Brèves Lamy Lexel Mars 2010



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B.O.I. N 71 DU 6 OCTOBRE 2011 [BOI 7I-1-11]

Transcription:

Brèves Mars 2010 Droit des Affaires Droit de l Internet Dans le domaine «Informatique et Libertés», le Tribunal de Grande Instance de Paris (24 juin 2009) a jugé que l adresse IP est bien une donnée à caractère personnel. Il convient donc d en tenir compte dans la collecte et le traitement de fichiers automatisés, bien que la Cour de Cassation (Cour de Cassation, chambre criminelle 13 janvier 2009) penche pour le caractère non personnel de cette adresse IP. Dans le domaine de la protection au titre du droit d auteur du contenu d un site Internet, la Cour d Appel d Aix en Provence (3 septembre 2009) rappelle que la protection ne peut être accordée à un site qui est constitué d un recueil de fichiers dont la mise en œuvre procède d une logique automatique sans démarche véritablement créative dans l ordonnancement, dans la physionomie ou dans toute autre composante. Distribution Le Conseil de la Concurrence souhaite promouvoir le commerce électronique, et considère que des interdictions catégoriques de vente en ligne, imposées à des distributeurs, constituent des restrictions caractérisées à la concurrence. C est le sens de la décision qui a contesté à la société Pierre Fabre le droit d interdire ce canal de distribution à ses revendeurs agréés. Nous attendons la position de la Cour de Justice des Communautés Européennes sur ce point, en particulier au moment où le règlement d exemption sur les restrictions verticales n 2790/1999/CE arrive à expiration (le 31 mai 2010). Les schémas contractuels de distribution agréée doivent sans doute être adaptés.

Droit social et Internet La jurisprudence poursuit son travail de définition des contours de la protection et du contrôle de la vie privée électronique du salarié. Ainsi, a été jugé constitutif d une faute grave le fait d avoir consacré quarante et une heures au cours d un mois à utiliser la connexion Internet de l entreprise à des fins personnelles (Cour de Cassation, chambre sociale - 18 mars 1999). Constitue aussi une faute grave le fait d avoir utilisé la messagerie professionnelle pour diffuser des messages aux quelques cinq cent salariés de l entreprise, au contenu très critique à l égard de l employeur (Cour d Appel, Limoges - 23 février 2009). Droit des Sociétés Promesses extrastatutaires de cession de droits sociaux et fixation du prix à dire d expert Dans deux arrêts en date des 10 septembre et 24 novembre 2009, la Cour d Appel de Versailles et la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation ont apporté des précisions quant à l application de l article 1843-4 du Code Civil pour la fixation du prix de cession de droits sociaux prévue dans des promesses extrastatutaires. Dans la première espèce, la Cour d Appel de Versailles est venue préciser que l article 1843-4 du Code Civil n est applicable que dans le cas où la cession des parts sociales n est pas spontanément voulue par les parties. En l espèce, des promesses croisées de vente et d achat fixaient le prix sur la base des comptes consolidés de la société, lesquels ont conduit à la détermination d un prix de cession égal à un euro symbolique. Le recours à l article 19843-4 du Code Civil n était pas prévu dans les promesses. Le vendeur mécontent a donc sollicité une fixation à dire d expert. La Cour d Appel a alors décidé que la fixation à dire d expert «n est pas applicable en cas de promesse de vente librement consentie selon un prix déterminable sur la base d éléments objectifs». En effet, elle a précisé que l article 1843-4 du Code Civil n est applicable que dans le cas où la cession de droits sociaux est «imposée par des règles législatives, statutaires ou extrastatutaires». En conséquence, à la lumière de cette décision, le recours à la fixation du prix à dire d expert ne serait possible que dans le cas d une cession de droits sociaux imposée.

Dans la deuxième espèce, la Cour de Cassation a décidé que la demande de fixation du prix à dire d expert n est pas possible lorsque le prix n a fait l objet d aucune contestation antérieure à la levée de l option qui parfait la cession dès lors que le prix de cession est déterminable. En l espèce, lors de la constitution d une SARL, les associés minoritaires se sont engagés, par actes extrastatutaires, dans l hypothèse où ils viendraient à cesser toutes fonctions sociales ou salariées au sein de la société, à céder l ensemble de leurs parts sociales à l associé majoritaire sur levée d option de ce dernier. Le prix de cession était ici déterminable. Après la levée de l option, les cédants contestèrent leurs engagements et sollicitèrent la nomination d un expert pour la fixation du prix de cession. La Chambre Commerciale de la Cour de Cassation a rejeté cette demande, confirmant ainsi la décision des juges du fonds qui avaient estimé que le prix de cession étant déterminable et «le prix n ayant fait l objet d aucune contestation», la cession était devenue parfaite dès la levée de l option. En conséquence, lorsque le transfert de propriété a eu lieu de plein droit, par le jeu d une stipulation contractuelle, la remise en cause de la méthode de calcul définie conventionnellement apparaît inconcevable car le transfert de propriété a déjà eu lieu. Toutefois, il semble que la Cour de Cassation considère que, tant que la promesse n a pas encore été acceptée et dans le cas où une contestation sur le prix survient, il serait possible de demander la révision par la voie de l expertise des conditions contractuelles arrêtées pour la détermination du prix, ceci alors même que le recours à l article 1843-4 du Code Civil n a pas été prévu par les parties. Concurrence, Contrats, Distribution Information précontractuelle du distributeur : précisions sur les obligations du franchiseur D après l article L.330-3 du Code de Commerce, «toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause.» Une série d informations énumérées par décret doit ainsi obligatoirement être communiquée à la personne qui prend un engagement d exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l exercice de son activité, notamment un futur franchisé. Dans un arrêt du 18 janvier 2010, la Cour de Cassation est venue apporter deux précisions intéressantes quant à la portée de ce texte, d une part sur les informations communiquées à celui qui s engage et, d autre part, sur son champ d application.

Après avoir constaté que ces dispositions ne mettent pas à la charge du franchiseur l obligation de fournir une étude de marché local, la Cour de Cassation a confirmé une solution récente selon laquelle si le franchiseur donne une telle information au franchisé, il doit présenter le marché local de façon sincère, conformément aux exigences de ce texte. Cette solution retenue à propos de l étude de marché local pourrait s appliquer à toute information que le franchiseur mettrait à disposition du franchisé sans y être contraint par les dispositions légales ou réglementaires. Le franchiseur devra donc accorder une vigilance particulière à la sincérité des informations fournies s il décide d ajouter des informations à celles devant obligatoirement figurer dans le document d information précontractuel. La Cour a apporté une précision inédite en affirmant que l obligation d information précontractuelle s impose au franchiseur même si le contrat permet au distributeur d exploiter d autres activités non concurrentes, dès lors que ce dernier est tenu à une quasi-exclusivité pour les produits couverts par la convention. Le fait de laisser au franchisé la possibilité d exercer d autres activités ne dispense donc pas le franchiseur de l établissement du document d information précontractuel dès lors que le contrat met à la charge du distributeur un approvisionnement exclusif ou quasi-exclusif. Il apparaît donc que la notion d exclusivité s apprécie au regard des relations qui unissent le franchiseur et le franchisé et non au regard de l activité globale de ce dernier. Compte tenu de la gravité des conséquences attachées au non respect des dispositions de l article L.330-3 du Code de Commerce, à savoir la nullité du contrat si le non respect a eu pour effet de vicier le consentement du franchisé, sans préjudice des dommages et intérêts qu il pourrait demander, le franchiseur devra s attacher à vérifier si le contrat qu il entend conclure avec le franchisé entre ou non dans le champ d application de ce texte et arbitrer sur les informations qu il communique ou pas. Droit Social La Cour de Cassation a précisé dans plusieurs arrêts les modalités d application de la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail Par quatre arrêts en date du 13 janvier 2010, la chambre sociale de la Cour de Cassation, a commencé son travail d interprétation de la loi du 20 août 2008, dans son volet «démocratie sociale». Sur les irrégularités entraînant l annulation du scrutin lors des élections professionnelles (pourvoi n 09-60203)

La Cour précise les irrégularités susceptibles d entraîner une annulation du scrutin depuis l entrée en vigueur de la loi. Auparavant, en cas de contestation, les élections professionnelles ne pouvaient être annulées qu en cas d irrégularité affectant l organisation ou le déroulement du scrutin et ayant une influence sur les résultats. La Cour étend le domaine de l annulation en y incluant, outre les irrégularités directement contraires aux principes généraux du droit électoral, celles du premier tour qui ont une incidence sur la détermination des syndicats représentatifs dans l entreprise ou des candidats pouvant être désignés comme délégués syndicaux. Cette décision se justifie par une nouveauté résultant de la loi du 20 août 2008 qui consiste à utiliser les résultats des élections professionnelles pour mesurer l audience électorale et accéder à la représentativité. Sur l obligation d information pesant sur les syndicats se regroupant sur une liste commune lors des élections professionnelles (pourvoi n 09-60208) Ce deuxième arrêt vient préciser les destinataires de l obligation d information qui figure à l article L. 2122-3 du Code du Travail. Cet article impose aux organisations syndicales se regroupant sur une liste commune de faire connaître, préalablement aux élections, la répartition entre elles des suffrages exprimés. Á défaut, il est mentionné que la répartition des suffrages se fait à parts égales. La Cour de Cassation énonce que cette information préalable doit être portée à la connaissance de l employeur ainsi que des électeurs de l entreprise ou de l établissement. En cas d absence d information de l un ou l autre, la répartition se fait à parts égales. Néanmoins, les juges ne donnent pas de réponses sur la nécessité ou non d informer les autres organisations syndicales candidates aux élections professionnelles, ni sur les modalités pratiques de l information (affichage, mention sur les bulletins de vote ). Sur la validité de la désignation d un délégué syndical changeant de syndicat d affiliation (pourvoi n 09-60108) Dans cette affaire, la Cour de Cassation se prononce sur la validité de la désignation d un délégué syndical par une organisation syndicale alors que ce dernier avait été élu délégué du personnel dans le même établissement mais sous une autre étiquette syndicale. La Cour Suprême juge cette désignation régulière : «dés lors qu un salarié remplit les conditions prévues par la loi, il n appartient qu au syndicat désignataire d apprécier si ce salarié est en mesure de remplir sa mission, peu important l appartenance successive à plusieurs syndicats».

Sur les droits d une union syndicale dans l entreprise (pourvoi n 09-60155) La Haute Juridiction, antérieurement à la loi du 20 août 2008, avait consacré le principe selon lequel une union de syndicats qui, conformément à la loi, se voit reconnaître la même capacité civile qu un syndicat, peut exercer les droits qui lui sont conférés. Elle confirme ici que sa jurisprudence est toujours valable. L affiliation d un syndicat à une union syndicale permet à cette dernière de se prévaloir des adhérents de ce syndicat pour l exercice des prérogatives qui en découlent. Une union syndicale peut donc créer une section syndicale et désigner un responsable de la section syndicale dans l entreprise dès lors qu elle remplit les conditions des articles L. 2142-1 et L. 2142-1-1 du Code du Travail (conditions de création de la section syndicale et de désignation du représentant). En l absence de candidature syndicale aux élections professionnelles, la désignation d un délégué syndical peut se faire par un syndicat affilié à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel (Cour de Cassation, chambre sociale - 10 février 2010 - n 09-60244) Dans la lignée de ses arrêts du 13 janvier dernier, la Cour de Cassation vient préciser le régime transitoire instauré par la loi du 20 août 2008. En effet, la loi a prévu que les nouvelles conditions de représentativité, et notamment le calcul de l audience, devaient s appliquer dans l entreprise à compter des résultats des premières élections professionnelles dont la première réunion de négociation du protocole préélectoral est postérieure au 21 août 2008. Dans l attente de ces résultats, la loi a prévu une période transitoire durant laquelle sont présumés représentatifs : - les syndicats affiliés à l une des cinq organisations présumées représentatives au niveau national et interprofessionnel au 21 août 2008 ; - les syndicats reconnus représentatifs au niveau de l entreprise à cette même date ; - les syndicats constitués à partir du regroupement de plusieurs syndicats dont un au moins est affilié à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel à cette même date. La Cour de Cassation applique, dans sa décision, ce dispositif aux entreprises dont les élections professionnelles postérieures au 20 août 2008 ont donné lieu à un procès-verbal de carence, permettant ainsi à ces syndicats présumés représentatifs de désigner un délégué syndical. Elle ajoute que ce dispositif transitoire peut subsister jusqu au 22 août 2010. Le salarié n a pas l obligation d informer l employeur de son recours intenté devant l inspecteur du travail contre son avis d inaptitude (Cour de Cassation, chambre Sociale - 3 février 2010 - n 08-44455)

La Cour de Cassation avait déjà jugé que le licenciement, prononcé par l employeur après un avis d inaptitude du salarié qui avait fait l objet d un recours et était annulé par l inspecteur du travail, était privé de cause réelle et sérieuse. Les juges de la Cour Suprême viennent, avec un nouvel arrêt du 3 février 2010, préciser leur jurisprudence. Ils ont ainsi affirmé que le salarié qui conteste son avis d inaptitude à l issue du second examen médical n a pas à en informer l employeur. Cette décision crée un risque pour l employeur qui souhaite licencier le salarié inapte dans le délai d un mois mais qui n a pas connaissance de la saisie de l inspecteur du travail. Il encourt, en cas d annulation, le versement d une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans qu il ne puisse y opposer la mauvaise foi du salarié. Un salarié ne peut se voir imposer un changement temporaire de lieu de travail en dehors de son secteur géographique uniquement sous certaines conditions (Cour de Cassation, chambre sociale - 3 février 2010 - n 08-41412) Un arrêt récent de la Cour de Cassation, dans un attendu de principe, détaille les conditions de la mutation exceptionnelle du salarié en dehors de son secteur géographique : «Mais attendu que si l'affectation occasionnelle d'un salarié en dehors du secteur géographique où il travaille habituellement ou des limites prévues par une clause contractuelle de mobilité géographique peut ne pas constituer une modification de son contrat de travail, il n'en est ainsi que lorsque cette affectation est motivée par l'intérêt de l'entreprise, qu'elle est justifiée par des circonstances exceptionnelles, et que le salarié est informé préalablement dans un délai raisonnable du caractère temporaire de l'affectation et de sa durée prévisible». Cet attendu ne constitue pas une nouveauté dans son intégralité puisque la jurisprudence avait déjà considéré qu une mutation temporaire en dehors du secteur géographique était possible à condition d être dictée par l intérêt de l entreprise et que le salarié soit prévenu dans un délai suffisant. Les juges ajoutent une condition supplémentaire : la mutation doit être justifiée par des circonstances exceptionnelles. En outre, il est fixé les modalités de l information du salarié : il doit être porté à sa connaissance la durée prévisible de l affectation temporaire.

Droit fiscal Après les mouvements opérés dans le paysage fiscal des derniers mois, l actualité du mois de mars commence à se recentrer sur les déclarations fiscales 2010 qui approchent à grands pas. Par ailleurs, plusieurs jurisprudences récentes du Conseil d Etat apportent des précisions en termes de fiscalité des entreprises et des particuliers. Ainsi, les contribuables concernés par l Impôt de Solidarité sur la Fortune devront tenir compte des dernières précisions sur la prise en compte des contrats d assurance vie dans leur patrimoine (1). De même, la revente des titres des marchands de biens a été précisée par la Cour de Cassation (3), et une ouverture a été constatée dans la position du Conseil d Etat, au regard du régime des aides financières accordées par une sous filiale à sa société mère (2). Fiscalité des particuliers Dans une réponse au député Marc Dolez (Rép. Dolez : AN 16 février 2010 p. 1691 n 18648), Madame la Ministre de l économie, des finances et de l emploi a apporté des précisions sur le régime fiscal des contrats d assurance vie au regard de l ISF. Le régime fiscal des contrats d'assurance-vie au regard de l'isf résulte des dispositions de l'article 885 F du Code Général des Impôts qui tiennent compte du caractère rachetable ou non de ces contrats. Durant la phase d'épargne, les contrats d'assurance rachetables sont soumis à l'isf sur la base de leur valeur de rachat au 1er janvier de l'année d'imposition. Ce principe d'imposition est applicable quels que soient l'âge de l'assuré et la date de conclusion du contrat. Lorsque le contrat n'est pas rachetable, seules les primes versées après l'âge de soixante-dix ans au titre des contrats d'assurance souscrits depuis le 20 novembre 1991 sont ajoutées, pour leur valeur nominale, au patrimoine du souscripteur.

S agissant des contrats acceptés avant le 18 décembre 2007 (date d'entrée en vigueur de la loi du 17 décembre 2007), la Cour de Cassation a précisé courant 2008 que l'acceptation du contrat par le bénéficiaire désigné n'a pas pour effet de rendre le contrat non rachetable. En d'autres termes, la valeur de rachat d'un tel contrat doit être comprise dans l'assiette de l'isf du souscripteur. S agissant des contrats acceptés depuis le 18 décembre 2007, Madame la Ministre adopte la même analyse. Ainsi, un contrat accepté conserve son caractère rachetable en dépit du fait que l'exercice de ce droit de rachat est subordonné à l'accord du bénéficiaire acceptant. Sa valeur de rachat doit donc être comprise dans le patrimoine taxable à l'isf du souscripteur. Rappelons à cet égard que l'administration interprète largement la notion de contrats rachetables réservant la qualification de «non rachetables» à certains types particuliers de contrats (assurances temporaires en cas de décès, assurance de capitaux de survie et de rente de survie notamment). Fiscalité des entreprises Aide financière d'une sous-filiale à la société mère L aide financière accordée par une sous filiale à la société mère peut être considérée comme normale, et ce même en l'absence de toute relation commerciale entre les deux sociétés si la sous-filiale établit qu'elle a un intérêt propre à agir de la sorte. Dans un arrêt en date du 22 janvier 2010 (CE 22 janvier 2010 n 313868, 8e et 3e s.-s., Sté d'acquisitions immobilieres), le Conseil d Etat a en effet admis le principe du caractère normal d une aide financière accordée par une sous-filiale à la société mère en difficulté, en l absence de toutes relations commerciales entre elles. Il refuse cependant en l espèce la déduction car l'intérêt propre à agir ainsi de la société qui accorde l'aide n'est pas établi. La présente décision complète la jurisprudence relative aux aides à caractère financier consenties entre des entreprises liées directement ou indirectement en l'absence de toutes relations commerciales entre elles. Cependant, la reconnaissance du caractère normal des avantages consentis par une filiale à sa mère n'a été jusqu'alors reconnue qu'en présence d'une contrepartie commerciale ainsi que d un intérêt propre de la filiale, l intérêt du groupe n étant pas suffisant pour le Conseil d Etat. L intérêt propre de la filiale peut par exemple résider dans la nécessité de l aide financière pour éviter la liquidation de la société mère dans des conditions telles qu'elle entraînerait elle-même sa liquidation. A défaut, l'administration peut valablement estimer que cette opération constitue un acte anormal de gestion et elle est fondée à réintégrer dans le bénéfice imposable les provisions constituées par la sous-filiale, pour couvrir le risque de perte des sommes correspondant à cette avance.

Dans cet arrêt, le Conseil d Etat réaffirme la nécessité de la présence d un intérêt propre de la filiale, l intérêt du groupe n étant toujours pas suffisant à lui seul pour justifier l octroi d avantages entre les sociétés qui le compose. Le principe est posé, reste à attendre les éventuelles applications positives de celui-ci. Obligation de revente des marchands de biens L article 1115 du Code Générale des Impôts pose un principe d exonération de droits de mutation pour les acquisitions de titres de sociétés immobilières dans le cas où l acquéreur, marchand de biens, s engage à les revendre dans un délai de quatre ans. Le défaut de revente dans le délai entraîne la déchéance du régime de faveur sur l acquisition. C est dans le contexte de ce dispositif que la Cour de Cassation s est prononcée, le 2 février 2010 (Cour de Cassation, chambre commerciale - 2 février 2010 - n 09-10.384 (n 154 FS-PB) : société Foncière de l'arcade) sur la question de l assimilation du retrait de la société dans le cadre d une réduction de capital social à une revente de titres. Pour la Cour, l'associé qui se retire d'une société immobilière ne réalise pas une revente de ses titres (alors que l opération de réduction de capital s analyse juridiquement comme une cession de droits sociaux). L'opération de retrait qui ne confère à l'associé que le droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux (se traduisant soit par le paiement d une somme d argent soit par l attribution d un bien en nature) n est donc pas, pour la Cour de Cassation, assimilée à une vente. Le régime de faveur des marchands de biens ne trouve donc pas à s appliquer lors d un retrait de société, dans le cadre d une réduction de capital. La solution garde tout son intérêt à compter de l'entrée en vigueur au lendemain de la publication de la loi de finances rectificative pour 2010 de la réforme «Warsmann», qui maintient le régime des achats en vue de la revente en l'étendant à tous les assujettis et en allongeant à cinq ans le délai de revente.