«Vaincre la crise par la solidarité» La réduction collective du temps de travail sans perte de salaire et avec embauche compensatoire

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Transcription:

«Vaincre la crise par la solidarité» La réduction collective du temps de travail sans perte de salaire et avec embauche compensatoire Congrès exceptionnel FGTB Liège-Huy-Waremme 2009 - Document de travail 16.11.09 1

Un marché du travail dynamique mais surtout flexible En 1992, on comptabilisait moins de 500 000 travailleurs à temps partiel. En 2008, on dépasse le million. Il y a donc un doublement du travail à temps partiel depuis une quinzaine d année. Parmi les 700 000 emplois créés entre 1992 et 2008, plus de 75% sont des temps partiels. Désormais, 22,6% des emplois sur le marché belge sont à temps partiel. Les femmes sont majoritairement touchées. Ce type de flexibilisation du marché du travail n est pas une particularité belge. Le travail à temps partiel représente 26% des travailleurs allemands, faisant suite à une croissance quasi similaire à celle de la Belgique. Les Pays-Bas, malgré un niveau de base déjà élevé, ont connu une progression à peine plus faible. Aujourd hui près d un travailleur hollandais sur deux est à temps partiel. Enfin, le nombre de travailleurs à temps partiel a également cru en France mais deux fois moins rapidement qu en Belgique. Depuis 1996 et l introduction des 35 heures, l emploi à temps partiel n a pratiquement plus progressé. Le fait d abaisser collectivement la durée du temps de travail transforme des temps partiels en temps pleins. En 2008, le nombre moyen d'heures de travail habituellement prestées par semaine dans l'activité principale par un salarié est de 35,3 heures en Belgique, c'est-à-dire un niveau équivalent à celui rencontré en Suède et en Irlande, un peu plus faible qu en France et qu au Royaume-Uni mais plus élevé qu en Allemagne, qu au Danemark et surtout qu aux Pays-Bas (29,9). C est dire si certaines économies industrialisées, et non des moindres, se sont tournées vers l application à grande échelle de réductions individuelles du temps de travail notamment via le temps partiel. Insistons sur le fait que ces réductions n ont pas été négociées. Elles sont imposées aux travailleurs qui en subissent les conséquences en termes de baisse de leur salaire alors que les entreprises sont quant à elles aidées pour maintenir leur compétitivité. Mais qui dit travail à temps partiel dit également salaire partiel. Que signifie encore un salaire minimum interprofessionnel quand 8% des salariés et 44% des salariées belges sont à temps partiel? Rappelons que les objectifs de Lisbonne s appuyaient sur trois piliers : économique, social et environnemental. Sous des politiques libérales et conservatrices parfois menées par des gouvernements de gauche, l objectif social semble se résumer à l amélioration cosmétique des statistiques d emplois et de chômage. Il était pourtant question de création d emplois de qualité. Aussi, d autres modes de flexibilisation du travail se sont ajoutés aux temps partiels. En 1985, 13 460 équivalents temps plein étaient occupés chaque jour sous contrat intérimaire. En 2008, ils étaient 92 211, soit 7 fois plus. A cela il faut encore ajouter les travailleurs en titres-service dont 98% sont des femmes et qui, en à peine quelques années d existence, représente près de 100 000 travailleurs. Plus que jamais, le travail à temps plein sous CDI doit redevenir la norme. En lieu et place d une somme de réductions individuelles imposées, nous devons défendre la mise en place d une réduction collective du temps de travail négociée qui permette à ceux et celles qui n ont pas la possibilité de travailler à temps plein de ne pas errer dans la misère avec un salaire poche en dessous du seuil de pauvreté. 2

La réduction collective du temps de travail sans perte de salaire et avec embauche compensatoire La redistribution du travail n a jamais été une préoccupation sérieuse des gouvernements qui se sont succédés. Des plans ont été mis en place mais les gouvernements ont soigneusement évité de trop en parler ou de forcer la marche aux employeurs. Résultat, seules quelques entreprises ont pris le pas de la réduction collective du temps de travail. Pourtant, l exemple français montre assurément que la réduction collective du temps de travail a des retombées positives sur l emploi (création de 350 000 postes) et l économie nationale. La prétendue perte de compétitivité des entreprises françaises n a pas grand chose à voir avec le passage aux 35h. Elle est vraisemblablement le résultat d une conjonction de facteurs au sein desquels la concurrence fiscale et sociale que se sont livrés les pays voisins (comme l Irlande, l Italie, le Royaume-Uni, la Belgique et l Allemagne) a joué un grand rôle. C est dans ce cadre que nous proposons de remettre la réduction collective du temps de travail à l ordre du jour, en précisant d entrée de jeu qu elle ne peut ni coûter à l entreprise ni signifier une perte de revenus pour le travailleur. Le modèle proposé est le suivant : les employeurs se voient octroyer des réductions de cotisations sociales proportionnellement à la diminution de la durée du travail dans l entreprise et au nombre d embauches compensatoires réalisées. Ces réductions de cotisations permettent de couvrir l augmentation de la masse salariale. Le système est incitatif et non obligatoire. Pour être efficace, il doit être accompagné des moyens de contrôle et de formation nécessaires. La réduction collective du temps de travail n a par ailleurs de sens que si, en parallèle, on stoppe les incitants aux heures supplémentaires comme, ces dernières années, l octroi d avantages fiscaux. Les pertes qu impliquent les réductions de cotisations sociales doivent être compensées via des mesures fiscales justes, et l abandon de cadeaux fiscaux tels que les intérêts notionnels. Nous l avons dit, la répartition des richesses est aujourd hui de plus en plus inégale et les modèles sociaux les plus avancés sont ébréchés de toutes parts, au nom de la seule concurrence économique. La durée du travail, sa flexibilité, son coût, sa productivité sont tour à tour examinés afin de modifier la donnée qui permettrait d augmenter les profits. Nous ne nions pas les défis imposés par la mondialisation de l économie mais nous entendons les relever sans céder aux analyses simplistes des patrons qui répondent à la situation par des licenciements, les délocalisations, la modération voire la régression salariale ou encore l allongement du temps de travail. En réalité, ces attitudes ne proposent aucune solution à long terme pour l emploi et l économie. Que valent deux heures supplémentaires face au niveau des salaires en Chine ou en Europe de l Est? Notre compétitivité doit se construire ailleurs que dans la comparaison avec des salaires au rabais. Les politiques de l emploi pataugent. Entre temps de travail émietté par les titres-services d une part, et les heures supplémentaires rendues attractives d autre part, elles peinent à enrayer le taux de chômage. D après nos calculs, le taux de sous-emploi atteint les 18% de la population active en Belgique. Nous rappelons que la priorité n est pas de réactiver les plus âgés pour satisfaire les lignes directrices européennes, mais bien de trouver les moyens de proposer un contrat de travail aux jeunes qui terminent leur cycle d études. 3

Le recul du chômage passe par une meilleure redistribution du temps de travail encore disponible. Certainement pas par l allongement des horaires de ceux qui ont déjà un emploi. Le raisonnement coule de source mais la mise en œuvre de la réduction du temps de travail sans perte de salaire avec embauche compensatoire entraîne des coûts que personne ne veut supporter totalement. Nombre de chercheurs, économistes et autres sociologues du travail ont mis en évidence les avantages d une réduction massive et collective du temps de travail, non seulement pour la solution partielle qu elle offre face au chômage mais pour les différents temps sociaux qu elle libère et la qualité de vie qu elle engendre. La RCTT (réduction collective du temps de travail) doit cependant s envisager sans nuire à la santé financière ou à la compétitivité de l entreprise qui sont elles-mêmes génératrices d emplois. Compte tenu de ces éléments, la FGTB Liège Huy-Waremme livre une proposition chiffrée, basée sur divers réflexions et schémas existants. Principe Introduire des expériences de réduction collective du temps de travail jusqu à 32 heures semaine tout en : incitant l embauche compensatoire à 100%, permettant le maintien du salaire au travailleur, assurant un coût neutre pour l employeur par le biais d une réduction des cotisations sociales patronales. L entreprise qui veut tenter l expérience conclut une convention collective de travail avec les organisations syndicales. Il s agit donc d une initiative à prendre par l entreprise. Il n y a aucune contrainte, que des incitants. Comment calculer l embauche compensatoire? On prend en compte les travailleurs déclarés à l ONSS (ouvriers et employés) ainsi que le nombre d intérimaires occupés en moyenne durant les 12 mois précédant la demande pour la raison «surcroît de travail». Les cadres supérieurs et le personnel de direction ne doivent pas être pris en 4

compte ni soumis à la règle. La réduction du temps de travail permet de dégager un certain crédit d heures disponibles pour l engagement de nouveaux travailleurs. Exemple : une entreprise emploie en moyenne 100 travailleurs, hors cadres et personnel de direction, à 38 heures/semaine. La réduction à 32 heures dégage 6 heures par travailleur, soit un total de 600 heures sur les 3 800 heures prestées initialement. L entreprise peut donc réengager 18,75 équivalents temps plein. Comment inciter l entreprise à embaucher? Notre proposition de réduction collective du temps de travail garantit un coût neutre pour l employeur. Pour ce faire, une réduction structurelle de cotisations patronales est déterminée pour chaque employeur qui tente l expérience de manière à ce que la masse salariale (en euros constants) soit identique avant et après la mise en place de la réduction collective du temps de travail. Ainsi, pour réduction collective du temps de travail de 38 heures à 32 heures avec embauches compensatoires à 100%, la réduction structurelle octroyée abaisse le taux effectif de cotisations patronales jusqu à : 25,59% sur la rémunération brute (x 108%) pour les ouvriers au lieu de 50,56%. 13,73% sur la rémunération brute pour les employés au lieu de 35,06%. La réduction des cotisations patronales s applique sur l entièreté des rémunérations de tous les travailleurs (anciens et nouveaux engagés) sous statut employé et sous statut ouvrier dans les secteurs pour lesquels la prime de fin d année est payée via un fonds de sécurité d existence. Pour les entreprises qui paient en direct la prime de fin d année (13 ème mois) à leurs travailleurs sous statut ouvrier, la réduction des cotisations patronales s applique sur l entièreté des rémunérations, à l exception de la prime de fin d année (13 ème mois), de tous les travailleurs (anciens et nouveaux engagés). Et si l employeur ne compense pas entièrement le temps dégagé? A priori, il n y a aucune obligation d embauche compensatoire ; juste une incitation. Celle-ci repose sur la garantie d un coût neutre pour l employeur par le biais d une réduction des cotisations patronales. Par conséquent, si l engagement d un nombre de travailleurs en équivalent temps plein ne correspond pas à la réduction collective du temps de travail, la réduction structurelle est automatiquement modulée afin de garantir que la masse salariale soit identique avant et après. Plus l embauche compensatoire est importante, plus la réduction structurelle en pourcent du salaire brut 5

l est également. Le taux effectif de cotisations patronales diminue dès lors que le taux de compensation augmente. Embauche compensatoire réalisée OUVRIER Réduction structurelle sur les rémunérations brutes à 108% Taux de cotisations patronales effectif EMPLOYE Réduction structurelle sur les rémunérations brutes Taux de cotisations patronales effectif 0% 50,56% 35,06% moins de 5% 2,43% 48,13% 1,07% 33,99% de 5% à 10% 3,68% 46,88% 2,13% 32,93% de 10% à 15% 4,93% 45,63% 3,20% 31,86% de 15% à 20% 6,18% 44,38% 4,27% 30,79% de 20% à 25% 7,43% 43,13% 5,33% 29,73% de 25% à 30% 8,68% 41,88% 6,40% 28,66% de 30% à 35% 9,93% 40,63% 7,46% 27,60% de 35% à 40% 11,17% 39,39% 8,53% 26,53% de 40% à 45% 12,42% 38,14% 9,60% 25,46% de 45% à 50% 13,67% 36,89% 10,66% 24,40% de 50% à 55% 14,92% 35,64% 11,73% 23,33% de 55% à 60% 16,17% 34,39% 12,80% 22,26% de 60% à 65% 17,42% 33,14% 13,86% 21,20% de 65% à 70% 18,67% 31,89% 14,93% 20,13% de 70% à 75% 19,91% 30,65% 15,99% 19,07% de 75% à 80% 21,16% 29,40% 17,06% 18,00% de 80% à 85% 22,41% 28,15% 18,13% 16,93% de 85% à 90% 23,66% 26,90% 19,19% 15,87% de 90% à 95% 24,91% 25,65% 20,26% 14,80% 95% et plus 24,97% 25,59% 21,33% 13,73% Ceci nécessite toutefois la mise en place de procédures de contrôle afin de vérifier le niveau de l embauche compensatoire, mais aussi afin de s assurer qu il s agit bel et bien d une création nette d emplois. Certains pourraient, par exemple, être tentés d engager des sous-traitants. Il n y aurait, dans ce cas, aucune création nette d emploi pour l économie ; juste un déplacement de travailleurs entre deux entreprises avec, en prime, une intensification du travail pesant sur les épaules des anciens travailleurs de l entreprise qui viendrait de réduire le temps de travail. 6

Quel serait l impact de telles expériences? A travers 2 exemples, ouvriers et employés, nous avons simulé les impacts, tant pour la Sécurité sociale que pour le marché du travail, d un meilleur partage du temps de travail. Effets d'une réduction du temps de travail dans le secteur privé belge OUVRIERS EMPLOYES Situation initiale Nombre initial de travailleurs 100 100 Durée hebdomadaire du travail (en heures) 38 38 Salaire mensuel moyen ( ) 2 106 2 600 Charges patronales directes 50,56% + 15% 35,06% Masse salariale annuelle payée par les employeurs ( ) 4 583 137 4 804 228 Charges patronales directes ( ) 1 899 877 1 185 028 Coût moyen par travailleur pour les employeurs ( ) 45 831 48 042 Réduction à 32 heures payées 38 Pourcentage de compensation 100% 100% Embauche compensatoire 18,75 18,75 Masse salariale annuelle payée par les employeurs ( ) 5 442 475 5 705 021 Charges patronales directes ( ) 2 256 104 1 407 221 Différence de masse salariale avec la situation initiale ( ) 859 338 900 793 Réduction structurelle des cotisations patronales ( ) 859 338 900 793 Charges sociales à payer par l'employeur ( ) 1 396 766 506 428 taux moyen 40,59% 12,62% Perte de recettes pour l'onss ( ) 513 598 554 513 Compensation l'ipp sur les nouveaux salaires ( ) 139 057 174 132 Perte de recettes pour l'onss (si financement alternatif) ( ) 374 541 380 382 Coût moyen par nouveau travailleur pour l'onss ( ) 19 976 20 287 Coût moyen par travailleur pour les employeurs ( ) 38 595 40 457 Réduction moyenne du coût par travailleur ( ) 7 237 7 586 Les deux exemples sont fondés sur un nombre initial de travailleurs de 100 et sur une réduction collective du temps de travail de 38 à 32 heures avec embauche compensatoire à 100%. Dans le régime des ouvriers, une réduction structurelle de 7 237 par travailleur (anciens et nouveaux) est déduite des cotisations patronales afin de garantir un coût neutre pour l employeur. Le coût moyen par travailleur se contracte dès lors de 15,8%, passant de 45 831 à 38 595. Le taux moyen des cotisations patronales passe quant à lui de 50,56% à 25,59%, auxquels il faut ajouter, le cas échéant, 7

les cotisations au Fonds de Sécurité et d existence (15%). Au final, chaque nouveau travailleur coûte directement près de 27 400 à la Sécurité Sociale. C est toutefois sans tenir compte des effets obtenus en retour. En effet, ces nouveaux travailleurs vont percevoir un salaire plus élevé que l allocation de chômage et donc contribuer plus aux recettes à l IPP. Rien qu en comptabilisant ces nouvelles recettes à l IPP et en les transférant intégralement à la Sécurité sociale, on peut estimer la perte moyenne pour l ONSS à 19 976 par nouveau travailleur engagé. A cela on pourrait encore ajouter des recettes TVA plus élevées Pour le régime des employés, on aboutit à une perte moyenne pour l ONSS de 29 600 par nouveau travailleur engagé, réduite à 20 287 si l on tient compte des effets en retour. Aussi, vu que la conclusion d une telle expérience ne peut pas avoir d impact sur la masse salariale de l entreprise, le coût moyen par travailleur (anciens et nouveaux) est réduit de 15,8%, passant de 48 042 à 40 457, grâce à une réduction structurelle de 7 586. Ces coûts sont certes importants. Ils restent néanmoins bien en-deçà du coût macroéconomique d un demandeur d emploi. Pour 2008, nous estimons ce coût à un peu plus de 29 000, auxquels il faudrait ajouter environ 4 000 pour les mesures wallonnes de formation et de remise à l emploi. Dans les deux exemples exposés ci-avant, l ONSS serait privée d environ 380 000 par an pour créer 18,75 emplois. En réorientant les réductions de cotisations patronales ciblées, c'est-à-dire 487 millions en 2006, vers des expériences de réduction du temps de travail, on créerait un peu plus de 24 000 emplois. Aussi, début 2007, sur les 1,4 millions d employés que compte la Belgique, 916 575 travaillaient à temps plein, soit 65%. De même, sur les 1,2 millions d ouvriers que compte la Belgique, 818 815 travaillaient à temps plein, soit 67%. Si la réduction collective de travail devait s appliquer à tous les travailleurs à temps plein, la perte pour l ONSS s élèverait à 6,5 milliards. En revanche, elle permettrait la création de 325 000 emplois ce qui, à situation inchangée, diviserait par 2 le nombre de demandeurs d emplois. Si le gouvernement décidait de dégager une enveloppe de 2 milliards d euros pour sa politique de l emploi, soit la moitié à peine des actuelles réductions structurelles de cotisations patronales, dans les hypothèses de revenus moyens que nous avons prises, on peut créer de 83 000 à 104 000 emplois selon que les recettes IPP supplémentaires ne sont pas ou sont affectées au financement de la Sécurité sociale. La FGTB Liège-Huy-Waremme veut rappeler que le rôle de l Etat est d insuffler des mécanismes de régulation de l économie pour que la croissance reste synonyme de bien-être des citoyens et favorise le droit au travail. C est pourquoi nous souhaitons prendre nos responsabilités, provoquer la réflexion, l action, et les pressions constructives. Consolider les avancées, c est tout mettre en œuvre pour que le politique récupère et actionne les leviers trop souvent abandonnés à l économie de marché, c est l amener à recouvrer son influence et sa capacité d intervenir dans la sphère économique. Nous y voyons en effet un moyen efficace de lutter contre le libéralisme débridé qui agresse en permanence notre modèle social, un des meilleurs au monde. 8