions, qui ne pouvait être réparée que par la reprise de la procédure d information et consultation à son début, a légalement justifié sa décision. Cass. Soc. 5 novembre 2014 n 13-17270 Éric ROCHEBLAVE =========================================================== 1502251 IRP Délégués syndicaux : leurs 3 moyens d action Le délégué syndical dispose, dans le cadre de sa mission représentative, de nombreux moyens lui permettant de mener à bien ses fonctions. Le représentant du personnel doit connaitre les moyens dont il peut user au quotidien. Il est également important pour l'employeur de savoir ce que peut faire ou non le délégué dans l'entreprise. Voici un tour d'horizon des moyens offerts aux délégués syndicaux. Délégué syndical : quels sont les moyens à votre disposition? En tant que délégués syndicaux vous avez des droits vous permettant de défendre l'intérêt collectif, de représenter votre syndicat ou vous permettant de préparer les réunions préparatoires et de négociation. Vous disposez, pour exercer votre mission de représentation, de plusieurs cordes à votre arc : - crédit d'heures, liberté de déplacement et de circulation et possibilité de diffuser des communications syndicales. Usez de tous ces moyens, vos fonctions l'exigent.

Employeur : pouvez-vous vérifier que les délégués syndicaux n'abusent pas de leur prérogatives? Au sein de votre entreprise, les délégués syndicaux jouissent de ces prérogatives, attachés à leur statut. En tant qu'employeur, vous devez savoir que, concernant l'utilisation des heures de délégation, vous ne pouvez pas instituer dans votre entreprise une procédure d'autorisation préalable à l'utilisation du crédit d'heures. Vous ne pouvez vous opposez, sous peine de commettre un délit d'entrave, au départ du représentant ou lui imposer le respect de certaines formalités comme l'observation d'un délai de prévenance ou l'achèvement d'un travail. De même, il ne vous est pas possible de planifier ce temps de délégation (1). Connaissez-vous réellement les conséquences d'un délit d'entrave? Néanmoins, sachez que le délégué doit informer son supérieur hiérarchique de ses heures de départ et de retour, et ce, afin de permettre la bonne marche de l'entreprise (2). Vous pouvez par exemple introduire un système de bon de délégation. SI vous entendez contester l'utilisation des heures de délégations, vous pouvez saisir le Conseil de prud'hommes. La charge de la preuve vous revient. Vous pouvez contacter un avocat expérimenté qui vous informera sur la marche à suivre. Les 3 moyens à la disposition des délégués syndicaux 1. Un crédit d'heures de délégation Le délégué syndical dispose nécessairement d'heures de délégation afin de pouvoir exercer ses fonctions. Leur nombre dépend de l'effectif de l'entreprise et peut être dépassé en cas de circonstances exceptionnelles (3). Mais quelles circonstances peuvent-elles être considérées comme étant exceptionnelles et justifier le dépassement du crédit d'heures? Le délégué syndical dispose de : 10 heures par mois, dans les entreprises ou établissements dont l'effectif est compris entre 50 et 150 salariés ; 15 heures mensuelles dans les sociétés ou établissements de 151 à 499 salariés ; 25 heures par mois dans les entreprises d'au moins 500 salariés. Ce crédit est mensuel et appartient à la personne du représentant du personnel. Néanmoins, dans les entreprises ou établissements où sont désignés pour chaque section syndicale plusieurs délégués, ce temps peut être réparti entre les délégués et ce, à condition d'en informer l'employeur (4).

Il est à savoir que si le délégué syndical exerce d'autres mandats de représentation du personnel (membre du comité d'entreprise, délégué du personnel, membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail), les crédits d'heures attachés à chacun d'eux se cumulent. Par exemple, dans une entreprise dont l'effectif est de 75 salariés, le délégué syndical est également membres du CE. Alors, il bénéficie de 30 heures mensuelles de délégation (20 heures au titre du mandat de membre du CE et 10 en tant que délégué syndical). Bien entendu, le représentant du personnel doit en faire une utilisation conforme à son mandat. Il faut retenir que, les heures utilisées pour participer à des réunions qui ont lieu à l'initiative de l'employeur ainsi que celles passées en négociation ne sont en aucun cas déduites du crédit d'heures de délégation (5). Les heures de délégation sont de plein droit considérées comme du temps de travail et sont payées à l'échéance normale (6). 2. Une liberté de déplacement et de circulation Pendant ses heures de délégation, le délégué syndical peut librement circuler dans l'entreprise et se déplacer en dehors de celle-ci (7). A cette occasion, le délégué peut prendre tous contacts nécessaires à l'accomplissement de sa mission. Cela signifie donc qu'il peut prendre contact, sous réserve de ne pas apporter de gêne importante à l'accomplissement du travail, avec ses collègues et salariés de l'entreprise. Lors de négociation avec l'employeur, il peut par exemple, se rapprocher des salariés afin de recueillir leur avis sur ce qu'ils souhaitent ou ne veulent pas. 3. La communication syndicale Les délégués syndicaux ont la possibilité d'afficher librement des communications syndicales sur des panneaux réservés à cet usage (8). Ils peuvent également diffuser auprès des salariés de leur société, sous réserve de respecter certaines conditions, des publications et tracts de nature syndicale (9). Ces communications sont l'occasion pour les délégués de s'exprimer et de faire des points sur les actions qu'ils peuvent ou vont mener au quotidien pour défendre les intérêts de tous.

Outre les moyens susmentionnés, si l'entreprise atteint un certain effectif, l'employeur peut être tenu de mettre à la disposition des délégués syndicaux un local syndical leur permet notamment d'organiser et tenir des réunions. Délégué syndical, vous disposez de bon nombre de moyens afin d'exercer de façon optimale votre mission de représentation du personnel de votre entreprise. Vous ne devez pas hésiter à utiliser toute la palette d'outils qui s'offre à vous. Elle vous permet de représenter votre syndicat dans l'entreprise mais également de défendre les intérêts collectifs et préparer les réunions et négociations. Cela n'est donc pas négligeable! (1) Cass. Crim. 5 mars 2013, n 11-83984 (2) Circ. DRT n 13 du 25 octobre 1983 (3) Article L2143-13 du Code du travail (4) Article L2143-14 du Code du travail (5) Articles L2143-18 et L2232-18 du Code du travail (6) Article L2143-17 du Code du travail (7) Article L2143-20 du Code du travail (8) Article L2142-3 du Code du travail (9) Article L2142-4 du Code du travail Carole Anzil Licenciement pour faute suite aux propos diffusés sur Facebook contre son employeur Des propos diffamatoires publiés sur Facebook par un salarié sur son employeur justifient-ils un licenciement pour faute? Si les candidats à un poste de travail peuvent faire l'objet d'une enquête par leur recruteur grâce à internet, les salariés peuvent être surveillés leur employeur sur les réseaux sociaux, surtout lorsque leur profil est ouvert au public. Ainsi, depuis 2006, les réseaux sociaux servent de moyens de droit pour justifier le licenciement pour faute de salariés. La question des sanctions d'employés ou de fonctionnaires suites à la diffusion de propos contre leur employeur ou collègues sur Facebook n'est donc pas nouvelle. Selon la jurisprudence sur les "licenciements Facebook", les messages postés sur un profil avec un accès ouvert dépassent la sphère privée et peuvent, le cas échéant, être invoqués par l employeur dans le cadre d une procédure de licenciement (CA Rouen, 15 novembre 2011, N 011-01827 ; CA Lyon, 22 novembre 2012, N 11-05140 ; CA Orléans, 28 février 2013, N 12-01717).

La Cour de cassation a jugé, le 10 avril 2013, que lorsque les propos postés sur le profil Facebook d'un salarié ne sont «accessibles qu aux seules personnes agréées par l intéressée, en nombre très restreint», ces contenus sont privés (Cass. Civ. I, 10 avril 2013, n 11-19530). En l'espèce, un salarié a tenu sur Facebook des propos négatifs à l'encontre de son employeur. Alors qu'il pensait que ses propos étaient privés, car il n'avait pas paramétré les options de confidentialité de son compte Facebook, ceux-ci étaient en réalité accessibles au public. Or, des collègues de travail ont porté ces propos négatifs à la connaissance de leur employeur qui a aussitôt licencié le salarié qui en était l'auteur pour faute grave. Ce salarié a saisi le Conseil de prud hommes de Lyon afin de contester le caractère réel et sérieux de son licenciement. Le conseil des prud'hommes de Lyon a jugé que les propos litigieux étaient diffamatoires envers l'employeur et constitutifs d'une atteinte à l'image de l'entreprise. Cependant, les juges ont estimé que le licenciement était fondé non sur une faute grave mais justifié par une cause réelle et sérieuse. Le 24 mars 2014, la cour d'appel de Lyon a considéré qu'il n'existait pas de faute grave compte tenu que l'employeur ne rapportait pas la preuve que les propos diffamatoires étaient diffusés publiquement sur Facebook. En effet, le caractère public du profil Facebook ou de la page internet litigieuse doit toujours être prouvé en cas de procédure judiciaire. Les impressions d'écran de page internet ne valent pas preuve en justice. Seul un constat d'huissier de justice établi en bonne et due forme permet de rapporter valablement la preuve de la diffusion de contenus illicites sur internet en cas de procédure judiciaire. En effet, la valeur probante des constats d huissier sur le réseau internet est subordonnée au respect de pré-requis : - l huissier doit veiller à ce que l environnement du constat soit exempt d éléments de perturbation (virus, logiciel malveillant) ; - l huissier doit préciser le matériel et les logiciels utilisés, l architecture du réseau local (absence de proxy, adresse IP utilisée, description des pare-feu) et des éléments relatifs au fournisseur d accès à internet ; - l huissier doit procéder à des diligences techniques successives (capture du flux réseau, analyse virale, analyse des logiciels espions, suppression de l historique, synchronisation de la date et l heure, paramétrages) ;

- que l huissier doit décrire, répertorier et enregistrer le contenu de ses constatations ; - que l huissier doit procéder, à la fin de son constat, à la capture des informations sur la cible (header du code source, adresse IP, noms de domaine). L'huissier de justice doit donc indiquer scrupuleusement dans son constat sur internet toutes les modalités par lequel il a pu accéder aux contenus litigieux. Toutefois, les huissiers de justice n'étant pas des experts techniques d'internet ni même des informaticiens, il est souvent possible de remettre en cause leurs constats. S'agissant d'un réseau social comme Facebook, l'huissier aurait dû indiquer dans son constat, notamment les identifiants d'accès au contenu litigieux (pseudo, email, mot de passe) et donc le caractère public ou privé de la diffusion des propos. Au cas présent, ni la réalité des propos litigieux, ni le caractère public ou privé du profil sur lequel les propos ont été postés n'ont été invoqués par le salarié. Pire, le salarié a avoué avoir été l'auteur des propos reprochés, de sorte qu'il eût été vain de tenter de faire annuler le constat pour anéantir la preuve des propos reprochés. S'agissant des propos, la cour d appel a estimé que le salarié «qualifie[l entreprise] en des termes peu flatteurs et[qui] excède son droit à la liberté d expression» mais «replacés dans leur contexte, ils relèvent plus de l expression du malaise du salarié que d une volonté de porter atteinte à l entreprise». L employeur n'a pas rapporté la preuve de ce que le public pouvait avoir connaissance du fait que le salarié travaillait bien pour la société, ni que certains de ses clients auraient eu connaissance des propos litigieux. Dans ce contexte, la cour d'appel a validé le jugement du conseil de prud hommes qui avait estimé que le licenciement reposait, non sur une faute grave, mais sur une cause réelle et sérieuse, de sorte que le salarié a pu bénéficier d'indemnités de rupture ainsi que du paiement de ses salaires pendant sa mise à pied conservatoire. Il résulte de cette décision qu'il appartient aux salariés d'activer les critères de confidentialité de leur compte Facebook sauf à risquer que ces propos soient accessibles à d autres collègues ou leur employeur. Anthony Bem Temps de déplacement professionnel entre deux clients représentant plus de 10% du

temps de travail quotidien - Absence de paiement - Travail dissimulé Le temps de déplacement professionnel entre le domicile d'un client et celui d'un autre client, au cours d'une même journée, constitue un temps de travail effectif et non un temps de pause, dès lors que les salariés ne sont pas soustraits, au cours de ces trajets, à l'autorité du chef d'entreprise. L'intention coupable des prévenus se déduit de leur refus persistant de se soumettre à la législation en vigueur malgré deux rappels de l'administration compétente (Cass. crim. 2 septembre 2014, n 13-80665, Sté Domidom services). RPDS 2014, n 835, somm. n 086, comm. M.C. Précision: - La chambre criminelle, dans cette affaire, n'a tranché que l'aspect pénal du litige. Au plan civil, tous les salariés concernés ont droit au paiement des heures de trajet au même taux horaire que les heures de travail «normales». À noter, également, que cette jurisprudence est susceptible de s'appliquer à tous ceux qui effectuent des trajets entre différents lieux de travail au cours d'une même journée. M.C. L unité économique et sociale peut être définie par un simple accord collectif La notion d unité économique et sociale (UES) prend sa source dans la jurisprudence de la Cour de cassation, même si le législateur en use désormais expressément. Il s agit en pratique d un territoire social, au-delà de toute structure juridique et notamment sociétaire, sur lequel le Juge le cas échéant positionne les institutions représentatives du personnel (IRP). Toutefois les partenaires sociaux peuvent anticiper tout litige en la matière, et décider par voie de négociation collective de déterminer à la fois le périmètre d une UES, les modalités de désignations des IRP et leur fonctionnement. Notamment à l occasion des élections professionnelles, ces partenaires sociaux peuvent ainsi définir une UES dans le cadre du protocole préélectoral. Mais tout accord collectif d entreprise peut établir une telle UES, le protocole préélectoral n étant pas exclusivement concerné, même s il s agit de redéfinir l UES pour laquelle de nouvelles élections sont organisées. C est ce que rappelle la Chambre sociale dans l arrêt du 14 novembre 2013, ici éclairé. Bruno Siau

Cour de cassation, Chambre Soc., 14 novembre 2013 (pourvoi n 13-12.712, publié au bulletin) «( ) Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Paris 9e, 11 février 2013), qu'un accord signé le 16 novembre 2012 a modifié le périmètre antérieurement retenu pour la composition de l'unité économique et sociale de plusieurs entités du groupe Generali (l'ues) ; que contestant la validité de cet accord au motif qu'il n'avait pas été signé à l'unanimité des organisations syndicales représentatives, la Fédération des employés et cadre Force ouvrière (FO) a saisi le tribunal d'instance d'une requête en annulation ; Attendu que le syndicat FO fait grief au jugement de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen : 1 / que lors de chaque scrutin, la composition et le périmètre de l'unité économique et sociale doit être déterminée soit par un accord préélectoral unanime soit par une décision de justice préalablement aux élections ; qu'en considérant que le périmètre d'une unité économique et sociale pouvait être modifié par un protocole d'accord préélectoral non unanime, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2322-4 du code du travail par refus d'application et les articles L. 2314-3-1 et L. 2324-4-1 du même code par fausse application ; 2 / qu'en tout état de cause, la modification du périmètre d'une unité économique et sociale, qui affecte nécessairement le nombre et la composition des collèges électoraux, ne peut résulter que d'un protocole d'accord préélectoral signé par toutes les organisations syndicales représentatives existant dans l'entreprise ; qu'en considérant que le périmètre de l'unité économique et sociale avait pu être valablement modifié par un protocole d'accord préélectoral non unanime, le tribunal d'instance a violé les articles L. 2322-4 et L. 2314-10 du code du travail ; Mais attendu que la reconnaissance ou la modification conventionnelle d'une unité économique et sociale ne relève pas du protocole d'accord préélectoral mais de l'accord collectif signé, aux conditions de droit commun, par les syndicats représentatifs au sein des entités faisant partie de cette UES ; Et attendu que le tribunal d'instance a constaté que l'accord de modification du périmètre de l'ues avait été signé à la double majorité des organisations syndicales au sens de l'article L. 2324-4-1 du code du travail, donc a fortiori par les organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés lors du premier tour des dernières élections ; que par ces motifs substitués, après avis donné aux parties, la décision se trouve légalement justifiée ; PAR CES MOTIFS : REJETTE ( )» Forfait-jours - Entretien annuel sur la charge de travail du salarié - Obligation de l'employeur

Tous les ans, l'employeur doit organiser avec chaque salarié en forfait jours un entretien individuel portant sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise et l'articulation entre la vie professionnelle et personnelle. Cette règle s'applique, y compris si la convention de forfait est antérieure à la loi du 20 août 2008. Par ailleurs, une convention de forfait qui indique une fourchette de jours travaillés au lieu d'indiquer un nombre précis de jours est frappée de nullité (Cass. soc. 12 mars 2014, n 12-29141, Sté Semikro). RPDS 2014, n 830, somm. n 055, comm. M.C.