I L ne se passe pas d'année sans que des catastrophes



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Transcription:

Risques géologiques Assurance et aspects légaux et techniques* M. ARNOULD Professeur de géologie à l'enpc Directeur du centre de géologie de l'ingénieur à l'ens des mines de Paris Conseiller scientifique du UCPC RÉSUMÉ Les phénomènes géologiques, qu'ils soient catastrophiques ou seulement cause de dommages matériels, constituent des risques naturels majeurs dont on essaie d'évaluer l'importance économique et sociale. Ces risques vont croissant avec le développement des constructions urbaines. La limitation de leurs effets passe par leur prédiction - associée à des mesures de prévention et à des travaux de protection. Elle passe aussi par l'assurance. On présente une revue des principales formules d'assurance qui existent pour différents pays, soit pour certains phénomènes seulement (séismes, inondations,...) soit pour tous, selon des modalités variées. On en déduit les données économiques et géologiques nécessaires au calcul des primes. Notamment, pour chaque phénomène, une cartographie des zones d'existence et des diverses intensités ainsi qu'une estimation de la périodicité de renouvellement. Les mesures de prévention comprennent des textes législatifs et réglementaires pour l'aménagement du territoire et l'occupation des sols, des Codes de construction ou des Assurances obligatoires. Elles nécessitent également pour l'ensemble des phénomènes un zonage et l'estimation de la périodicité de répétition en fonction des intensités. Pour chacun des phénomènes une rapide revue est faite des problèmes scientifiques et techniques, de prévision (probabiliste) et de prédiction, avec quelques exemples de travaux de prévention, d'alerte et de protection. Une estimation du rapport entre moyens de recherche et diminution de quelques-uns des risques géologiques est donnée en conclusion. Mots clés : Géologie - Risque - Assurance - Législation - Prévision - Prévention - Séisme - Inondation - Glissement - Avalanche - Tassement - Economie - Technique - Cartographie. I L ne se passe pas d'année sans que des catastrophes viennent rappeler l'existence et l'importance des phénomènes géodynamiques. Par leurs relations avec les œuvres humaines, ils sont partie intégrante de la géologie de l'ingénieur. Nous retiendrons ici essentiellement les phénomènes géologiques, qu'ils soient d'origine interne, externe, ou anthropique : séismes et tsunamis, volcanisme, tectonique et failles actives, inondations, érosion, sédimentation, glissements, éboulements, effondrements, subsidence, avalanches, gonflement, tassement, liquéfaction de sols. Nous laisserons de côté les phénomènes purement météorologiques tels que : ouragans, typhons, tornades, cyclones, foudre, gel, sécheresse, etc. sans méconnaître ni leur grande importance, ni leur caractère naturel, ni leurs relations avec les phénomènes géodynamiques externes précédents, ni l'analogie de certaines méthodes d'étude (télédétection), mais pour limiter le sujet au domaine proprement géologique. Cette liste n'est pas exhaustive. On pourrait y ajouter aussi bien des phénomènes extrêmement aléatoires tels que les chutes de météorites et les phénomènes de grande ampleur géologique tels que la variation eustatique du niveau des océans. Du point de vue scientifique fondamental, la distinction entre origines interne et externe peut être matière à * Article adapté d'une communication au 25' Congrès géologique international (Symposium «Geological Hazards») Sydney août 1976, publiée intégralement en anglais dans le Bulletin de VAssociation internationale de géologie de l'ingénieur, n<> 14 de décembre 1976. 21 Bull. Liaison Labo. P. et Ch. - 87 - janv.-févr. 1977 - Réf. 2000

discussion dans des cas tels que tsunamis ou subsidence, de même que la distinction entre le phénomène générateur initial et la cause immédiate des dégâts. Une première conclusion est que nous ne retiendrons pas seulement les phénomènes générateurs des catastrophes proprement dites, mais tous ceux susceptibles de créer des dommages. C'est-à-dire tous les mouvements du sol et du sous-sol. IMPORTANCE ECONOMIQUE ET SOCIALE Les phénomènes naturels perpétuellement en action sur le globe ont des effets sur l'homme et les œuvres humaines qui concernent à la fois la sécurité et l'économie. L'importance économique est très mal connue. On peut fonder des espoirs sur les résultats d'une enquête entreprise à ce sujet en juillet 1975 auprès des gouvernements par le Bureau du Coordonnateur des Nations Unies pour les secours en cas de catastrophe (UNDRO), portant sur une période de 15 ans (1960-1974). Les résultats devraient être disponibles en 1977. Le même Office, à titre d'exemple, cite la Commission Economique pour l'amérique Latine (CEPAL) qui, pour les 5 pays du marché commun de l'amérique Centrale, estime en moyenne à 2,3 % du produit national brut l'effet des grandes catastrophes pour la période 1960-1974. Cette estimation ne comprend pas les désastres locaux. Selon l'unesco, les séismes, de 1926 à 1950, auraient fait dans le monde 350 000 morts et 10 milliards de US $ de dommages, soit 14 000 morts et 400 millions de dollars de dégâts matériels par an. Des exemples d'une seule catastrophe donnent 312 000 000 US$ et 131 morts pour le séisme de l'alaska (1964), 550 000 000 US $ et 65 morts pour celui de San Fernando (USA, 1971). Bien entendu, les évaluations économiques sont approximatives. Ainsi, pour le séisme de Managua (Nicaragua, 1972) qui fit 5 000 morts, les estimations de dommages matériels varient entre 500 et 1 000 millions de US $. Les vies humaines peuvent elles-mêmes être traduites en valeur économique. Des chiffres unitaires tels que 75 000 US $ (Convention de Varsovie, Association internationale des transporteurs aériens, 360 000 US $ (tribunaux, 1975 USA) [*] 380 000 F (France, 1976) ou d'autres, variables selon les pays, peuvent être utilisés à cet effet. Ces chiffres relatifs à des catastrophes majeures sont à comparer aux effets de phénomènes géologiques non catastrophiques quant aux pertes en vies humaines, mais pouvant avoir de grandes conséquences économiques. Ainsi, les sols gonflants causeraient aux seuls USA (1973) [*] 2,2 milliards de dollars de dégâts par an. On peut considérer que l'importance de ces problèmes ira nécessairement en augmentant du fait de la croissance démographique mondiale, de l'augmentation continue des concentrations urbaines, du NDLR : Le symbole [*] utilisé dans cet article indique l'existence de références bibliographiques. Le lecteur intéressé pourra consulter le Bulletin n 14 de décembre 1976 de l'association internationale de géologie de l'ingénieur. développement des constructions et corrélativement de l'aggravation du rôle de l'homme luimême comme cause ou accélérateur de certains des phénomènes. Des estimations telles les pertes prévues pour le seul Etat de Californie aux USA confirment cette vraisemblable croissance (tableau I). TABLEAU I Pertes prévues pour l'etat de Californie de 1970 à l'an 2000 le coût du mort étant évalué à 360 000 dollars!*] Problèmes géologiques Pertes prévues jusqu'à l'an 2000 (en millions de dollars) Séismes 21 000 Tsunamis 40 Mouvements de faille 76 Eruptions volcaniques 49 Inondations 6 500 Glissements 9 850 Subsidence 26 Sols gonflants 150 Erosion 565 Perte de ressources minérales 17 000 Dégradation d'eaux souterraines 50 Total 55 306 L'estimation des dommages que causerait au Japon un séisme tel que celui de Kanto (qui détruisit Tokyo en septembre 1923 et fit 99 000 victimes) s'il venait à se reproduire de nos jours, est de 52 260 milliards de yen, soit deux fois le budget annuel du pays [*]. De même la répétition actuelle d'un séisme comme celui de San Francisco eh 1906 causerait des dommages estimés au total à 25 milliards de dollars à San Francisco et 50 milliards de dollars à Los Angeles en 1971 (US Dept of Housing and Urban development) alors que le budget fédéral des USA était de 200 milliards de dollars cette même année. Enfin, à l'aspect économique, s'ajoute de plus en plus un aspect social lié au besoin grandissant de sécurité. Les estimations économiques ne rendent pas compte du malheur. Les individus et les sociétés modernes acceptent de moins en moins les catastrophes naturelles comme des événements inéluctables. Le besoin de protection va grandissant. Il faut savoir comment le satisfaire. ASSURANCES On a pu écrire que l'assurance contre certains risques naturels s'était introduite «clandestinement» sous le couvert de l'assurance incendie et de l'assurance vie [*]. Cela correspond à l'impossibilité pour les compagnies d'assurances de faire une évaluation économique correcte de chacun de ces types de risques (à la différence de l'assurance vie, incendie ou automobile) sans pouvoir cependant refuser, pour des raisons commerciales, de couvrir tel ou tel de ces risques sur demande expresse de leur clientèle. Il est évident que cette situation n'est pas satisfaisante. Quelques exemples montreront la diversité des solutions adoptées dans différents pays et pour différents phénomènes naturels. 22

2 - En Turquie (tableau III) TABLEAU III Primes d'assurances contre les séismes en Turquie, en %< s'ajoutant aux primes d'assurances incendie pour tous les types d'immeubles et de biens mobiliers. Le tarif concerne les immeubles de un étage. Par étage supplémentaire s'ajoutent selon les types de construction : 5 % à A ; 8 % à B ; 6 % à C ; 3 % à D ; 2 % à E. La Turquie est divisée en cinq zones sismiques, la zone 0 étant considérée comme non sismique 1976 [*]. Construction type Zone I Zone II Zone III Zone IV A Structures renforcées 1,10 0,75 0,40 0,20 Séisme du Guatemala, févr. 1976. Fissure ouverte dans la route de Chimaltenango. Photo Unesco/J.M. Maïer. 1 - Au Japon pour le risque sismique [*] Des études menées par l'ensemble de la profession des assurances ont d'abord montré qu'il était impossible de couvrir la totalité des risques sismiques par la seule initiative privée. Un système d'assurance privée a cependant été adopté en 1964, la réassurance étant assurée par l'etat, avec les cinq conditions restrictives suivantes : l'assurance dite «dommages sismiques» couvre les seuls effets des séismes et éruptions et tsunamis causés par des séismes ; l'objet de cette assurance est limité aux maisons d'habitation et aux biens mobiliers correspondants; - l'application est limitée au cas de perte totale des biens assurés ; le montant couvert est de 30 % de la valeur totale assurée dans la police dite «AH risk cover of dwelling houses», avec un maximum de 900 000 yen pour les habitations et 600 000 yen pour les biens mobiliers ; - la prime d'assurance correspond à 80 % pour les dommages, 10 % de frais d'agence, 9,8 % pour la compagnie et 0,2 % de frais. Avec les conditions ci-dessus, le calcul de la prime d'assurance est fonction à la fois de la zone (le Japon est à cet effet divisé en trois zones sismiques) et de la qualité des immeubles, résistance sismique et résistance au feu, classés en quatre catégories (ramenés à 2 dans le tableau II). B Maçonnerie 2,30 1,55 0,80 0,40 C Structures en maçonnerie 3,95 2,60 1,30 0,65 D Structures avec cadres en bois et matériau incombustible entre les cadres 3,75 2,50 1,25 0,60 E Structures avec cadres en bois et matériau combustible entre les cadres 4,50 3,00 1,50 0,75 3 - Au Mexique (1963, Mexican Association of Insurance Institutions) TABLEAU II Taux, en %,,, des primes d'assurances contre les séismes au Japon, selon les zones sismiques et les types de construction Fig. 1 - Carte sismique du Mexique. Risques de séismes et d'éruptions volcaniques (d'après l'asociaciôn Mexicana de Instituciones de Seguros, déc. 1963). ^"""--^^ Type de construction Zones 1 2 3 a (plus résistant) 0,60 1,35 2,30 b (moins résistant) 2,10 3,60 5,00 Depuis le premier janvier 1964, les tarifs du tableau IV sont en vigueur au Mexique pour les séismes et les éruptions volcaniques. Le Mexique est divisé en quatre zones sismiques (fig. 1) auxquelles s'ajoutent, pour le district fédéral de Mexico qui se trouve dans la zone 2, une zone C (compressible) et une zone T (transition) (fig. 2). De même pour la baie d'acapulco, il y a une zone R (rem- 23

TABLEAU IV Tarifs d'assurance immobilière contre les séismes et éruptions volcaniques au Mexique Facteurs qui multiplient la prime de base (additionables) de construction Type Primes de base en %o Zones 0 1 2 3 T C R Construction régulière Construction semi-régulière Construction irrégulière 1 à 6 étages Hauteur à 11 étages 7 étages ou plus 12 Construction industrielle Construction normale de luxe Construction Construction asismique Pas prévu pour résister aux séismes 1 0,20 0,40 0,80 1,60 1,07 1,07 2,13 1 1.15 1,30 1 1,15 1,30 1,15 1,30 75 1 la-ll 0,27 0,53 1.07 2,13 1,60 2,13 2,66 ' 1,15 1,30 1,15 1,30 1,15 1,30 75 1 lll-v 0.27 0,53 1,07 2,13 2,13 2,13 2.66 1 1,15 1,30 1 1.15 1,30 1 1,15 1.30 75 ' lla-iv-vi 0,33 0,67 1,33 2,66 2,66 2,66 2,66 1 1.15 1,30 1.15 1,30 ' 1,15 1,30 75 1 VII 0,20 0,40 0,80 1.60 1,60 2,13 2,13 1 1,15 1.30 1.15 1,30 1,15 1,30 75 1 Vili 0,33 0,67 1,33 2,66 2.66 5,33 5,33 1,15 1,30 1,15 1,30 1.15 1,30 75 Fig. 3 - Zonage sismique de la Baie d'acapulco. 4 - En Nouvelle-Zélande (Earthquake and War Damage Commission, 1976) Fig. 2 - Zonage sismique du District Fédéral de Mexico (d'après l'instituto de Ingenieria, nov. 1962). biais) supplémentaire (fig. 3). Pour des raisons pratiques les limites de la carte sismique ont été ramenées à des limites administratives. Depuis, la carte sismique du Mexique a été améliorée. Le tarif applicable aux biens mobiliers va de 0,20 / 00 pour la zone 0 à 1,40 / 00 pour la zone R. Le tarif est doublé pour les objets fragiles. Enfin, pour chaque sinistre est appliquée une déduction de 1 % de la valeur des biens assurés, cette déduction ne pouvant être ni inférieure à 2 500 000 $, ni supérieure à 250 000 000 $,. A côté d'une possibilité d'assurance volontaire privée contre les séismes, il existe depuis 1944 un Fonds National alimenté par une prime obligatoire ajoutée à la prime d'assurance incendie. Le montant de la prime est de 0,5 / 00 de la valeur assurée contre l'incendie, celle-ci étant sans limitations. En 1948, l'objet de ce Fonds National a été étendu aux orages extraordinaires, inondations et éruptions volcaniques, puis en 1967 à l'activité géothermique, enfin en 1970 aux glissements de terrain. Les seuls risques naturels explicitement exclus sont les avalanches (parce qu'elles n'intéressent que des régions inhabitées) et l'érosion marine. En outre, la définition des glissements exclut les mouvements verticaux (tassements et gonflements). L'extension à ces risques autres que guerre et séismes a été faite sans augmentation, en prélevant 24

1/10 (c'est-à-dire 0,05 / 00 ) du montant des primes à percevoir à partir de la date de la décision pour alimenter un nouveau «Disaster Fund». 5 - «National Flood and Mudslide Act» des USA Une assurance contre les inondations a été créée par le Congrès des USA en 1956 (Flood Insurance Act), puis incorporée en 1968 au «Housing and Urban Development Act». Un amendement a étendu l'application aux coulées boueuses en 1969. Cette assurance reste volontaire. La gestion de caractère privé est supervisée par la «National Flood Insurance Association» et la «Federal Insurance Administration». Le montant maximal assurable va de 17 000 $ pour une maison d'habitation à 30 000 $ pour tous autres ouvrages. Le montant des primes va de 2,5 à 6 / 00 pour les immeubles (selon la valeur assurée et le type d'immeuble, résidentiel, industriel, etc.) et de 3,5 à 7,5 / 00 pour les biens mobiliers. Le montant déductible est de 200 $ ou 2 % du contrat pour l'immobilier et autant pour le mobilier [*]. 6 - En Espagne La couverture des risques naturels est exclue des polices d'assurance. Mais un Fonds National de secours a été créé par une loi de 1954 («Consorcio de Compensación de Seguros») dont l'alimentation est analogue à celle du «Earthquake and War Fund» de Nouvelle-Zélande, à partir des assurances individuelles. 7 - Dans la plupart des autres pays Les modalités d'assurances contre les risques naturels sont très variables. Ils peuvent être automatiquement inclus dans le risque incendie ou aussi bien explicitement exclus. Une assurance volontaire est généralement possible à titre individuel. Ainsi, en Australie, le risque séismes a été introduit dès 1927 dans les polices incendies ordinaires [*], avec des primes variant à l'heure actuelle de 0,13 à 0,46 / 00 selon les Etats. Bien que peu affectée par les phénomènes géodynamiques, l'australie a effectué en 1974 une étude de faisabilité pour la création d'un «Natural Disaster Scheme». En Californie, USA, divisée en trois zones sismiques, l'assurance privée contre les séismes est jumelée aux polices incendie. Les taux pour des maisons d'habitation, biens mobiliers et immobiliers seraient de l'ordre de 1,5 / 00 en zone 2 à 3 / 00 en zone 3, avec 5 % déductibles par sinistre [*]. Aux Indes, aucune règle officielle n'est en usage. Cependant, des indications sont en cours de préparation par un «Tarif Advisory Committee». Elles prennent en considération des facteurs (soussol, matériaux de construction, symétrie des bâtiments, etc.) et un zonage sismique en trois zones (de risque faible, moyen, élevé). Les primes varient ainsi de 0,07 à 8,00 / 00. 8 - Le cas des travaux de génie civil Les «Conditions internationales applicables aux marchés de travaux de génie civil» (1957 ; 2' édi- Séisme d'indonésie, 18 juillet 1976. Effondrement d'une dalle en béton ; village de Seritit, Bali (photo Bureau du Coordonateur des secours en cas de catastrophes, Nations Unies, Genève). tion 1974), recommandées par la Fédération internationale des ingénieurs conseil, la Fédération internationale européenne de la construction, la Fédération internationale des associations d'entrepreneurs d'asie et du Pacifique occidental, la Fédération interaméricaine de l'industrie, de la construction et l'association des entrepreneurs généraux des USA, font état des «effets des forces naturelles que l'entrepreneur ne pouvait raisonnablement ni prévoir, ni éviter». Ces risques ne sont pas à la charge de l'entrepreneur qui n'a donc pas à s'assurer contre eux. On note la grande imprécision de la rédaction de l'article se rapportant aux phénomènes naturels et a fortiori quant à leur assurance. 9 - Calcul des primes Les exemples précédents donnent des ordres de grandeur du taux des primes selon des types de phénomènes, des intensités et des valeurs assurées. On peut procéder à un calcul schématique dans la généralité des cas, à condition de disposer de deux groupes de données : 1. Données géologiques relatives à chacun des types de phénomènes : zones d'existence du phénomène (et zonage par intensités probables) ; intensité maximale probable : I m ; période de récurrence pour cette intensité : PR; et évidemment une appréciation des diverses intensités possibles inférieures au maximum probable assorties de leur période de récurrence respective. L'exemple des inondations, avec les crues annuelles, décennales, trentenales, centenales, etc., est une illustration classique. 2. Données économiques relatives aux biens et éventuellement aux pertes humaines : pertes maximales possibles (pour l'intensité maximale ci-dessus) : PM ; pourcentage probable de pertes en fonction des diverses intensités possibles, la relation pertes, intensités n'étant pas linéaire. Les figures 4 et 5 donnent un exemple d'estimation pour des séismes. 25

"E 1000 F ô o (P = prime annuelle; PM = pertes maximales pour l'intensité maximale I,,,, ; PR = période de récurrence). En fait, pendant la période de récurrence de l'intensité maximale, des événements d'intensité moindre sont susceptibles de se produire et le premier PM terme de la relation (==-) doit en fait s'écrire : PR 1 i = In» Pertes ' i, 0 PR i Conclusions Il est possible de s'assurer contre les effets des phénomènes géologiques. Des exemples existent. Ils ne sont pas très nombreux, mais constituent une véritable étude de faisabilité. Magnitude (Richter) Fig. 4 - Evaluation des dommages que causerait aux seuls bâtiments à Los Angeles la répétition de séismes historiques de diverses magnitudes (valeur 1970) [*]. Le type d'assurance varie entre une base volontaire et purement individuelle privée et des systèmes entièrement collectifs, publics et obligatoires. La solution intermédiaire comportant une part individuelle et une intervention de l'etat paraît être la bonne règle. On peut envisager de calculer le montant des primes sur des bases rationnelles. Mais la principale conclusion est d'une autre nature. C'est que l'assurance n'est qu'un outil secondaire vis-à-vis des risques géologiques. L'essentiel est la prévention des pertes humaines et des biens. Cela implique des mesures législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol et aux conditions de construction. DISPOSITIONS LEGALES Il est difficile à un non juriste de faire un point correct sur ce sujet en pleine évolution. Coût total : 13 milliards de dollars U.S. Fig. 5 - Evaluation des pertes matérielles en milliards de dollars qu'entraînerait la répétition, à San Francisco, du séisme de 1906 (magnitude 8,25), valeur 1974 (d'après Cochrane, 1974, in White et Haas, 1975) [*]. De telles évaluations ont déjà été faites dans les zones d'essais nucléaires aériens ou souterrains ; également à l'occasion de quelques grands projets d'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire. A bien moindre échelle, des relations entre tirs d'explosifs sur carrières ou chantiers et dégâts causés à des ouvrages ou bâtiments ont souvent été établies. Des procédures analogues sont possibles ou tout au moins envisageables pour tous les types de phénomènes. Les victimes elles-mêmes peuvent être converties en termes économiques, comme nous l'avons vu. On peut écrire : PM P = + % incertitude + % gestion et bénéfices 1 - Assurances Les assurances obligatoires contre les phénomènes naturels résultent de dispositions légales. Les exemples types sont ceux du «Earthquake and War Damage Act - 1944» de Nouvelle-Zélande et du Japon. Ces modèles ne concernent que l'assurance des biens immobiliers et mobiliers. 2 - Aides financières Lorsque des catastrophes se produisent, elles donnent généralement lieu à une aide financière de la part des gouvernements, voire d'instances étrangères, internationales, intergouvernementales (Nations-Unies) ou non gouvernementales (Croix Rouge, etc.). Ces secours n'ont en général aucune règle de calcul ni d'attribution. Cependant, à titre d'exemple, nous citerons le cas du Canada. Les événements naturels y sont du ressort des municipalités et des provinces et non du gouvernement fédéral. Si une catastrophe dépasse les moyens des provinces, une contribution est demandée à la fédération sous forme d'aide technique, financière ou de secours en nature. Sans qu'il s'agisse de véritables décisions légales, les 26

règles suivantes servent de base(l). Si la valeur des dégâts non couverts par les assurances dépasse Can $ 1 per capita de la population de la province, le gouvernement fédéral paie 50 % du coût jusqu'à 3 $ puis 75 % de 3 à 5 $ et 90 % au-delà de 5 $ per capita. Quant au financement lui-même, il est soit exceptionnel, soit codifié à l'avance sous la forme d'un Fonds National alimenté par le budget de l'etat. Ainsi en est-il en Autriche sous la forme d'un «fonds des catastrophes» créé en 1966. 3 - Les normes et codes de construction Die même que des règles de construction destinées à prévenir, ou au moins limiter, les risques d'incendie sont en vigueur dans la plupart des pays, il existe des règles officielles pour les constructions en régions sismiques dans un certain nombre d'etats. Ceux que nous avons eus en main, dont la liste est loin d'être exhaustive, sont cités en bibliographie [*]. En général, l'application de ces règles n'est pas obligatoire. Des règles de construction contre les inondations sont en vigueur en Turquie et, pour les zones de loess sujets à affaissement, en Bulgarie. Il est probable qu'un inventaire complet des codes de construction de chaque pays apporterait des compléments. Cependant, on peut conclure que seuls parmi les phénomènes géologiques naturels, les séismes font l'objet de normes de construction assez nombreuses et généralement récentes. Toutes reposent sur un zonage sismique du pays auquel elles s'appliquent. D'une façon comparable, on pourrait citer les normes, plus récentes, relatives à la protection contre les séismes de certains ouvrages spéciaux comme les centrales nucléaires qui appellent un microzonage sismique [*]. 4 - Autres textes législatifs Il est impossible de présenter un panorama international cohérent. Les textes législatifs et administratifs autres que ceux mentionnés ci-dessus sont encore rares ou dispersés : encore rares (bien qu'une recherche à caractère historique permettrait probablement de trouver des antécédents intéressants) car la plupart des mouvements du sol et des catastrophes naturelles étaient considérés encore récemment comme des cas de force majeure, des «Acts of God» échappant de ce fait à tout pouvoir humain ; dispersés, lorsqu'ils existent, à l'intérieur d'un même pays, car la plupart de ces phénomènes ont un caractère régional : importants ici, inexistants ailleurs. Les textes sont particuliers aux provinces ou aux Etats, dans les fédérations, souvent particuliers aux municipalités et préfectures dans les Etats centralisés ; dispersés, pour une même juridiction territoriale car relatifs selon les cas aux ministères chargés de l'agriculture, des eaux et forêts, des travaux publics, de l'intérieur, des mines, etc. ; dispersés, car ils font souvent suite à une catas- 1. D.J. Me Laren, Director General, Geological Survey, Ottawa, lettre personnelle du 3 mai 1976. trophe précise plutôt qu'à une réflexion sereine et au fruit de l'expérience ; dispersés enfin, selon que leur objet est relatif à l'organisation des secours, à l'aide aux victimes ou à la prévention des phénomènes. Nous ne connaissons qu'un seul exemple de législation unitaire, la «Disaster Countermeasures Basic Law» de 1961 du Japon, modifiée plusieurs fois, la dernière étant une loi du 1" juin 1974. Cette loi a créé notamment un «Central Disaster Prévention Council» auprès du Premier ministre et des «Local Disaster Prévention Councils» auprès de chacune des Préfectures. Sur le plan technique, au Japon, existe un «National Center for Disaster Prévention» qui comprend des agences régionales. Un bon exemple de la situation régnant dans de nombreux pays est celui de l'autriche (1). Les phénomènes naturels les plus dangereux y sont les inondations, l'érosion torrentielle, les coulées boueuses, les avalanches. La législation est surtout contenue dans des textes relatifs aux forêts et au droit des eaux. Elle remonte à 1830 avec des normes d'etat pour les constructions hydrauliques puis comporte des textes impériaux, mais elle est surtout récente et développée dans des lois et directives provinciales. Un autre exemple du développement de la législation relative aux phénomènes naturels est celui de la Californie bien présenté dans certaines publications récentes [*], et dans la communication de Ian Campbell à ce même Congrès de Sydney. Un enseignement essentiel de l'expérience de la Californie est l'importance du rôle officiel, et dans certains cas obligatoire, des ingénieurs géologues (assorti de la création d'un Ordre des ingénieurs géologues) dans l'application de la législation et dans sa préparation. Ailleurs, nous citerons, en Bulgarie (2) des décrets et arrêtés du Conseil des ministres sur la lutte contre l'érosion (1953), le microzonage sismique des zones urbaines et industrielles (1957, 1961), la création de stations pour l'étude et la lutte contre les glissements (1973). En France, un décret du 30 novembre 1961, en application du Code de l'urbanisme prévoit que «la construction sur des terrains exposés à un risque naturel tel que : inondations, érosions, affaissements, éboulements, avalanches, etc., peut, si elle est autorisée, être subordonnée à des conditions spéciales». Puis, on retrouve des textes dans la loi d'orientation foncière du 30 décembre 1967 qui institue des Schémas directeurs d'aménagement et d'urbanisme (SDAU) pour l'extension des agglomérations existantes de plus de 50 000 habitants et les Plans d'occupation des sols (POS) précisés par un décret du 28 octobre 1970, obligatoires pour les agglomérations de plus de 10 000 habitants, et celles où existent des conditions particulières de sécurité, notamment en montagne. Ce décret impose dans tous les cas (art. 18) la «Préservation des ressources naturelles (eau, matériaux, etc.) - Prévision des risques naturels (inondations, éboulements, af- 1. F. Ronner, Directeur, Service géologique Fédéral, Vienne «Les aspects légaux de la protection contre les catastrophes en Autriche». Note inédite du 28 mai 1976, 21 p. 2. Note de Il.Iliev, Institut géologique, Sofia, du 31 mars 1976. 27

faissements, effondrements, avalanches, glissements, érosion, etc.)», cf. annexe in fine. En conclusion, on note une évolution récente et rapide de la législation en regard des phénomènes naturels sous diverses impulsions dont les principales sont le besoin croissant de sécurité et, <s en relation avec les problèmes d'environnement», la législation sur l'urbanisme et l'aménagement du territoire. Cependant, il reste de nombreux pays où aucune législation n'existe encore sur ce sujet. MESURES TECHNIQUES Après les inondations du 4 novembre 1966 à Florence - Le Baptistère. Photo Locchi- Flrenze. Les problèmes posés au géologue sont essentiellement celui de la prévision et si possible de la prédiction des phénomènes géologiques, suivis par ceux de leur prévention et d'une éventuelle protection pour lesquels il a aussi une importante contribution à apporter. A - Prévision et prédiction des phénomènes géologiques La prévision sera définie comme une estimation probabiliste, la prédiction étant au contraire précise et définie. La prévision Elle implique la localisation des zones d'existence possible, la prévision des intensités possibles et la probabilité d'apparition dans le temps (et périodes de récurrence) pour les diverses intensités possibles. Du point de vue méthodologique, le premier problème, localisation des zones d'existence possible, est soluble dans tous les cas. La cartographie correspondante dépend du type de phénomène et de l'échelle adoptée. Des exemples existent pour les séismes, les tsunamis, le volcanisme, les failles actives, les inondations, l'érosion côtière ou torrentielle, les glissements, les éboulements, les avalanches, les effondrements et affaissements soit au-dessus de zones karstiques soit au-dessus de carrières ou exploitations minières, pour les zones de subsidence d'origine anthropique. Les zones de sols gonflants, compressibles ou boulants peuvent également être cartographiées. On peut discuter, dans chaque cas, de la précision des limites et de la fiabilité. Les résultats dépendent beaucoup de l'échelle adoptée et des moyens matériels consacrés à l'étude. Mais il n'y a pas de blocage scientifique. La définition de zones dans lesquelles un phénomène n'est pas susceptible de se produire (risque «nul» ou risque «accepté»(1), peut donc être considérée comme suffisante. En revanche, dans celles où il peut se produire, il est nécessaire de donner une estimation de sa probabilité d'apparition et de répétition, ainsi que des intensités possibles. La prédiction Elle consiste à annoncer à l'avance le lieu, la date et l'intensité d'un phénomène. Les séismes. Les cartes de zonage sont tracées soit à partir des éléments historiques en postulant la répétition, soit à partir d'analyses statistiques purement aléatoires, soit en tenant compte d'éléments tectoniques et structuraux, soit par une combinaison de tous ces critères. On en connaît de nombreux exemples (fig. 1, 2, 3). Le problème d'estimation du risque rapporté aux structures est encore plus complexe car il fait, intervenir, en outre, les propriétés des structures ellesmêmes et celles du sol. Ces dernières interviennent à la fois par l'interaction sol-structures, et par la transmission des ondes sismiques. Les propriétés mécaniques des sols et des roches, et des massifs de sols et de roches, en regard de la transmission des vibrations sismiques sont complexes car les relations effort/déformation ne sont pas linéaires. Les cartes de zonage [*] et de microzonage sismique [*] restent donc approximatives, mai3 elles vont en progressant. La précision et la sûreté nécessaires pour des ouvrages spéciaux tels que les centrales nucléaires [*] et les grands barrages [*] sont un stimulant dans ce domaine. La prédiction exacte des séismes [*] annonçant le lieu, le moment et l'intensité n'est pas encore possible, mais de nets progrès sont en cours. Elle repose sur l'étude des déformations de la surface (tiltmètres), l'évolution des pressions interstitielles, les valeurs du rapport des vitesses de propagation des ondes longitudinales et transversales qui ont des anomalies localisées dans l'espace avant les séismes de forte intensité. Des variations du champ tellurique, du champ magnétique et même des courants artificiels continus et alternatifs, sont des signes géophysiques de séismes imminents. Des variations de la composition isotopique de gaz inertes et de la composition chimique de l'eau, dans des puits et sources, seraient aussi des signes précurseurs. Le comportement des animaux enfin, est un autre bon indicateur. 1. Par exemple, en Californie, le «risque sismique accepté» comme n'appelant aucune mesure particulière est de 1 mort pour 10 000 000 d'habitants et de 1 $ pour 10 000, par an [*]. 28

US.S.R X Fig. 6 - Système d'alerte aux tsunamis. Carte indiquant les stations du réseau et le temps que met un tsunami signalé par ces stations pour atteindre Honolulu (d'après la Commission océanographique intergouvernementale de l'unesco, 1976). 1 I I I I I f 5hr / Midway /\, A "9 Mani A-A-V \ n,t l l r-h *w * Stations marigraphiques A Stations sismographiques Les tsunamis [*]. Ils sont essentiellement d'origine sismique, par effet de piston (soulèvement) du fond marin. Ils peuvent également être engendrés par les vibrations élastiques des fonds marins, toujours sous l'effet des séismes, ou par des glissements sous-marins ou par des courants de turbidité. L'intensité des tsunamis va de 1 à 4. Elle est fonction de la hauteur moyenne de la masse d'eau qui submerge le littoral le plus proche du foyer. Leur prévision est liée à celle des séismes, notamment à ceux de magnitude M supérieure à 8 qui seraient seuls susceptibles de provoquer des tsunamis destructeurs. Le front des tsunamis océaniques étant réfracté sur le rebord du plateau continental, il est possible d'enregistrer leur arrivée en ces points par un appareillage sous-marin transmettant l'information à la côte quelques heures en avance. De tels enregistreurs ont été utilisés avec succès à Hawaï et en URSS. La vitesse de propagation V = \J gh (g : accélération de la pesanteur H : profondeur du bassin ; Commission océanographique intergouvernementale, 1976) est de l'ordre de quelques dizaines à plus de 1 000 km/h (fig. 6). Des vitesses de l'ordre de 650 km/h sont considérées comme normales dans le Pacifique (1). Le volcanisme. Ce sujet, qui a été traité au Congrès de Sydney par d'autres intervenants, ne sera donc pas développé. On pourra cependant recommander les publications synthétiques de 1. New Hebrides Warning and Disaster Relief Plan. l'unesco (1971) et de l'undro (1976) qui comportent des exemples de zonage volcanique avec estimation du degré de risque de coulées ou de projections [*]. Pour les projections volcaniques, cendres, nuées ardentes, fonction des conditions météorologiques, une analogie peut être établie avec les prévisions relatives aux explosions nucléaires aériennes ou partiellement contenues. Les inondations. Un nombre considérable de travaux concerne ce sujet. Chacun sait que des estimations probabilistes basées sur les données historiques donnent des intensités de crues (hauteur, débit) en fonction du temps. Les glissements de terrain et ébovlements. Ces divers phénomènes géodynamiques externes posent les plus délicats problèmes d'estimation de degré de risque et de période de récurrence. Ils représentent probablement le sujet qui appelle le plus grand effort de recherche. On notera que l'unesco a décidé d'en entreprendre l'étude à l'échelle internationale en commençant par une enquête auprès des gouvernements, dont les résultats devraient être présentés à un symposium de l'association internationale de géologie de l'ingénieur (AIGI), à Prague, en septembre 1977. De premiers exemples de prédiction de glissements ont pu être cités au Congrès de Sydney [*]. Les effondrements au-dessus de vides souterrains naturels ou artificiels. Les problèmes de vides souterrains karstiques sont essentiels dans plusieurs pays. Ils représentent, par exemple, le prin- 29

cipal problème géodynamique en République démocratique allemande, lié à la dissolution du sel et du gypse. A leur sujet, l'aigi a récemment publié les résultats de la Commission spécialisée [*]. Les mouvements au-dessus de vides artificiels, carrières souterraines et exploitations minières sont susceptibles de prévision lorsque ces vides sont bien identifiés. Le cas de vides anciens et mal localisés se rapproche de celui des karsts. La prédiction d'effondrements est possible pour des vides artificiels accessibles, à partir de mesures de convergence. Les sols compressibles, gonflants ou boulants. Les «risques» qu'ils soulèvent sont liés aux structures. Leur cartographie est du domaine de la cartographie géotechnique sensu stricto. Cependant, une interaction avec certains phénomènes naturels, notamment avec les séismes, conduit à divers degrés de stabilité qui peuvent être au moins partiellement appréciés. Les avalanches. Des cartes de localisation probable d'avalanches ont été réalisées dans la plupart des pays de montagne, à diverses échelles [*]. La prévision est généralement traduite par un zonage à trois couleurs : zones où les avalanches sont fréquentes et destructives, zones où elles peuvent être maîtrisées, zones sans risques. B - Prévention et protection La prévention. Pour l'essentiel, la prévention est liée à des mesures administratives ou législatives, et peut être rapportée à des règles d'aménagement du territoire et d'urbanisme. Ces règles vont du non aedificandi (fig. 7) à des directives variées, notamment l'application des Codes de construction pour les constructions asismiques. Il est impossible d'entrer ici dans ce sujet capital, si ce n'est pour souligner l'intérêt de l'intervention géologique non seulement pour l'application de ces règles mais afin qu'elles puissent être édictées. La prévention passe aussi par des systèmes d'alertes (tsunamis, cf. supra ; chutes de blocs sur les voies de chemin de fer, etc.). Elle peut enfin être le fait de travaux : abattage volontaire et contrôlé de falaises [*], avalanches provoquées, drainage et stabilisation de glissements, relâchement de contraintes sismiques par modifications de la pression des fluides en zone de failles [*], drainage de lacs de cratères volcaniques pour prévenir la formation de lahars(l), (fig. 8) ; consolidation de vides souterrains et remblayages, sans parler des méthodes d'exploitation minière par abattage contrôlé. 1. Lahar : coulée boueuse se formant sur les flancs d'un volcan. Fig. 7 - Exemple de servitude imposée pour la construction de bâtiments de part et d'autre de failles actives (faille de San Andréa) par la municipalité de Portola Valley, Californie. La zone non aedificandi va de 15 m de part et d'autre de la faille à 55 m, selon le type de bâtiment et selon la connaissance plus ou moins exacte du tracé de la faille (d'après US Geological Survey circular n 690, 1974). Faille connue Faille supposée Fig. 8 - Coupe schématique du système de tunnels de drainage du lac de cratère du volcan de Kelud, Java (d'après Macdonald 1972 et Zen et Hadikusumo 1965, cités par UNDRO, 1976). Entree de tunnel Système de galeries Surface du lac en 1927 _ Niveau du lac en 1950 Fond du crawre avant l'éruption de 1951 Fond du cratère après l'éruption de 1951 30

Les travaux de protection. Déjà en partie assurée par la prévention, la protection peut l'être aussi par des travaux. Leur étude de faisabilité et l'estimation de leur coût doit évidemment comporter une évaluation du risque correspondant. De tels travaux de protection sont courants pour les avalanches, stabilités des versants, chutes de blocs sous forme de murs de soutènement, systèmes de drainages, etc. Courants également contre les inondations, sous forme de digues ou de barrages de retenue. Certains de ces travaux peuvent prendre une ampleur considérable. Citons les travaux de protection contre l'inondation marine dits du Plan Delta, en Hollande. Citons également le barrage construit en URSS (1) pour protéger la ville d'alma Ata contre les coulées boueuses. Ce barrage a d'abord été construit de 1968 à 1970 par explosion directe jusqu'à une hauteur de 108 m avec une capacité supérieure à 6 millions de mètres cubes. Mais le 15 juillet 1973, des coulées catastrophiques sédimentèrent 4 millions de mètres cubes dans ce barrage qui fut alors surélevé jusqu'à 145 m de haut par des moyens mécaniques, pour lui donner une capacité de retenue de 12 millions de mètres cubes. Enfin, les éruptions volcaniques peuvent être combattues (UNDRO 1976) par bombardement du lieu d'émission, par des murs de diversion ou d'arrêt, par des barrages de retenue. CONCLUSIONS Les différents aspects, scientifiques, techniques, financiers, administratifs et législatifs sont beaucoup plus étroitement liés qu'il ne paraît à première vue. La base rationnelle est l'étude fondamentale de chacun des types de phénomènes pris isolément, et de leurs interactions. La seconde étape est une cartographie des zones dans lesquelles certains d'entre eux ou plusieurs sont susceptibles de se produire, à différentes échelles, selon les besoins. Dans ces zones, il faut ensuite tenter d'effectuer un macrozonage et/ou un microzonage correspondant à des cartes de risques. L'objectif est de donner une estimation probabiliste des intensités à attendre avec les périodes de récurrence correspondantes. Cette étude quantitative est en progrès pour les phénomènes d'origine interne. Les modalités sont connues pour les inondations. Le degré de connaissance est bien moindre pour les glissements, éboulements rocheux et la plupart des processus d'érosion. On peut d'ailleurs affirmer que l'estimation quantitative des risques que présentent ces phénomènes est un des grands sujets scientifiques du moment, en géologie de l'ingénieur. Un stade plus avancé est celui de la prédiction du lieu, du moment et de l'intensité. C'est une grande satisfaction scientifique de constater que pour des 1. Note inédite du 30 mai 1976 du Professeur Sergeev. Glissement de Saint-Jean-Vianney, Québec, Canada, le 5 mai 1971 (7,5 millions de m 3 ). Photo service géotechnique, ministère des Richesses naturelles, Québec. phénomènes tels que les séismes, longtemps considérés avec fatalisme comme échappant au savoir de l'humanité, un début de prévision de cette sorte est possible. Certes, les résultats restent minces, mais une voie est tracée. Les progrès récents dans l'étude de chacun des types de phénomènes conduisent à la conclusion que des progrès beaucoup plus considérables sont possibles, du point de vue scientifique, moyennant un effort de recherche à la fois thématique (par phénomènes) et régional (1). 1. Un excellent exemple est celui d'une étude régionale, inédite, de L.E. Oborn (mai 1976, 16 p + fig.) pour la Nouvelle- Zélande. o 10 u Pertes totales drns l'état des choses de 1970 à 2000 Réduction possible des pertes de 1970 à 2000 actuel Cofit des mesures pour réduction des pertes de 1970 à 2000 H W S Fig. 9 - Estimation des pertes en dollars dues à quelques phénomènes géologiques, en Californie, avec réduction possible et coût des mesures de réduction (d'après USGS circular n 721, 1976 et State of California, 1973). '3 g a. 31

Sur la base de ces connaissances : zones, intensités, récurrences, il deviendra possible de traiter rationnellement la chaîne des problèmes posés par les catastrophes naturelles que l'on peut écrire avec White et Haas (1975) [*] : 1 - Aménagement du territoire, 2 - Travaux de protection, 3 - Systèmes d'alerte, 4 - Assurances, 5 - Secours et reconstruction. De ces différents stades, il est clair que l'élément fondamental et décisif est le premier. C'est l'aménagement du territoire et l'urbanisme qui doivent tenir compte des divers risques, en premier lieu par le choix des modalités d'utilisation du sol en fonction de ses propriétés géotechniques et de sa structure [*]. Ces choix impliquent des décisions de caractère politique et financier. Ils impliquent donc des décisions législatives et administratives. Tout se tient. D'un strict point de vue économique, il reste à savoir si le coût des études géologiques est justifié par leurs résultats escomptés. A cette question de faisabilité, la réponse n'est certainement pas identique pour tous les pays. Une estimation a été faite aux USA pour la Californie [*]. La figure 9 donne une réponse qui parle d'elle-même. Pour terminer, soulignons que les documents fondamentaux sont cartographiques : cartes de localisation des phénomènes, cartes de risques, et qu'ils sont une partie d'un ensemble qui est la carte géotechnique (AIGI-UNESCO, 1976). ANNEXE En France, le ministère de l'agriculture (circulaire 3005 du 1" février 1971) établit, en coopération avec l'institut géographique national, des «cartes de localisation probable d'avalanches» au 1/20 000. Ces cartes sont purement techniques et documentaires. De même, le plan ZERMOS (zones exposées aux risques de mouvements du sol et du sous-sol), consiste à faire établir des cartes de risques géologiques, au 1125 000, dans des régions choisies. Dans un premier temps il s'agit d'un effort de recherche méthodologique. L'origine, qui revient à un groupe de travail interministériel animé par la Direction des Mines du ministère de l'industrie et de la Recherche, peut être datée de juin 1972. La «Commission interministérielle d'étude de problèmes de la montagne et des risques naturels» a entériné ce plan en décembre 1973. La maîtrise d'oeuvre est assurée par le Service de la Protection civile du ministère de l'intérieur, le financement vient de la DGRST. La réalisation a été confiée au Service géologique national (BRGM) qui a lui-même confié la moitié de la tâche aux laboratoires des Ponts et Chaussées. Comme les cartes d'avalanches, les cartes ZERMOS seront documentaires. Enfin, les cartes de vides souterrains à l'échelle du 1/1 000 sont publiées par le Service des Carrières de la Ville de Paris et de la région parisienne, service créé en 1787. NDLR - Sur des sujets identiques ou voisins, nous rappelons quelques publications : CIIAMPETIER DE RIBES G., Risques naturels et actions ZERMOS et GEF, Bull, liaison Labo. P. et Ch., 82, avr. 1976. MÉNEROUD J.-P., Expérience de cartoraphie géotechnique systématique pour les plans d'occupation des sols dans les Ailpes-Maritimes, Bull, liaison Labo. P. et Ch., 85, sept.-oct. 1976. Bull. liaison P. et Ch., Spécial «Stabilité des talus - I - Versants naturels», mars 1976, particulièrement : LIOCHON M., Aspects juridiques des problèmes de glissements de terrain, COLAS G., PILOT G., Description et classification des glissements de terrain, ANTOINE P., PACHOUD A., Enseignements tirés de deux essais de cartographie systématiques de glissements de terrain. MAHIEU J.-L., GUILLOPE P., HERNANDEZ F., Localisation de zones instables et établissement d'une carte ZERMOS dans le Calvados, Une méthode de levé «géodynamique». A paraître dans le Bull, liaison P. et Ch., 88, mars-avr. 1977. 32