LE CAMP RETRANCHE DE PARIS HISTOIRE ET ORGANISATION

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LE CAMP RETRANCHE DE PARIS HISTOIRE ET ORGANISATION FICHE 1 HISTOIRE Position de DCA (défense contre aéronefs) sur la plateforme de la tour Eiffel, 26 juillet 1915. ECPAD, A. Moreau. Les défenses de Paris jusqu'à l'aube de la Grande Guerre Auteurs : Guillaume Benaily Yoann Gauvry De l'empire romain à l'empire napoléonien Depuis sa naissance durant l'antiquité jusqu'au XIX e siècle, Paris n'a cessé de grandir en taille et en importance. Comme un arbre cumule ses cernes de croissance sous son écorce, la ville actuelle conserve les traces de ses enceintes défensives successives. À la fin de l'ancien Régime, Paris est ceint du mur des Fermiers généraux, barrière de 24 km de long, davantage douanière que militaire. Mais à la fin du Premier empire, l'entrée des Alliés dans la capitale suite aux défaites de Napoléon en 1814 et 1815 fait prendre conscience des lacunes défensives de la ville. Dans les décennies suivantes, de nouvelles mesures sont prises pour en assurer la fortification. Les enceintes successives de Paris de l'antiquité à fin du XVIII e s. ONF, Y. Gauvry, 2008. Les conflits du XIX e siècle Le XIX e siècle est jalonné de troubles armés. Le traité de Paris de 1815 prépare le terrain à un antagonisme entre la France et la Prusse, qui germera 50 ans plus tard ; dès lors, les enjeux de la défense du territoire vont de plus en plus se dessiner au nord-est du pays, et Paris se trouve très exposé. Sous le règne de Louis-Phillipe (1830-1848), Adolphe Thiers, président du Conseil, est chargé d'activer la mise en œuvre de nouvelles défenses. Entre 1840 et 1846, 25 000 ouvriers venus de toute la France édifient 34 km d'enceinte fortifiée, armée de 94 bastions, ce qui ancre définitivement les contours actuels de Paris. En plus de cela, 26 forts détachés, redoutes et batteries sont construits en-dehors de la capitale, à une distance de 1,5 à 3 km. C'est la première fois que les défenses organiques de la ville en dépassent nettement les limites, en réponse à la réalité de l'armement militaire de l'époque. Si Louis-Philippe doit surtout faire face à des conflits internes, telles les révoltes parisiennes de 1832, 1834 et 1848, les défenses de Paris ne seront complétées que pour être mises à l'épreuve plusieurs décennies plus tard, avec la Guerre de 1870. Après avoir défait les armées françaises dans le Nord-Est, les Prussiens contournent la capitale et installent leur artillerie rayée sur des hauteurs au sud de la ville, hors de portée des fortifications d'adolphe Thiers. Les bombardements de janvier 1871 et le blocus de Paris précipitent la défaite de la France, entraînant la perte de l'alsace et de la Lorraine et déclarant de facto les défenses parisiennes obsolètes. FICHE 1 : Le Camp Retranché de Paris - Histoire et organisation 01/08

Plan des fortifications de Paris de 1842. BNF. Plan schématique des fortifications de Paris de 1842. ONF, F. Biglione, 2014. FICHE 1 : Le Camp Retranché de Paris - Histoire et organisation 02/08

État des lieux à l'aube de la Grande Guerre Les trois ceintures défensives Suite à la défaite cuisante de 1871, un comité de défense étudie dès 1872 un nouveau plan de fortification de la capitale. Mise en œuvre par le général Séré de Rivières entre 1874 et 1882, une troisième ceinture défensive vient compléter et englober les défenses antérieures : l'enceinte continue, qui a perdu une grande partie de sa raison d'être avec le développement des banlieues, et les forts détachés de 1840, dont les caractéristiques de construction sont notablement dépassées. La troisième ceinture est installée sur les mêmes plateaux qui avaient servi aux Prussiens à bombarder Paris quelques années auparavant. À environ 12 km du centre de la ville, 18 forts, 5 redoutes et 34 batteries sont édifiés, ainsi que les casernes et magasins indispensables à leur fonctionnement, donnant ainsi naissance au Camp retranché de Paris. Chacune de ces positions est prévue pour accueillir un nombre variable de pièces d'artillerie ; tout le problème sera d'adapter en permanence ces structures de tir aux évolutions continues des caractéristiques des armes... Plan des fortifications de Paris de 1874. BNF. Plan schématique des fortifications de Paris de 1874. ONF, F. Biglione, 2014. FICHE 1 : Le Camp Retranché de Paris - Histoire et organisation 03/08

De nouvelles menaces À l'aube de la Grande Guerre, l'adaptation des défenses de Paris à une éventuelle menace d'outre-rhin pose de réelles questions. Depuis la fin du XIXe siècle, l'armée prussienne dispose de nouvelles pièces d'artillerie de campagne, plus puissantes, plus mobiles, avec des cadences de tir et des longueurs de portée de plus en plus importantes. Dans les premières années du XXe siècle, l'état-major du gouverneur militaire de Paris en vient à établir la nécessité de protéger les forts par des centres de résistance situés en avant, ainsi que des positions linéaires d'infanterie. Entre 1911 et 1913, de nouveaux plans sont élaborés et adoptés, prévoyant des procédures de défenses à mettre en œuvre en cas d'attaque ennemie. Devant répondre à la portée accrue des canons allemands, ces nouvelles positions détachent encore un peu plus loin les défenses du Camp Retranché de Paris. Le déclenchement des hostilités et la première bataille de la Marne Dès la déclaration de guerre du 3 août 1914, le plan de défense de Paris est déclenché. Suite à quelques hésitations du ministère de la Guerre, il faudra malgré tout trois semaines pour que les premiers travaux soient entrepris sur les terrains privés réquisitionnés tout au long des lignes défensives planifiées. Lorsque le général Gallieni devient Gouverneur Militaire de Paris le 26 août, ni les positions d'infanterie ni celles d'artillerie ne sont en état de fonctionner. Or, début septembre, un mouvement alarmant de la 1 ère armée allemande vient prendre pied en Île-de-France ; c'est le début de la première bataille de la Marne, qui fera prendre l'ampleur du danger planant sur Paris aux défenses encore incomplète. C'est au prix de combats sanglants que les armées françaises et anglaises repoussent finalement les allemands vers l'aisne, à la mi-septembre. Une fois la menace repoussée, l'urgence revient à finaliser le Camp Retranché de Paris ; il faut attendre la fin de l'automne pour que l'ensemble des défenses planifiées avant-guerre soient achevées. Jusqu'à l'été 1915, quelques nouveaux dispositifs complémentaires viennent en achever la réalisation ; à cette date, une part importante de l'armement et de l'équipement du Camp Retranché est déjà acheminée vers le front, pour compenser les pertes de ce qui est devenu la Guerre de positions. Carte de planification des défenses du Camp retranché de Paris. Septembre 1914. SHD. FICHE 1 : Le Camp Retranché de Paris - Histoire et organisation 04/08

Les gouverneurs de Paris au début de la Grande Guerre A la déclaration de guerre du 3 août, le général Michel remplit la charge de Gouverneur Militaire de Paris depuis 3 ans. Il a pour mission d'organiser la défense de Paris en cas de conflit. C'est donc lui qui a entériné, aux côté du Ministère de la Guerre, les plans de défense de la capitale. Pendant le premier mois de guerre, la situation d'urgence de la mobilisation et la mise en œuvre du plan XVII dans l'est entravent la réalisation rapide des ouvrages autour de Paris. Le retard pris joue un rôle important dans son remplacement, le 26 août, par le général Gallieni, rappelé d'une retraite prise quelques mois auparavant. Celui-ci, en prenant ses fonctions, fera placarder une proclamation déclarant "J'ai reçu le mandat de défendre Paris contre l'envahisseur ; ce mandat je le remplirai jusqu'au bout". Il joue un rôle important dans la Bataille de la Marne, notamment lors de l'épisode des taxis de la Marne, puis poursuit les travaux du Camp Retranché. Sous son autorité, 210 000 hommes de l'armée territoriale et du Génie, assistés de 46 000 travailleurs civils, y seront affectés, rien que pour la période de septembre à décembre 1914. Suite à une lutte d'influence avec le général Joffre, il se retire des responsabilités en mars 1916, et décède deux mois plus tard de maladie. À sa suite, quatre autres généraux se succéderont au titre de Gouverneur Militaire de Paris jusqu'à l'armistice de 1918. Affiche placardée sur les murs de Paris début septembre 1914. ECPAD. Au premier plan, le Gouverneur Militaire de Paris, le général Gallieni aux Invalides en 1915. BNF. Organisation des défenses Plan schématique des fortifications du CRP en octobre 1914. ONF, F. Biglione, 2014. FICHE 1 : Le Camp Retranché de Paris - Histoire et organisation 05/08

Forts et positions d'artillerie Les lignes d'infanterie Suite à l'obsolescence des dispositifs défensifs de 1840, l'essentiel des enjeux défensifs de Paris repose en 1914 sur les chapelets de forts d'artillerie de Séré de Rivières. Ces structures, remaniées depuis leur conception pour accueillir les dispositifs du XXe siècle, sont complétées par la construction de nombreuses autres positions de tir. En tout, plus de 240 batteries entourent Paris. Elles sont équipées d'une artillerie de place, avec essentiellement des canons de 90, 120 et 155 mm. Des milliers d'hommes, attachés à leur fonctionnement, y sont ainsi installés en garnison, et aménagent casernes, abris, et postes de transmission. L'acheminement des munitions depuis les dépôts jusqu'aux positions, et ensuite jusqu'aux pièces, se fait par des voies ferrées étroites, appelées "voies de 60", formant un réseau de 260 km au total. Si certains dépôts sont reliés au réseau fluvial de la Seine, et sont alimentés par péniches, la plupart d'entre eux sont connectés au réseau ferré civil, déjà développé en Île-de-France. Dès lors, le chemin de fer revêt une dimension décisive dans la stratégie de défense de la capitale ; ce fait se vérifie bien au-delà, pour l'ensemble des réseaux d'acheminement d'hommes, de matériaux et d'équipements depuis l'arrière jusqu'aux zones de front. Les voies de 60 seront parmi les premiers éléments du Camp Retranché de Paris démontés pour être envoyés sur le front en 1915. Les forts seuls sont incapables d'assurer la sécurité de la capitale, devant une armée ennemie dotée d'une artillerie de campagne puissante et mobile. Plusieurs centaines de mètres en avant, des positions d'infanteries sont creusées et armées sur une ou plusieurs lignes, avec pour objectif de stopper une éventuelle attaque à portée des canons des forts. Des tranchées, parfois appuyées de centre de résistance à abris bétonnés, sont ainsi alignées, avec un tracé en créneaux pour parer au tir en enfilade, flanquées de positions de mitrailleuses, et complétés d'abris et de postes de commandement. Planifiées sur des terrains essentiellement privés et en forêt, elles ne sont aménagées qu'après la déclaration de guerre, sur une longueur estimée à 345 km. Le plan de défense finalisé en avril 1914 prévoyait de laisser trois "trouées" entre les concentrations de forts Séré de Rivières ; les réalités des premiers combats amènent bien vite le Gouverneur militaire de Paris à fermer ces portes en édifiant jusqu'en été 1915 des nouvelles lignes de tranchées. Canon anti-aérien installé sur une plateforme du fort d'aubervilliers - 1915. ECPAD, A. Moreau. Construction d'une tranchée à Paris en août 1915. ECPAD, A. Moreau. Construction d'une tranchée à Tigery (Essonne) en 1915. ECPAD, E. Brissy. FICHE 1 : Le Camp Retranché de Paris - Histoire et organisation 06/08

Les défenses anti-aériennes L'évolution des techniques de combat, et notamment de l'aviation, imposent un nouveau type de défense. Paris subit dès 1915 des bombardements de zeppelins et début 1918 les premiers avions Gothas réussissent des raids destructeurs. Plusieurs centaines de victimes parisiennes sont à dénombrer. Dès lors, des dispositifs d'aviation et d'artillerie anti-aérienne voient le jour, jusqu'au cœur de la capitale. Ils s'appuient sur un semis de postes d'écoute et d'observation qui dépasse largement les limites du Camp Retranché. Début 1918, L'étatmajor en vient même à amorcer la construction d'un "faux Paris" autour de Herblay dans le Val d'oise, composé de monuments factices éclairés la nuit, et destinés à tromper les avions ennemis lors de leurs raids nocturnes. Carte de l'organisation des défenses aériennes du CRP en octobre 1918. SHD. Position de DCA (défense contre aéronefs) sur la plateforme de la tour Eiffel, 26 juillet 1915. ECPAD, A. Moreau. FICHE 1 : Le Camp Retranché de Paris - Histoire et organisation 07/08

Dégâts causés dans Paris par le raid d'un zeppelin le 29 janvier 1916. Quartier de Menilmontant. ECPAD, G. Boussugues. Une obsolescence précoce La guerre de positions Dès l'automne 1914, les combats s'éloignent de Paris pour ne plus s'en rapprocher jusqu'en 1918 avec la seconde bataille de la Marne. C'est pourquoi le Camp Retranché de Paris se verra progressivement déséquipé dès 1915 de ses armes, munitions, équipements, et des effectifs de l'infanterie territoriale qui auraient dû en assurer l'entretien. À aucun moment l'ensemble des positions défensives n'ont été tenues par les effectifs prévus ; en dehors des exercices, aucun incident notable n'a occasionné de tir de munition. À partir de l'automne 1915, Paris sera essentiellement le théâtre de l'acheminement de troupes et de matériel vers le front. Les nouvelles réalités de la guerre Dès 1917, le Camp Retranché de Paris est déclaré inopérant par l'état-major. Les tranchées d'infanterie, non entretenues durant trois hivers, et les positions d'artillerie, désarmées et déséquipées, sont totalement hors d'action. Quoi qu'il en soit, à l'aube de 1918, l'évolution des armes et modes de combat induirait une réédification complète des défenses, d'une telle ampleur que toute idée de camp retranché devient inenvisageable. L'aviation allemande et les canons à longue portée (Paris-Kanonen), capables d'atteindre la capitale depuis l'arrière des lignes de front, rendent complètement obsolètes les systèmes de fortification imaginés seulement quatre ans auparavant. La défense de Paris consiste dès lors à contenir les menaces ennemies loin à l'est, ce qui préfigure la ligne Maginot quelques décennies plus tard. Avant même l'armistice de 1918, les terrains réquisitionnés pour le Camp Retranché de Paris sont rendus à leurs propriétaires, les tranchées rebouchées et en grande partie oubliées. Plateforme du canon " Paris Kanon " (faussement nommé " Grosse Bertha ") à plus de 80 km de Paris, bois du Châtelet, Brécy, Aisne. BDIC. FICHE 1 : Le Camp Retranché de Paris - Histoire et organisation 08/08