La deuxième question que nous avons souhaité poser dans le cadre de ce MOOC sur la retraite concerne la soutenabilité du système reposant sur la répartition : pouvons-nous faire confiance au système par répartition?
Le système de retraite français est un système de retraite solidaire, contributif et repose sur la répartition. Il est solidaire parce que l affiliation est obligatoire et parce que les périodes de chômage indemnisées, les périodes de maladie ou d invalidité sont prises en compte pour valider des trimestres dans le calcul de la retraite. Il est contributif parce que pour l essentiel c est bien en fonction du niveau des cotisations versées et qui sont proportionnelles au salaire que les droits sont ouverts et qu il y a un certain nombre de trimestres à valider pour obtenir un droit Il est par répartition parce que les actifs en payant leurs cotisations chaque mois financent les pensions versées aux retraités. Les retraites versées par les caisses de retraite sont financées en temps réel par les actifs dans une logique de solidarité entre les générations. Ce système de retraite par répartition présente une sensibilité à l équilibre entre le nombre d actifs cotisants et le nombre de pensionnés retraités qui touchent leur pension. Quand pour des raisons démographiques ou économiques il y une modification défavorable du ratio actifs sur retraités et que le nombre d actifs diminue alors que le nombre de pensionnés augmente, le système par répartition est en difficulté et doit trouver des sources de financement permettant d équilibrer ses comptes.
Le système par répartition est confronté à trois défis : l allongement de l espérance de vie, la structure démographique et l évolution macro-économique. Nous allons nous arrêter sur les deux premiers. Le troisième est difficile à anticiper sur le long terme mais chacun comprend son importance.
Le premier c est l allongement de l espérance de vie. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, l espérance de vie, alors qu elle avait été assez stable tout au long du 19 ème siècle et au début du 20 ème siècle, s est mise à progresser rapidement et le rythme de cette progression s est lui-même accéléré ces 25 dernières années. Entre 1990 et 2010, la durée moyenne de service des pensions de la CNAV s est allongée de 4 années. L augmentation de l espérance de vie est une bonne nouvelle liée effectivement à l amélioration globale de l état de santé de la population. Elle implique de trouver de nouveaux financements.
Le deuxième défi auquel notre système par répartition est confronté est celui de notre structure démographique. La pyramide des âges française est caractérisée par l atypie de la génération du baby-boom qui est une génération extrêmement nombreuse et qui est aujourd hui une génération de jeunes retraités. Alors même que le taux de fécondité de la France est l un des meilleurs d Europe et que nous assurons le renouvellement des générations, que nos perspectives démographiques sont moins pessimistes que celles auxquelles on s attendait il y a 15 ou 20 ans, l atypie de la génération du baby-boom entraîne un défi important pour le régime des retraites. Le conseil d orientation des retraites l a bien montré : à long terme notre système de retraite par répartition n est pas en déséquilibre structurel ; à l horizon de 2050/2060 nous n avons plus de problème global d équilibre de notre régime de répartition. En revanche nous avons un déséquilibre à court terme qui pose la question du financement de la retraite ces prochaines années, en particulier du fait de la nécessité de servir des pensions à cette génération nombreuse qui déséquilibre le ratio actifs/pensionnés. Le Cor indique que le rapport actifs/retraités devrait se dégrader, passant de 1,7 cotisant par retraité en 2018, à 1,4 à partir de la fin des années 2040, pour ensuite rester quasi-stable jusqu en 2060.
Cette sensibilité au ration actif/pensionné est une fragilité car il faut trouver régulièrement des solutions pour limiter les déséquilibres structurels. On le fait en réformant régulièrement les paramètres des droits à pension : nous y reviendrons. Parmi les leviers qui ont été actionnés ces dernières années figure également l encouragement à la poursuite d activité des travailleurs âgés. Création en 1988 de la retraite progressive qui permet de cumuler une activité professionnelle à temps partiel et une fraction de sa pension de retraite Création en 2003 de la surcote: dispositif qui permet de bénéficier d un surcroît de pensions en cas de poursuite de l activité professionnelle au-delà de la durée exigée pour le taux plein (+1,25% par trimestre) Libéralisation depuis le 1er janvier 2009 du cumul emploi retraite : toute personne qui a liquidé sa pension à taux plein peut immédiatement reprendre une activité (y compris chez son dernier employeur) D autres mesures relevant du droit du travail ont été prises : - Le relèvement à 70 ans de l âge de la mise à la retraite d office - La création d une obligation de négocier des accords ou, à défaut des plans d actions pour l emploi des seniors dans les entreprises (2009)
Cela dit, notre organisation reposant sur la répartition a montré sa robustesse, en particulier depuis 2008 et la crise financière mondiale qui a eu pour effet de modifier les représentations communément admises. S il existe une fragilité liée à la structure démographique qui doit trouver des réponses, le système ne peut pas faire faillite : au pire, si rien n est fait, c est le pouvoir d achat des retraités qui servira de paramètre d ajustement. En revanche, dans un système par capitalisation, qui est l alternative, le montant des pensions dépend du rendement des placements financiers réalisés avec les cotisations versées par les actifs tout au long de leur carrière. Au-delà de l aléa de ce rendement sur 40 ans mais l histoire du 20 ème siècle a montré que cet aléa n est pas que théorique il convient de prendre en compte que la performance des principaux indices boursiers a diminué de près de 30% en moyenne entre 2008 et 2011 dans cette situation plusieurs fonds de pension ont été contraints soit à la faillite, soit à une baisse drastique des pensions Si malgré ces éléments nous pensions qu une autre organisation serait meilleure, il serait techniquement très difficile de gérer une transition car on ne voit pas bien comment une génération d actifs pourrait payer deux fois : une fois pour les droits acquis par les retraités et une fois pour constituer une épargne de long terme Plutôt que de s interroger sur la répartition, c est donc sur l adaptation de nos dispositifs qu il convient de travailler et c est l objet de la troisième question.