Concours nouvelles technologies Analyse probabiliste de l occurrence des fontis sur le territoire français et détermination de la probabilité de rencontre d un bâtiment Rapport de synthèse Guillaume LAFONT 18/05/2014
Introduction Elève en 3 ème année dans le département Géoingéniérie, j ai eu l occasion d effectuer mon «Projet 3A» sous la tutelle de M. Thierry VERDEL. Ce projet, d une durée de 6 mois, traitait des phénomènes de fontis. Ces affaissements soudains et très localisés peuvent parfois intercepter des enjeux anthropiques (bâtiments, routes) et causer des dommages conséquents. Ils peuvent être dus à la présence d anciennes cavités minières ou à des zones karstiques. La prévision de ces phénomènes est importante afin de mettre en place des mesures de mitigation et/ou de prévention. Géodéris est un Groupement d Intérêt Public (GIP) chargé de prévoir et quantifier les risques liés à l après-mine. Une des missions de cet organisme est de recenser les zones où l «alea fontis» est présent. Un projet a été monté avec le laboratoire Géoressource pour quantifier la «probabilité d intersection entre un fontis et un enjeu anthropique». C est dans ce contexte que le projet trouve son intérêt : proposer des méthodes de calcul de cette probabilité à l aide de l outil Mathématica (Wolfram). La spécificité et l aspect innovant du projet portent sur la prise en compte de facteurs absents des études jusqu'à présent réalisées : la configuration des bâtiments et leur densité. Le projet avait donc pour objectif de calculer la probabilité d'intersection entre un fontis et un bâtiment en tenant compte de ces facteurs. Différentes méthodes ont pu être développées grâce au logiciel Mathématica. Après une brève description du phénomène de fontis et de sa prévision, les principes des différentes méthodes seront exprimés et comparés en mettant en avant l aspect innovant de celles-ci.
Définition et mécanisme du phénomène de fontis Un fontis est un effondrement du sol en surface, dû à la défaillance des terrains porteurs. Il peut être à la source de dégradations matérielles ainsi que d accidents humains dans le cas d apparition de fontis sous des bâtiments, routes ou chemins de fer (Waltham et al., (2005), Wenhui, (1990)). Le fontis fait suite à une dégradation progressive de la voûte d une galerie ou d un vide souterrain qui remonte peu à peu dans le recouvrement jusqu à percer au jour sous forme d un entonnoir de quelques mètres de rayon et de profondeur. Le terme de fontis désigne aussi bien le mécanisme d effondrement que le cratère classiquement observé en surface. Les fontis liés à des exploitations souterraines se produisent lorsque la galerie est suffisamment proche de la surface et si aucun banc rocheux épais et résistant ne vient arrêter la dégradation progressive. La condition d apparition d un fontis dépend de même de la largeur du toit ou des galeries concernées. Les fontis se développent préférentiellement dans des zones où le toit présente de larges portées non soutenues (largeur en général supérieure à 5 m : carrefours de galerie, piliers ruinés, chambres vides ou partiellement remblayées ) (Didier, 2007). Les facteurs de dégradation résultent souvent d'une combinaison des éléments géologiques, hydrogéologiques et humains accélérant la rupture (Lebrun, 2003). L apparition de ces phénomènes peut également être reliée à des causes non anthropiques comme par exemple des zones de karst apparues suite à la dissolution de calcaire, craie ou gypse.. Figure 1: Fontis au milieu d'une route (source: vauxsurseine.fr)
Prévision temporelle et spatiale de l aléa fontis Pour le cas de fontis apparaissant au droit de carrières et d exploitations minières, différents modèles de prévision temporelle ont étés proposés dans la littérature et sont repris Figure 1. Suite l arrêt des travaux minier (T0), la probabilité d apparition de fontis va progressivement augmenter depuis l apparition du premier fontis (T1) jusqu au pic d activité (T2), puis décliner au fur et à mesure que les galeries seront comblées. L apparition de fontis est décrite comme «stable» lorsque tous les vides sont comblés (T3). Pour que ces modèles puissent être appliqués en pratique, les paramètres (dépendant des caractéristiques de l exploitation) nécessitent d être ajustés aux spécificités du site. Figure 2: Evolution de la probabilité d'occurrence de fontis en fonction du temps (Cauvin, 2011) L occurrence spatiale des fontis a également été étudiée à partir de retours d expérience, permettant d obtenir des méthodes de détermination de carte de susceptibilité de fontis (Exemple : Galve (2008, 2011) présente à travers plusieurs articles, des modèles appliqués sur un secteur karstique de 50 km² dans la vallée d Elbro). Les paramètres les plus influents dans l occurrence d un fontis sont les suivants : les unités géomorphologiques de la zone, l utilisation du terrain (relié à l apport d eau), la distance à un réseau d irrigation et la distance du fontis le plus proche. De manière générale, les auteurs remarquent cependant que le suivi du nombre réel de fontis est rendu délicat par plusieurs facteurs. S ils ne sont pas déclarés rapidement, les fontis sont comblés rapidement après leur formation. De plus, les propriétaires de terrains dans lesquels des fontis apparaissent ne sont pas toujours enclins à donner trop d information du fait de la dépréciation de leur parcelle (Galve, 2011).
Modèles développés Dans le cadre du projet académique, la base de travail était une carte présentant les contours de la zone d alea et les contours de différents enjeux disposés selon une géométrie quelconque (bâtiments) (cf Figure 3). Le problème peut être ramené à un équivalent géométrique : les zones d enjeux et d aléa sont représentées par des polygones. Figure 3: Exemple de zones d'enjeux (bleu) au sein d'une zone d'alea (contour noir) Les fontis peuvent être simulés par des disques dont les coordonnées du centre sont tirées aléatoirement dans la zone d alea. C est le principe de la première méthode développée à l aide du logiciel Mathématica. Les disques (fontis simulés) sont discrétisés en points et sont superposés à la zone d alea (cf Figure 4). Si un point constitutif d un fontis tombe dans une zone d enjeu, on lui attribue la couleur rouge, sinon, dans le cas contraire, on lui attribue la couleur verte. Figure 4: Résultat de la première méthode La comptabilisation du nombre d évènements impactants (nombre de fontis possédant des points rouge) pour un grand nombre de fontis simulés permet d obtenir la probabilité recherchée. Une information sur la gravité des fontis peut également être extraite en calculant le nombre de points rouges d un disque rapporté au nombre total de points du disque. Cela traduit le fait qu un fontis dont le centre est au milieu d un bâtiment sera plus impactant qu un fontis tangent à ce bâtiment. Cette méthode présente cependant plusieurs limitations : - le fait de reposer sur un processus de Monte Carlo nécessite un nombre de simulations important pour obtenir une probabilité précise, - le fonctionnement de cette méthode nécessite des ressources de calcul importantes. Ces limitations ont conduit au choix d une approche différente en 2 aspects : - Plutôt que de simuler un fontis sous forme de disque et de quantifier si les points qui le composent interceptent un enjeu, on peut le simuler sous forme d un point (représentant
le centre du fontis) et vérifier si ce point tombe dans une zone d influence définie autour des bâtiments. La zone d influence correspond à la surface du bâtiment qui a été agrandie dans toutes les directions d une distance correspondant au rayon du fontis. Figure 5: Changement de conception entre les 2 méthodes : à gauche, le fontis est un disque qui vient intercepter un bâtiment ; à droite, le fontis est un point qui tombe dans la zone d influence de ce bâtiment - De même, plutôt que de simuler un nombre important de fontis, on peut ramener le calcul de la probabilité à une méthode analytique : la probabilité qu un fontis intercepte un bâtiment est égale au rapport entre la surface d influence des bâtiments rapportée à la surface totale de la zone d alea. On se ramène alors à un calcul de surface. Les difficultés de programmation interviennent lorsque les surfaces d influence des polygones d enjeu se recoupent. Il s agit de comptabiliser l emprise totale des zones d influence (polygones verts sur la Figure 6), et non uniquement la somme de toutes ces zones (certaines zones seraient comptabilisées plusieurs fois). Figure 6: Résultat de la modélisation de l'aire d'influence de la deuxième méthode Cette 2 ème méthode considérant les aires d influence des polygones est plus rapide mais moins précise. En effet, des estimations apparaissent dans le processus d agrandissement des polygones, et certaines géométries ou configurations de bâtiment (notamment au niveau de la topologie) peuvent poser des difficultés au bon fonctionnement du programme. Afin de remédier à ce problème d incertitude, une troisième méthode a été développée. Cette troisième méthode conserve la même approche mais repose sur un fonctionnement innovant faisant appel à des techniques de traitement de l image. Les bâtiments sont colorés en vert et la zone d alea est colorée en rouge. Les zones d influence des polygones sont simplement ajoutées en vert (cf Figure 7, ajout d une zone d influence de 6m)
Figure 7: Résultat de la 3ème méthode (en haut pas d ajout de zone d'influence (on considère des fontis de rayon nul), en bas, ajout d une zone d'influence correspondant à des fontis de rayon 6m) Plutôt que de calculer des superficies, cette méthode comptabilise le nombre de pixels verts sur l image et le rapporte au nombre total de pixels de l image (vert et rouge). Le rapport de surface obtenu, donne la probabilité qu un fontis de rayon donné intercepte la zone d influence d un enjeu. Cette méthode présente un aspect innovant car elle fait intervenir des méthodes de traitement de l image (reconnaissance visuelle de la couleur des pixels) pour résoudre un problème nécessitant des techniques à première vue analytiques (calculs d intersections de polygones). Ce type de traitement est permis grâce au logiciel Mathematica, prenant en charge de nombreux formats et proposant de nombreuses fonctionnalités. Elle s avère être à la fois la méthode la plus simple, précise et rapide. Un traitement statistique des données permet ensuite de prendre en compte les paramètres variables tels que la loi d apparition des fontis ou la variabilité du rayon des fontis. Conclusion Les 3 méthodes développées au cours de ce projet sont fonctionnelles pour obtenir la probabilité d intersection entre un fontis et une zone d enjeu. Elles ont pu être appliquées à des cas concrets fournis par GEODERIS. La connaissance de ce paramètre permettra d aider à la détermination des zones les plus à risque et de hiérarchiser les actions à mener. La principale limitation à la prévision du risque «effondrement localisé» dont fait partie le phénomène de fontis, reste le manque de retours d expérience. Ces retours d expérience sont nécessaires car les probabilités d apparition temporelles de fontis sont estimées à partir d évènements recensés ayant déjà eu lieu.
Bibliographie : CAUVIN, 2007, Prise en compte des incertitudes et calcul de probabilité dans les études de risques liés au sol et au sous-sol. Thèse de Doctorat, Institut National Polytechnique de Lorraine, Nancy DIDIER C, 2007 Évaluation et traitement du risque de fontis lié à l exploitation minière, Rapport INERIS DRS-07-86090-05803A GALVE JP, BONACHEA J, REMONDO J et al. 2008. Development and validation of sinkhole susceptibility models in mantled karst settings. A case study from the Ebro valley evaporite karst (NE Spain). Engineering Geology 99: 185 197. GALVE JP, REMONDO J, GUTIERREZ, 2011, Improving sinkhole hazard models incorporating magnitude-frequency relationships and nearest neighbor analysis, Geomorphology 134, 157-170 LEBRUN, 2003 Elaborer un ppr «carrieres» dans le contexte de la région parisienne. WALTHAM T, BELL F, CULSHAW M. 2005. Sinkholes and Subsidence. Springer: Berlin. WENHUI S. 1990. Geological calamities research in chinese railways. In Proceedings of the Sixth International Congress of the International Association of Engineering Geology, Price DG (ed.). Balkema: Rotterdam; 2401 2407.
ANNEXE 1 : Mines Nancy avec l'appui des donateurs du volet "Esprit d'entreprendre" de la campagne de levée de fonds "Ambitions 2016", organise depuis la DAEC, un prix «NouvellesTechnologies 2014». Ce concours est ouvert à tout type de projets personnel ou pédagogique (1A - 2A - 3A), individuel ou collectif ayant fait l'objet d'une évaluation intermédiaire sous réserve qu'il comporte un caractère innovant. Prix en numéraire: 1er prix : 500 euros maximum par étudiant avec une enveloppe maximale de 1 500 euros à se répartir entre tous les participants au projet. 2ème prix : 350 euros maximum par étudiant avec une enveloppe maximale de 1 000 euros à se répartir entre tous les participants au projet. 3ème prix : 200 euros maximum par étudiant avec une enveloppe maximale de 500 euros à se répartir entre tous les participants au projet. Les prix sont distribués sous forme d'enveloppe attribuée aux projets pour lesquels les élèves s'engagent à poursuivre le développement : enveloppe "coup de pouce" minimale de 2 000 euros représentant le solde de ces prix (et dépendant donc du nombre de porteurs de projet) à répartir entre les équipes qui concourent, en fonction des suites envisagées aux projets (étude de marché, prototypage...). Tous les projets sélectionnés par le jury ainsi que les équipes lauréates pourront ainsi se voir attribuer une somme mobilisable sur devis ou sur prescription du jury, auprès d experts.