Séminaire CDC TDTE n 2 Saison L impact du financement de la protection sociale sur la croissance. Jeudi 19 décembre 2013

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TD de Macroéconomie Université d Aix-Marseille 2 Licence 2 EM Enseignant: Benjamin KEDDAD

Transcription:

Séminaire CDC TDTE n 2 Saison 2013-2014 L impact du financement de la protection sociale sur la croissance Jeudi 19 décembre 2013 Intervenants : - Lionel Ragot (l'université de Paris Ouest Nanterre - La Défense et chercheur associé à la CTDTE) - Jérôme Glachant (Professeur d économie à l Université d Evry et chercheur associé à la CTDTE) - Xavier Chojnicki (Maître de conférences en économie à l'université de Lille 2 et chercheur associé à la CTDTE) Discutant : - Jean-Marie Le Guen, Député de Paris Le transfert des allocations familiales vers la fiscalisation, décidé par le gouvernement, est l objet de cette présentation qui, à long terme, choisit la TVA comme un levier de la croissance à l horizon 2050 et, par voie de conséquence, du bien-être de la population. C est donc l occasion ici de porter un regard neuf sur la TVA sociale, jugée par beaucoup comme un impôt allant dans le sens de plus fortes inégalités sociales. Jean-Marie Le Guen Dès avant les élections présidentielles, je m étais prononcé en faveur d une augmentation de la TVA. Ce prélèvement est un moyen de financer la protection sociale, mais aussi d opérer un glissement vers la fiscalité d un certain nombre de cotisations. Le but : abaisser le coût du travail, ce qui est déjà à l œuvre avec la mise en place du CICE (crédit d impôt compétitivité emploi). Deuxième point : l augmentation de la TVA répond en partie aux besoins de financement du CICE. Enfin, le contexte que ce soit en termes de finances publiques ou de fiscalité interdit de mettre en œuvre des schémas relevant de l idéal. Les contraintes politiques puissantes que sont, d un côté, les déficits publics et, de l autre, un taux de prélèvements obligatoires élevé, laissent très étroites les marges de manœuvre. On ne peut faire abstraction de ce contexte pour appréhender l étude présentée. En second lieu, et ce n est pas l approche immédiate de l étude, parler de protection sociale, c est évoquer la protection sociale complémentaire, fortement touchée par la modification durable du risque santé et par une forme de «démutualisation» du risque, 1

question dont la polémique autour de l ANI (Accord national interprofessionnel) a montré le caractère prioritaire. Qui dit protection sociale complémentaire, dit protection sociale tout court : il est là question du reste à charge pour les ménages et du mode de prélèvement de cette protection supplémentaire. Troisième point : quelle est la nature des prestations de cette protection sociale? Le choix a été fait, l année dernière, de maintenir l universalité de la prestation famille, ce qui a pour conséquence d accroître les besoins de financements de cette protection. La question n est pas neutre car, à considérer la mise sous condition de ressources des allocations familiales, c est un milliard d euros supplémentaire à financer. Au vu des inconnues et des contraintes citées, il est difficile de tendre vers une forme de prélèvement sur le travail, sur le capital, sur la consommation. Elle est très différente d un pays à l autre au sein de l Europe, si bien qu il faut faire le plaidoyer pour une convergence plus claire. Les marges de manœuvres, y compris sur la TVA, ne sont pas infinies, mais si l on peut s interroger sur l Eurozone, on ne peut concevoir des systèmes de fiscalité très divergents. Travailler sur la problématique de TVA sociale, car l étude montre que la CSG n est pas sans avantage, c est revisiter la manière dont elle est distribuée aujourd hui. La polémique qui l entoure, sur son caractère trop inégalitaire, peut être éteinte. Une fois exemptée de la santé, de l éducation, des biens de première nécessité, la consommation - vs le pouvoir d achat et sa nature - est-elle vraiment amputée? Le caractère inégalitaire est par trop privilégié. Il est inutile de stigmatiser la société en portant sur elle un regard par trop critique sur sa consommation. Personne ne peut lui dicter ce qu elle doit faire. Cependant on peut s interroger sur ce pouvoir d achat dont on parle si souvent, ce droit à consommer, ce qui revient à discuter du choix de société. Tout comme il faut, avec prudence comme il se doit quand on parle de fiscalité, d évoquer une taxe écologique qui viendrait se superposer ou interagir avec la problématique de la TVA ellemême. La thèse que vous défendez est à favoriser l épargne pour l investissement, une économie de l offre. Cependant, certaines règles de soupape conjoncturelles montrent qu on ne peut pas assécher la demande sans influer sur le niveau de croissance. La situation exige des éclairages théoriques, mais aussi des réglages pragmatiques. Au vu de la diversité des problèmes à affronter, et même après la mise à plat de notre système de fiscalité, personne ne croit plus au grand soir fiscal. L heure est à des évolutions à la marge. La fiscalité a des conséquences macroéconomiques, mais aussi structurelles selon la problématique classique qui oppose Beveridge à Bismarck. Le fait de pencher vers un scénario beveridgien n est pas sans incidence, comme on le voit dans la réticence des syndicats. Enfin, il faut avoir une vision panoptique de la protection sociale. Comme son avenir est plus beveridgien, elle est à sectoriser. La politique de la santé est une politique autonome, comme celle de la famille. Les retraites relèvent du salaire différé, ce qui le restera encore. L accord sur le chômage montre, lui aussi, un glissement beveridgien, hors corporation, car le but n est plus simplement de former les salariés en entreprise, mais d ouvrir des droits aux chômeurs. Pour l assurance maladie, une forme de régulation par la mise en place d une cotisation sociale maladie qui serait une transformation de la CSG me semble une gestion plus démocratique et plus efficace entre les dépenses obligatoires et les dépenses privées. 2

L étude présentée valide un certain nombre d hypothèses, mais il n existe pas d automaticité dans le passage entre elles et la réalité politique. L approche scientifique permet néanmoins de remettre en cause des préjugés idéologiques et pourrait faire que le strict discours comptable disparaisse pour envisager des réformes nécessaires, celle de l hôpital par exemple. Jérôme Glachant La nouveauté de notre modèle repose sur le fait qu il est aujourd hui en économie ouverte, ce qui nous permet d aborder avec plus de sérénité les problématiques liées à la compétitivité. La modélisation à long terme de l économie permet de tester des variantes et leurs mécanismes, soit, entre autres, la manière dont le vieillissement remet en cause la soutenabilité du modèle de protection sociale. Ce débat se pose à l échelle mondiale, sur la nécessité consensuelle de réformer. L étude se limite au financement, donc à l impact des recettes sur la croissance potentielle de l économie, estimée à l horizon 2050. La problématique se pose essentiellement en termes d offre car, à long terme, c est elle qui domine les dynamiques macroéconomiques et, parmi celles-ci, la compétitivité dans une économie globalisée, la création d emplois et la reprise de la croissance, donc du bien-être des populations. Cette question du financement n est pas nouvelle. Depuis 20 ans, il y a une sorte de convergence dans l espace européen vers une fiscalité progressive des dépenses sociales. En revanche, la France se distingue par un financement massif via les cotisations sociales, versées par les employeurs plus que par les employés. C est donc le revenu du travail qui est imputé. Or, les charges sur le travail sont-elles, ou non, trop élevées en France, trop de charges tuant la compétitivité? La France ayant une balance commerciale négative, il est légitime de poser la question de l impact éventuel sur la compétitivité de notre système social. En taxant moins la travail, en réduisant donc les coûts de production, pour préférer des assiettes plus larges, soit la consommation par la TVA, soit le revenu par la CSG, et une taxation plus importante des importations, l économie française peut-elle gagner en compétitivité? La dévaluation fiscale est-elle une solution pour corriger une balance commerciale très négative? À regarder les parts de marché de la France, pour mieux mesurer sa compétitivité, on constate une dégradation progressive au regard, en particulier de l Allemagne. La comparaison entre ces deux pays illustre comment le coût du travail joue sur compétitivité. À niveau de salaire identique, le travail est plus taxé en prélèvements sociaux et fiscaux en France qu en Allemagne. Les charges ne sont pas les seules coupables, l évolution des salaires jouant aussi son rôle. Or, le «coin fiscalo-social» n est pas si défavorable à la France (d autres problèmes touchent l économie française), mais le baisser peut être une solution pour favoriser la croissance. Donc réfléchir aux ajustements favorables à la compétitivité et, au-delà, à la croissance, c est se prononcer pour un basculement des cotisations sociales vers une fiscalité à assiette large. Notre outil est le modèle MELETE en économie ouverte, où la compétitivité est 3

mesurée en termes de prix. Or, il faut garder en mémoire que les entreprises françaises n investissent pas assez en montée en gamme, ce qui n est pas lié à la compétitivité prix. Xavier Chojnicki Le modèle MELETE, d équilibre général et non comptable, permet de mieux appréhender la réaction des agents à des chocs, en particulier fiscaux. Ce modèle à générations imbriquées tient compte de la déformation de la structure par âge et, simulé entre 1900 et 2050, il est intertemporel. Les résultats obtenus entre 2010 et 2050 montrent comment les agents économiques réagissent en matière d arbitrage entre épargne et consommation lors du cycle de vie. Enfin, ce modèle est calculable, permettant de quantifier les effets des différentes réformes. Le principe est de caler deux scénarios de référence sur l évolution de la France à moyen terme. Ces deux histoires de l économie française représentent le scénario B du Cor, optimiste, avec un taux de croissance de la productivité du travail de 1,5% par an en 2050 et C, pessimiste, avec une progression de 1% l an. Dans la version optimiste, le chômage s élève à 4% en 2030, dans la version pessimiste à 7% à la même date. En termes de croissance, si l écart entre les deux scénarios n est que de 0,5 point en rythme de croissance annuelle, il se creuse de façon considérable sur le moyen terme. Dans le scénario optimiste, la dépense sociale progresse de manière modérée, avec un financement de 1,8 point de PIB chaque année. Dans le scénario pessimiste, toujours à l horizon 2050, il s élève à 4 points de PIB. Dans notre hypothèse, l évolution de la dette publique dépend exclusivement des besoins de financement de la protection sociale. A l horizon 2050, la dette publique représente 126% du Pib dans le scénario B et 167% dans le scénario C. Les besoins de financement pour la retraite et la santé s élèvent à 3,4 point de PIB dans le premier, à 5,3 point de PIB dans le second. Le modèle intègre aussi les réformes déjà votées si bien que le taux de remplacement diminue de 30% entre aujourd hui et 2050. Les efforts à fournir pour combler les besoins de financement retraite et santé (entre 3,4 et 5,3 de PIB) passent par trois variantes, soit par une augmentation proportionnelle des taux de cotisations sociales patronale, soit par celle des taux de CSG, soit par l instauration d une TVA sociale. L ajustement par les cotisations sociales signifie une augmentation de 10 points, par le taux de GSG de 4,4 points, par le taux de TVA de 5,5 points. Dans le cadre du scénario pessimiste, les chiffres sont plus élevés. Enfin, dans le scénario B, la dette augmente à 126% du PIB, à 170% dans le scénario C. La mise en place de ces variantes d équilibre a pour effet progressif une décroissance de la dette, de 50% du PIB en 2050. Les trois variantes provoquent aussi une diminution de la demande de capital de l Etat, avec sa traduction à la baisse sur les taux d intérêts. Cette baisse du coût du capital est favorable à l investissement, ce qui est significatif à l horizon 2050, entre 5,5 % et 12% en fonction de l instrument. Les instruments diffèrent. La TVA se répercute de manière négative sur la consommation des ménages, qui va se traduire par une diminution du revenu disponible 4

engendrant une diminution de leur épargne. Le modèle permet de comparer la force des différents effets. La diminution de l épargne des ménages est moindre en comparaison à la demande de capital du secteur public, donc l effet est plutôt positif sur la croissance à moyen terme, quelque soit l instrument choisi. Mais équilibrer par les cotisations ou la CSG impacte l offre de l économie, un effet moins positif qu avec la variante TVA. Si l on classe donc ces différentes formes de politiques au regard du critère d efficacité, il semble que la variante via la TVA soit la mieux positionnée, engendrant à moyen terme un taux de croissance bien supérieur par rapport aux variantes cotisations et CSG. Lionel Ragot La proposition concrète consiste à fiscaliser la branche famille, de faire basculer les 30 milliards de la branche famille des cotisations employeurs (1,6% du PIB) vers la CSG ou la TVA, soit un changement d assiette, neutre ex ante sur le taux de prélèvement obligatoire. Le choc est double, un choc d offre positif avec la baisse du coût du travail, choc d ordre négatif pour la demande avec l augmentation des prélèvements. La CSG, qui touche au revenu des ménages, dont les revenus financiers, représente un choc négatif sur la demande, mais peutêtre aussi, avec son impact sur l épargne et le financement des entreprises, un choc d offre négatif. La TVA ne se traduit pas par une baisse de l investissement. Au début, elle joue contre la consommation, mais à partir de 2035, la croissance étant au rendez-vous, la consommation suit. La CSG, en revanche, est plutôt favorable à consommation car la hausse du salaire net l emporte sur l augmentation de la fiscalité. Ainsi, à court terme, la CSG l emporte, mais à long terme, c est la TVA. Ces résultats se répercutent sur la protection sociale. A l horizon 2050 dans le scénario optimiste, les deux variantes réduisent les besoins de financement d un tiers. Sur la compétitivité, en revanche, les résultats peuvent paraître contre intuitifs. La balance commerciale, reste déficitaire. Avec la variante TVA, elle se dégrade, donc elle n est pas source de dévaluation fiscale, d où la possibilité de retrouver une compétitivité sur les prix. Les exportations augmentent, mais moins que les importations en investissements (et non en consommation des ménages). Dans le cas de la CSG, le mouvement est inverse, les importations diminuant plus que les exportations. Qui sont les gagnants et les perdants de ces politiques, en termes de bien-être, selon leur âge et leur niveau de qualification, le bien-être étant ici le synonyme de consommation. Entre le statut quo et la mise en place de la CSG, l opposition est générationnelle avec, d un côté, les retraités et ceux qui s en approchent qui sont contre, de l autre, la quasi-totalité de la population active. Entre le statut quo et la TVA, le clivage est générationnel, mais aussi en termes de qualification, d où une opposition plus importante. Dans le cadre de la CSG, la génération pivot, et encore perdante, est celle qui avait 20 ans en 1980. Au-delà, toutes sont gagnantes. Dans le cadre de la TVA, il faut attendre les 5

gains en termes de croissance et leurs répercussions sur la consommation, soit 20 ans, ce qui est plus long. Le clivage se fait aussi en termes de la qualification. Pour les non qualifiés, il faut attendre des bienfaits en 2025, une génération qui n est pas encore majeure ; pour les moyennement qualifiés, les gagnants sont les actifs de moins de 35 ans en 2015 ; pour les plus qualifiés, ce sont les actifs de moins de 50 ans. En conclusion, le changement d assiette représente une augmentation de 0,75% de PIB, soit 15 milliards d euros, ce qui n est pas rien. En termes de compétitivité, la TVA marque des points sur le long terme, mais ses effets sont lourds pour les retraités et les non qualifiés. Débat La première question porte sur la manière de modéliser une économie ouverte. Il semble, en effet, qu il n y ait pas de mouvements de capitaux. Or, une des grandes questions du financement de la protection sociale dans une économie mondialisée, repose sur la réaction des partenaires, ce qui a des conséquences sur la compétitivité, la structure productive, l emploi. Si les autres pays font la même chose, comme l Allemagne, la mécanique ne peut fonctionner aussi bien. Soit la compétitivité est un élément important et il faut prendre en compte dans le modèle l exemple allemand ou espagnol sur la baisse du coût du travail, soit le fait est que l on reste en économie fermée. La seconde intervention souligne que l imposition des revenus du capital va à l encontre du chemin de croissance si bien que le modèle joue la TVA contre la CSG, la première ne taxant pas les revenus du patrimoine, alors que la seconde, par construction, les impose. D où la question : est-on, avec ce modèle, dans un monde néoclassique à générations imbriquées ou dans un univers où il peut exister de la sur-épargne? N est-ce pas là une étude sur l imposition du capital et du travail? Le troisième intervenant s interroge sur le fait que les résultats obtenus ne sont pas standards par rapport aux travaux de facture plus traditionnelle. Le modèle présente, en effet, un impact assez positif de la TVA et plutôt négatif de la CSG. Or, les modélisations antérieures montrent qu il n y a peu d effets positifs ou négatifs. La raison de cette différence réside dans le fait de taxer le capital. D autre part, dans le cadre de ces réformes, les salaires réagissent : sur la base du pouvoir d achat pour la TVA, de la hausse des prélèvements dans le cas de la CSG. Les plus qualifiés reprennent à l entreprise une partie de la baisse des cotisations donnée. Dans le cadre de la TVA, cette reprise se fait de manière immédiate, par les mécanismes d indexation du SMIC ou des prestations sociales. 6