Repères chronologiques : Pendant les 30 glorieuses, la planification a connu un véritable âge d or. Mais, depuis les années 1970, on assiste à une diminution progressives de son influence. Les modes de planification antérieurs, très formalisés, sont remis progressivement en question et remplacés par des approches plus globales et plus réactives. Car avec l arrivée de la crise, la nature même de la crise change la planification à long terme et l on passe d une démarche plus prospective, plus qualitative et plus souple. On prend alors en compte d autres éléments que les simples facteurs économiques. Plusieurs scénarios sont alors envisagés avant l établissement des plans et l on prend conscience que la stratégie comporte une dose d opportunisme dans sa démarche. C est la grande période de gestion du portefeuille d activités. Les années 1980 marquent l incertitude à tous les niveaux (commercial, technologique, monétaire ) et l entreprise avance désormais sans repère dans son environnement. Du plan stratégique, on passe au management stratégique dont l ambition est de prendre en compte l organisation et les processus qui la sous-tendent (innovation, ressources humaines, par exemple). On prend également en compte le comportement du dirigeant. Car l entreprise doit dorénavant être plus réactive et adaptative. Il ne s agit plus de s attacher à l articulation des activités dans le temps (planification), mais de décentraliser et d anticiper pour acquérir les ressources et les exploiter dans un processus permanent plus itératif. Les apports de Mintzberg contribuent à remettre en cause les idées reçues sur la formulation de la stratégie (réconciliation de la formulation et de la mise en œuvre, spécificité en grande partie française). Le processus stratégique est alors plus souple et plus proche du terrain. Dans les années 1990, les stratèges deviennent davantage des pédagogues, des conseillers et des guides dans les initiatives plutôt que des chefs d orchestre. Les analyses de portefeuille deviennent largement insuffisantes car elles de prennent en compte que quelques variables (dans la mesure où tous les concurrents décident au même moment que l informatique est plus intéressante que le textile, où se situe l avantage concurrentiel de la démarche?). Il s agit désormais d agir pour changer les règles du jeu : stratégies de rupture (SMART), ou approche ressources (SEB). Au cours des ans, la stratégie d entreprise a donc évolué. Les méthodologies sont devenues plus complexes. Les experts répertorient entre 9 et 10 générations successives de schémas dont les mérites furent à la fois reconnus et contestés. - 1 -
L'analyse SWOT de Renault L'analyse SWOT permet de résumer les relations entre les principales influences environnementales et la capacité stratégique de l'organisation. Le tableau ci-dessous présente l'analyse SWOT du constructeur automobile Renault à la fin de 1998 (hors véhicules utilitaires). Après avoir frôlé la faillite au milieu des années quatrevingt, Renault a réussi à rétablir une bonne image de marque en Europe, grâce à la mise en place d'une politique de qualité totale, à de nombreuses victoires en formule 1 et à une gamme de produits attractive et innovante (Espace, Twingo, Scénic, Kangoo, etc ), centrée autour du concept «Des voitures à vivre La santé financière de l'entreprise a été rétablie dès 1994, malgré l'échec de l'alliance avec le suédois Volvo. La régie Renault a été privatisée en 1996, pour devenir Renault Société Anonyme. Cependant, en 1998, seulement 16 % des ventes étaient réalisées hors d'europe, et le succès était uniquement dû à des voitures d'entrée et de milieu de gamme. À la différence de la quasi-totalité des autres groupes automobiles, Renault ne disposait que d'une seule marque, censée répondre aussi bien aux attentes des acheteurs d'une Twingo à 8000 euros qu'à ceux d'une Safrane à 45 000 euros. D'ailleurs, les véhicules de prestige de la marque (séries Baccara puis Initiale) ne connaissaient qu'une diffusion confidentielle. Enfin, la taille limitée de l'entreprise ne lui permettait pas de réaliser des économies d'échelle comparables à celles de ses plus gros concurrents, General Motors, Ford, Toyota, Volkswagen ou Daimler-Chrysler. EVOLUTIONS CLÉS DE L'ENVIRONNEMENT FORCES ET FAIBLESSES Saturation des marchés développés Pression écologique et fiscale croissante en Europe Potentiel des marchés émergents (Asie, Amérique latine) Substitution des berlines au profit des monospaces et véhicules de loisir + - Principales forces Gamme de produits + ++ +++ 6 Capacité d'innovation ++ + + 4 Image en Formule 1 + + + 3 Principales faiblesses Ventes très concentrées en Europe Taille réduite par rapport aux principaux concurrents Échec dans le haut de gamme (une seule marque --- -- -- 7 -- - 3 - - 2 + 4 0 2 5-6 2 3 1-2 -
L'Analyse de la chaîne de valeur L'analyse de la chaîne de valeurs décrit les différentes étapes qui déterminent la capacité d'une organisation à obtenir un avantage concurrentiel en proposant une offre valorisée par ses clients. L'analyse de la valeur est un concept d'origine comptable : elle est utilisée pour évaluer la valeur ajoutée par chacune des étapes d'un processus industriel complexe, afin d'identifier celles qui peuvent faire l'objet d'une économie de coût et/ou d'une augmentation de valeur. Michael Porter a lié cette démarche de détermination des différentes étapes d'un processus et d'évaluation de la valeur ajoutée par chacune avec l'analyse de l'avantage concurrentiel d'une organisation Un des postulats fondamentaux de l'analyse de la chaîne de valeur est qu'une organisation est bien plus qu'un simple assemblage de machines, d'argent et d'individus. Ces ressources sont sans valeur si elles ne sont pas déployées au sein de fonctions et utilisées au travers de routines et de systèmes qui valorisent l'offre de produits et services de l'organisation aux yeux de ses clients ou usagers. L'avantage concurrentiel repose sur la capacité à optimiser chacune des étapes de création de valeur et à harmoniser leur enchaînement. Porter affirme que la détermination de la capacité concurrentielle doit commencer par l'identification de chacune de ces étapes de création de valeur. Le schéma suivant représente dans ses grandes lignes la chaîne de valeur d'une organisation. Infrastructure de l entreprise La chaîne de valeur de base. Porter, 1985, p. 3. Les fonctions primaires, qui assurent l offre de produits et de services, sont directement impliquées dans la création de valeur. Elles peuvent être réparties en quatre ensembles : la logistique, la production, la commercialisation et les services. - 3 -
La logistique regroupe les activités liées à la réception, au stockage et à la distribution des matières premières, des composants et des produits finis. Cela inclut la manutention, la gestion des stocks, le transport, la livraison, etc. Dans le cas de services, la logistique consiste à assurer la rencontre entre le client et l'offre. La production utilise ces matières premières et composants pour obtenir le produit ou service final : transformation, assemblage, emballage, vérification, etc. La commercialisation assure les moyens par lesquels les produits ou services sont proposés aux clients ou aux usagers. Cela inclut l'administration des ventes, la publicité, la vente, etc. Dans les services publics, les réseaux de communication qui permettent aux usagers d'accéder aux services proposés sont généralement déterminants. Les services incluent les activités qui accroissent ou maintiennent la valeur d'un bien ou d'un service, comme l'installation, la réparation, la formation et la fourniture de pièces détachées. Les fonctions primaires bénéficient du support des fonctions de soutien. Les fonctions de soutien améliorent l'efficacité ou l'efficience de fonctions primaires. Elles peuvent être regroupées en quatre catégories. Les achats, qui concernent les processus d'acquisition des ressources nécessaires aux fonctions primaires. Ils interviennent tout au long de la chaîne de valeur. Le développement technologique. Toutes les fonctions utilisent une technologie, même s'il s'agit d'un savoir-faire immatériel (négociation, communication, etc.). Les technologies déterminantes sont celles qui sont directement liées à la conception et à au développement des produits, des procédés ou d'une ressource particulière (par exemple l'amélioration d'une matière première). Cette fonction est essentielle au maintien de la capacité d'innovation d'une organisation. La gestion des ressources humaines. Il s'agit d'une activité particulièrement importante, qui influe sur toutes les fonctions primaires. Elle comprend le recrutement, la formation, le développement et la rémunération des individus. La manière dont cette fonction est gérée joue un rôle déterminant dans l'adaptabilité ou la rigidité de l'organisation. L'infrastructure. Les systèmes de planification, de financement, de contrôle qualité, d'information, etc. ont un impact déterminant sur les fonctions primaires. L'infrastructure inclut également les routines et les processus qui sous-tendent la culture organisationnelle. Là encore, cela définit l'inertie ou la capacité d'innovation de l'organisation. - 4 -
L exemple de Marks & Spencer La différenciation vers le haut - au travers de l'ajout de valeur et de la création de services pour les clients - est difficile à imiter si elle s'appuie sur la gestion des liens au long de la chaîne de valeur. Marks & Spencer (M&S) a construit sa réputation sur son impératif de qualité, tant en termes de produits que de service aux clients. Cette approche a permis à M&S de se différencier de la plupart de ses concurrents, que ce soit dans la distribution alimentaire ou dans le textile (ses deux principales activités). Le schéma de la page suivante montre comment la gestion des liens au long de la chaîne de valeur sous-tend cet avantage concurrentiel Tous les aspects de «l'expérience du client» sont convergents. Ainsi, la qualité des produits a été renforcée par la localisation et l'aménagement des magasins, le sentiment d'espace entre les rayons et la cohérence dans le choix des références et les pratiques de management (par exemple le respect de l'environnement). Les relations avec les fournisseurs sont fondées sur des partenariats à long terme. M&S s'engage notamment à aider ses fournisseurs à progresser. La gestion de la chaîne d'approvisionnement est soutenue par de rigoureux systèmes de gestion des stocks et le respect de spécifications draconiennes. Le service aux clients dans les magasins impose des efforts considérables en termes de développement de systèmes, de technologies et de formation du personnel. M&S s'engage également à améliorer l'accès pour les clients - que ce soit l'accès physique aux magasins ou les systèmes de prise de commande. Source: Rapport annuel de l'entreprise, 1994-5 -
Infrastructure Réseau international R&D Innovations dans les fibres naturelles grâce à des partenariats fournisseurs Amélioration des parfums et des goûts par les chercheurs de M&S et des fournisseurs suivi rigoureux de la consommation énergétique des magasins Réponse rapide à des surconsommations Procédures de caisse rapides Réseau informatique supervisant les magasins Système de prise de commandes Système de teinture sophistiqué permettant des mélanges de couleur Techniques de teinture en plongée GRH Détachement de personnel dans des associations Conseillers spécialisés dans les fonctions clés Initiatives du personnel Achats Fournisseurs spécifiques Spécifications draconiennes Contrôle rigoureux des stocks Respect de l'environnement Partenariats avec les fournisseurs Relations à long terme Accords avec les fournisseurs des fournisseurs «Une des chaînes d'approvisionnement les plus réactives et les plus courtes du monde» Contrôle de l'intégralité du processus de fabrication Vérification manuelle et automatisée des matières premières Adéquation avec les besoins de chaque magasin (pas de répartition fixe des tailles) Gestion des magasins et pratiques de gestion cohérentes dans toutes les franchises Excellente localisation des magasins Réseau de magasins en propre et franchises à l étranger Livraison de la nourriture déclenchée parles caisses enregistreuses des magasins Magasins spacieux et confortables Choix des couleurs pour les vitrines Vêtements faciles à entretenir Accès aisé et services aux clients Plus de cent contrôles de qualité au cours du processus de production «Une qualité constante pour un prix attractif» Délais de rotation élevés Logistique Production Commercialisation Service - 6 -
L analyse des cinq forces de la concurrence : Elle consiste à déterminer les forces qui structurent la dynamique concurrentielle dans une industrie. Elle permet aux managers d identifier les fondements de la stratégie concurrentielle dans leur secteur d activité. C est une grille d analyse qui se veut universelle. Le modèle de Porter des 5 forces concurrentielles (+1: l'etat) permet de rendre compte des conditions concurrentielles dans un secteur Entrants potentiels Fournisseur s Concurrents du secteur Clients Substituts Ce modèle d'analyse permet de prendre conscience qu'au-delà de ceux que l'on appelle habituellement les concurrents, d'autres acteurs constituent une pression ou un danger. Il s'agit donc de dépasser son univers pour voir arriver le danger de plus loin. Pour analyser les forces concurrentielles du secteur, les éléments suivants sont à prendre en compte. Intensité de la rivalité entre les concurrents: - Nombre de concurrents et politique concurrentielle - Croissance du secteur - Barrières à la sortie (actifs spécialisés, interrelations d activités, obstacles affectifs ) - Poids des coûts fixes - Augmentation de capacité par pallier - Diversité des logiques entre firmes - 7 -
Menace de nouveaux entrants - existence de barrières à l'entrée - Economie d échelle et d expérience - Economie de champ - Accès à une ressource clé (marque, circuit, technologie, MP, emplacement, capitaux ) - Coût de transfert des clients (vers d autres produits) - risques de mesures de représailles - Politique gouvernementale Pression des produits de remplacement - Même fonction à un prix inférieur - Amélioration de la réponse à la fonction - Substitution statique - dynamique Pouvoir de négociation des clients - degré de concentration des clients - importance des achats par rapport au coût de revient total - coût de passage d'un fournisseur à un autre - menace d'intégration verticale amont POUVOIR DE NÉGOCIATION DES FOURNISSEURS - degré de concentration - différenciation des produits - menace d'intégration verticale aval - importance du secteur en tant que client Etat et institutions de réglementation - existence de lois contraignant l activité - existence de normes contraignant l activité - 8 -
Les groupes stratégiques : Dans une même industrie de biens ou de services, il peut y avoir bon nombre d entreprises qui présentent des intérêts différents et des approches stratégiques distinctes. Il est donc nécessaire de définir un niveau d analyse concurrentielle intermédiaire entre l entreprise et l industrie. La détermination des groupes stratégiques consiste à réunir les organisations dont les caractéristiques stratégiques sont similaires, qui suivent des stratégies comparables ou qui s appuient sur les mêmes facteurs de compétitivité. De tels groupes peuvent être généralement identifiés en utilisant deux (ou plus rarement trois) séries de caractéristiques stratégiquement déterminantes. Les facteurs qui permettent généralement de répartir les organisations en groupes stratégiques sont les suivants : Part de marché globale Diversité des produits ou des services Extension géographique Nombre de segments de marché couverts Réseaux de distribution utilisés Nombre de marques détenues Effort marketing (présence publicitaire, taille de la force de vente) Intégration verticale Qualité des produits ou des services Leadership technologique (précurseur ou suiveur) Capacités de R&D (introduction d innovations de procédés ou de produits) Position de coût (montant des investissements de productivité) Utilisation de la capacité de production Politique de prix Niveau d endettement Structure du capital (entreprise indépendante ou filiale) Relation avec les groupes d influence (Etat, investisseurs, etc.) Taille Le choix des indicateurs pertinents pour la détermination des groupes stratégiques doit prendre en compte l historique et le développement de l industrie considérée, - 9 -
l identification des forces à l œuvre dans l environnement, ou encore les stratégies des organisations retenues. L objectif consiste à déterminer quelles caractéristiques permettent de constituer des groupes d organisations les plus distincts possibles. La détermination des groupes stratégiques (GS) aide à identifier qui sont les concurrents directs, à préciser en quoi diffèrent les GS, et à définir sur quelles bases la concurrence est susceptible de se développer à l intérieur d un même groupe. Elle soulève la question de la possibilité pour une organisation de migrer d un GS à l autre. La détermination des GS permet ainsi également d identifier des opportunités de développement. - 10 -