Synthèse Loyauté et réciprocité des échanges entre l Union Européenne et les pays tiers Propositions et axes de réflexion des IEEC
Introduction Alors que les marchés internationaux ont toujours été un facteur de croissance pour les entreprises des Industries Electriques, Electroniques et de Communication, l Union européenne a favorisé une grande ouverture de ses marchés sans distinction selon l origine des opérateurs économiques. Vertu, habileté ou naïveté européenne? Force est de constater que les États tiers ne facilitent pas toujours aux opérateurs économiques européens l accès à leurs marchés. Les partenaires commerciaux de l Europe n hésitent pas en effet à recourir à des mesures qualifiées par certains de protectionnistes afin de dynamiser leur compétitivité : règles préférentielles pour l octroi des marchés publics, octroi de subventions étatiques, restrictions concernant l accès aux matières premières Aujourd hui, il est évident qu un fossé s est creusé entre la situation de l Union européenne et celle de ses partenaires commerciaux. La zone Europe en subit les conséquences. L asymétrie est d abord frappante en matière de marchés publics. Les entreprises des pays tiers bénéficient d un accès aisé aux marchés publics de l Union européenne, alors que les entreprises européennes désireuses de soumissionner à l étranger sont confrontées à de nombreuses contraintes (clauses de préférence nationale, exigences de transfert technologique ). L inégalité est ensuite constatée dans le domaine concurrentiel. En effet, l une des ambitions de la politique de concurrence consiste de manière générale à opérer une large protection du consommateur. A l inverse, la politique de concurrence menée par les pays tiers peut viser à servir les intérêts de leur politique économique et à favoriser une expansion mondiale rapide. Alors que les pratiques de certains pays émergents soutiennent leurs leaders pour s emparer des marchés notamment européens, la politique de concurrence européenne «vertueuse» peut ainsi apparaître en décalage. La protection des droits de propriété intellectuelle (DPI) est également un élément important dans le débat sur la réciprocité. D une part, les entreprises européennes se voient parfois contraintes de délivrer des informations confidentielles afin de pénétrer un marché. D autre part, des compagnies des pays tiers viennent concurrencer de manière déloyale les entreprises européennes en introduisant des produits contrefaisants sur le territoire européen. Enfin, l accès aux matières premières devient un enjeu majeur voire primordial, facteur de réciprocité des échanges commerciaux. Certains pays, détenteurs sur leur territoire d une grande partie de ces métaux, privilégient ainsi leur production nationale pouvant causer une pénurie des stocks et une augmentation des prix impactant négativement la compétitivité des entreprises européennes. Devant l étendue des écarts et le constat d une absence de réciprocité sur la scène internationale, «nos échanges avec les pays tiers sont placés sous un régime de Free trade sans Fair trade» 1. Comment faire pour parvenir à instaurer la loyauté en tant que principe directeur dans les relations commerciales mondiales? Faut-il appliquer la loi du Talion en conditionnant l ouverture des marchés à l exigence de réciprocité ou, au contraire, militer 1 Audition d Yvon Jacob, Ambassadeur de l Industrie à la Commission des Affaires Economiques de 2 l Assemblée Nationale, le 10 mai 2011
pour l instauration d un «level playing field» en prévoyant des règles vertueuses qui devraient être appliquées à l échelle mondiale? Dressant des constats tout en mettant en évidence les enjeux dans des domaines clés (marchés publics, politique de concurrence et propriété intellectuelle, matières premières), la profession des industries électriques, électroniques et de communication propose des axes concrets d évolutions et apporte des réponses pour contribuer à une politique industrielle ambitieuse s appuyant sur la mise en œuvre effective du principe de réciprocité et de loyauté dans les échanges entre l Union européenne et les pays tiers. Les acteurs doivent désormais se mobiliser ensemble autour d objectifs communs. S il ne s agit pas de faire du protectionnisme, l Union européenne doit pouvoir offrir à ses entreprises une vraie politique industrielle pour une compétitivité garante de croissance et d emploi. La mise en œuvre des propositions et axes de réflexions de la profession contribuera à restaurer cette loyauté dans les échanges internationaux. Mais au-delà, pour renforcer «l entreprise Europe», la surveillance des marchés sera l un des éléments déterminant d une concurrence loyale. En effet, tous les acteurs doivent respecter les mêmes règles. Pour participer à une stratégie industrielle ambitieuse, l effectivité des réglementations est une condition du succès. Le renforcement de la surveillance des marchés est le corollaire de la réciprocité dans les échanges avec les pays tiers. Les autorités nationales et européennes doivent accompagner les politiques commerciales d un renforcement des instruments rendant effective la juste application des règles pour tous les acteurs sur le marché intérieur. 4 axes d action 4 thématiques qui sont des leviers clés de notre compétitivité : 1 L accès aux marchés publics 3 Les droits de propriété intellectuelle 2 La politique de concurrence 4 L accès aux matières premières 3
1 L accès aux marchés publics UNE EGALITE DE TRAITEMENT DES ENTREPRISES POUR L ACCES AUX MARCHES PUBLICS Constat un cadre règlementaire insuffisant, une asymétrie entre les entreprises européennes et étrangères, un manque de transparence dans les procédures de passation des marchés publics, un cahier des charges très contraignant, des exigences en contenu local, une préférence nationale sous couvert des intérêts de sécurité (utilisation excessive de l exception de sécurité). Rétablir la compétitivité des entreprises européennes : Enjeux o dans les pays tiers n ayant pas transposé la clause de réciprocité de l Accord sur les Marchés Publics de l OMC, o dans l Union européenne en remédiant aux distorsions de concurrence liées au fait que les entreprises issues des pays tiers retirent un avantage concurrentiel du fait du non-respect des règlementations sociales, environnementales et fiscales européennes. Rétablir une concurrence équitable pour la compétitivité des entreprises européennes afin de leur permettre de remporter des appels d offres sur le territoire européen et international. Propositions 4 Mettre en place un instrument législatif ayant pour objectif d assurer la réciprocité effective dans l accès aux marchés publics et de remodeler les conditions d accès à nos marchés pour les entreprises issues de pays tiers (critères de l «offre économiquement, écologiquement et socialement la plus avantageuse», Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE), etc.). Poursuivre les négociations du cycle de DOHA en incitant l adhésion des pays émergents à l Accord sur les Marchés Publics (AMP) et proposer une harmonisation internationale de passation des marchés publics notamment en matière de transparence et d accès. Veiller à ce que les possibilités ouvertes par les négociations se traduisent par un accès réel aux marchés publics des Etats tiers. Conclure davantage d Accords de Libre-Echange (ALE) renforcés permettant un «accès comparable et effectif» aux marchés publics de nos partenaires respectant la réciprocité. Assurer une meilleure prévention des pratiques en vigueur dans les pays tiers en utilisant notamment le mécanisme d alerte précoce pour les règlementations trop restrictives ou la soumission d offres anormalement basses. Limiter le recours à l exception de sécurité et à celle relative à la différence de développement et rendre son recours impossible aux Etats tiers qui ne respectent pas les règles de concurrence.
2 La politique de concurrence AIDES D ETAT ET INVESTISSEMENTS, OUTILS D UNE APPROCHE ÉCONOMIQUE DE LA POLITIQUE DE CONCURRENCE Constat une application hésitante des droits anti-dumping et antisubventions par l Union européenne, des risques de réactions des pays tiers qui empêchent la mise en place d une politique européenne ferme, une ouverture de principe aux investissements étrangers, une absence de consensus des États membres sur les Offres Publiques d Achat (OPA) face à une ouverture limitée ou inexistante des investissements aux entreprises européennes. Enjeux Rétablir la compétitivité des entreprises par : la modification du régime d aides dont la politique des droits anti-dumping et antisubventions est inadaptée et dépassée au regard des politiques des partenaires étrangers, l accès à une concurrence loyale qui éviterait que les partenaires étrangers bénéficient d un accès facilité aux marchés européens et en retirent un avantage concurrentiel. Propositions Réformer la politique des aides d États au niveau européen dans une logique internationale. Promouvoir la transparence et la coordination des règles d octroi des aides à l échelle internationale dans le cadre de l OCDE. Inclure des stipulations juridiquement contraignantes dans les ALE pour l octroi des subventions. Mettre en place une Agence européenne chargée de l examen des investissements étrangers. 5
3 Les droits de propriété intellectuelle LES DPI, LEVIER INDISPENSABLE DE LA COMPETITIVITE DES ENTREPRISES EUROPEENNES Constat l obligation de transfert technologique sur le territoire du pays tiers, comme critère d attribution du marché, la participation à un appel d offre conditionnée à un pourcentage de production locale, la nécessité de participer à une joint venture avec une entreprise concurrente établie dans le pays tiers, l obligation d obtenir une licence ou de suivre un processus local de certification, le réenregistrement des DPI sur le territoire du pays tiers. Enjeux Rétablir la compétitivité des entreprises européennes par : un accès moins contraignant et plus sécurisé aux marchés des pays tiers, une transmission juste et équitable du savoir faire des entreprises européennes. Propositions Renforcer la coopération multilatérale et les partenariats bilatéraux avec les pays tiers. Renforcer l action des douanes pour un meilleur contrôle des droits de propriété intellectuelle aux frontières. Faire du non-respect des droits de propriété intellectuelle un critère d exclusion à un marché public. Finaliser les négociations relatives au brevet européen et faciliter l accès à cette protection pour toutes les entreprises. 6
4 L accès aux matières premières L APPROVISIONNEMENT EN MATIERES PREMIERES, FACTEUR DE RECIPROCITE Constat des matières premières indispensables mais présentes en quantité limitée, une situation critique de l UE liée à une répartition inégale des ressources en matières premières au niveau mondial, une restriction des exportations des matières premières par les pays tiers fournisseurs, des procédures d accès aux matières premières hors UE complexes et fixées arbitrairement par les pays tiers, une volatilité des prix des matières premières soumises à la spéculation des marchés financiers. Enjeux Assurer un approvisionnement stable en matières premières garantissant la production des technologies à haute valeur ajoutée. Propositions Développer un accès privilégié aux matières premières situées dans les pays tiers en contrepartie des exigences de transfert de technologies des produits. Créer une base de données de «recensement» des matières premières stratégiques. Réviser la directive sur les marchés financiers pour limiter la spéculation et la volatilité des prix. Permettre un accès équitable et durable aux matières premières par : o la conclusion de nouveaux partenariats stratégiques, o la garantie d un soutien financier et politique de la Commission européenne aux pays extracteurs à travers l ITIE (Initiative de Transparence des Industries Extractives). Favoriser un approvisionnement durable au sein de l UE grâce à : o la relance d une exploitation raisonnée des ressources disponibles sur les territoires de l UE, o la recherche de matériaux de substitution. 7
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