Interactions médicamenteuses des médicaments psychotropes. Florence Chapelle



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Transcription:

Interactions médicamenteuses des médicaments psychotropes Florence Chapelle

Adopter une démarche méthodique pour : Décider au mieux dans l intérêt du patient Faire face à la complexité des mécanismes Mieux comprendre la globalité de la situation => permettre de prévoir une large majorité d effets indésirables par interactions médicamenteuses 2

Démarche méthodique : connaissances Troubles et choix de traitements (médicaments de référence, cf. balance bénéfices-risques favorable, bénéfices démontrés sur des critères cliniques, etc.) Mécanismes qui sous-tendent les interactions Quelques principes simples 3

Deux mécanismes d interaction Interaction pharmacodynamique Addition d effets convergents ou antagonisme d effets Connaître le profil d effets indésirables Interaction pharmacocinétique Perturbation du devenir du médicament dans l organisme Connaître les élémentsclés du métabolisme 4

Interactions pharmacodynamiques Se produisent entre des méd. ayant des propriétés thérapeutiques ou des effets indésirables complémentaires, analogues ou antagonistes vis-à-vis d un même système physiologique Addition d effets convergents ou antagonisme d effets >< aux interactions pharmacocinétiques : les concentrations plasmatiques des médicaments concernés ne pas modifiées Tendance à sous-estimer ces interactions 5

Interactions pharmacodynamiques exemple d antagonisme d effets méd. cholinergiques ex. : anticholinestérasiques: donépézil, galantamine, rivastigmine méd. atropiniques (alias anticholinergiques) inhibent les cholinestérases qui dégradent l acétylcholine Acétylcholine Antagonisme >< Acétylcholine 6

Interactions pharmacodynamiques exemples d antagonisme d effets psychotropes + traitement antiépileptique abaissent le seuil de convulsion => de l effet antiépileptique, avec réapparition ou augmentation de la fréquence des crises d épilepsie neuroleptiques + lévodopa ou agonistes dopaminergiques propriétés antidopaminergiques => de l effet dopaminergique recherché p.ex. chez patients parkinsoniens 7

Interactions pharmacodynamiques exemples d addition d effets IMAO, duloxétine, milnacipran, venlafaxine (antidépresseurs ayant activité noradrénergique) + médicament sympathomimétique (amphétaminiques, décongestionnants vasoconstricteurs ORL, etc.): addition d effet vasoconstricteur alpha adrénergique => risque de crises hypertensives antidépresseurs (y compris millepertuis) + médicaments tels que tramadol, dextrométhorphane, triptan : addition d effet sérotoninergique => risque de syndrome sérotoninergique 8

Interactions pharmacodynamiques exemple d addition d effet atropinique Effets indésirables des atropiniques: périphériques : mydriase, sécheresses de la bouche, nausées, constipations, difficultés à uriner, transpiration, parfois crises glaucome aigu (par fermeture totale de l angle iridocornéen), etc. centraux : confusions, désorientations, hallucinations visuelles, agitations, irritabilités, troubles mnésiques, etc. Association de plusieurs médicaments atropiniques => addition d effets indésirables => conséquences cliniques parfois graves (ex. : rétentions urinaires, pseudodémences avec confusion, désorientation, troubles de la mémoire et troubles du comportement) 9

Médicaments atropiniques effet thérapeutique / effet indésirable atropine, scopolamine Certains antiparkinsoniens (bipéridène, trihexyphénidyle, etc.) Antispasmodiques utilisés dans diverses douleurs (tiémonium, clidinium), dans les incontinences urinaires par impériosité (oxybutynine, flavoxate, solifénacine, etc.) Bronchodilatateurs (ipratropium, tiotropium) Antitussifs anti-h1 : alimémazine, chlorphénamine, oxomémazine, etc. Antidépresseurs imipraminiques Anti-H1 dits sédatifs Antiémétiques neuroleptiques ou anti-h1 De nombreux neuroleptiques, notamment les phénothiazines, la clozapine, la loxapine, le pimozide (>< halopéridol: effet atropinique faible) La mémantine 10

exemple d addition d effet atropinique Gare aux patients à risque : Patients âgés : + sensibles aux E.I. atropiniques centraux Patients ayant une prédisposition à la rétention urinaire, des troubles du transit intestinal, un angle iridocornéen étroit, un reflux gastroœsophagien : risque d aggravation de leur trouble 11

Interactions pharmacocinétiques Interfèrent avec une ou des étape(s) du devenir du médicament dans l organisme Absorption Distribution Métabolisation Élimination 12

Première étape : absorption - Franchir la barrière gastro-intestinale et arriver dans la circulation sanguine - Où? - Estomac : peu adapté (faible vascularisation, ph bas) - Intestin grêle : principal site d absorption digestive (grande surface d absorption, villosités fortement vascularisées, ph entre 5 et 8) - Fonction de la forme pharmaceutique 13

Interaction médicamenteuse Absorption susceptibles de conduire à une modification de la biodisponibilité (F) d un médicament, soit par modification de la vitesse d absorption, soit par modification de la quantité totale absorbée 14

Interaction médicamenteuse Absorption : exemples Médicaments qui entraînent des modifications du transit (ex. laxatifs, méd. stimulant la motricité digestive, orlistat) Médicaments qui entraînent des fixations de substances et formations de complexes (ex. colestyramine, antiacides) Médicaments qui entraînent des modifications de la muqueuse digestive (ex. cytotoxiques anticancéreux) 15

Deuxième étape : distribution Le médicament circule dans le sang, sous 2 formes : une formé liéeaux protéines plasmatiques (albumine, etc.), inactive une forme libre, dissoute dans le plasma, active Interactionsliées aux modifications de la liaison aux protéines plasmatiques avec effet clinique tangible sont très peu nombreuses 16

Troisième étape : métabolisation Transformation enzymatique d un médicament en un ou plusieurs métabolite(s) inactif(s), actif(s), parfois toxique(s) cf. paracétamol Conduit à la formation de substances hydrosolubles plus facilement éliminées ensuite (urines, bile) 17

Troisième étape : métabolisation Principal site de métabolisation : le foie; mais aussi intestins, poumons cytochrome P 450 : système complexe d isoenzymes 4 isoenzymessont impliquées dans le métabolisme d environ 90 % des médicaments couramment utilisés (médicaments «substrats») CYP 1A2, CYP 2C9, CYP 2D6, CYP 3A4 18

Les inducteurs enzymatiques Ils accélèrent le métabolisme d autres médicaments et donc diminuent leurs effets Médicament fortement métabolisé + inducteur enzymatique => métabolisme accéléré => effets diminués Ils ne sont généralement pas spécifiques d une isoenzyme donnée 19

Les inducteurs enzymatiques (suite) L induction enzymatique peut mettre 2 à 3 semaines pour se développer totalement ; et elle persiste pendant le même laps de temps quand l inducteur enzymatique est arrêté => les conséquences cliniques des interactions médicamenteuses par induction enzymatique surviennent parfois à distance de la modification de traitement, à l instauration et à l arrêt de l inducteur 20

Les inducteurs enzymatiques (suite) Ajout de l inducteur au médicament 2 à 3 semaines Arrêt de l inducteur 2 à 3 semaines Effets du médicament diminués Effets du médicament augmentés En l absence d adaptation posologique posologie du médicament équilibre trouvé Risque de surdose en médicament 21

Les inducteurs enzymatiques exemples Notamment : Antiépileptiques : carbamazépine, fosphénytoïne, phénobarbital, phénytoïne, primidone, rufinamide rifabutine, rifampicine Antirétroviraux millepertuis bosentan Mais aussi tabac et l alcool en prise chronique 22

Les inhibiteurs enzymatiques Ils freinent le métabolisme d autres médicaments et donc augmentent leurs effets Médicament fortement métabolisé + inhibiteur enzymatique => métabolisme diminué => effets augmentés Ils sont généralement spécifiques d une isoenzyme donnée 23

Les inhibiteurs enzymatiques isoenzymecyp 3A4 : exemples Notamment : Méd. cardiovasculaires : amiodarone, dronédarone, diltiazem, vérapamil, etc. Macrolides sauf spiramycine Antifongiques azolés antirétroviraux cimétidine Mais aussi : le jus de pamplemousse 24

Cas particuliers Précurseurs métaboliques inactifs, qui après métabolisation, conduisent à un métabolite actif (cf. valaciclovir => aciclovir; codéine => morphine) => Situation inversée : En cas d association avec un inducteur enzymatique : effets augmentés En cas d association avec un inhibiteur enzymatique : effets diminués Médicament ayant un métabolite toxique ; en cas d association avec un ind. enzymatique: toxicité 25

Quatrième étape : l élimination rénale Beaucoup de médicaments sont éliminés par voie rénale, par 2 mécanismes : la filtration glomérulaire l excrétion tubulaire (via des transporteurs actifs) En cas d insuffisance rénale, les médicaments éliminés par voie rénale s accumulent avec une augmentation de leurs effets indésirables 26

Quatrième étape : l élimination rénale Médicaments causent des insuffisances rénales fonctionnelles : diurétiques, AINS, IEC, sartans, aliskirène Médicaments causent des insuffisances rénales organiques : des anti-infectieux, des cytotoxiques, des immunodépresseurs, le lithium, etc. 27

Quatrième étape : l élimination rénale Avant de prescrire un médicament éliminé par voie rénale => évaluer la fonction rénale Quand utilisation de médicaments qui causent une insuffisance rénale => surveiller la fonction rénale, éviter toute autre cause d insuffisance rénale Éviter d associer plusieurs médicaments néphrotoxiques Prudence en particulier chez les patients déjà insuffisants rénaux et les patients âgés 28

La glycoprotéine P Protéine de transport présente en grande quantité dans les intestins, la barrière hémato-méningée, les voies biliaires, les tubules rénaux, etc. Pompe présente dans les membranes de certaines cellules, qui expulse hors de la cellule toutes sortes de substrats, dont des médicaments L équipement en glycoprotéine P varie d un individu àl autre 29

La glycoprotéine P : méd. substrats Souvent des substrats de l isoenzyme CYP 3A4 (colchicine, lopéramide, etc.) La glycoprotéine P diminue l absorption intestinale de ces médicaments substrats, et augmente leur élimination rénale et hépatique. Elle s oppose à leur diffusion dans le cerveau. 30

La glycoprotéine P Inhibiteurs => Cplasm des méd. substrats par augmentation de l absorption intestinale ou diminution de l élimination rénale ou hépatique Inducteurs => Cplasmdes méd. substrats par réduction de l absorption intestinale ou d une augmentation de l élimination rénale ou hépatique Ex. inhibiteurs calciques, atorvastatine, macrolides; antifongiques azolés, etc. Ex. rifampicine, rifabutine, millepertuis, carbamazépine, etc. 31

7 principes pour une bonne pratique face au risque d interaction médicamenteuse

Principe n 1 Les conséquences cliniques d une interaction médicamenteuse sont en rapport avec les effets cliniques des médicaments impliqués, que le mécanisme soit d ordre pharmacocinétique ou pharmacodynamique excès des effets thérapeutiques ou des effets indésirables perte d efficacité 33

Principe n 2 Les conséquences cliniques d une interaction se manifeste non seulement lors de l ajout d un médicament, mais aussi lors de son arrêt (ou d un changement de dose) Exemple: arrêt d un méd. inducteur(inhibiteur) enzymatique qui était à l origine d une interaction d ordre pharmacocinétique, alors que équilibre trouvé => s attendre à devoir trouver un nouvel équilibre pour le méd. restant => diminution(augmentation) de la dose 34

Principe n 3 Pour prévenir les conséquences néfastes des interactions, mieux vaut éviter les associations à risque Etchoisir: un traitement non médicamenteux un autre médicament à moindres risques d interactions et ayant une activité thérapeutique proche (= choix d une alternative : compromis entre méd. les mieux évalués dans une classe et les risques d interactions) Ex. tamoxifène + IRS tel que paroxétine = non! => choisir un antidépresseur qui n inhibe pas l isoenzyme CYP 2D6 du cytochrome P450 ou remplacer le tamoxifène par l anastrozole 35

Principe n 4 Certaines associations à risques sont acceptables, à condition de pouvoir organiser la gestion des conséquences cliniques Acceptables dans 2 conditions : si association est pertinente sur le plan thérapeutique si conséquences sont maîtrisables (symptômes avant-coureur et/ ou surveillance clinique ou biologique) 36

Principe n 5 Certains patients sont plus à risques que d autres : tous les patients ne supportent pas de la même façon une même interaction Pathologies associées, patients âgés, polymédiqués, capacités du patient et de son entourage à prendre en charge un éventuel effet indésirable, etc. Ex.: apparition d une somnolence est acceptable si patient informé du risque et si pas d activités nécessitant une bonne vigilance 37

Principe n 6 Laduréedelapériodeàrisquesn estpasuniforme Dépend du mécanisme de l interaction et de la demi-vie d élimination plasmatique du médicament (équilibre des concentrations plasmatiques d un médicament nouvellement pris étant de l ordre de 5 demi-vies) 38

Principe n 7 Les patients doivent être informés Leur information et leur vigilance sont une garantie de prévention : détection des signes d alerte, vis-à-vis d autres prescripteurs et de l automédication (! aussi : compléments alimentaires, phytothérapie) 39

Exemple Patients psychotiques sous neuroleptique 40

Penser à une cause médicamenteuse Médicaments cardiovasculaires (bêta-bloquants, etc.) Fluoroquinolones Opioïdes, AINS varénicline lévétiracétam, carbamazépine, zonisamide Agonistes dopaminergiques, lévodopa, sélégiline Anticholinestérasiques, mémantine 41

Penser à une cause médicamenteuse Sympathomimétiques : décongestionnants vasoconstricteurs ORL, adrénalineet noradrénaline, amphétaminiques tels que le méthylphénidate, la bupropione, etc. Atropiniques 42

Patients psychotiques sous neuroleptique Avoir à l esprit : le mécanisme d action des neuroleptiques et leur profil d effets indésirables => appréhender les interactions pharmacodynamiques quelques éléments du métabolisme des neuroleptiques (métabolisation hépatique?, quelles isoenzymes impliquées?, élimination rénale?, etc.) => appréhender les interactions pharmacocinétiques 43

Patients psychotiques sous neuroleptique Neuroleptiques classiques (tel l halopéridol) ou «atypiques» Mécanisme d action : blocage des récepteurs dopaminergiques D2 (+? actions sur divers neurotransmetteurs pour les«atypiques») Effets indésirables sédatifs, atropiniques, extrapyramidaux, endocriniens, cardiaques plus ou moins marqués => E.I. dose-dépendant le plus préoccupant est la survenue de torsades de pointes 44

Interactions médicamenteuses d ordre pharmacodynamique chez les patients sous neuroleptique 45

Addition d effets indésirables Effets sédatifs + autre(s) méd.(s) sédatif(s) => Risques liés à l altération de la vigilance, chutes pers. âgées et troubles cognitifs Effets extrapyramidaux + autre(s) méd.(s) tels que neuroleptique "caché", IRS, buspirone, anticholinestérasiques, acide valproïque Allongements de l intervalle QT dose-dépendant + autre médicament tels que antiarythmiques, macrolides, anti-h1, venlafaxine, citalopram, imipraminiques, lithium risques de torsades de pointes, surtout en cas de bradycardie et/ou d hypokaliémie recherche autres facteurs de torsades de pointes et surveillance rythme cardiaque, ECG, kaliémie 46

Additions d effets indésirables (suite) Convulsions + méd.(s) qui abaisse(nt) le seuil de convulsion (surtout des psychotropes) Hyperglycémies et risque de diabète (surtout ceux «atypiques» et phénothiazines) + autre(s) méd.(s) qui augmente(nt) la glycémie tels que corticoïdes, inhibiteurs de la protéase du HIV, bêta-2 stimulants, lévothyroxine, estroprogestatifs, progestatifs, etc. Symptômes atropiniques(surtout phénothiazines et la clozapine) + autre(s) méd.(s) ayant effet atropinique! pour les patients à risques (patients âgés, rétention urinaire, troubles du transit, etc.) : mieux de choisir un neuroleptique ayant un effet atropiniquefaible tel que halopéridol 47

Additions d effets indésirables (suite) Gare aux neuroleptiques «cachés» utilisés dans le traitement de la migraine (flunarizine), des vomissements (alizapride, dompéridone, métoclopramide), etc. : même mécanisme d action ; même profil d effets indésirables que les neuroleptiques à visée psychiatrique exposent à une addition d effets indésirables IntérêtdelaDCIetdessegments-clés: - suffixe péridone: rispéridone, palipéridone, dompéridone - suffixe pride: amisulpride, sultopride, alizapride, ex-véralipride 48

Antagonisme d effets Agoniste dopaminergique et lévodopa cf. neuroleptiques : antagonistes dopaminergiques antagonisme réciproque Antidiabétiques risque de diminuer l effet des antidiabétiques surveiller la glycémie, surtout si le neuroleptique a induit une prise de poids 49

Interactions d ordre pharmacocinétique Métabolisme des neuroleptiques plus anciens souvent mal connu (par manque d études in vitro relations méd. avec isoenzymes cytochrome P450) Certains neuroleptiques sont métabolisés par les isoenzymes CYP 3A4 et CYP 2D6 du cytochrome P450 (halopéridol, aripiprazole, sertindole, pimozide, quétiapine, etc.) =>avec des inhibiteurs enzymatiques : accumulation du neuroleptique et augmentation des effets indésirables dosedépendants =>avec des inducteurs enzymatiques : effets du neuroleptique diminués 50

Interactions d ordre CYP 2D6 pharmacocinétique rispéridone=> palipéridone(= principal métabolite actif de la rispéridone) : éliminée ensuite en grande partie par voie rénale inhibiteurs de l isoenzyme CYP 2D6 : diminuent la formation de palipéridone en cas d insuffisance rénale, d association avec des médicaments néphrotoxiques : accumulation de palipéridone et risque d effets indésirables dosedépendants 51

Conclusion Les interactions médicamenteuses sont largement prévisibles à partir : du profil d effets indésirables des médicaments des principaux éléments de leur métabolisme de certaines particularités du patient 52

BONNE LECTURE! 53