Fiche thématique sur l équité salariale Au Québec Parties de loin 1 Les femmes ont toujours été sur le marché du travail. L industrialisation et les guerres mondiales ont favorisé davantage leur participation massive. Leurs salaires sont toutefois inférieurs à ceux des hommes, qui eux, sont les «véritables pourvoyeurs» dans la famille. Quelques chiffres en vrac 2 1891 - le salaire hebdomadaire moyen pour une femme est 4,50 $ contre 9,50 $ pour un homme. 1955 - salaire horaire moyen d une femme dans une manufacture s établit entre 0,55 $ et 1,12 $, tandis que celui d un homme est entre 1,34 $ et 1,81 $. Années 1960 : le revenu moyen d un homme au Canada est de 5 331 $ alors que celui d une femme est de 2 303 $, soit 43 % de celui d un homme. En Amérique du Nord, les premières préoccupations en matière de rémunération basées sur des «taux pour les hommes» et des «taux pour les femmes» s expliquaient par la peur de voir les salaires des hommes diminuer à la suite des deux guerres mondiales, dans la mesure où les femmes avaient pris le relais et exerçaient bon nombre des emplois habituellement destinés aux hommes. 1 Information tirée de CSF, La constante progression des femmes, 2002; Condition féminine Canada, Les femmes et le travail : reconnaissons leur contribution, 1993 ; Collectif Clio, L histoire des femmes au Québec depuis quatre siècles, Quinze, 1982 ; FTQ, Le Monde ouvrier, 75 ans d écriture au service de la classe ouvrière, mars 1991, no. 5 ; FTQ, Le Monde ouvrier, mai 1992, no. 5 ; Louis Fournier, Histoire de la FTQ (1965-1992), Ed. Québec-Amérique inc., 1994. 2 Une chronologie de l histoire du travail des femmes au Canada, Condition féminine Canada, 1993, 5p. Main-d œuvre de réserve pour l industrie de guerre, les femmes sont «fortement encouragées» à la fin de la guerre à laisser leurs emplois aux soldats démobilisés. On ferme alors les garderies. S ensuit une série de revendications des femmes dont le travail des femmes mariées, les congés de maternité et l égalité salariale. Dans les années 1960, les femmes investissent massivement le marché du travail et sont là pour y rester. Elles se syndiquent de plus en plus, notamment à la faveur d une fonction publique qui grandit. Les années 1970 voient la montée du féminisme et à la FTQ, la mise sur pied du Comité de condition féminine FTQ (CCF- FTQ) en 1973. C est aussi la décennie de l Année internationale de la femme et de l adoption de la Charte des droits et libertés de la personne (1975). Les femmes dans les syndicats affiliés à la FTQ dénoncent la discrimination en emploi et exigent des actions et mesures antidiscriminatoires dans les conventions collectives. Au-delà de l égalité salariale, elles revendiquent dorénavant l équité salariale. Avec les années 1980, cette revendication s intensifie. Une longue démarche à laquelle participe activement la FTQ dans les secteurs public et parapublic, aboutit à la fin de la décennie à un vaste programme de «relativité salariale» pour quelque 19 000 fonctionnaires, en majorité des femmes mais ce n est pas encore l équité salariale. En 1989, la FTQ tient aussi un important colloque L équité salariale : ni plus, ni moins! et dès ses débuts en 1989, se joint à la Coalition québécoise en faveur de l équité salariale. 4 e révision Campagne FTQ, élections fédérales avril 2014 1
Les années 1990 sont déterminantes. On veut une loi proactive sur l équité salariale pour mieux faire respecter ce droit. Dès avant la marche Du pain et des roses de 1995, la FTQ obtient l engagement du futur Premier ministre, M. Parizeau, d adopter la loi proactive au Québec. Après bien des années d efforts et de mobilisations des femmes et des syndicats, la Loi proactive voit enfin le jour le 21 novembre 1996. C est une belle victoire pour les femmes et les syndicats : on a obtenu la loi proactive ; on reconnaît publiquement que la discrimination salariale envers les femmes persiste dans bien des systèmes de rémunération ; le fardeau de la preuve incombe dorénavant aux employeurs et non plus aux travailleuses. On amorce un changement dans les mentalités. Qu est-ce que l équité salariale? Au début du siècle passé, les travailleuses revendiquaient l égalité salariale (travail égal, salaire égal, ou un salaire égal pour un même travail). La notion de l équité salariale va plus loin. Elle réfère au droit à un salaire égal pour un travail équivalent ou de valeur égale chez le même employeur. Cette valeur est établie selon divers critères non sexistes, valorisant tous les aspects du travail féminin, y compris ceux souvent oubliés. L équité salariale tend donc à réduire l écart salarial entre les femmes et les hommes, lequel est aussi attribuable à d autres facteurs comme la scolarité, les heures travaillées, l expérience, la syndicalisation. Début 2000 au Québec, plusieurs organisations syndicales contestent l infâme chapitre IX de la Loi, régime d exception pour les employeurs (dont le gouvernement) ayant réalisé un programme de relativité salariale. Ce n est qu en 2004 que le jugement Julien rend inconstitutionnel le chapitre IX qui privait de leur droit à l équité salariale un très grand nombre de travailleuses. Cependant, seuls les employeurs directement visés par ces contestations doivent reprendre leurs travaux. Les obligations des employeurs Selon la Loi, tous les employeurs comptant 10 salariées et plus doivent avoir terminé leurs exercices d équité salariale pour le 21 novembre 2001, et complété les paiements des correctifs salariaux pour le 21 novembre 2005. Ils ont donc 4 ans pour réaliser l équité salariale et 4 autres années pour verser les rajustements salariaux, s il y en a. Des exercices de relativités salariales ont déjà eu cours dans la fonction publique, mais très peu a alors été fait du côté des entreprises du secteur privé. Un 1 er bilan de la Loi après 10 ans 2006 marquait le 10 e anniversaire de l adoption de la Loi sur l équité salariale (LÉS). La Commission de l équité salariale (CÉS) entreprend une évaluation de la Loi et de son application. La FTQ fait de même avec la collaboration de ses syndicats affiliés. Les résultats sont assez décevants. Moins de la moitié des entreprises (grandes et petites) ont terminé leurs travaux. Beaucoup de problèmes de compréhension et d application sont identifiés et il reste beaucoup de travail à faire. Par ailleurs, là où nos syndicats ont pu participer aux travaux, on note des correctifs salariaux souvent appréciables ce qui prouve que le travail des femmes était souvent sous-évalué et, donc, souspayé. Devant les trop maigres résultats, le gouvernement procède à une série de consultations en 2008 et 2009, à la recherche de «plus de rigueur» et «plus de souplesse». Le but? Un respect accru de l application de la loi et du droit des travailleuses à une juste rémunération, et des solutions «viables» pour les employeurs ce qui mène à d inévitables compromis. 4 e révision Campagne FTQ, élections fédérales avril 2014 2
Mai 2009 : au terme d une autre commission parlementaire, l Assemblée nationale adopte à l unanimité la loi 25, Loi modifiant la Loi sur l équité salariale. Du même souffle, le gouvernement annonce des crédits supplémentaires substantiels à la CÉS qui, dans les années à venir, devra redoubler d ardeur pour relever tous les défis prévus compte tenu d un échéancier relativement serré. Plusieurs organisations syndicales, dont trois affiliés à la FTQ (SCFP, SEPB et SQEES), décident de contester certaines des nouvelles dispositions concernant le maintien de l équité salariale : la suppression de la rétroactivité des paiements liés au maintien de l équité salariale, et des exigences insuffisantes pour les employeurs en matière d information aux personnes salariées concernées. Fin mars 2010, le gouvernement Charest dépose son budget qui réserve une très mauvaise surprise aux travailleuses : l abolition de la CÉS et le transfert de ses activités à la Commission des droits de la personne et droits de la jeunesse. C est un recul pour les femmes du Québec. Très rapidement, la FTQ réagit à cette annonce et initie des démarches pour faire renaître la Coalition du Québec en faveur de l équité salariale. La FTQ n a ménagé aucun effort pour sauvegarder la CÉS : nombreuses représentations politiques; discussions au Groupe de travail FTQ sur l équité salariale, au Bureau de la FTQ, au Comité de la condition féminine, au Conseil général; participation active à la Coalition en faveur de l équité salariale; travaux en sous-comité au Conseil consultatif du travail et de la maind œuvre et au Comité consultatif des partenaires de la CÉS, etc. Novembre 2010 : le gouvernement dépose le projet de loi omnibus 130. On y apprend que la CÉS deviendrait une division spécialisée en équité salariale à l intérieur de la Commission des normes du travail, laquelle s appellerait la «Commission des normes du travail et de l équité salariale». La FTQ et la Coalition s activent pour faire renverser la décision. Devant le tollé, le gouvernement doit s incliner. La CÉS est sauvegardée grâce à nos efforts conjugés. Où en sommes-nous? Le procès a eu lieu en mai-juin 2013. À la fin janvier 2014, la Cour supérieure du Québec donnait raison aux syndicats. Hélas! Le gouvernement décidait d en appeler de ce jugement et refuse ainsi de reconnaître la persistance de la discrimination salariale fondée sur le sexe. Comme quoi les femmes et les syndicats ont encore à lutter sans relâche pour l égalité! Où voulons-nous aller? Nous avons fait quelques avancées notables au fil des années. Mais nous avons aussi subi des reculs ce qui a ravivé la solidarité entre les groupes. Loin d être terminé partout, le travail pour atteindre l équité salariale doit se poursuivre. Et un autre défi nous attend : maintenir l équité salariale une fois atteinte dans les entreprises. Comme femmes, comme travailleuses, comme militantes, nous devons rester vigilantes et actives : Comprenons-nous toute l importance de l équité salariale et son maintien pour les femmes et leurs familles? Pour nos revenus et protections sociales actuels (prestations d assurance emploi, d assurance parentale, de CSST, etc.)? Pour nos revenus futurs (notamment à la retraite)? Comment nous assurer que l équité salariale est réellement atteinte dans nos milieux de travail et ceux que nous représentons? Que les rajustements salariaux ont été payés? Qu ils ont été payés à temps? Que notre convention collective inclut une clause qui assure le 4 e révision Campagne FTQ, élections fédérales avril 2014 3
maintien de l équité salariale? Que le maintien de l équité salariale est assuré? Y a-t-il chez nous un «comité» de suivi sur le maintien de l équité salariale? À nous de voir à préserver ce droit si précieux pour les travailleuses et à le faire pleinement respecter Quelques engagements internationaux du Canada 3 4 Engagements nationaux 1956 : la Loi sur l égalité des salaires pour les femmes établit le principe du salaire égal pour un travail égal. 1970 : la Commission royale d enquête sur la situation de la femme au Canada (Commission Bird) recommande une rémunération égale pour des fonctions équivalentes. 1977 : la Loi canadienne sur les droits de la personne est adoptée. L article 11 garantit aux femmes une rémunération égale à celle des hommes pour un travail d égale valeur. 1951 : Convention internationale sur l égalité de rémunération entre la main-d œuvre masculine et la main-d œuvre féminine pour un travail de valeur égale (adoptée par l OIT et ratifiée par le Canada en 1972). 1976 : le Canada ratifie le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels que les Nations Unies ont adopté en 1966. L article 7 porte sur l équité salariale et l article 2 engage les signataires. 1981 : le Canada ratifie la Convention sur l élimination de toutes les formes de discrimination à l égard des femmes, adoptée par l ONU en 1979. L article 11 vise entre autres l équité salariale et engage les signataires. 1995 : le Canada endosse les recommandations de la Quatrième conférence mondiale de l ONU sur les femmes en adoptant la Déclaration et le Programme d action de Beijing, comprenant notamment des recommandations sur l équité salariale. Il a réitéré ses engagements dans le cadre de Beijing + 5 en l an 2000. Et au Québec 1975 : Adoption de la Charte des droits et libertés de la personne (l article 19 traite de l équité salariale). 1996 : Adoption au Québec de la Loi sur l équité salariale. 2004 : Contestation par divers syndicats du chapitre 1 de la Loi sur l équité salariale, jugé inconstitutionnel. 2009 : Adoption au Québec de la Loi modifiant la Loi sur l équité salariale. Contestation de certaines dispositions de cette loi modifiée par plusieurs organisations syndicales. 2014 : Décision de la Cour supérieure du Québec favorable aux organisations syndicales ayant contesté en 2009 et appel de ce jugement par le gouvernement du Québec! 3 Avant que le Canada ne puisse ratifier une convention internationale, il doit d abord avoir l accord de toutes les provinces et des territoires. 4 Information tirée du Rapport final du Groupe de travail sur l équité salariale, L Équité salariale : une nouvelle approche à un droit fondamental, 2004, ch. 2. 4 e révision Campagne FTQ, élections fédérales avril 2014 4
L équité salariale dope l économie 5 Le règlement rétroactif a provoqué un bond de 4,9 % des ventes au détail dans les commerces québécois.( ) Voilà comment s est soldé le règlement rétroactif de 1,5 milliard aux 330 000 employées du secteur public québécois. Ça représente une hausse des ventes de 10 % en mai 2007 par rapport à mai 2006. «L impact a été fort important», de dire le président du Conseil québécois du commerce de détail. «C est une vraie mine d or» de juger un économiste de valeurs mobilières. De son côté, le Mouvement Desjardins a estimé que la croissance québécoise a représenté en mai environ 40 % de la croissance totale au Canada. Et une fois les impôts et cotisations sociales prélevées, c est plutôt la moitié que reçoivent véritablement les bénéficiaires en 2007. Voilà bien une preuve que l équité salariale, c est payant même pour les employeurs et le gouvernement! 5 www.ledevoir.com, 25 juillet 2007. 4 e révision Campagne FTQ, élections fédérales avril 2014 5
Fiche thématique sur l équité salariale Au Canada Parties de loin Les travailleuses des entreprises régies par des lois fédérales (fonction publique fédérale, télécommunications, radiodiffusion, banques, transport interprovincial et international, postes, etc.) dont beaucoup sont membres de syndicats affiliés à la FTQ réclament depuis des décennies l équité salariale et une loi proactive. Actuellement, les quelques dispositions existantes sur l équité salariale se retrouvent dans la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP) et, depuis 2009 pour les fonctionnaires au niveau fédéral, dans la nouvelle Loi sur l équité dans la rémunération du secteur public. Les sagas juridiques des derniers 30 ans prouvent que les dispositions de la LCDP, fondées sur des plaintes, manquent d efficacité pour faire respecter le droit à l équité salariale. Le système est long, technique, très coûteux, et c est aux travailleuses de démontrer qu elles subissent de la discrimination. Ainsi : Les pressions des syndicats et groupes de femmes ont conduit à la création, en 2001, du Groupe de travail fédéral sur l équité salariale. Après 3 ans d examen et de débats ayant abouti à des consensus entre employeurs, syndicats, groupes de femmes, le Groupe de travail déposait, en 2004, son volumineux rapport et ses recommandations, dont la principale est l adoption d une nouvelle loi proactive sur l équité salariale. Depuis 2004, la FTQ participe au Réseau de l équité salariale aux côtés du CTC et de groupes de femmes. Ensemble, nous avons mené plusieurs actions visant à obtenir la loi proactive, et fait beaucoup de pressions politiques. Début des années 1980 - l Alliance de la fonction publique (AFPC) dépose ses premières plaintes à la Commission canadienne des droits de la personne au nom de 200 000 membres travaillant dans la fonction publique fédérale Le règlement surviendra en 1999! Le litige opposant les téléphonistes (et leur syndicat, le SCEP) à Bell Canada a duré 14 ans. Celui entre l AFPC et Postes Canada a duré 30 ans avant d être réglé! Et d autres continuent de se battre pour leur droit. Depuis les années 1990, à chacun des congrès du Congrès du travail du Canada (CTC), la FTQ présente des résolutions pour obtenir une loi proactive sur l équité salariale pour la fonction publique et les milieux de travail de compétence fédérale. verso 4 e révision Campagne FTQ, élections fédérales avril 2014 6
Nous croyions approcher de notre but. Or, le 18 septembre 2006, le gouvernement Harper venait briser cet élan. Faisant fi de tout le travail fait et des consensus difficilement atteints, le gouvernement Harper a décidé de maintenir le système actuel. Il renie ainsi ses responsabilités à l égard des femmes et ses engagements nationaux et internationaux en matière d égalité et de droits de la personne. En mars 2009, le gouvernement conservateur de M. Harper adopte la Loi d exécution du Budget, modifiant ainsi plusieurs textes législatifs. Parmi ceux-ci, les dispositions en équité salariale enchâssées depuis 1977 dans la Loi canadienne des droits de la personne. Ces dispositions ont été remplacées par la Loi sur l équité dans la rémunération du secteur public pour, et seulement pour, les personnes salariées de la fonction publique fédérale. Le secteur privé demeure épargné pour le moment, du moins. Le principe même de l équité salariale est compromis à plus d un titre : le système de plaintes est maintenu et le fardeau de la preuve incombe toujours aux travailleuses; aucune obligation pour les employeurs de réviser leurs pratiques salariales et de travailler avec le syndicat; interdiction aux travailleuses de se faire représenter par leur syndicat; elles doivent se battre individuellement contre leur employeur, l État; tout appui (ou même encouragement) du syndicat pour déposer une plainte est passible d une amende de 50 000 $; l équité salariale droit fondamental de la personne doit dorénavant être négociée et devient assujettie aux lois du marché; etc. Où en sommes-nous? L AFPC a intenté une procédure judiciaire pour contester devant les tribunaux ces dispositions législatives discriminatoires et inéquitables selon la Charte canadienne des droits de la personne. Le syndicat a aussi porté plainte contre le gouvernement fédéral à la Commission de la condition de la femme des Nations Unies et a reçu l appui du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes. Où voulons-nous aller? La FTQ continue de réclamer des améliorations législatives en matière d équité salariale aux côtés du mouvement syndical canadien et des groupes de défense des droits des femmes. Notre but : obtenir la loi proactive, telle que recommandée par le Groupe de travail fédéral sur l équité salariale en 2004. Le gouvernement fédéral a le devoir de respecter et faire respecter le droit à l équité salariale pour les femmes, droit enchâssé dans la Charte canadienne et reconnu dans de multiples conventions et pactes internationaux ratifiés par le Canada au fil des années. 4 e révision Campagne FTQ, élections fédérales avril 2014 7