Véritable atteinte auto-immune spécifique

Documents pareils
OPHTALMOPATHIE BASEDOWIENNE. Gaumond (Paris) Dr E. Requeda (Corbeil)

Céphalées vues aux Urgences. Dominique VALADE Centre d Urgence des Céphalées Hôpital Lariboisière PARIS

EPIDEMIOLOGIE: Paralysie du VI Etiologie en fonction de l âge : Paralysie du VI

Les tests thyroïdiens

Cordarone et Thyroïde par François Boustani

Sinitres Responsabilité Civile Professionnelle déclarés. Rapport protection juridique

Thérapeutique anti-vhc et travail maritime. O. Farret HIA Bégin

Migraine et céphalées de tension: diagnostic différentiel et enjeux thérapeutiques

Pseudotumor cerebri. Anatomie Le cerveau et la moelle épinière baignent dans un liquide clair, appelé le liquide céphalo-rachidien (LCR).

Apport de la TDM dans les cellulites cervico-faciales

Diabète de type 1 de l enfant et de l adolescent

Diabète Maladies thyroïdiennes. Beat Schmid Endocrinologie Hôpital cantonal de Schaffhouse

Item 81 (item 212) : Oeil rouge et/ou douloureux Collège des Ophtalmologistes Universitaires de France (COUF)

IRM du Cancer du Rectum

Recommandations régionales Prise en charge des carcinomes cutanés

Maladie de Hodgkin ou lymphome de Hodgkin

Échographie normale et pathologique du grand pectoral

Conseil International d Ophtalmologie Livret d ophtalmologie pour étudiants en Médecine


La Dysplasie Ventriculaire Droite Arythmogène

Céphalées de tension. Hélène Massiou Hôpital Lariboisière, Paris

B06 - CAT devant une ischémie aiguë des membres inférieurs

Accidents des anticoagulants

Le reflux gastro-oesophagien (280) Professeur Jacques FOURNET Avril 2003

Votre guide des définitions des maladies graves de l Assurance maladies graves express

Définitions. PrioritéVie Enfant MC. Assurance contre le risque de maladie grave

Neurofibromatose 1 Maladie de Von Recklinghausen

Activité scientifique et recherche :

La chirurgie dans la PC

LEURS SERVICES ET LEUR CADRE DE PRATIQUE LES OPTOMÉTRISTES : LEUR FORMATION, LEURS SERVICES ET LEUR CADRE DE PRATIQUE

Définitions. MALADIES GRAVES Protection de base Protection de luxe. PROTECTION MULTIPLE pour enfant

Troubles thyroïdiens

APONEVROTOMIE ENDOSCOPIQUE du Syndrome Compartimental d Effort à l Avant-bras

Télé-expertise et surveillance médicale à domicile au service de la médecine générale :

Recommandation Pour La Pratique Clinique

Prévenir... les accidents des yeux

Item 182 : Accidents des anticoagulants

Le dépistage du cancer de la prostate. une décision qui VOUS appartient!

INCONTINENCE URINAIRE

Le problème de la première ou nouvelle. céphalée. Il faudra avant tout :

Maladies et Grands Syndromes : Angiomes (223) Professeur Guy Magalon Juin 2005

L opération de la cataracte. Des réponses à vos questions

De la chirurgie du nodule aux ganglions

Migraine et Abus de Médicaments

UNIVERSITE DE PARIS ANNEE UNIVERSITAIRE MEMOIRE EN VUE DE L OBTENTION DU DIPLOME INTERUNIVERSITAIRE DE PEDAGOGIE MEDICALE

Ordonnance du DFI sur les prestations dans l assurance obligatoire des soins en cas de maladie

L ATROPHIE DU SPHINCTER ANAL EXTERNE en ENDOSONOGRAPHIE TRIDIMENSIONNELLE. Vincent de PARADES PARIS

Complément à la circulaire DH/EO 2 n du 30 mai 2000 relative à l'hospitalisation à domicile

Les conséquences sanitaires de l accident de Fukushima Dai-ichi : point de situation en février 2012

LASER DOPPLER. Cependant elle n est pas encore utilisée en routine mais reste du domaine de la recherche et de l évaluation.

Les anomalies des pieds des bébés

Prolapsus génital et incontinence urinaire chez la femme Professeur Pierre BERNARD Septembre 2002

Association lymphome malin-traitement par Interféron-α- sarcoïdose

187 - ANOMALIES DE LA VISION D APPARITION BRUTALE. Ce qu il faut savoir

Module digestif. II. Prévention du reflux gastro-œsophagien :

Médecine Nucléaire : PET-scan et imagerie hybride

INSUFFISANCE CARDIAQUE «AU FIL DES ANNEES»

Carte de soins et d urgence

Cancers de l hypopharynx

Trousse média Soyez vu... nous sommes lus! La revue

La migraine. Foramen ovale perméable. Infarctus cérébral (surtout chez la femme)

Analyse des incidents

23. Interprétation clinique des mesures de l effet traitement

I - CLASSIFICATION DU DIABETE SUCRE

Concours d Internat et de Résidanat

des banques pour la recherche

Guide des définitions des maladies graves

Lymphome non hodgkinien

TRAITEMENT DE L INCONTINENCE URINAIRE. Dr B Pogu Urologue FMC Sud Marne

Fibrillation atriale chez le sujet âgé

Ischémie myocardique silencieuse (IMS) et Diabète.

Qu est-ce qu un sarcome?

DON DE SANG. Label Don de Soi

Notions de base Gestion du patient au bloc opératoire

G U I D E - A F F E C T I O N D E L O N G U E D U R É E. La prise en charge de votre mélanome cutané

Les Applications industrielles et commerciales des cellules souches. Inserm Transfert Pôle Création d Entreprises

Réflexions sur les possibilités de réponse aux demandes des chirurgiens orthopédistes avant arthroplastie

Le diagnostic de la sclérose en plaques

Céphalées. 1- Mise au point sur la migraine 2- Quand s inquiéter face à une céphalée. APP du DENAISIS

1- Parmi les affirmations suivantes, quelles sont les réponses vraies :

Sujets présentés par le Professeur Olivier CUSSENOT

NEUROPATHIES PERIPHERIQUES MIGRAINE ET ALGIES NEUROPATHIES PERIPHERIQUES

Définitions. PrioritéVie MC. Votre assurance contre le risque de maladie grave

Guide de pratique clinique du personnel infirmier en soins primaires Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits

PROPRIÉTÉS D'UN LASER

REFERENTIEL D AUTO-EVALUATION DES PRATIQUES EN ODONTOLOGIE

Que représentent les Spondyloarthrites Axiales Non Radiographiques? Pascal Claudepierre CHU Mondor - Créteil

Ordonnance collective

TUMEURS DU BAS APPAREIL URINAIRE

Le syndrome de Cushing

LES ACCIDENTS DUS A L ELECTRICITE. Comité pédagogique SAP SDIS 43

Les fistules obstétricales sont des communications anormales entre les voies urinaires ou digestives et l'appareil génital. ou d une manœuvre abortive

Cancer du sein in situ

Traitement des plaies par pression négative (TPN) : des utilisations spécifiques et limitées

LES CEPHALEES I- INTRODUCTION

Complications oculaires associées à l anesthésie générale

Assurance maladie grave

Marchés des groupes à affinités

Prise en charge des dysplasies et carcinomes in situ de la surface oculaire au CHT de Nouvelle-Calédonie

CADRE REGLEMENTAIRE. - en un lieu distant de plus de 150kms. - pour se soumettre au contrôle médicalm

Transcription:

ophtalmopathie dysthyroïdienne 246 - OPHTALMOPATHIE DYSTHYROÏDIENNE-2010 Ce qu il faut savoir 1. Savoir évoquer une exophtalmie basedowienne sur ses caractéristiques cliniques, 2. Connaître les complications oculaires de la maladie de Basedow, 3. Connaître les principes du traitement, 4. Connaître les autres causes d exophtalmie. I - GÉNÉRALITÉS - ÉPIDÉMIOLOGIE Véritable atteinte auto-immune spécifique d organe, l ophtalmopathie dysthyroïdienne correspond aux atteintes ophtalmologiques rencontrées dans diverses maladies thyroïdiennes. L ophtalmopathie se voit principalement dans la maladie de Basedow (85 à 90% des cas) mais peut parfois être liée à d autres atteintes thyroïdiennes: thyroïdite lymphocytaire de type Hashimoto, ou anomalies auto-immunes biologiques sans maladie thyroïdienne apparente. L ophtalmopathie peut - soit survenir en même temps que l hyperthyroïdie ou au décours de celle-ci - soit, parfois, précéder la survenue de l hyperthyroïdie de quelques mois ou années. II CLASSIFICATION Diverses classifications ont été utilisées pour rendre compte de la diversité symptomatologique de l ophtalmopathie dysthyroïdienne. En effet tous les tissus oculaires ou presque peuvent être touchés. La classification la plus utilisée est la classification NOSPECS qui tient compte des différentes atteintes oculaires et orbitaires : chaque lettre correspond à un type d atteinte, côté 0 ou de a à c suivant l importance. IV SIGNES CLINIQUES En suivant la classification NOSPECS on peut rencontrer les différents signes cliniques suivants : A. Signes palpébraux rétraction palpébrale supérieure, asynergie oculo-palpébrale lors du regard vers le bas : la paupière supérieure suit mal et avec retard le mouvement du globe vers le bas. B. Atteinte des tissus mous œdème et rougeur des paupières et de la conjonctive. C. Exophtalmie C est un signe classique retrouvé dans bon nombre d ophtalmopathies dysthyroïdiennes. Cette exophtalmie est dans l immense majorité des cas bilatérale, mais souvent asymétrique et elle peut même être unilatérale. - 147 -

Classiquement elle est axile, non pulsatile et réductible. Elle sera mesurée au mieux par l exophtalmométrie à l appareil de Hertel qui donne des chiffres supérieurs à 20mm en cas d exophtalmie. Elle pourra être confirmée par la tomo-densitométrie. D. Troubles oculo-moteurs Véritable myopathie liée aux phénomènes oedèmateux musculaires puis à la fibrose musculaire, elle se manifeste le plus souvent par la survenue d une diplopie verticale ou oblique, variable. Les muscles les plus atteints sont par ordre de fréquence le muscle droit inférieur puis le muscle droit médial. E. Atteintes cornéennes Ces atteintes cornéennes sont de gravité variable allant d une simple kératite ponctuée superficielle à des ulcères cornéens. Dans les formes gravissimes d ophtalmopathie, on peut voir des perforations de cornée. F. Neuropathie optique Rare, elle est extrêmement grave, elle s associe à des altérations du champ visuel. Il s agit d une véritable neuropathie par compression du nerf optique. L évolution de cette neuropathie peut amener à la cécité et nécessite une thérapeutique rapide. VI EXAMENS COMPLÉMENTAIRES Les examens complémentaires concernent le diagnostic de la dysthyroïdie et la confirmation de l ophtalmopathie. 1. La confirmation de l hyperthyroïdie se fait par la recherche des signes cliniques et biologiques d hyperthyroïdie. 2. La confirmation de l ophtalmopathie se fera surtout grâce à l imagerie : c est surtout la tomodensitométrie ou la résonance magnétique nucléaire qui vont montrer d une part la présence d une exophtalmie confirmée par la mesure de l index oculo-orbitaire, et les signes cliniques de l ophtalmopathie. - épaississement des muscles oculo-moteurs au début au stade oedémateux - puis muscles devenant filiformes, rétractés au stade de fibrose - augmentation du compartiment graisseux orbitaire VII - DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL Les principales autres causes d exophtalmie sont : l infection bactérienne (cellulite orbitaire) les fistules artério-caverneuses (réalisant une exophtalmie pulsatile) les tumeurs ( parmi les plus fréquentes : adénome pléiomorphe de la glande lacrymale, gliome du nerf optique, lymphomes, métastases orbitopathies inflammatoires chroniques idiopathiques. VIII TRAITEMENT a) Traitement de la dysthyroïdie Il s agit du traitement de la maladie de Basedow en elle-même, pris en charge par l endocrinologue ou le médecin traitant. Le traitement par l iode radioactif peut être un facteur déclenchant ou aggravant de l ophtalmopathie dysthyroïdienne. b) Traitement de l ophtalmopathie 1. Traitements oculaires : il consiste à améliorer l état oculaire des patients par des collyres visant à améliorer l état cornéen, la lubrification cornéenne, à faire baisser la tension oculaire si celle-ci est élevée, à améliorer l état oculo-moteur par une rééducation orthoptique ou l utilisation de prismes. - 148 -

ophtalmopathie dysthyroïdienne 2. Traitement anti-inflammatoires : Corticothérapie à forte dose (1 à 1,5 mg/kg/jour), bolus de méthylprednisolone 2 mg/kg/jour sur 3 jours dans les formes sévères. Radiothérapie externe dans les cas cortico-résistants. c) Traitement chirurgical La chirurgie réalisée en cas d ophtalmopathie est de trois types, qui peuvent être au besoin associés : - la décompression orbitaire - la chirurgie des muscles oculo-moteurs - La chirurgie palpébrale - 149 -

Les points forts L ophtalmopathie dysthyroïdienne recouvre différentes atteintes cliniques. Si l exophtalmie en est la manifestation la plus classique, d autres signes sont fréquents comme les troubles oculo-moteurs et les signes inflammatoires. L examen de l ophtalmopathie devra prendre en considération tous les signes possibles et sera donc un examen ophtalmologique systématique qui recherchera les différentes atteintes citées afin de permettre une classification de cette ophtalmopathie. Des complications graves en particulier la neuropathie optique peuvent émailler l évolution et nécessitent un suivi régulier, notamment du champ visuel, de l exophtalmométrie, et de l oculo-motricité. Le traitement des ophtalmopathies dysthyroïdiennes est d abord un traitement médical visant à stabiliser l hyperthyroïdie et améliorer l état oculaire des patients. Dans les formes sévères d ophtalmopathie associant des signes oedémateux importants, une exophtalmie importante, des troubles oculo-moteurs sévères des traitements médicaux par voie générale principalement une corticothérapie ou d autres traitements : radiothérapie ou chirurgie peuvent être utilisés. - 150 -

ophtalmopathie dysthyroïdienne Fig. 1 - Exophtalmie dysthyroïdienne. Fig. 2 - Examen tomodensitométrique d une ophtalmopathie dysthyroïdienne mettant en évidence une hypertrophie des muscles oculo-moteurs touchant principalement les muscles droits médiaux. Fig. 3 et fig. 4 - Deux exemples de décompensation d une ophtalmopathie œdémateuse maligne (ancienne «exophtalmie maligne») : importante exophtalmie responsable de signes conjonctivaux marqués (vasodilatation conjonctivale et chémosis) et d une exposition cornéenne. - 151 -

Fig. 5 - Cellulite orbitaire de l enfant secondaire à une ethmoïdite aiguë. Fig. 5- Exophtalmie secondaire à une fistule carotido-caverneuse traumatique. - 152 -

ophtalmopathie dysthyroïdienne Fig. 6 - Deux cas de tumeur de la grande lacrymale : exophtalmie unilatérale et déplacement du globe oculaire en bas et en dedans par la tumeur située dans l angle supéro-externe de l orbite. Fig. 7 - Examen tomodensitométrique (coupe axiale et coupe coronale) d une volumineuse tumeur de l orbite de situation externe. - 153 -

- 154 -