L a notion d encéphalopathie,

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MINI-SYNTHÈSE médecine/sciences 1999 ; 15 : 519-23 Encéphalopathies, troubles cognitifs et spectroscopie de résonance magnétique cérébrale du proton L a notion d encéphalopathie, signifiant étymologiquement «souffrance de ce qui est dans la tête» est déjà relativement ancienne et «recouvre toute affection encéphalique diffuse d étiologie généralement toxique ou métabolique dont la traduction clinique habituelle est une confusion mentale, un coma ou une comitialité» [1] pouvant provenir d un nombre considérable de situations pathologiques (Tableau I). Sur un plan électrophysiologique, l encéphalopathie se caractérise, en général, par la présence d ondes lentes, plus ou moins diffuses et symétriques, traduisant une synchronisation de l activité électrique cérébrale [2]. La désorganisation de l activité électrique cérébrale s accompagne souvent d une altération des fonctions cognitives. Ainsi le concept d encéphalopathie au sens large se situe entre l état optimal de santé cérébrale [3] et la mort tissulaire. On l imagine donc, intuitivement comme un processus plutôt subaigu, et éventuellement variable dans le temps. Cette variabilité clinique temporelle (macroscopique) correspond à la somme d états variables entre santé et mort cellulaire. Il existe donc une place pour une autre notion, fondamentale, de réversibilité de la souffrance cellulaire. La complexité des interactions neurogliales [4] nous amène à concevoir, en outre, une souffrance cérébrale qui ne serait pas exclusivement neuronale, mais en réalité neuronale et gliale, voire peutêtre, plus étonnamment, uniquement gliale. L encéphalopathie (clinique ou infra-clinique), parce que souffrance, n est pas forcément corrélative d une lésion anatomique décelable par les moyens actuels de l imagerie cérébrale conventionnelle (tomodensitométrie, imagerie par résonance Tableau I magnétique IRM...). On rappelle qu une lésion décelable à l IRM est le plus souvent en relation avec l apparition de molécules d eau plus PRINCIPALES ÉTIOLOGIES DES ENCÉPHALOPATHIES Altération sévère de la fourniture des substrats Encéphalopathies anoxiques Encéphalopathies ischémiques Œdème cérébral périlésionnel Troubles de l osmolarité ou hydro-électrolytiques Encéphalopathies carentielles (vitamine B12 ) Encéphalopathies dues à une anomalie enzymatique Erreurs innées du métabolisme par défaut enzymatique (mitochondriopathies, maladies lysosomales, peroxysomales) Encéphalopathies dues à un facteur toxique Endogène encéphalopathie hépatique encéphalopathie urémique erreurs innées du métabolisme surcharges (cuivre, fer ) anomalies endocriniennes acidocétose diabétique Exogène alcool chimiothérapie radiothérapie, rayonnements ionisants métaux (plomb, mercure ) monoxyde de carbone organochlorés et organophosphorés Encéphalopathies en relation avec une infection ou une inflammation Encéphalopathie liée au VIH, CMV, virus de la rougeole, virus herpès Encéphalopathies spongiformes Encéphalopathies du lupus érythémateux aigu disséminé, de la sarcoïdose 519

mobiles et plus libres que dans le tissu normal (œdème, cavitation...). L image est donc formée à partir des tissus qui souffrent le plus ou qui sont déjà morts. Ainsi peut se dégager une notion métabolique de souffrance éventuellement réversible, parfois discrète (c est-à-dire infra-clinique et non décelée à l IRM). Peu de moyens sont en fait disponibles, en clinique quotidienne, pour explorer sous un angle métabolique, ce que peut être une souffrance cérébrale. La spectroscopie de résonance magnétique cérébrale du proton (SRM) possède deux avantages décisifs dans l étude de la souffrance cérébrale : (1) sa relative accessibilité, puisqu elle peut être pratiquée, sans injection spécifique, juste après une procédure d IRM, pour autant que certaines conditions techniques et méthodologiques soient remplies, et (2) sa capacité de détecter des signaux susceptibles de varier lors de processus d atteinte cérébrale. Marqueurs in vivo de souffrance métabolique A B Membranes Macrophages Osmolyte Marqueur glial 4 Cellularite membranaire hypomyélinisation/ démyélinisation Inflammation (macrophages) osmotique Glie activée métaboliquement? Gliose? gliale? Glutamate (neurone) Glutamine (glie) 3,5 3,0 2,5 2 1,5 1,0 0,5 Cellularite Acide lactique 4 3,5 3,0 2,5 2 1,5 1,0 0,5 PPM Excitotoxicité Métabolisme NH3 Neurones neuronale anoxique mitochondriale Inflammation (macrophages) Lipides Démyélinisation La détection par SRM du proton in vivo dans le cerveau humain de signaux appartenant à des molécules du pool des métabolites cellulaires glial et neuronal (et non seulement aux pools des molécules synaptiques), ouvre une fenêtre sur un horizon insoupçonné du fonctionnement métabolique du SNC. Nous renvoyons le lecteur à des analyses plus détaillées des molécules détectées par SRM cérébrale, et aux procédures nécessaires à cette détection [5, 6], qui s effectue à partir d un volume d intérêt de dimension et localisation variées. Nous séparerons les marqueurs de souffrance cérébrale en quatre groupes [7] : Les marqueurs de souffrance neuronale Le principal d entre eux est le, signal majoritaire du spectre normal, qui diminue dans de très nombreux processus pathologiques. La physiologie du NAA est mal connue (précurseur d acides aminés excitateurs, donneur de radicaux N-acétyl au cours du métabolisme des...). Mais sa spécificité neuronale est avérée, en tout cas dans le neurone adulte normal [7]. Le glutamate (du pool cellulaire) et l aspartate peuvent être également détectés mais leurs variations dans les processus de souffrance cérébrale ne sont à ce jour pas clairement établies. Marqueurs de souffrance gliale Le principal d entre eux est le myoinositol, reconnu comme spécifique des cellules gliales, mais dont les fonctions, là encore, ne sont pas clairement identifiées, et en tout cas ne semblent pas devoir se réduire à la production des phospho-inositides [7]. L augmentation du myo-inositol est généralement rencontrée au cours de processus qui impliquent une activation gliale ou une gliose [8]. La diminution de l inositol est Figure 1. Informations neurochimiques apportées par la SRM cérébrale du proton. A. Spectre enregistré dans la substance blanche pariéto-occipitale d un adulte normal, avec indication du rôle des différents métabolites [7]. B. Spectre anormal d un patient souffrant d une encéphalopathie et enregistré dans la même zone. La signification la plus couramment admise des différentes variations des métabolites du spectre est présentée. 520

parfois reliée à des phénomènes d hyperosmolarité (encéphalopathie hépatique [9]). Cependant, nous avons pu observer une baisse du signal de l inositol dans des situations cliniques n impliquant pas a priori des anomalies de la régulation osmotique. De telles modifications soulèvent le problème de ce que peut être une souffrance gliale. La glutamine peut être également détectée : elle est augmentée dans les anomalies du métabolisme de l ammonium [9]. Marqueurs de souffrance membranaire Le spectre de SRM contient un signal provenant de la choline (Cho) impliquée dans le métabolisme et la structure des phospho membranaires (phosphatidylcholine et sphingomyéline) et de leurs précurseurs. Ce signal est souvent augmenté dans les processus démyélinisants ou dysmyélinisants. Lors des destructurations membranaires aiguës, le signal des chaînes grasses des membranaires, devenu plus mobile, est détectable sur le spectre. Marqueurs de souffrance anoxique Lors de l interruption de la fourniture du substrat oxygéné (ischémie, anoxie...), ou lors d anomalies de la phosphorylation oxydative conduisant à une mauvaise utilisation de ce substrat (affections mitochondriales), les cellules nerveuses fonctionnent en glycolyse anaérobie et produisent du lactate. Cette production d acide lactique ne doit pas être confondue avec celle qui provient de l invasion du parenchyme cérébral par des cellules dont le métabolisme fonctionne en glycolyse aérobie comme les macrophages ou les cellules tumorales. Néanmoins, il est possible de quantifier, dans le cerveau la souffrance anoxique, dans sa phase aiguë. Malgré la grande variété de situations métaboliques décrites, à ce stade de nos connaissances aucune classification des encéphalopathies sur la base des données SRM n est actuellement proposée. Réversibilité de la souffrance métabolique Au début de la SRM cérébrale, et quelle que soit la localisation choisie, toute diminution du NAA était considérée comme un indice de mort neuronale en accord, par exemple, avec le fait que dans de nombreux cas l atrophie cérébrale est corrélée à la diminution du marqueur neuronal [10, 11]. Mais, dans différentes affections, il a pu être montré que cette diminution du NAA était souvent réversible. Une telle réversibilité a pu être observée aussi bien spontanément, dans la sclérose en plaques [12] ou dans le MELAS [13], A B Glutamate Glutamine qu après traitement, dans l encéphalopathie liée au VIH [14] ou la maladie de Parkinson [15]. Ainsi, la variété des situations dans lesquelles cette réversibilité est observée montre que cette notion est généralisable et ne reste pas liée à un contexte clinique ou pharmacologique. La réversibilité de la souffrance cérébrale ne se limite pas au retour à la normale de l aire du signal de NAA. Dans d autres affec- Glutamate Glutamine Macromolécules? 4 3,5 3,0 2,5 2,0 1,5 1,0 0,5 PPM Figure 2. Réversibilité des altérations métaboliques gliales et neuronales dans une encéphalopathie de cause indéterminée chez un patient en rapport avec une maladie inflammatoire. Les spectres on été enregistrés dans la substance blanche pariéto-occipitale avant (A) et après (B) 4 mois de traitement par les corticoïdes. On note initialement (A) une baisse du NAA ( 40 %), une augmentation (+ 200 %) du signal de l inositol, par rapport aux valeurs normales. Le spectre est «surélevé» par un signal large provenant de macromolécules. Le traitement conduit à la normalisation du spectre. 521

tions, comme l encéphalopathie hépatique, les variations de l inositol et de la glutamine sont réversibles après anastomose porto-cave [9]. La figure 2 montre un cas de réversibilité simultanée des altérations métaboliques gliales et neuronales. La réversibilité de la souffrance métabolique cérébrale souligne le fait qu il existe un nombre important d états métaboliques anormaux qui ne conduisent pas à des lésions cérébrales constituées décelables par IRM (même si certaines lésions IRM sont réversibles). Cet aspect, du point de vue de l étude des encéphalopathies, est important parce qu il souligne que, dans de nombreux cas, il est possible d enregistrer (et de quantifier) cette souffrance cérébrale avec d autres moyens que les méthodes électrophysiologiques. SRM, encéphalopathie et processus cognitifs Si l IRM fonctionnelle met en évidence des zones corticales activées lors des processus cognitifs, ou moteurs, chez le sujet normal ou dans certaines conditions pathologiques, la place de la SRM dans l étude des troubles de la cognition Viabilité neuronale Viabilité gliale (inositol) Traumatisme Ischémie massive Anoxie Mort neuronale et gliale Abcès Neuronal (glial) health est différente. Dans la mesure où les encéphalopathies sont très souvent accompagnées d altérations des processus cognitifs, et au pire d anomalies de la conscience, se pose la question de la relation quantifiée entre la souffrance cérébrale et l anomalie cognitive. Trois exemples illustreront ces relations. Dans les encéphalopathies par erreurs innées du métabolisme chez l enfant, il est extrêmement difficile de corréler la souffrance métabolique cérébrale au degré de détérioration des fonctions cognitives (caractérisée, soit par un défaut des acquisisions sensorielles, motrices, relationnelles et verbales, soit par une perte de ces acquisitions). Cela tient probablement au fait que la maladie agit à la fois sur les fonctions cognitives acquises et sur le développement et la plasticité de fonctions cognitives en devenir. Notre expérience, notamment dans les différentes encéphalopathies métaboliques (peroxysomales, lysosomales), montre la difficulté de relier l évolution des scores des tests neuropsychologiques à l état métabolique cérébral. C est dans les encéphalopathies hépatiques, sans expression clinique Réversibilité cérébrale Encéphalopathie Manque de substrats Anomalies enzymatiques Toxiques endogènes Toxiques exogènes Infections Inflammations Œdème patente, que la concordance entre état métabolique et anomalies cognitives a été mise en évidence initialement et que l on trouve une sensibilité diagnostique équivalente entre les tests neuropsychologiques comme le mini mental status examination de Folstein ou des tests d attention soutenue (comme le trail making test A) et l état métabolique cérébral [9]. Plus évocatrice encore est la corrélation entre des tests d attention soutenue et un indice métabolique cérébral dans les encéphalopathies liées au VIH [16] dont on sait qu elles sont accompagnées de troubles cognitivo-moteurs. Nous avons constaté chez certains patients des variations conjointes des paramètres métaboliques et neuropsychologiques lorsque les sujets voient leurs signes cérébraux s améliorer sous l effet de médicaments antirétroviraux [10]. Enfin, dans les démences de type Alzheimer, qui ne peuvent être considérées en première approximation comme des encéphalopathies mais pour lesquelles on a mis en évidence un dysfonctionnement astrocytaire avec activation gliale intense (qui se traduirait par l augmentation de l inositol) [17], nous avons constaté une relation entre la concentration d inositol cérébral et l intensité de la détérioration mentale [18]. Y a-t-il une place pour la spectroscopie fonctionnelle dans l étude des processus cognitifs? Quelques équipes ont proposé la spectroscopie fonctionnelle (SRMf) sur la base de l observation du changement de métabolites dans une zone, après stimulation visuelle ou auditive [19, 20]. La spectroscopie fonctionnelle cependant ne bénéficie encore ni de la résolution spatiale de l IRM fonctionnelle, ni de la richesse informative de la spectroscopie classique puisqu elle ne peut en définitive analyser les changements de concentrations de métabolites que si ceux-ci ont une synthèse et un renouvellement rapides, ce qui limite au lactate et au glucose l observation de paramètres métaboliques en phase d activation. Ces Figure 3. Schéma synthétique illustrant le passage d un état métabolique normal à l encéphalopathie, et/ou à la mort neuronale ou gliale sous l effet de facteurs pathogènes variés. Des spectres modélisés sont présentés lors de la souffrance cérébrale (augmentation de l inositol, de la choline, baisse du NAA, présence de lactate) ou de la mort tissulaire (baisse de tous les métabolites à l exception du lactate). 522

limites expliquent la disproportion considérable entre le nombre des publications s appuyant sur la SRMf et le nombre de celles qui s appuient sur l IRMf. L étude combinée par SRMf et SRM de l encéphalopathie n a été tentée qu une fois, à notre connaissance, et a montré l absence d augmentation de lactate lors de la stimulation visuelle chez des patients atteints d encéphalopathie [21]. Conclusions Il apparaît donc que la notion d encéphalopathie peut être entièrement renouvelée à partir des informations fournies par la SRM cérébrale. La constante de temps des altérations cognitives que la SRM cérébrale peut analyser dans le cadre d encéphalopathies est longue (de plusieurs heures à plusieurs semaines), alors que la constante de temps des processus cognitifs qu analyse l IRMf est courte (de l ordre de 100 ms). L information fournie par la SRM concerne un état métabolique subaigu qui soustend les processus rapides ; ceux-ci sont mis en évidence par l IRMf qui apporte une information anatomique et localisatrice. Ainsi, loin de se concurrencer, les deux approches trouvent-elles dans le domaine de l analyse des processus cognitifs dans les encéphalopathies une cohérence imprévue qu il reste à confronter à l approche électrophysiologique et neuropsychologique Remerciements Ce travail est financé par le Cnrs (UMR 6612), l AP-HM (Assistance publique hôpitaux de Marseille), le Programme hospitalier de recherche clinique (ministère de la Santé), l Agence nationale de recherche contre le SIDA (ANRS) et Sidaction (Ensemble contre le SIDA). Nous remercions les différents collaborateurs cliniciens qui nous ont permis de progresser dans la connaissance des encéphaloptahies. Le patient de la figure 2 nous a été adressé par le Dr F. Nicoli. Nous remercions également S. Confort-Gouny pour son aide technologique. RÉFÉRENCES 1. Kernbaum S. Dictionnaire de Médecine. Paris : Flammarion, 1994. 2. Delay J, Verdeaux G, Gaches J. Electroencéphalographie clinique. Paris : Masson, 1978 : 268. 3. Isacson O. On neuronal health. Trends Neurosci 1993 ; 16 : 306-8. 4. Pellerin LO, Magistretti PJ. Glutamate uptake into astrocytes stimulates aerobic glycolysis : a mechanism coupling neuronal activity to glucose utilization. Proc Natl Acad Sci USA 1994 ; 91 : 10625-9. 5. Ross B, Kreis R, Ernst T. Clinical tools for the 90s : magnetic resonance spectroscopy and metabolite imaging. Eur J Radiol 1992 ; 14 : 128-40. 6. Vion-Dury J, Meyerhoff DJ, Cozzone PJ, Weiner MW. What might be the impact in neurology of in vivo analysis of the brain metabolism by magnetic resonance spectroscopy? J Neurol 1994 ; 241 : 354-71. 7. Salvan AM. Apport de la SRM localisée du proton in vivo dans la compréhension et le diagnostic de la souffrance métabolique cérébrale chez l homme. 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Cozzone Docteur ès sciences, professeur des universités, praticien hospitalier, directeur du CRMBM. Centre de résonance magnétique biologique et médicale (CRMBM), UMR-Cnrs 6612, Faculté de médecine, 27, boulevard Jean-Moulin, 13005 Marseille, France. TIRÉS À PART J. Vion-Dury. 523