FACULTÉ D ADMINISTRATION Institut de recherche et d éducation pour les coopératives et les mutuelles de l Université de Sherbrooke (IRECUS)



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ii

iii TABLE DES MATIÈRES REMERCIEMENTS V INTRODUCTION 1 MÉTHODOLOGIE 3 CHAPITRE I : REVUE DE LITTÉRATURE 5 1.1 QU EST-CE QU UNE COOPÉRATIVE? 5 1.1.1 COOPÉRATIVE MULTISOCIÉTAIRE 5 1.1.2 COOPÉRATIVE DE SOLIDARITÉ 6 1.2 PRINCIPES ET VALEURS COOPÉRATIFS 7 1.2.1 LES VALEURS COOPÉRATIVES 7 1.2.2 LES PRINCIPES COOPÉRATIFS 8 1.2.3 ÉMERGENCE DES COOPÉRATIVES DE SOLIDARITÉ 11 1.2.4 LES PARTIES PRENANTES DANS UNE COOPÉRATIVE DE SOLIDARITÉ 15 1.2.5 DÉFINITION DES CONCEPTS 16 1.3 NOS DIMENSIONS D ANALYSE DE LA GOUVERNANCE 20 1.4 LA GOUVERNANCE DANS UNE COOPÉRATIVE DE SOLIDARITÉ 21 1.4.1 POUVOIRS ET RESPECT DES CHAMPS DES COMPÉTENCES 22 1.4.2 TRANSPARENCE ET COMMUNICATION 31 1.4.3 GESTION DÉMOCRATIQUE ET/OU PARTICIPATIVE 34 1.4.4 LEADERSHIP 36 1.4.5 ÉDUCATION- FORMATION 39 1.5 LES DÉRIVES DE LA GOUVERNANCE 43 1.5.1 LA THÉORIE DE L'HÉGÉMONIE GESTIONNAIRE 45 1.5.2 LA THÉORIE DE LA DÉGÉNÉRESCENCE DE L'IDÉAL DÉMOCRATIQUE 45 CHAPITRE II :ÉTUDE DE TROIS COOPÉRATIVES DE SOLIDARITÉ 47 2.1 MÉTHODOLOGIE DE L ÉTUDE DE CAS 47 2.1.1 LES CRITÈRES DE SÉLECTION DES COOPÉRATIVES DE SOLIDARITÉ 47 2.1.2 DESCRIPTION DES COOPÉRATIVES 48 2.1.3 DESCRIPTION DU GROUPE DE PERSONNES INTERVIEWÉES 48 2.1.4 LA DÉMARCHE DES ENTREVUES 49 2.1.5 DIFFICULTÉS ET BIAIS DE L ENQUÊTE SUR LE TERRAIN 49 2.2 PRÉSENTATION DES RÉSULTATS 50 2.2.1 POUVOIRS ET RESPECT DES CHAMPS DE COMPÉTENCES 50 2.2.2 TRANSPARENCE ET COMMUNICATION 59 2.2.3 GESTION DÉMOCRATIQUE 69 2.2.4 LEADERSHIP 79 2.2.5 ÉDUCATION / FORMATION 86

iv CHAPITRE III : ANALYSE DES CAS ÉTUDIÉS 93 3.1 POUVOIRS ET RESPECT DES CHAMPS DES COMPÉTENCES 93 3.1.1 PRATIQUES LIÉES À LA BONNE GOUVERNANCE 93 3.1.2 LES OBSTACLES À LA BONNE GOUVERNANCE 95 3.2 TRANSPARENCE ET COMMUNICATION 96 3.2.1 PRATIQUES LIÉES À LA BONNE GOUVERNANCE 96 3.2.2 LES OBSTACLES À LA BONNE GOUVERNANCE 97 3.3 GESTION DÉMOCRATIQUE 98 3.3.1 PRATIQUES LIÉES À LA BONNE GOUVERNANCE 98 3.3.2 LES OBSTACLES À LA BONNE GOUVERNANCE 99 3.4 LEADERSHIP 99 3.4.1 PRATIQUES LIÉES À LA BONNE GOUVERNANCE 99 3.4.2 LES OBSTACLES À LA BONNE GOUVERNANCE 100 3.5 ÉDUCATION FORMATION 101 3.5.1 PRATIQUES LIÉES À LA BONNE GOUVERNANCE 101 3.5.2 LES OBSTACLES À LA BONNE GOUVERNANCE 102 CHAPITRE IV: ÉTUDE DE MODÈLES DE COOPÉRATIVE À MULTISOCIÉTARIAT 103 4.1 LA SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE D INTÉRÊT COLLECTIF (SCIC) EN FRANCE 103 4.1.1 DÉFINITION 103 4.1.2 BRÈVE DESCRIPTION DU CONTEXTE D ÉMERGENCE DES SCIC 105 4.1.3 LA GOUVERNANCE DANS LES SCIC 107 4.2 LA COOPÉRATIVE SOCIALE EN ITALIE 111 4.2.1 DÉFINITION 111 4.2.2 BRÈVE DESCRIPTION DU CONTEXTE D ÉMERGENCE DES COOPÉRATIVES SOCIALES EN ITALIE 112 4.2.3 GOUVERNANCE DANS LES COOPÉRATIVES SOCIALES EN ITALIE 114 ANNEXES 119 ANNEXE 1 : GUIDE D ENTREVUES 121 ANNEXE II : OUTIL D ANALYSE 129 ANNEXE III : ARTICLE SYNTHÈSE 141 BIBLIOGRAPHIE 153

v REMERCIEMENTS Bien qu une multitude de personnes aient permis la finalisation de ce rapport, celui-ci n aurait pas vu le jour sans la précieuse collaboration de quelques personnes en particulier que nous désirons remercier chaleureusement. D abord, merci à nos directeurs de recherche, Jean-Pierre Girard, Michel Lafleur et Ernesto Molina, pour avoir accepté généreusement de codiriger notre travail, pour leurs corrections et suggestions pertinentes. Nous sommes aussi très reconnaissantes de l ouverture et de la disponibilité qu ils nous ont témoignées, chacun à sa façon. Nos remerciements vont également à Sandra Serrano Molina, de la Coopérative de développement régional pour ses précieux conseils; à Jocelyne Chagnon de la Direction des coopératives du Ministère du Développement économique, de l Innovation et de l Exportation (MDEIE), pour sa précieuse participation en répondant à nos questions. Soulignons aussi la généreuse contribution des participants de notre étude : merci à tous les membres interrogés pour leur temps et leur accueil chaleureux; merci aux présidents et aux directeurs généraux de nous avoir ouvert les portes de leur coopérative et ce, en toute confiance. Leur accueil et la gratuité de leur geste nous ont fait redécouvrir le sens des mots solidarité et intercoopération. Merci à tous nos enseignants de l Institut de recherche et d éducation pour les coopératives et les mutuelles de l Université de Sherbrooke (IRECUS) pour nous avoir fait découvrir le monde du coopératisme, sans oublier l ensemble de l équipe de l IRECUS pour son support et l encouragement qu elle n a cessé de nous apporter. Enfin, merci à nos conjoints, familles et ami(e)s pour leur appui inconditionnel nécessaire à la réalisation de ce projet.

vi

1 INTRODUCTION Par leur structure économique performante et stable orientée exclusivement vers les besoins des membres et leur communauté, les entreprises collectives en général et les coopératives en particulier, jouent un rôle important dans l économie des pays aussi bien du Nord que du Sud. Par un bref retour historique, il convient de rappeler que les coopératives sont nées de suite d incapacité de l État et des entreprises à satisfaire les besoins d une frange de la population. Il est à noter que depuis les besoins ont évolué et que, malgré une relative prise en charge par l État de plusieurs services à la population, celui-ci n est pas en mesure de répondre à tous les besoins, particulièrement ceux touchant le développement des collectivités locales dans un contexte de mondialisation, globalisation, internationalisation. En réaction à tous ces changements, le modèle coopératif se transforme. En effet, en 1997, inspirée en majorité de modèles européens, une nouvelle forme de coopérative naît au Québec: la coopérative de solidarité. À l origine, celle-ci est crée pour donner une plus grande possibilité de solidarité et de prise en charge aux habitants de petites communautés fragilisées par le contexte socio-économique. Après 10 ans d existence, et quelques ajustements à la Loi sur les coopératives, près de la moitié des coopératives crées au Québec sont sous la forme de coopérative de solidarité 1. Même si sa popularité peut témoigner de sa pertinence, plusieurs auteurs soulèvent le défi que représente sa gestion, puisqu elle rassemble une multitude d acteurs avec des intérêts différents. Depuis quelques années, à la suite des nombreux changements survenus dans la gestion des organisations, le thème de la gouvernance prend de plus en plus une place prépondérante. Cependant, malgré sa popularité, ce concept demeure peu étudié dans le domaine de l économie sociale. Attirées par le thème et sous l impulsion d un de leurs enseignants, trois étudiantes finissantes en maîtrise en gestion du développement des coopératives et des collectivités de l Université de Sherbrooke (IRECUS) ont choisi d approfondir la question de la gouvernance. 1 Direction des coopératives (Entrevue n 11, 2007).

2 Cet intervention-essai présente les résultats d une recherche portant sur la pratique de la bonne gouvernance dans les coopératives à multisociétariat, et plus spécifiquement, dans les coopératives de solidarité québécoises. En effet, à la lumière du contexte économique et social actuel québécois et de la courte durée d existence des coopératives de solidarité, cette recherche vise à mettre en relief, et ce de façon non exhaustive, les pratiques favorables et défavorables à la bonne gouvernance dans les coopératives à multisociétariat. Pour y arriver, en plus d une étude théorique, les auteures ont observé la gouvernance de trois organisations coopératives. Grâce à ces études, elles proposent cinq thèmes qui constituent la base d une grille d analyse de la gouvernance dans les coopératives. Sans prétendre être la solution aux problématiques de gestion des différents intervenants qui prennent part au projet de la coopérative de solidarité, cette étude propose des éléments pour favoriser un plus grand équilibre des pouvoirs mais aussi et avant tout, permet d approfondir la réflexion sur un sujet d actualité telle la gouvernance dans les entreprises démocratiques. Ce travail se divise en quatre principaux chapitres. Le premier chapitre porte sur le contexte d émergence des coopératives de solidarité. Ensuite, il est traité des principaux concepts liés à la gouvernance, en terminant par une brève présentation des cinq dimensions de la gouvernance retenues pour son analyse. Le deuxième chapitre s attarde à la présentation des trois études de cas. Le troisième chapitre quant à lui est une analyse des éléments favorables et défavorables à la bonne gouvernance dans les coopératives en lien avec les cas observés. Enfin, le chapitre quatre, présente deux modèles de coopérative à multisociétariat, la Société Coopérative d Intérêt Collectif (SCIC) en France et la coopérative sociale, en Italie.

3 MÉTHODOLOGIE Le choix du thème de ce travail est le fruit d une volonté de répondre à des besoins actuels du milieu coopératif. Issues de différents échanges et réflexions, voici les questions qui sont ressorties et qui ont guidé notre recherche tout au long des démarches subséquentes : Comment gérer les différents intérêts des parties prenantes internes des coopératives de solidarité? Pouvons-nous identifier des pratiques formelles et informelles favorables et défavorables à la gouvernance pour les différents groupes d acteurs intervenants dans les coopératives de solidarité [assemblée générale, conseil d administration, direction générale et employés] des coopératives de solidarité étudiées? L élaboration de ce travail a nécessité différents modes de cueillette de données. D abord, nous avons entrepris une recherche documentaire sur la gouvernance ainsi que sur d autres thèmes intimement liés. Pour y arriver, nous avons d abord consulté les documents pertinents mis à notre disposition ou élaborés lors de notre année de maîtrise. Cette documentation a été ensuite enrichie par de nouvelles références et différents entretiens avec des acteurs du milieu. L étape suivante a été consacrée à l élaboration d un cadre conceptuel. Celui-ci a été pour nous l occasion de faire une synthèse des éléments théoriques et de délimiter nos principaux champs d étude. Suite à l identification de concepts clés, et en préparation à la cueillette de données terrain, nous avons procédé à l élaboration d un guide d entrevue. C est à l aide de celui-ci que nous avons procédé aux entrevues de neuf membres et une partie prenante externe dans trois coopératives de solidarité québécoises. Nous avons fait l étude du verbatim de ces rencontres grâce à un cadre précis faisant ressortir nos principaux thèmes d analyse de la pratique de la bonne gouvernance dans les coopératives de

4 solidarité. Ce cadre d analyse a été élaboré à la suite des observations terrain et à la lumière des connaissances assimilées en matière de gouvernance. Enfin, dans la rédaction de cet intervention-essai, nous avons opté de préserver la confidentialité des coopératives participantes. Cet aspect anonyme a guidé toute la rédaction du présent document.

5 CHAPITRE I REVUE DE LITTÉRATURE Il nous semble important, avant de nous intéresser aux concepts reliés à la gouvernance, de faire un rappel de la définition globale de la coopérative et de nous attarder un peu sur le concept spécifique de la coopérative multisociétaire. Nous rappellerons également les principes et valeurs des coopératives tels que définis par l Alliance Coopérative Internationale (ACI). 1.1 Qu est-ce qu une coopérative? Selon l Alliance Coopérative Internationale (ACI), une coopérative se définit comme «[ ] une association autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels communs au moyen d une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement» (ACI, 2007). Cette définition distingue les deux principales dimensions d une coopérative, soit la dimension entrepreneuriale et la dimension associative. Une coopérative, c est d abord un groupement de personnes physiques et/ou morales ayant des besoins économiques, sociaux et culturels communs à satisfaire. Cette union de personnes représente la dimension associative de la coopérative qui met en exergue l adhésion volontaire, le droit de propriété collective et de contrôle démocratique. La dimension entrepreneuriale quant à elle, constitue le moyen utilisé par ces personnes pour atteindre leurs fins c est-à-dire satisfaire leurs besoins et aspirations. 1.1.1 Coopérative multisociétaire Appelée encore coopérative «Multi-stakeholder co-operative», la coopérative multisociétaire est une nouvelle forme de coopérative qui a la particularité d associer ou de solidariser différents types d acteurs autour d un projet rassembleur pour la collectivité (MDERR, 2004b). Ces acteurs ou catégories de membres sont désignés sous le nom de parties prenantes internes. Le terme «parties prenantes» désigne tout groupe potentiellement affecté par les décisions et les

6 orientations d une entreprise (Robbins et al., 2004). Les «parties prenantes internes» dans une coopérative sont alors tous les membres de la coopérative. Elles intègrent non seulement des membres utilisateurs, des membres travailleurs (employés et gestionnaires(s)) et des administrateurs, mais aussi différents acteurs locaux qui croient aux projets que la coopérative développe (membres de soutien). Pour Hans-H. Münkner (Borzaga et Spear, 2004), en ces temps de décentralisation, de débureaucratisation et d émergence de la société civile, on peut observer une tendance de partenariat entre l État et les organisations civiles. Ces ententes seraient le résultat d une nouvelle perception de la distribution des rôles entre les organisations publiques et privées où l entente devient possible. Par ailleurs, on y affirme que «l intérêt pour cette nouvelle forme de société coopérative a mené à la promulgation de nouvelles lois et amendements de lois coopératives déjà existantes en Italie (1988, 1991), Canada (1997), Portugal (1998) et France (2001)» (Traduction libre, Borzaga et Spear, 2004, p. 49). La coopérative multisociétaire est en net contraste avec la coopérative traditionnelle à sociétariat unique. Ce type de coopérative porte au Québec le nom de coopérative de solidarité. 1.1.2 Coopérative de solidarité La coopérative de solidarité se caractérise par la multiplicité de son membership. Elle offre donc la possibilité aux personnes ayant des besoins diversifiés, mais visant un objectif commun, de se regrouper au sein d une même coopérative. Cette nouvelle forme de coopérative vise toutes les activités supportées par le milieu. Selon les dispositifs du chapitre VII, titre II.1 de la Loi sur les coopératives, on peut définir la coopérative de solidarité comme étant celle qui regroupe au moins deux catégories de membres parmi les suivantes : 1. des membres utilisateurs, soit des personnes ou société qui utilisent les services offerts par la coopérative 2. des membres travailleurs, soit des personnes physiques oeuvrant au sein de la coopérative 3. des membres de soutien, soit toute autre personne ou société qui a un intérêt économique, social ou culturel dans l atteinte de l objet de la coopérative (art. 226.1, Loi sur les coopératives).

7 1.2 Principes et valeurs coopératifs Qu elle soit unisociétaire ou multisociétaire, la coopérative est caractérisée par un certain nombre de valeurs et principes. 1.2.1 Les valeurs coopératives Selon la déclaration sur l'identité coopérative approuvée par l'assemblée Générale de l'aci au Congrès de Manchester (Angleterre) en septembre 1995, les valeurs fondamentales des coopératives sont: la prise en charge et la responsabilité personnelles et mutuelles, la démocratie, l'égalité, l'équité et la solidarité. Aussi, les membres des coopératives à travers le monde adhèrent à une éthique fondée sur l'honnêteté, la transparence, la responsabilité sociale et l'altruisme pour rester fidèles à l'esprit des fondateurs que sont les pionniers de Rochdale (ACI ). Ces valeurs coopératives se traduisent de la manière suivante: La prise en charge et la responsabilité personnelles et mutuelles: les personnes ont la capacité, mais surtout la volonté d'améliorer leur destin pacifiquement et conjointement par une action collective et non individuelle. La démocratie: les membres de la coopérative ont le même droit quant à la participation, l information, l implication dans la prise des décisions. Les membres constituent l unité de base, mais aussi la source d'autorité au sein de la coopérative. L égalité: les droits et les responsabilités sont égaux pour tous les membres au sein de la coopérative. L équité: elle implique le partage juste et approprié ou adéquat du revenu et du pouvoir dans la coopérative, mais aussi, on tend vers une contribution équitable au capital de la coopérative. La solidarité: «une relation entre personnes ayant conscience d une communauté d intérêts qui entraîne une obligation morale d assistance mutuelle» (Dictionnaire Le Robert, 1998, p.1246). La solidarité se situe à deux niveaux : d une part la coopérative est née sur le postulat selon lequel la prise en charge et l'auto-assistance mutuelles sont porteuses de force, donc la coopérative a la responsabilité collective du bien-être de ses membres. D autre part, chaque

8 coopérative prise individuellement, se propose de créer un mouvement coopératif unis en travaillant avec d'autres coopératives avec comme souci l'amélioration du bien-être collectif. Des principes découlent de ces valeurs qui sont au nombre de sept formulés par l Alliance Coopérative Internationale. 1.2.2 Les principes coopératifs 1- Adhésion volontaire et ouverte à tous «Les coopératives sont des organisations fondées sur le volontariat et ouvertes à toutes les personnes aptes à utiliser leurs services et déterminées à prendre leurs responsabilités en tant que membres, et ce sans discrimination fondée sur le sexe, l origine sociale, la race, l allégeance politique ou la religion» (Les principes de la coopération de l ACI, Orion, sans date) Deux aspects ressortent de ce principe : le volontariat et l ouverture à tous. Pour ce qui est du volontariat, on comprend aisément qu il n y a aucune contrainte d adhésion à une coopérative. Quant à l ouverture, elle suppose que toute personne capable d'utiliser les services offerts par la coopérative peut y adhérer. La participation en tant que membre actif et responsable devrait être basée sur la compréhension des valeurs coopératives et être apte à les défendre. Néanmoins, notons que cette formulation reconnaît que certaines coopératives peuvent restreindre leur membership sur la base de "l'habilité à utiliser les services de la coopérative" ou de "la limite du nombre de membres que la coopérative peut effectivement et efficacement servir". 2- Pouvoir démocratique exercé par les membres «Les coopératives sont des organisations démocratiques dirigées par leurs membres qui participent activement à l'établissement des politiques et à la prise de décisions. Les hommes et les femmes élus comme représentants des membres sont responsables devant eux. Dans les coopératives de premier niveau, les membres ont des droits de vote égaux en vertu de la règle - un membre, une voix - ; les coopératives d'autres niveaux sont aussi organisées de manière démocratique.» (Les principes de la coopération de l ACI, Orion, sans date) Ce principe rappelle la base de gestion et d administration de la coopérative. La nature de prise de décision, d élection des représentants, de contrôle, ainsi que l élaboration de la mission et de la politique générale de la coopérative sont stipulées par ce principe. Ainsi, dans une coopérative

9 c est la qualité de membre qui donne accès au droit de vote et ce droit n est pas proportionnel à l argent investi ou au nombre de parts sociales détenues. 3- Participation économique des membres «Les membres contribuent de manière équitable au capital de leurs coopératives et en ont le contrôle. Une partie au moins de ce capital est habituellement la propriété commune de la coopérative. Les membres ne bénéficient habituellement que d'une rémunération limitée du capital souscrit comme condition de leur adhésion. Les membres affectent les excédents à tout ou partie des objectifs suivants: le développement de leur coopérative, éventuellement par la dotation de réserves dont une partie au moins est impartageable, des ristournes aux membres en proportion de leurs transactions avec la coopérative et le soutien d'autres activités approuvées par les membres.» (Les principes de la coopération de l ACI, Orion, sans date) Ce principe constitue une des marques distinctives entre la coopérative et l entreprise capitaliste traditionnelle. Il ressort trois aspects importants du modèle coopératif. Selon ce principe, les membres utilisateurs de la coopérative doivent participer à sa capitalisation en souscrivant à une part de qualification et en utilisant les services de la coopérative pour lui permettre d assurer sa pérennité. Le deuxième aspect traite de la répartition des excédents réalisés par la coopérative : une partie peut être retournée aux membres au prorata de l usage qu ils ont fait de l entreprise. C est ce que l on appelle la pratique de la ristourne. L autre partie est versée à la réserve générale, qui constituée au fil des années, est inaliénable et non partageable. Elle est la propriété de l association. Le troisième aspect indique la responsabilité du membre à participer à la rentabilité de sa coopérative, tout en assumant la pratique de la non redistribution des richesses. 4- Autonomie et indépendance «Les coopératives sont des organisations autonomes d'entraide, gérées par leurs membres. La conclusion d'accords avec d'autres organisations, y compris des gouvernements, ou la recherche de fonds à partir de sources extérieures, doit se faire dans des conditions qui préservent le pouvoir démocratique des membres et maintiennent l'indépendance de leur coopérative» (Les principes de la coopération de l ACI, Orion, sans date) La raison d être d une coopérative est de permettre à ses membres de se prendre en charge grâce à l association coopérative, par l acquisition de l autonomie et de l indépendance. Loin de prôner l individualisme, la coopération fait l éloge d une solidarité qui est possible uniquement lorsque les membres qui y participent sont autonomes et indépendants. Ce principe, tel qu il est énoncé,

10 s applique à l association et aux membres de l association qui assument pleinement leurs responsabilités sans pour autant renoncer à leur propre liberté. 5- Éducation, formation et information «Les coopératives fournissent à leurs membres, leurs dirigeants élus, leurs gestionnaires et leurs employés l'éducation et la formation requises pour pouvoir contribuer effectivement au développement de leur coopérative. Elles informent le grand public, en particulier les jeunes et les dirigeants d'opinion, sur la nature et les avantages de la coopération» (Les principes de la coopération de l ACI, Orion, sans date) L'éducation, la formation et l information sont une priorité du mouvement coopératif et sont loin d être un outil de publicité et de distribution d'informations. La coopérative est une forme d organisation humaine complexe et nécessite de ce fait, un apprentissage particulier pour sa gestion. Ayant comme leitmotiv la participation, il est indispensable d impliquer à fond les esprits et l'intelligence des membres, des leaders élus, des gestionnaires et des employés afin qu'ils comprennent et saisissent pleinement la complexité et la richesse de la pensée et de l'action coopératives. En plus, étant porteuse d un modèle de développement complémentaire à l économie de marché et à l intervention étatique, la coopérative fait partie intégrante des solutions alternatives aux problèmes actuels. De ce fait, les coopérateurs et les non coopérateurs ne doivent pas seulement être au courant du concept, ils se doivent aussi d'apprécier, de s approprier et d'avoir la volonté de participer à la formule coopérative : un engagement actif qui ne peut se produire sans l éducation, la formation, et l information. 6- Coopération entre les coopératives «Pour apporter un meilleur service à leurs membres et renforcer le mouvement coopératif, les coopératives oeuvrent ensemble au sein de structures locales, nationales, régionales et internationales» (Les principes de la coopération de l ACI, Orion, sans date) Ce principe est connu sous le terme «intercoopération». Il sert à encourager les coopératives à oeuvrer au sein de structures locales, nationales, régionales et/ou internationales au nom de l efficacité économique. Elles peuvent ainsi éviter d évoluer en vase clos et se regrouper sous forme de fédération et de confédération dans le but de mieux servir ses membres et de renforcer le mouvement coopératif. Toutefois, ce principe ne doit pas être une obligation, sinon il irait à

11 l encontre du principe d adhésion volontaire qui s applique autant aux membres d une coopérative qu aux coopératives qui sont membres d une structure de deuxième niveau. 7- Engagement envers la communauté «Les coopératives contribuent au développement durable de leur communauté dans le cadre d'orientations approuvées par leurs membres» (Les principes de la coopération de l ACI, Orion, sans date) Grâce à l'effort mutuel, pourvoir aux besoins d un membre de la coopérative, équivaut à pourvoir à certains besoins des proches du membre. Ainsi, par un effet d entraînement, la distinction particulière des coopératives contribue à la satisfaction des besoins des membres de la communauté, donc favorise la construction d'une meilleure société en général (création d emploi, protection de l'environnement, etc.). 1.2.3 Émergence des coopératives de solidarité De façon générale, on fixe l origine des coopératives à la fin du 19 e siècle. Les initiatives sont toujours nées en réaction à des besoins ressentis qui demeurent insatisfaits. Traditionnellement, le sociétariat des coopératives a été formé d une catégorie unique de membres. L une des premières coopératives à plus d une catégorie des membres est née en Italie en 1966 pour apporter un service aux enfants orphelins d une zone septentrionale de l Italie (Clément et Gardin 1999) : C est la naissance de la coopérative de solidarité sociale italienne qui marque la reconnaissance officielle de cette forme de coopérative à sociétariat varié que les spécialistes appelleront les «multi-stakeholders». Rappelons, toutefois que, bien qu elle semble incarner une nouveauté, la coopérative multisociétaire et multifonctionnelle reste une vieille utopie, car comme l indique Jean-Pierre Girard : «il est maintenant largement reconnu que la coopération n a pas une mais plusieurs influences» (Gagnon et Girard, 2001, p. 4-5). Le Québec demeure une terre de prédilection des coopératives. Il a connu toute une panoplie de coopératives touchant une grande variété de secteurs d activité sous le modèle de coopérative unisociétaire. Cependant, les besoins des populations évoluant d une part, et d autre part l insatisfaction de ces besoins par l État où le marché interpelle les différents acteurs de la vie

12 sociale, mais aussi des universitaires sur la nécessité d innover. C est ainsi que entre 1986 et 1988, des professeurs des universités québécoises mèneront des «recherches sur les expérimentations et les innovations dans les entreprises capitalistes comme dans l économie sociale» (Lévesque, cité par Girard et Langlois, 2006, p.199). De ces recherches sera née la notion «d innovation sociale». Les innovations sociales se focaliseront surtout sur des besoins liés au développement local et aux services de proximité. Ainsi, en 1996, dans le cadre de la préparation du Sommet de l'économie et de l'emploi, un Groupe de travail est mis en place et mandaté par le gouvernement du Québec pour soumettre des recommandations sur la relance de l emploi. L une des recommandations proposées sera l actualisation du statut juridique des coopératives (Groupe de travail, 1996). Parmi les mobiles expliquant une telle proposition, on soulignera les difficultés pour les coopératives d obtenir des financements des services financiers conventionnels, réticences attribuées en partie à leur statut juridique. Il est aussi ressorti qu «Actuellement, la Loi des coopératives ne permet pas un membership mixte sur une base permanente. Or, des besoins en ce sens émergent de plus en plus dans les communautés, notamment en ce qui concerne les services de garde et celui de la création de coopératives multiservices. La coopérative dite de solidarité est actuellement la formule de membership mise de l'avant par différents groupes» (Groupe de travail, 1996). C est dans ce contexte que s inspirant du modèle de coopératives sociales italiennes, le «groupe de travail sur l économie sociale, recommandait d amender la loi sur les coopératives pour autoriser la création de coopératives de solidarité» (MDERR 2004b, p.5). Cette formule est mise de l avant par différents groupes (dont le CQCM à l époque appelé CCQ, un autre important représentant de l économie sociale). C est en juin 1997 que l Assemblée nationale va adopter le projet de loi 90 modifiant la Loi sur les coopératives afin de permettre la constitution de coopérative de solidarité. À son institution originale, la coopérative de solidarité regroupe à la fois trois (3) types de membres. - des membres qui sont des utilisateurs des services offerts par la coopérative - des membres qui sont des travailleurs oeuvrant au sein de celle-ci, et

13 - des membres de soutien, soit toute autre personne ou société qui a un intérêt économique, social ou culturel dans l atteinte de l objet de la coopérative (Loi sur les coopératives, article 226.1). Dans le vécu des coopératives de solidarité, «les membres de soutien sont surtout des personnes ou des organismes communautaires, ou proviennent d'autres organismes du milieu tels que les centres locaux de services communautaires (CLSC)» (MDERR 2004b, p.22). On comprendrait alors aisément l assertion de Girard qui dira que les «acteurs de développement avaient à l esprit, comme son nom l indique, l application d un modèle organisationnel fédérateur à des situations nécessitant la solidarité de plusieurs groupes d acteurs réunis autour d une problématique commune» (Girard et Langlois, 2006, p. 209). En facilitant la création des coopératives de solidarité, «l État aussi avait ses attentes, tels combattre le travail au noir, inciter plus de personnes âgées à demeurer dans leur résidence, réintégrer des personnes exclues sur le marché de travail» (Girard et Langlois, 2006, p. 209). On peut affirmer sans risque de se tromper que les coopératives de solidarité québécoise, sont nées surtout pour favoriser les partenariats et la prise en charge de certains services par les collectivités. Ceci s explique par le fait que près de 80% des coopératives de solidarité opèrent principalement dans le secteur tertiaire et hors de grands centres urbains (MDERR 2004b, p.9-12). Même si le contexte de leur émergence laisse penser à la primauté de la législation sur leur création, les coopératives de solidarité sont issues d une décision ascendante («bottom-up»). Elles sont en effet nées des initiatives et de la mobilisation d individus et d organismes locaux. Leur création peut être associée aux objectifs de résolution des problèmes qui nécessitent de compromis et consensus qui font appel à plusieurs parties prenantes. Pour Jean-Pierre Girard et Geneviève Langlois: «Ce modèle [en référence au modèle des coopératives de consommateur] s est cependant révélé moins pertinent pour répondre à de nouveaux besoins non ou mal satisfaits par l État ou le marché, des besoins interpellant divers parties prenantes et qui répondent davantage à une rentabilité d usage qu à une profitabilité économique, par exemple, des besoins liés au développement local ou à des services de proximité. Prenant acte de cette demande et à la lumière de certaines

14 expériences en cours en Europe, particulièrement le modèle des coopératives italiennes, à la faveur d une série d initiatives découlant d un Sommet sur l économie et l emploi [Rencontre regroupant les principaux acteurs socioéconomiques et les représentants du gouvernement du Québec à l automne 1996.], le législateur québécois a introduit en 1997 dans la loi sur les coopératives de dispositions reconnaissant un nouveau type de coopérative, la coopérative de solidarité» (Girard et Langlois, 2006, p. 198). Sous l impulsion de la problématique des Services à domicile (SAD), notons que la Loi sur les coopératives a subi d importants amendements en 2004, qui prendront effet en 2005. Nous nous sommes intéressées aux raisons et contexte qui ont nécessité les révisions de la Loi sur les coopératives et plus précisément celles relatives aux coopératives de solidarité. Madame Jocelyne Chagnon de la Direction des coopératives du Ministère du Développement économique, de l Innovation et de l Exportation (MDEIE), nous confia lors d une entrevue téléphonique que ce type de coopérative a été crée pour donner un accès aux populations locales à une formule légale permettant à la solidarité d émerger avec moins de contraintes légales. Elle nous notifia également que les changements à la loi ont été faits en collaboration avec le milieu, ce qui semble aujourd hui satisfaire toutes les parties. Toutefois, remarquons qu au Québec, il est impossible aux municipalités d être membres des coopératives. Selon notre interprétation d un document fourni par Madame Chagnon, expliquant les principales modifications apportées à la loi sur les coopératives, particulièrement les coopératives de solidarités, les principaux amendements sont relatifs à : - l introduction d «une nouvelle définition de la coopérative de solidarité pour offrir plus de souplesse dans la modulation de son membership» (Entrevue n 11, 2007). En effet, les coopératives de solidarité ont désormais la possibilité d avoir deux catégories de membres plutôt que trois : les membres utilisateurs et les membres de soutien (Girard et Langlois, 2006, p. 201); - le retrait des membres travailleurs comme membres obligatoires de la coopérative de solidarité. Notons qu un article de la loi permet «que la coopérative de solidarité qui compte des membres travailleurs soit régie par certaines dispositions du chapitre de la coopérative de travail» pour lui permettre de soumettre un travailleur à l essai et donc, pouvoir compter parmi ses membres des membres auxiliaires;