LES PRATIQUES D AIDE A L ARRET DU TABAGISME PAR LES MEDECINS GENERALISTES DE LA PREFECTURE DE RABAT



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Transcription:

1 ROYAUME DU MAROC MINISTERE DE LA SANTE INSTITUT NATIONAL D'ADMINISTRATION SANITAIRE I.N.A.S Septième cours de Maîtrise En Administration Sanitaire et Santé Publique (2002 2004) LES PRATIQUES D AIDE A L ARRET DU TABAGISME PAR LES MEDECINS GENERALISTES DE LA PREFECTURE DE RABAT Mémoire présenté pour l obtention du diplôme de Maîtrise en Administration Sanitaire et Santé Publique. Option : Santé Publique Elaboré par : Dr. Abdelkhaleq ELMOUJARRADE Juillet 2004

2 RESUME Le médecin généraliste devrait être en première ligne dans la lutte contre le tabagisme du fait de sa position en première ligne face aux demandeurs de soins. Notre étude se propose de déterminer le degré d'implication de celui-ci dans la prise en charge des fumeurs, de distinguer ses pratiques mises en œuvre en terme d'accompagnement au sevrage tabagique, d identifier ses difficultés dans l'aide au sevrage tabagique et ses besoins et attentes dans ce domaine. Une enquête transversale par auto-questionnaire a été réalisée du 10 au 24 mai 2004 auprès de 119 médecins généralistes de la préfecture de Rabat. Le taux de réponse était de 77,31 %. Près de 94 % des enquêtés estiment que le médecin généraliste joue un rôle primordial ou assez important dans l aide à l arrêt du tabagisme et 75 % interrogent systématiquement ou souvent les patients sur leur tabagisme. 60 % des enquêtés, face à un patient fumeur, évaluent souvent le degré de dépendance, 50 % évaluent souvent le degré de motivation au sevrage. Cependant, environ la moitié des médecins enquêtés ne relèvent jamais l information sur le dossier médical, ne conseillent jamais la modération et ne proposent jamais une aide à l arrêt du tabac. En plus, 80 % d entre eux, ne donnent jamais une brochure d aide à l arrêt de fumer. Environ 90 % des médecins enquêtés ne connaissent pas de consultations de tabacologie dans la préfecture de Rabat. Environ 60 % déclarent qu une demande d aide à l arrêt du tabagisme est rarement formulée de la part des fumeurs. Les 2/3 des interrogés aident le patient à s arrêter s il en fait la demande. Les médecins enquêtés ne préconisent pas d approche thérapeutique

3 unique : les méthodes sont combinées ou varient selon les situations. Toutefois, le soutien psychologique et le conseil diététique sont les méthodes les plus fréquemment utilisées. Les médecins enquêtés utilisent peu d outils de diagnostic et d information (du type Test de Fagerström ). Le manque de supports et le manque de connaissance des méthodes de sevrage sont les obstacles majoritairement rencontrés. Les médecins interrogés orientent vers une consultation spécialisée parce qu ils ne sont pas assez préparés pour la prise en charge des patients fumeurs (78 % des médecins enquêtés l ont déclaré), Environ 84 % des enquêtés estiment n avoir aucune formation de base sur la problématique de l aide à l arrêt du tabagisme. En plus, la quasi totalité des enquêtés n a reçu aucune formation sur l accompagnement à l arrêt du tabagisme ni en formation médicale continue ni en formation universitaire. La forte majorité des médecins interrogés n ont aucun engagement lié à la prévention ou à l aide à l arrêt du tabagisme (92 % non aucun engagement associatif). Environ 90 % des médecins interrogés ont le sentiment de ne pas être suffisamment formés et outillés pour aider leur patient à arrêter de fumer et environ 85 % souhaitent participer à une formation, 78 % recevoir des outils, 90 % des informations actualisées et 82 % des brochures. Ce constat doit inciter à mettre en place un module sur l aide à l arrêt de fumer qui sera destiné aux médecins généralistes et aux étudiants de médecine, à intégrer dans le champ médical la prévention et l éducation contre le tabac en élaborant un guide de sevrage tabagique. Mots-clés : Aide à l arrêt * Tabagisme * Médecins généralistes * Pratiques préventives *.

4 SUMMARY The physician general practitioner should be in first line in the struggle about smoking addiction. Our study intends to determine the degree of implication of this latter in handling patient that smokes, to identify his/her difficulties to help them to quit smoking, to distinguish his/her set of practices in term of accompanying them during this period, and to clarify his/her needs in this domain. A transverse investigation by auto-questionnaire was carried out from the 10 to 21 May, 2004 among 119 general practitioners in the prefecture of Rabat. The rate of participation was 77, 31 %. Close to 94% of the investigated estimate that the physician general practitioner plays a primordial or important enough role to help patient to quit smoking. 75% of the sample population asks systematically or often the patients on their smoking habits. 60% of the investigated often value the degree of dependence on smoking, 50% often value the degree of patient motivation to quit smoking. About half of the investigated physicians never raise information on the medical file, never advise the moderation and never propose a help to quit smoking. In addition, 80% among them never give a booklet of help to the stop smoking. In fact, 90% of the population of the study is not aware about the tabacology consultations that are held at Rabat prefecture. Approximately 60 % of the physicians declare that patient request to help them quit smoking is seldom formulated. 2/3 of the questioned help patient if this one makes a request. The physicians investigated don't recommend a unique therapeutic approach: the methods are combined or vary from a handling to another. However, the

5 psychological support and the dietary advice are the methods mostly used. The physicians investigated use few tools of diagnosis and information (of the type' Test of Fagerström'). The lack of supports and the lack of knowledge of the severance methods are the main raised obstacles. The interrogated physicians orient toward a specialized consultation because they are not enough prepared for handling smokers patients (78% of the physicians investigated have declared that). About 84% of the investigated estimate not to have any basic training on the problematic. In addition, almost all the investigated have not received any training on the accompaniment to quit smoking neither in academic nor in continuous medical education. The strong majority of the interrogated physicians doesn't have any engagement bound to the prevention or to help others to quit smoking (92% do not have any associative engagement). About 90% of the interrogated physicians have the feeling not to be sufficiently trained and equipped to help their patients to quit smoking. About 85% of them wish to receive training, 78% to get tools, 90% to have the opportunity to learn all updated information and 82% to receive booklets. This report must encourage establishing a module, dedicated to general practitioner and student of medicine; about the help of stopping smoking. This report must also integrate in the field of medicine prevention and education by creating a nicotinism weaning guide. Key words: Help to stop - nicotinism - General practitioners Preventive practical.

6 TABLE DES MATIERES INTRODUCTION 13 CHAPITRE I C O N C E P T U A L I S A T I O N D U PROBLEME DE RECHERCHE 15 1. ENONCÉ DU PROBLÈME 15 2. OBJECTIF GÉNÉRAL 15 3. OBJECTIFS SPÉCIFIQUES 15 4. IMPORTANCE DU PROBLÈME 16 4.1. SITUATION ÉPIDÉMIOLOGIQUE DU TABAGISME 16 4.2. RETENTISSEMENT SANITAIRE DU TABAC 18 4.3. LE COÛT SOCIAL DU TABAC 18 5. PERTINENCE DU SUJET 18 CHAPITRE II LA REVUE DE LA LITTERATURE 20 1. HISTOIRE DU TABAC (LES 50 DERNIÈRES ANNÉES) 20 2. COMPOSITION DE LA FUMÉE DU TABAC 21 3. LES EFFETS DU TABAC SUR LA SANTÉ 22 4. POSITION DE L OMS 24 5. LE MÉDECIN GÉNÉRALISTE 26 6. LE RÔLE DU MÉDECIN DANS LA LUTTE ANTITABAC 29 7. LA PRÉVALENCE DU TABAGISME CHEZ LES MÉDECINS 29 8. ATTITUDES DES MÉDECINS VIS-À-VIS DU TABAGISME 30 9. L AIDE AU SEVRAGE TABAGIQUE 30 10. EFFICACITÉ DE L AIDE À L ARRÊT DE TABAGISME 35 11. LE MÉDECIN ET SES PATIENTS 35 12. LA FORMATION INITIALE ET CONTINUE DU MÉDECIN EN TABACOLOGIE 36 13. LA LOI ANTITABAC MAROCAINE 36 14. LA STRATÉGIE NATIONALE DE LUTTE CONTRE LE TABAGISME 37 15. BILAN DES ÉTUDES ANTÉRIEURES 38 CHAPITRE III MODELE THEORIQUE 39 CHAPITRE IV QUESTIONS DE RECHERCHES 41 CHAPITRE V METHODOLOGIE 42

7 1. STRATÉGIE DE RECHERCHE 42 2. POPULATION CIBLE 44 3. STRATÉGIE EMPLOYÉE POUR MENER L ENQUÊTE 44 4. DURÉE DE L ENQUÊTE 46 5. SUPPORT DE L ENQUÊTE 46 6. ANALYSE DES DONNÉES 46 7. FAISABILITÉ ET ACCEPTABILITÉ DE L ÉTUDE 46 8. VÉRIFICATION DE LA COHÉRENCE DES DONNÉES 47 9. BIAIS 47 10. CONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES 48 11. LIMITE DE L ÉTUDE 48 CHAPITRE VI RESULTATS ET DISCUSSIONS 49 1. TAUX DE REPONSE 49 2. PRESENTATION DES ENQUETES 50 2.1. LE SEXE 50 2.2. L ÂGE 50 2.3. LE STATUT TABAGIQUE 51 2.4. LE LIEU DE FORMATION DE BASE 53 3. AIDE A L ARRET DU TABAGISME : LA PRATIQUE DES MEDECINS GENERALISTES 54 3.1. PERCEPTION DU RÔLE DE MÉDECIN GÉNÉRALISTE DANS L'AIDE À L'ARRÊT DU TABAGISME 54 3.2. INTERROGATION DES PATIENTS SUR LEURS HABITUDES TABAGIQUES 55 3.3. ATTITUDE DU MÉDECIN EN CAS DE PATIENT FUMEUR 56 3.4. CONNAISSANCE DE L EXISTENCE DE CONSULTATIONS DE TABACOLOGIE 59 3.5. DEMANDE D AIDE À L ARRÊT DU TABAGISME 60 3.6. STRATÉGIE D INTERVENTION EN CAS DE DEMANDE D AIDE À L ARRÊT DU TABAC 62 3.7. MÉTHODES UTILISÉES EN CAS D AIDE À L ARRÊT DU TABAGISME 62 3.8. TYPE D ARRÊT PRÉCONISÉ 65 3.9. OUTILS DE DIAGNOSTIC ET D INFORMATION UTILISÉS POUR AIDER LES PATIENTS FUMEURS 65 3.10. OBSTACLES RENCONTRÉS 68 3.11. MOTIF D ORIENTATION DU PATIENT SUR UNE CONSULTATION SPÉCIALISÉE 69 4. AIDE A L ARRET DU TABAC : LA FORMATION ET LES BESOINS DES MEDECINS GENERALISTES 70 4.1. FORMATION SUR L ACCOMPAGNEMENT À L ARRÊT DU TABAGISME 70 4.2. ENGAGEMENTS LIÉS AU TABAGISME 71 4.3. SUFFISAMMENT FORMÉ ET OUTILLÉ? 71 4.5. SOUHAITS POUR LA PRATIQUE D AIDE À L ARRÊT DU TABAGISME 72 5. SYNTHESE DES RESULTATS ET DE LA DISCUSSION 74

8 CHAPITRE VII R E C O M M A N D A T I O N S 77 1. INTERVENTIONS AUPRÈS DES MÉDECINS GÉNÉRALISTES 77 1.1. LA DIVISION DE LA FORMATION 77 1.2. LES FACULTÉS DE MÉDECINE 79 1.3. LA DIVISION DES MALADIES NON TRANSMISSIBLE 80 2. INTERVENTIONS ENVIRONNEMENTALES 82 2.1. ÉDUCATION DU PUBLIC 83 2.2. RECHERCHE 83 2.3. POLITIQUES ET LOIS 83 CONCLUSION 85 REFERENCES 87 SITES WEB DE TABACOLOGIE 92 ANNEXES 94

9 LISTE DES GRAPHIQUES Graphique 1 Statut tabagique des enquêtés Graphique 2 Lieu de formation médicale initiale Graphique 3 Auto perception du rôle du médecin généraliste, dans l'aide à l'arrêt du tabagisme Graphique 4 Interrogation des patients sur leurs habitudes tabagiques Graphique 5 Attitude du médecin en cas de patient fumeur Graphique 6 L effet des conseils des médecins généralistes sur le tabagisme (selon Fowler) Graphique 7 Connaissance de consultations de tabacologie Graphique 8 Demande d aide à l arrêt du tabagisme Graphique 9 Stratégie d intervention en cas de demande d aide à l arrêt du tabac Graphique 10 Méthodes utilisées en cas d aide à l arrêt du tabagisme Graphique 11 Type d arrêt préconisé Graphique 12 Outils de diagnostic et d information utilisés pour aider les patients fumeurs Graphique 13 Obstacles rencontrés Graphique 14 Motif d orientation du patient sur une consultation spécialisée Graphique 15 Formations sur l accompagnement à l arrêt du tabagisme Graphique 16 Engagements liés au tabagisme

10 Graphique 17 Suffisamment formé et outillé? Graphique 18 Souhaits pour la pratique d aide à l arrêt du tabagisme LISTE DES TABLEAUX Tableau n 1 Interrogation des patients sur leurs habitudes tabagiques selon Freour Tableau n 2 Tableau n 3 Tableau n 4 : Participation des médecins à l enquête Comparaison de la prévalence des habitudes tabagiques chez la population des médecins enquêtée avec la population générale marocaine, les médecins généralistes marocains et les médecins généralistes français Evolution du nombre et de l activité consultations de tabacologie, 2000-2003

11 LISTE DES FIGURES Figure 1 La compétence du médecin généraliste dans son environnement Figure 2 Algorithme décisionnel pour l aide à l arrêt du tabagisme Figure 3 L aide a l arrêt du tabagisme : Traitement pharmacologique Figure 4 Les déterminants des pratiques préventives du médecin généraliste selon Battista Figure 5 les différents types d enquêtes Figure 6 Fonctionnement du modèle PPC

12 ACRONYMES CDC CFES CHU CO DELM DMNT DPRF HAD Ho H1 GYTS MS NCES OFT OMS ONG PPC TCC TIS TNS Centers for Disease Control and Prevention Centre de Formation et de l Education pour la Santé Centre Hospitalier Universitaire Oxyde de Carbone Direction de l Epidémiologie et de Lutte contre les Maladies Division des Maladies Non Transmissibles Direction de la Population et des Ressources Financières Hospital Anxiety Dépression Hypothèse nulle Hypothèse alternative Global Youth Tobacco Survey Ministère de la Santé National Center for Education Statistics l Office Français de prévention du Tabagisme Organisation Mondiale de la Santé Organisation Non Gouvernementale Promotion de la Prévention Clinique Thérapie comportementale et cognitive Tabac info service traitement nicotinique de substitution

13 UNICEF United nations international children's emergency fund INTRODUCTION «Tabac, un mort toutes les dix secondes», déclare l Organisation Mondiale de la Santé (OMS), lors de la Journée mondiale sans tabac de 1997. En 1999, le constat, toujours alarmant, incitait l OMS à définir l objectif suivant «Pour un monde sans tabac». De nos jours, le danger du tabac n est plus à démonter : la cigarette tue plus de 5 millions de personnes par an à travers le monde essentiellement du fait des cancers, des accidents cardiaques et vasculaires, de la bronchite chronique qu elle occasionne, sans parler des angines et bronchites des enfants exposés à la fumée des autres. Selon des estimations de l OMS ; dans les pays en voie de développement les maladies non transmissibles seraient bientôt des priorités de Santé Publique au même titre que les maladies transmissibles [1], [2]. Les études réalisées au Maroc ont montré que la prévalence du tabagisme varie selon les catégories socioprofessionnelle (milieu scolaire, milieu universitaire, les professionnels de santé, entreprises, administrations) [4] [5]. 66% des patients disent ne pas avoir été informés sur les risques du tabac en milieu hospitalier [3] Par ailleurs le Bureau Régional pour la Méditerranée Orientale de l OMS a souligné le développement du marché du tabac au Maroc, précisant que le volume des ventes a atteint en 2000 environ 782 millions de dollars. L'OMS a relevé que ce sont les personnes à revenu faible qui dépensent le plus pour l'acquisition des cigarettes. Devant cette

14 tendance, il est temps, plus que jamais, de mobiliser toutes les forces vives afin de mener la bataille contre la cigarette. Les professionnels de santé et particulièrement les médecins généralistes, par leur proximité avec la population, par leur crédibilité et l autorité dont ils disposent en matière de santé, ont un rôle important à jouer dans la lutte antitabac. Ceci par l intégration des activités d éducation pour la santé relatives au tabagisme en posant à tous les consultants des questions comme : est ce que vous fumez? Est ce que vous voulez arrêter? Et profiter de toutes les opportunités pour faire passer le message éducatif en insistant sur les méfaits du tabac ainsi que sur les bénéfices du sevrage. Ils doivent, également, contribuer à l élaboration et au large usage de matériel éducatif diversifié en collaboration avec les associations et les ONG 1. C est dans cette perspective que nous proposons cette enquête exploratoire sur les pratiques d aide au sevrage tabagique des médecins généralistes de secteur public à la Préfecture Médicale de Rabat, avec le soutien et l orientation de la Direction de l Epidémiologie et de la Lutte contre les Maladies (DELM), Division des Maladies Non Transmissibles. 1 Le tabagisme et ses impacts, DELM, DMNT.

15 CHAPITRE I CONCEPTUALISATION DU PROBLEME DE RECHERCHE 1. Enoncé du problème Alors que l épidémie du tabagisme est en train de flamber au Maroc, nous pensons que les mesures de prévention et de sevrage restent peu connues par la majorité des médecins généralistes et qu il est important que ces mesures se développent. 2. Objectif général Ce projet de recherche a pour objectif général d explorer les pratiques de prévention et de sevrage du tabagisme des médecins généralistes. 3. Objectifs spécifiques Spécifiquement nous cherchons à : Evaluer le degré d'implication des médecins généralistes dans la prise en charge des fumeurs ; Distinguer les pratiques mises en œuvre par les médecins généralistes en terme d'accompagnement au sevrage tabagique ; Identifier les difficultés que les médecins généralistes peuvent rencontrer dans l'aide à l'arrêt pour leurs patients fumeurs ; Evaluer les besoins et attentes de ces professionnels en terme d'outils, de formation et d'accompagnement méthodologique concernant le sevrage tabagique.

16 Cette étude s inscrit dans un projet plus global de la DELM sur «le développement du rôle des médecins dans la prévention des maladies non transmissibles». Si les résultats de notre étude identifient des insuffisances en matière de pratique préventive des médecins généraliste du secteur public dans le domaine en question, la Division des Maladies Non Transmissibles (DMNT) et les Facultés de Médecine pourraient entamer des actions pour y remédier. 4. Importance du problème 4.1. Situation épidémiologique du tabagisme A l échelle mondiale [6], 1,1 milliard de personnes, toutes classes d âge confondues, est concernée par le tabagisme. Bien que l usage du tabac soit en diminution dans de nombreux pays développés, il augmente dans la plupart des pays en développement. Pour une personne qui fume depuis longtemps, le risque de mourir prématurément d une maladie provoquée par le tabac est de 50%. Chaque année, le tabagisme est à l origine d environ 4 millions de décès prématurés. D ici 2030, on prévoit que cette épidémie va tuer 250 millions d enfants et d adolescents, dont un tiers dans les pays en voie de développement. Le tabagisme sera alors, vraisemblablement, la principale cause de décès et d incapacité, puisqu il entraînera la mort de plus de 10 millions de personnes chaque année, soit davantage que l infection à VIH, la tuberculose, les causes de mortalité maternelle, les accidents de la voie publique, les suicides et les homicides réunis. Au Maroc :

17 La consommation du tabac suit la même tendance que dans les autres pays en développement. En effet, d après les chiffres de la Régie des Tabacs, les ventes de cigarettes ont augmenté entre 1970 et 1997 de plus de 62% et le chiffre d affaires de la société a été multiplié par plus de 23. Le 12 / 8 / 2003 le bureau régional de l'organisation au Proche-orient a souligné, dans un document publié à l'occasion de la clôture de la 12 ème Conférence mondiale sur le tabac tenue à Helsinki sous le titre "analyse des économies de tabac au Maroc", le développement du marché du tabac au Maroc, précisant que le volume des ventes a atteint en 2000 environ 782 millions de dollars. L'OMS a relevé que ce sont les personnes à revenu faible qui dépensent le plus pour l'acquisition des cigarettes. Une étude faite par La Direction de l Epidémiologie et de la Lutte contre les Maladies sur les adultes âgés de 20 ans et plus a permis de chiffrer la proportion de fumeurs masculins à 34.5% et féminins à moins de 1% [38]. L`enquête mondiale sur le tabagisme chez les jeunes de 13 à 15 ans» «GYTS» initiée par l OMS, UNICEF et CDC Atlanta [45] vient pour compléter notre recueil de données puisqu elle nous permet de connaître la prévalence des fumeurs parmi les moins de 20 ans (13-15 ans). Les résultats montrent que 13.5% des élèves ont déjà essayé de fumer, 4.2 % fument des cigarettes, 24.3% ont commencé à fumer avant l âge de 10 ans. De plus 27.7% des élèves vivent avec d autres fumeurs, 39.7% sont exposés à la fumée du tabac dans les lieux publics et 26.1% ont au moins un parent fumeur. Il est aussi à signaler que 76.3% des fumeurs désirent arrêter de fumer. Une enquête réalisée dans 4 hôpitaux de Casablanca [4] sur l'attitude et le comportement du personnel hospitalier face au tabagisme, qui s'est

18 déroulée de juin à septembre 1999 et a concerné 1388 sujets dont 62,4 % de femmes et 37,6 % d'hommes. La prévalence des fumeurs était de 35,9 % chez les hommes contre 2,2 % chez les femmes. Une autre enquête descriptive [3] faite cette fois ci sur les patients suivis en consultation ou hospitalisés au niveau des services de cardiologie et des maladies respiratoires de l'hôpital Ibn Rochd de Casablanca montre l'ampleur du phénomène tabagique chez les patients en milieu hospitalier et la faible participation du personnel hospitalier dans l'information sur les risques du tabagisme ; 66% des patients disent ne pas avoir été informés sur les risques du tabac en milieu hospitalier. 4.2. Retentissement sanitaire du tabac Le tabac est une cause connue ou probable de quelque 25 maladies, comme le cancer du poumon et les broncho-pneumopathies chroniques obstructives (bronchite, emphysème, asthme). Les fumeurs ont un risque plus grand de développer des cancers au niveau des lèvres, de la langue, du larynx, du pharynx, des reins, de la vessie et de l utérus. La consommation de tabac est aussi expressément liée à une forte incidence et à la gravité des cardiopathies. 4.3. Le coût social du tabac En France il est évalué à 1 milliard d euros (220 par habitant/an) soit 0,8 % du PIB pour les coûts tangibles : perte de productivité, coût des soins, perte de prélèvements sociaux [7]. A cela, il convient d ajouter des coûts intangibles : dommages subjectifs (tels que la douleur), coûts liés aux incendies (maison, forêts, décès d un membre de la famille). 5. Pertinence du sujet

19 Ce thème de recherche concorde avec la politique de Ministère de la santé, vu le rapport du séminaire de consensus organisé à Rabat les 28 et 29 septembre 2000 avec le soutien de l OMS qui propose la sensibilisation du personnel de santé dans la lutte contre le tabagisme et recommande spécifiquement la formation du personnel de santé sur les méthodes de sevrage et que celles-ci soient intégrées dans leur pratique, ainsi que la création de centres de tabacologie et la promotion des méthodes de sevrage les moins coûteuses. Ce travail s avère d autant plus utile qu il répond aux perspectives d avenir du Ministère de la Santé qui vise une implication plus importante des praticiens dans la lutte antitabac 1 en concordance avec la convention internationale de lutte contre le tabac adoptée par 192 Etats membres de l'organisation Mondiale de la Santé (OMS) le mercredi 21 mai 2003 que le Maroc vient de la signer le 16 Avril 2004. 1 Le Tabagisme et ses impacts, DELM, DMNT.

20 CHAPITRE II L A R E V U E D E L A L I T T E R A T U R E 1. Histoire du tabac (Les 50 dernières années) Ce n'est que depuis la dernière guerre mondiale que le tabac s'est répandu à des classes importantes de la société et aux femmes. La cigarette filtre qui avait été inventée en 1930 n'a réellement été commercialisée qu'en 1950, quand sont apparues les grandes études épidémiologiques prouvant indiscutablement la toxicité du tabac. Ces études, de plus en plus nombreuses, apportent encore tous les mois de nouvelles données sur les risques réels liés au tabac et à ses différents modes de consommation. Durant la même période, si les industries du tabac faisaient l'effort de réduire le taux de goudron des cigarettes de moitié, ils devenaient dans le même temps commercialement de plus en plus agressifs. L'étude princeps de Richard Doll et Hill sur les médecins anglais a débutée en 1948 : Le tabac a été l'objet d'une des premières grandes études épidémiologiques. Il a sélectionné 34 000 médecins généralistes anglais de sexe masculin comme témoins de la population générale anglaise. Tous les ans il interrogeait les médecins sur leurs habitudes tabagiques et sur leurs maladies. En cas de décès il obtenait des informations sur les causes du décès. Il est rapidement apparu qu'en fonction du tabagisme certains médecins avaient 5, 10 ou 50 fois plus de risques d'être atteints de certaines maladies que les non fumeurs. L'étude s'est poursuivie durant 40 ans. Les données ont cependant progressivement perdu de la valeur car la plupart des médecins anglais voyant les

21 risques qu'ils couraient se sont rapidement arrêtés de fumer. Alors que 45% des médecins anglais fumaient au début de l'étude, moins de 10% fumaient 20 ans plus tard. Cette étude, la plus importante qui n ait jamais été faite et de nombreuses autres sur les facteurs de risque de maladie ont conduit le professeur Richard Doll à une renommée internationale. Il a été anobli par le Reine d'angleterre Élisabeth II, devenant Sir Richard Doll. 2. Composition de la fumée du tabac A ce jour, au moins 40 des 4000 substances présentes dans la fumée sont bien connues pour provoquer le cancer [8]. L essentiel de ces substances se retrouve dans ce que l'on appelle communément les «goudrons». En plus des goudrons, la fumée contient des gaz toxiques, dont le monoxyde de carbone. La nicotine est un composant important du tabac. Elle n est pas cancérigène et n'a qu'une influence négligeable sur les autres maladies provoquées par la fumée [9]. Par contre, sa capacité à développer une dépendance psychique est semblable à celle de drogues dites «dures». Même si cette propriété addictive de la nicotine est contestée par l'industrie de tabac. Des documents internes de cette industrie [10] mentionnent en 1961 déjà que les «fumeurs sont dépendants de la nicotine». En fait, ce sont les propriétés pharmacologiques de la nicotine tantôt excitantes, tantôt calmantes, induisant une dépendance très prononcée qui sont principalement à l origine de la consommation des produits du tabac. En somme, la cigarette est un support très élaboré qui permet d administrer de la nicotine aux personnes qui en sont dépendantes.

22 3. Les effets du tabac sur la santé Historiquement, le premier lien entre la fumée et le cancer a été scientifiquement établi en 1950. Même si l'industrie du tabac a nié tout lien causal entre la fumée et le développement du cancer jusqu à la fin des années quatre-vingt-dix, les révélations indiquent que l industrie du tabac possédait des preuves du pouvoir cancérigène de la fumée depuis 1952 déjà [11]. Le tabagisme est responsable d un grand nombre de maladies invalidantes et mortelles (avant tout des maladies des voies respiratoires et de l'appareil circulatoire, des cancers et des ulcères). Parmi les dommages se produisant précocement, citons les modifications du système cardio-vasculaire, déjà visibles dans les artères des fumeurs de 25 à 34 ans [12], ainsi que le vieillissement de la peau. Les troubles de la circulation sanguine sont également responsables d'autres maladies, comme par exemple les troubles de l'érection: en Suisse, on peut estimer à environ 18000 le nombre d hommes de 30 à 49 ans souffrant de troubles de l érection en raison de leur consommation tabagique [13]. La fumée exacerbe aussi de nombreuses maladies, comme l'asthme, la grippe, les pneumonies, etc. La fumée involontairement inhalée (fumée passive) est également dangereuse pour la santé. En effet, les concentrations de certaines des substances toxiques (nitrosamines, dioxines) contenues dans la fumée s'échappant du bout de la cigarette sont plus importantes que celles que l'on trouve dans la fumée inhalée activement par le fumeur [14]. Les analyses démontrent que respirer la fumée de manière involontaire augmente de 30% le risque de développer un cancer des poumons [15], alors que le risque

23 de maladies cardio-vasculaires (infarctus ou angine de poitrine par exemple) est augmenté de 25% [16]. D autres risques liés à l inhalation involontaire de fumée ont été mis en évidence : cancer du sein, attaque cérébrale, bronchite, asthme. Les petits enfants et les foetus sont particulièrement sensibles à la fumée. L effet sur le développement de l enfant est important : à la naissance, le poids moyen des enfants nés de mères fumeuses est inférieur de 200g par rapport aux enfants nés de mères non-fumeuses [17]. Chez le nourrisson, le risque de mort subite est même multiplié par 5 lorsque la mère fume [18]. Quant aux enfants, les études ont démontré que la fumée passive provoque des crises d asthme ou qu'elle les aggrave, qu'elle augmente la fréquence des otites moyennes, des bronchites et des pneumonies [19]. Les risques liés à la consommation de tabac se résument de la manière suivante: la moitié de tous les fumeurs réguliers meurent prématurément à cause du tabac, et, parmi eux, la moitié décède avant d'avoir atteint 70 ans [20]. Si le cancer du poumon est la première maladie qui vient à l'esprit du public en parlant du tabagisme, il ne représente pourtant que 22% des causes de décès. Les autres cancers sont responsables de 12% de la mortalité tabagique, les maladies cardio-vasculaires représentant 47% et les maladies respiratoires 17% [21]. Si dans le monde le nombre de décès annuel s établit en 1999 à environ 4 millions, les prévisions de l OMS basées sur l'évolution actuelle de la consommation font état pour 2030 d une mortalité de 10 millions de personnes par an [22]. Ce dernier nombre sera supérieur à celui des décès causés par une quelconque autre cause de maladie isolée, malaria y compris, et représentera un décès sur six. A juste titre, l'oms

24 considère le tabac comme un cas particulier: c'est «le seul produit de consommation courante qui, utilisé dans le but pour lequel il a été produit, tue son consommateur.» 1 4. Position de l OMS Les 192 Etats membres de l'organisation mondiale de la santé (OMS) ont adopté la convention internationale de lutte contre le tabac mercredi 21 mai 2003. C'est la première fois qu'une question de santé publique fait l'objet d'un règlement à l'échelle planétaire. Le texte, mis au point après trois ans d'âpres négociations, a été certifié à l'unanimité par applaudissement lors de la 56e assemblée générale annuelle. Cette convention, est désormais ouverte à la signature des États et le Maroc vient de la signer le 16 Avril 2004. Selon ce rapport cadre l OMS recommande ce qui suit : Créer dans chaque Etat un organisme disposant de moyens nécessaires pour superviser les programmes destinés à prévenir et combattre le tabagisme, Réunir les éléments d'un programme d'action, Développer une action législative fondée sur la connaissance internationale du tabagisme, Restreindre la publicité progressivement avec, comme but, la suppression totale, Entamer une action législative pour exiger la présence sur les paquets de cigarettes de la mention "Fumer est dangereux pour la santé", de la teneur en produits toxiques, de recommandations sur la manière de diminuer les dangers du tabac, 1 Dr Gro Harlem Brundtland, discours d ouverture de la Conférence internationale sur le tabac et la santé, Kobe, 15 novembre 1999