Fédération Nationale des Infirmiers

Documents pareils
SOINS DE PRATIQUE COURANTE. Prélèvement aseptique cutané ou de sécrétions muqueuses, prélèvement de selles

Ablation de sutures. Module soins infirmiers

Traitement des plaies par pression négative (TPN) : des utilisations spécifiques et limitées

EVALUER LA MAITRISE DU RISQUE INFECTIEUX EN EHPAD

La version électronique fait foi

STOP à la Transmission des microorganismes!

Chapitre VI : Gestion des risques épidémiques

FICHES INFORMATIVES HYGIENE DU PERSONNEL

Annexe 2 Les expressions du HCAAM sur la coordination des interventions des professionnels autour du patient

L entretien en radiologie conventionnelle. Comment procède t on? Radiologie conventionnelle. Quel mobilier et matériel?

Objet : Critères microbiologiques applicables aux auto-contrôles sur les carcasses d'animaux de boucherie. Destinataires d'exécution

Prépration cutanée de l opéré

MINISTÈRE DU TRAVAIL, DE L EMPLOI ET DE LA SANTÉ MINISTÈRE DES SOLIDARITÉS ET DE LA COHÉSION SOCIALE SANTÉ ETABLISSEMENTS DE SANTÉ.

Complément à la circulaire DH/EO 2 n du 30 mai 2000 relative à l'hospitalisation à domicile

Semaine Sécurité des patients

NETTOYAGE ET CONDITIONNEMENT DU MATERIEL DE SOINS EN VUE DE LA STERILISATION

SOINS INFIRMIERS EN HEMODIALYSE

ARRÊTÉ du. relatif au cahier des charges de santé de la maison de santé mentionné à l article L du code de la santé publique.

Diplôme d Etat d infirmier Référentiel de compétences

PREPARATION DU PATIENT POUR UNE CHIRURGIE. Marcelle Haddad

TenderWet active, le pansement irrigo-absorbant unique pour une détersion active!

Bio nettoyage au bloc opératoire

Sensibilisation des opérateurs à l hygiène des aliments

PROCÉDURE. Code : PR-DSI

PROTOCOLE SONDAGE VESICAL

SURVEILLANCE DES SALARIES MANIPULANT DES DENREES ALIMENTAIRES

REFERENTIEL D ACTIVITES ET DE COMPETENCES CQP AIDE DENTAIRE

Gestion de la crise sanitaire grippe A

Tout sur les nouvelles cotations des perfusions

L infirmier exerce son métier dans le respect des articles R à R et R à du code de la santé publique.

1 Organiser et gérer. son poste de travail

FICHE DE DONNÉES DE SECURITÉ Demand CS

ACSI. Association Centre de santé Infirmier. 53 rue de la marine Penmarc h : : cdspen29@wanadoo.

La gestion des excreta en région Nord-Pas de Calais

SUPPLEMENT AU DIPLÔME

Service d ambulance. Normes. de soins aux patients. et de transport

Hygiène et prévention du risque infectieux en cabinet médical ou paramédical

Projet de santé. Nom du site : N Finess : (Sera prochainement attribué par les services de l ARS) Statut juridique : Raison Sociale :

Maisons de Santé Pluridisciplinaires. Conditions d éligibilité à des soutiens financiers

Paquet hygiène : Le règlement 852/2004 relatif à l hygiène des denrées alimentaires

2. HYGIENE ET PREVENTION DU RISQUE INFECTIEUX

BOITE A IMAGES PREVENTION DE LA MALADIE A VIRUS EBOLA

FORMATION REFERENTS HYGIENE 14 HEURES (Décret du 24/06/2011 et Arrêté du 5/10/2011)

e-santé du transplanté rénal : la télémédecine au service du greffé

Conduite à tenir devant une morsure de chien (213b) Professeur Jacques LEBEAU Novembre 2003 (Mise à jour mars 2005)

LES DOUCHES ET LES BASSINS OCULAIRES D URGENCE

C. difficile. Réponses aux questions les plus fréquemment posées sur le. à l Hôpital général juif HÔPITAL GÉNÉRAL JUIF SIR MORTIMER B.

Infirmieres libérales

SUTURE D EPISIOTOMIE ET PRISE EN CHARGE DE LA CICATRICE; RECOMMANDATIONS AUX PATIENTES

évaluation des risques professionnels

Nouveaux rôles infirmiers : une nécessité pour la santé publique et la sécurité des soins, un avenir pour la profession

va être opéré d un hypospadias

Semaine Sécurité des patients «Le mystère de la chambre des erreurs!»

BRICOLAGE. Les précautions à prendre

Télésanté et Télémédecine 24h/24 et 7j/7

LES SOINS D HYGIENE l hygiène bucco dentaire. Formation en Hygiène des EMS de la Somme EOH CH ABBEVILLE JUIN 2015

admission aux urgences

Cette intervention aura donc été décidée par votre chirurgien pour une indication bien précise.

Ensemble de documents d orientation sur la maladie à virus Ebola

La responsabilité des infirmiers et des établissements de santé

Le Data WareHouse à l INAMI Exploitation des données

Recommandations des experts de la Société de réanimation de langue française, janvier 2002 Prévention de la transmission croisée en réanimation

L ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE DU PATIENT EN 15 QUESTIONS - RÉPONSES

formations professionnelles fin 2014 / début 2015 hygiène alimentaire en restauration collective audit, conseil et formation professionnelle

Test d immunofluorescence (IF)

Organiser une permanence d accès aux soins de santé PASS

Résumé des modifications intervenues : simplification et clarification des actions descriptives

Item 169 : Évaluation thérapeutique et niveau de preuve

L hôpital dans la société. L expérience du CHU de Paris, l AP HP. Pierre Lombrail, Jean-Yves Fagon

Doit on et peut on utiliser un placebo dans la prise en charge de la douleur?

Contexte de la chimiothérapie à domicile

Cahier des bonnes pratiques pour un nettoyage écologique des locaux du Conseil Général de la Gironde

POURQUOI L HYGIENE HYGIENE = PROPRETE HYGIENE = PREVENTION DES INFECTIONS COMMUNAUTAIRES ET DES INFECTIONS ASSOCIEES AUX SOINS

A B C Eau Eau savonneuse Eau + détergent

Contenu de la formation PSE1et PSE2 (Horaires à titre indicatif)

Service Privé d ambulances 2010

Cahier des charges des maisons de santé pluri-professionnelles pouvant bénéficier d un soutien financier

EURO DEFI PADS IU9I 2012/10

Réflexions sur les possibilités de réponse aux demandes des chirurgiens orthopédistes avant arthroplastie

Livret d accueil des stagiaires

«Actualités et aspects pratiques de l antisepsie»

AVIS. de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l alimentation, de l environnement et du travail

Déclarations européennes de la pharmacie hospitalière

Bilan de la démarche. de certification V Haute-Normandie

Vulcano Pièges Fourmis

prise en charge paramédicale dans une unité de soins

Accueil et Formations du personnel recruté en Stérilisation Centrale. Présenté par Dany GAUDELET et le Dr. Julien MOLINA

Utilisation de produits sains et sûrs Mise en oeuvre de procédures strictes et rigoureuses

Chapitre 4 : cohabiter avec les micro-organismes. Contrat-élève 3 ème

AUDIT ISO SUR CESARIENNE CH MACON

DISTRIBUTION DU TRAITEMENT MEDICAMENTEUX PAR VOIE ORALE PAR L INFIRMIERE : RISQUE DE NON PRISE DU TRAITEMENT MEDICAMENTEUX PAR LE PATIENT

CAHIER DES CHARGES Pour la mise en œuvre d une maison de santé pluridisciplinaire En Lot-et-Garonne

10 % À REVERSER S ENGAGE DU MONTANT DE VOS ACHATS À L AOI ACCOMPAGNEMENT ET FORMATION À L HYGIÈNE ÉCHANGES MADAGASCAR

Infection par le VIH/sida et travail

COMMENT DEVENIR KINÉSITHÉRAPEUTE

IBCP- Service Culture Cell- Règlement Intérieur des laboratoires de culture cellulaire

L opération de la cataracte. Des réponses à vos questions

Insuffisance cardiaque

Qu est-ce que la peste?

Transcription:

N. REF. : TP/CB N 141 Paris, le 23 avril 2010 Madame la Ministre, Madame Roselyne BACHELOT Ministre de la Santé et des Sports 14, avenue Duquesne 75350 PARIS 07 SP Nous avons pris connaissance du «projet d arrêté relatif à la modification de la procédure d inscription et des conditions de prise en charge des articles pour pansements inscrits à la section 1 - chapitre 3 - titre 1 er de la liste prévue à l article L.165-1 (LPP) du code de la sécurité sociale». L article 2 - section 1 du projet établit une distinction dans la prise en charge des plaies chroniques et celle des plaies aiguës. La sous-section 3 «compresses et coton» précise les indications pour lesquelles l utilisation de matériel stérile et notamment des compresses est préconisée : - Paragraphe 1 : compresses stériles pour nettoyage de plaies et/ou réalisation de pansements. Au point B, les indications de prise en charge concernent : plaies aiguës exsudatives (recouvrement des plaies post-opératoires, gynécologiques, drainage des plaies), plaies chroniques exsudatives, pour recouvrement de pansements pour drainage des exsudats et protection mécanique de la plaie. Aux points C et D, les indications de prise en charge concernent : nettoyage des plaies ou de la peau saine en situation péri-opératoire et dans le cas de plaies aiguës à risque infectieux (notamment brûlures), confection de pansements en soins post-opératoires et pour les plaies aiguës à risque infectieux (notamment brûlures). - Paragraphe 2 : autres dispositifs, non stériles, pour nettoyage de plaies et/ou réalisation de pansements. Siège social : 7, rue Godot-de-Mauroy 75009 PARIS Tél. : 01 47 42 94 13 Fax : 01 47 42 90 82 Internet : http://www.fni.fr E-mail : fni@fni.fr Siret : 302 999 024 000 11

Les indications de prise en charge concernent : le nettoyage des plaies, la confection de pansements (notamment plaies chroniques). L utilisation de compresses non stériles en milieu ambulatoire, telle qu elle est préconisée dans ce paragraphe 2 risque de compromettre gravement la sécurité des soins. Une telle décision heurte la plupart des recommandations en la matière, et s écarte des protocoles de soins communément admis par le corps infirmier, les institutions et les établissements de santé, les sociétés savantes. En effet, le guide de prévention «Infections liées aux soins réalisés en dehors des établissements de santé», édité par la DGS en 2006, précise : 1.5. Les apports de la loi n 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique Cette loi affirme la responsabilité de l État pour la fixation des objectifs pluriannuels d amélioration de santé de la population et la définition des orientations dans des domaines jugés prioritaires. En matière d hygiène, le nouvel article L.3114-6 du CSP prévoit que «Les professionnels de santé ainsi que les directeurs de laboratoire d analyse de biologie médicale ( ) exerçant en dehors des établissements de santé, veillent à prévenir toutes infections liées à leurs activités de prévention, de diagnostic et de soins.» Ce même guide précise au paragraphe 9.1. Bonnes pratiques d hygiène au cours des soins Ces règles intègrent, en premier lieu, le respect des précautions «standard» et de la préparation cutanée ou muqueuse avant un geste invasif, ainsi qu un certain nombre de mesures qui touchent à l organisation et à la technique du soin. Ces mesures vont associer : a. Hygiène du soignant b. Préparation du soin c. Médicaments et matériels utilisés L utilisation d un matériel adapté au niveau de risque du geste à réaliser. Exemple : matériel stérile pour tout contact avec une effraction cutanée. d. Technique du soin Une technique rigoureuse lors de l exécution suivant une chronologie pré-établie, sans effectuer de geste au-dessus du matériel préparé. La manipulation de tous les matériels ou produits stériles avec des gants stériles. 2

La dépose du matériel stérile sur une surface stérile (champ, plateau ) s effectue en pelant les sachets, et non pas en les déchirant. Il convient de maîtriser l amplitude du geste afin d éviter une faute d asepsie (contact direct avec les mains ou avec du matériel non stérile). SOINS CUTANES : Exemple : Réfection d'un pansement - En cas de plaie infectée, retirer le pansement avec une pince ou une main gantée, jeter le gant en le retournant sur le pansement afin de protéger l'environnement. - Travailler du plus propre vers le plus sale. - Le matériel et les compresses en contact avec la plaie doivent être stériles. - Commencer par un nettoyage du pourtour de la plaie sans toucher le centre en effectuant un seul passage avec chaque compresse. - Eliminer le matériel souillé au fur et à mesure vers la zone sale du plan de travail. - Si un patient a plusieurs pansements, prendre du matériel stérile à chaque pansement et toujours commencer par la plaie la plus propre. - Privilégier un usage individuel pour tous les produits à application locale (pommade, antiseptique, collyre ). - Vérifier la date de péremption et noter la date d ouverture du tube avant utilisation. - Appliquer les produits médicamenteux (pommade ou antiseptique par exemple) à l aide d une compresse et jamais directement sur la plaie. (Source Guide DGS) Par ailleurs, la HAS (Recommandations de juin 2007 : Hygiène et prévention des risques infectieux en cabinet médical ou paramédical) recommande pour le traitement des plaies : soins de plaies (propres et souillées), soins de plaies, de plaies chroniques et d escarres. Usage possible de set de soins stériles Produits de lavage de la plaie : Le pouvoir détergent des savons peut, par irritation des tissus fragilisés, endommager les tissus en voie de cicatrisation. De plus, l intérêt des savons n a pas été démontré pour les soins de la peau lésée. Le lavage des plaies à l eau doit être préféré à l utilisation des savons doux ou antiseptiques. Lorsque le savon est indiqué, il doit toujours être liquide, dilué et suivi d un rinçage. Un savon antiseptique peut être utilisé en cas de plaies infectées, toujours sur prescription médicale. Selon le type de plaie, le lavage se fera préférentiellement à l eau, soit l eau du réseau, soit une eau bactériologiquement maîtrisée, soit l eau pour irrigation stérile, ou au chlorure de sodium stérile à 9. Le rinçage peut être réalisé avec l eau du réseau sous condition de contrôle bactériologique (absence de Bacille pyocyanique), ou le chlorure de sodium stérile à 9, ou l eau stérile encapsulée, ou l eau pour irrigation. Les flacons d eau pour irrigation ou de chlorure de sodium stérile à 9 sont à utiliser en une seule fois et les quantités non utilisées doivent être jetées. 3

La HAS préconise bien le lavage des plaies à l eau, y compris à l eau du réseau, parce que cette eau répond aux critères d une eau maîtrisée. La Fédération Nationale des Infirmiers attire tout particulièrement votre attention sur l erreur qui consisterait à établir une analogie entre l utilisation de l eau maîtrisée, recommandée par la HAS, et l utilisation de compresses non stériles conditionnées par paquets et conservées après ouverture dans des conditions aléatoires au domicile des usagers (grande hétérogénéité des critères d hygiène, caractéristiques de l habitat variables, parfois inadapté au nombre d occupants, présence d animaux domestiques, insalubrité). On notera au passage que concernant les flacons ouverts, la HAS préconise que les quantités non utilisées soient jetées. L utilisation de compresses non stériles pour les soins des plaies chroniques aggraverait dans ce contexte le risque d infections liées aux soins, entraînant une perte de chance, en particulier pour les familles les plus socialement et culturellement défavorisées. Une telle décision engagerait en outre la responsabilité des infirmières libérales en matière d infections liées aux soins, alors que ces professionnelles ne disposeraient plus des moyens de s assurer que le matériel de soin n aurait pas été contaminé. Ce projet d arrêté dans sa rédaction actuelle expose inutilement les patients les plus vulnérables au risque infectieux. Il en va ainsi des personnes diabétiques souvent exposées à ce type de complications (ulcères, mal perforant plantaire, etc.) en fonction de leur exposition au risque infectieux. Dans un article de la revue «Médecine Clinique endocrinologie & diabète n 44, Janvier-Février 2010», il est précisé que les troubles trophiques podologiques en diabétologie sont des complications fréquentes aux conséquences médico-socioéconomiques majeures : 15 % des diabétiques développeront un ulcère ; 15 % des ulcères plantaires diabétiques développeront une ostéomyélite ; 15 % des ulcères plantaires diabétiques se termineront par une amputation (loi des «15») ; 50 % des amputations non traumatiques sont estimées en rapport avec le diabète [2]. Lorsque le pertuis est profond, les lavages mécaniques à grand jet sont nécessaires : eau stérile, sérum physiologique, parfois antiseptiques et antibiotiques (si liquide purulent), pendant une courte durée, peuvent être utilisés.» Comment peut-on envisager que le liquide de lavage soit stérile et pas les compresses? Enfin, dans son «précis pratique de soins à domicile», édité en 1997, l HAD de Lyon a décrit les procédures de soins par thème : 4

SOINS TECHNIQUES : - Pansement de plaies chez une personne soignée à domicile Objectif : Obtenir une plaie propre afin d assurer une cicatrisation. Ce protocole s applique pour les escarres et les ulcères. Matériel : blouse à usage unique alèse set de pansement tampons et compresses stériles sérum physiologique Pour toutes plaies, l HAD préconise des compresses stériles. Ce projet d arrêté introduirait de fait une discrimination (notion de gain/perte de chance) et une distorsion dans les procédures de soins selon que les patients seraient traités à domicile dans le cadre de l HAD ou dans une prise en charge traditionnelle par les infirmières libérales. Le conditionnement des compresses stériles assure la sécurité des soins en termes de précaution standard de stérilité, il constitue un facteur déterminant de chance pour le patient. Le conditionnement des compresses non stériles constituerait une ouverture large à l apport de germes pathogènes dans le cadre d un traitement à domicile, et entraînerait de fait une perte de facteurs de chance pour le patient. Pour toutes les raisons évoquées supra, et pour garantir l égalité des chances de nos concitoyens devant la maladie, la FNI vous prie instamment de bien vouloir apporter les modifications indispensables à ce projet d arrêté, notamment en réservant l utilisation de compresses non stériles à la prise en charge des soins de colostomie et d iléostomie. Je vous prie d agréer, Madame la Ministre, l expression de ma considération distinguée. Philippe TISSERAND Président fédéral 5