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Transcription:

Réalisation des sûretés, insolvabilité et réorganisations ÉTÉ 2012 CONTENU S IL Y EST AUTORISÉ PAR LE TRIBUNAL, UN SYNDIC PEUT FINANCER UN RECOURS PAR DES CRÉANCIERS CONTRE DES TIERS. FINANCEMENT TEMPORAIRE ET CARACTÈRE ÉQUITABLE DE LA RÉPARTITION DE LA CHARGE PRIORITAIRE : APPLICATION DE LA DISCRÉTION JUDICIAIRE... LE MANQUE DE TRANSPARENCE ENTRE DEUX CRÉANCIERS GARANTIS PEUT ENTRAÎNER UNE CONDAMNATION DE L UN EN FAVEUR DE L AUTRE. DES VERSEMENTS SUR PRÊT HYPOTHÉCAIRE EFFECTUÉS APRÈS CESSION DE BIENS ET LIBÉRATION CONSTITUENT UN ENGAGEMENT VALABLE À ACQUITTER LE SOLDE DU PRÊT HYPOTHÉCAIRE. L INCESSIBILITÉ DES CRÉANCES SUR LA COURONNE : UN CRÉANCIER CESSIONNAIRE PAIE CHER POUR LA CONSTATER (COUR D APPEL).. EN MATIÈRE DE CAUTIONNEMENT RÉEL HYPOTHÉCAIRE DOIT-ON APPLIQUER LES RÈGLES DU CAUTIONNEMENT OU STRICTEMENT LES RÈGLES HYPOTHÉCAIRES? (COUR D APPEL). LA COLLOCATION DU PRIX DE LA VENTE FORCÉE D UN IMMEUBLE ENTRE DÉTENTEURS D HYPOTHÈQUES CONVENTIONNELLES ET D HYPOTHÈQUES LÉGALES DE LA CONSTRUCTION : LA COUR D APPEL TRANCHE ENTRE LA THÉORIE DE LA PLUS-VALUE RELATIVE ET LA THÉORIE DE LA PLUS-VALUE ABSOLUE (COUR D APPEL)... 1 2 4 6 7 9 11 ME ROBERT TESSIER, RÉDACTEUR Téléphone : 514-871-5474 Télécopieur : 514-875-4308 Courriel : rtessier@millerthomsonpouliot.com MILLER THOMSON POULIOT SENCRL 1155, boul. René-Lévesque Ouest 31 ième étage Montréal (Québec) H3B 3S6

S IL Y EST AUTORISÉ PAR LE TRIBUNAL, UN SYNDIC PEUT FINANCER UN RECOURS PAR DES CRÉANCIERS CONTRE DES TIERS. Autorisé par les inspecteurs à la faillite de Corporation Mount Real, le syndic à la faillite s apprête à avancer des fonds, à même les actifs de la faillite, pour soutenir un recours collectif exercé par des créanciers contre des tiers. Ce recours vise à établir la responsabilité contractuelle et extracontractuelle des dirigeants en place et de tiers au moment de l effondrement de la structure financière et corporative de la débitrice. L un des défendeurs au recours collectif et également créancier de la débitrice pour une somme d environ 4 000$ (le créancier défendeur) conteste la décision des inspecteurs et du syndic de financer le recours collectif, invoquant que la LFI ne confère pas au syndic le pouvoir d avancer des fonds pour financer un recours contre des tiers. L une des principales questions qui se pose par cette contestation est de savoir si le syndic a le pouvoir de consentir un prêt destiné à soutenir la demande de créanciers de la faillite contre des tiers, dans le cadre d un recours collectif. Au premier abord, le juge d instance considère que l intervention du créancier est abusive et dénote une intention malicieuse de nuire à autrui. Ce créancier a peutêtre un intérêt légal, mais son intérêt juridique est illégitime, détourne les fins de la justice et en déprécie son administration, puisque son véritable objectif est de torpiller le recours collectif introduit au nom des investisseurs qui constituent plus de 90% de la masse des créanciers. L intérêt de ce créancier défendeur au recours collectif de faire dérailler le recours collectif dépasse largement l intérêt pécuniaire qui aurait pu motiver la requête en révision et annulation de la décision du syndic. Quant à la question principale, le Tribunal rappelle que l article 30 (1) LFI présente la nomenclature des pouvoirs que le syndic peut exercer avec la permission des inspecteurs et note que celui de prêter de l argent à même les actifs de la faillite ne s y trouve pas. Toutefois, le Tribunal est d avis que la liste des pouvoirs énumérés à l article 30 LFI n est pas limitative. On doit les adapter aux cas d espèces. Si le législateur a cru bon accorder au syndic le pouvoir d emprunteur avec la permission du Tribunal (art. 31 LFI), force est de conclure que celui de prêter doit aussi être assujetti à la permission du Tribunal (en plus de celle des inspecteurs). Ce postulat, suivant le Tribunal, semble conforme avec l esprit des articles 30 (4) et 34 (1) LFI. Toutefois, en l instance, le syndic n a pas obtenu la permission du Tribunal au préalable. De manière générale, les syndics de faillite ne doivent pas devenir des prêteurs. Ils ne peuvent pas non plus intenter des recours judiciaires pour et au nom d une partie des créanciers. L article 30 (1) d) LFI réduit le pouvoir du syndic à intenter un recours judiciaire au seul cas qui se rapporte aux biens du failli. Par conséquent, le syndic n aurait pas pu intenter le recours collectif, même s il représente aussi la masse des créanciers. En l instance, la décision du syndic, approuvée par les inspecteurs, est commercialement soutenable mais devrait faire l objet d une demande de permission du Tribunal. La combinaison des articles 37 et 119 (2) LFI accorde au Tribunal une très large discrétion. Exercée judiciairement, cette discrétion lui permet de confirmer, infirmer ou modifier l acte qui fait l objet d une plainte formulée par un créancier qui se dit lésé par la décision du syndic. L article 119 (2) LFI permet au Tribunal de révoquer, modifier, voire accorder la permission ou l autorisation qu il estime utile de substituer à celles des inspecteurs. Somme toute, le Tribunal jouit de l autorité judiciaire de rendre la décision appropriée aux faits de l instance. Le Tribunal est d avis qu en l instance, la décision du syndic, approuvée par les inspecteurs, ne lèse pas le créancier opposant sur le plan de l administration de la faillite. Bien au contraire, la décision attaquée s avère favorable à la masse des créanciers. Dans l exercice de sa discrétion judiciaire, le Tribunal considère juste et équitable de sanctionner et ratifier la décision du syndic et l approbation des inspecteurs. Finalement, estimant qu il serait profondément injuste et déraisonnable que la masse des créanciers supporte le coût de la procédure de contestation du créancier opposant, qu il qualifie d abusive, et constatant l intention malicieuse de ce créancier de faire dérailler le recours collectif, le Tribunal condamne le créancier opposant aux frais judiciaires sur la base de la relation avocat / client. Dans l affaire de faillite de Corporation Mount Real, C.S., 500-11-027031-059, jugement du 18 juin 2012, Juge Jean- Yves Lalonde. (Requête pour permission d appeler). - 2 -

FINANCEMENT TEMPORAIRE ET CARACTÈRE ÉQUITABLE DE LA RÉPARTITION DE LA CHARGE PRIORITAIRE : APPLICATION DE LA DISCRÉTION JUDICIAIRE. Une débitrice présente une requête pour financement temporaire (DIP), selon l article 50.6 LFI. Une créancière s oppose à la requête estimant que l offre de financement temporaire proposée est inéquitable parce que les sûretés requises à titre de garantie portent sur une partie seulement des biens de la débitrice, en excluant les actifs à court terme. (4) Il peut également y préciser que la charge ou sûreté n a priorité sur toute autre charge ou sûreté grevant les biens du débiteur au titre d une ordonnance déjà rendue en vertu du paragraphe (1) que sur consentement de la personne en faveur de qui cette ordonnance a été rendue. Facteurs à prendre en considération Une Caisse populaire (la Caisse) qui a consenti un crédit d opération garanti par des sûretés sur les éléments d actif à court terme, appuie la proposition de financement temporaire et confirme le maintien du crédit d opération bien qu il y ait un dépassement de l ordre de 400 000$. Le Tribunal rappelle les dispositions de la LFI concernant le financement temporaire : Art. 50.6 LFI 50.6 (1) Sur demande du débiteur à l égard duquel a été déposé un avis d intention aux termes de l article 50.4 ou une proposition aux termes du paragraphe 62(1), le tribunal peut par ordonnance, sur préavis de la demande aux créanciers garantis qui seront vraisemblablement touchés par la charge ou sûreté, déclarer que tout ou partie des biens du débiteur sont grevés d une charge ou sûreté d un montant qu il estime indiqué en faveur de la personne nommée dans l ordonnance qui accepte de prêter au débiteur la somme qu il approuve compte tenu de l état visé à l alinéa 50(6)a) ou 50.4(2)a), selon le cas portant sur l évolution de l encaisse et des besoins de celui-ci. La charge ou sûreté ne peut garantir qu une obligation postérieure au prononcé de l ordonnance. Personne physique (2) Toutefois, lorsque le débiteur est une personne physique, il ne peut présenter la demande que s il exploite une entreprise et, le cas échéant, seuls les biens acquis ou utilisés dans le cadre de l exploitation de l entreprise peuvent être grevés. Priorité créanciers garantis (3) Le tribunal peut préciser, dans l ordonnance, que la charge ou sûreté a priorité sur toute réclamation des créanciers garantis du débiteur. Priorité autres ordonnances - 3 - (5) Pour décider s il rend l ordonnance, le tribunal prend en considération, entre autres, les facteurs suivants : a) la durée prévue des procédures intentées à l égard du débiteur sous le régime de la présente loi ; b) la façon dont les affaires financières et autres du débiteur seront gérées au cours de ces procédures ; c) la question de savoir si ses dirigeants ont la confiance de ses créanciers les plus importants ; d) la question de savoir si le prêt favorisera la présentation d une proposition viable à l égard du débiteur ; e) la nature et la valeur des biens du débiteur ; f) la question de savoir si la charge ou sûreté causera un préjudice sérieux à l un ou l autre des créanciers du débiteur ; g) le rapport du syndic visé aux alinéas 50(6)b) ou 50.4(2)b), selon le cas. et constate que la procédure revue comporte les éléments requis pour donner ouverture à l ordonnance recherchée. Le Tribunal revoit les critères d attribution du financement temporaire et constate que les circonstances et les éléments du dossier favorisent l octroi d un financement temporaire. Reste la question de l étendue de la sûreté. Le prêt temporaire offert, au montant de 1 800 000$, serait garanti au moyen d une hypothèque et d une sûreté prioritaire sur l universalité des biens de la débitrice à l exception des «Actifs à court terme» et le créancier opposant voudrait, suivant le principe d équité pour l ensemble des créanciers garantis, que le prêt temporaire soit garanti par une sûreté universelle sur tous les biens de

la débitrice, sans exception. Le Tribunal rappelle que la loi n impose aucune obligation en ce sens puisque selon l article 50.6 (1) LFI, le Tribunal peut déclarer «que tout ou partie des biens du débiteur sont grevés d une charge ou sûreté...». Bien qu en apparence le traitement égalitaire des créanciers garantis suggère que les garanties offertes affectent tous les intéressés de la même manière, le Tribunal estime que les faits particuliers de l affaire militent pour retenir l offre telle quelle avec la portée proposée des sûretés suggérées. En effet, la Caisse est en situation d exercer ses droits à titre de créancière garantie sur les comptes à recevoir et l inventaire de la débitrice, soit l essentiel des actifs à court terme de la débitrice, aux termes d un avis d intention d exécuter les garanties suivant l article 244 LFI, devenu exécutoire. Dans ce contexte, étendre la garantie de l offre de financement temporaire comme le suggère l opposante paraît illusoire. De plus, c est le proposant lui-même qui suggère telle répartition de la sûreté alors que la Caisse, qui favorise l offre telle que présentée, possède des intérêts de loin supérieurs à ceux de l opposante et son concours à l offre est primordial à la réussite du plan de redressement. En effet, si la Caisse rappelle sa marge de crédit et réalise ses garanties sur les comptes à recevoir et les inventaires, comme elle menace de le faire s il y a un dépassement de l ordre de 400 000$ de la marge de crédit autorisée de 2 000 000$ et qu il n est pas régularisé à court terme (par le financement temporaire proposé), l absence de cette forme de crédit sur marge mettra en péril la poursuite du plan de redressement envisagé. Le maintien de la marge de crédit est essentiel à la réalisation du plan de restructuration envisagé et trouver un nouveau prêteur sur marge serait difficile dans les circonstances. Bien que l offre de financement temporaire puisse paraître inéquitable dans sa dimension de répartition des sûretés, elle est néanmoins avantageuse pour l ensemble des créanciers garantis puisqu elle assure la contribution du créancier sur marge, la Caisse, pour la poursuite des opérations de l entreprise, ce qui répond aux objectifs et à la finalité de la LFI. De ce point de vue, l offre de financement et les sûretés requises sont justes et équitables. 9068-6767 Québec Inc. (Avis d intention de), C.S 150-11- 003835-121, jugement du 15 mai 2012, Juge J. Roger Banford. LE MANQUE DE TRANSPARENCE ENTRE DEUX CRÉANCIERS GARANTIS PEUT ENTRAÎNER UNE CONDAMNATION DE L UN EN FAVEUR DE L AUTRE. GE, Financement Commercial aux Détaillants Canada (GE) et Banque Nationale du Canada (BNC) sont deux créanciers garantis d une débitrice qui a fait cession de ses biens. Avant la faillite, la débitrice a fait financer l achat d unités de réfrigération par le biais de contrats de vente à tempérament et ces contrats de financement ont été inscrits au RDPRM. BNC finançait quant à elle l ensemble des opérations commerciales de la débitrice, voyait à l opération de ses comptes bancaires et détenait des hypothèques mobilières grevant les inventaires et les comptes à recevoir de la débitrice également inscrites au RDPRM. En plus du financement consenti par BNC, la débitrice a également bénéficié, avant sa faillite, d un financement par voie d affacturage par l intermédiaire de la filiale de BNC, NatExport. Dans le cadre du financement offert par les deux créanciers, une convention de priorité est intervenue entre eux suivant laquelle BNC reconnaissait la priorité de GE sur les équipements faisant l objet des contrats de vente à tempérament, sur les biens acquis en remplacement de ceux-ci et sur les droits et créances découlant de la vente, de la location et/ou de toute disposition des biens financés par GE. - 4 -

Alléguant que la convention d affacturage entre la filiale de BNC et la débitrice avait été conclue hors sa connaissance et que BNC avait perçu et bénéficié du produit résultant de la vente des unités financées par contrats de vente à tempérament au détriment de ses droits et en ignorant la convention de priorité, GE réclame de BNC le remboursement des sommes perçues. Le Tribunal considère le tout. Lorsque GE et BNC ont transigé ensemble dans le cadre du financement offert à la débitrice, il n a jamais été question d affacturage et il est tout à fait logique de penser (tel que prétendu par GE) que si un tel mode de financement avait existé lors de la signature desdites conventions, il en aurait été question dans la convention de cession de priorité. De même, il est fort probable que GE aurait exigé de la part de BNC et de sa filiale le respect de la convention d affacturage voulant que les paiements pour l achat des comptes recevables par voie d affacturage soient payables conjointement aux noms de la débitrice et de GE. Selon le Tribunal, il ne fait aucun doute que l ajout d un financement par voie d affacturage modifiait de façon importante l ensemble du financement consenti par les deux institutions financières. De plus, le Tribunal considère que la prétention de GE, selon laquelle BNC aurait commis une faute en gardant l ajout d un tel mode de financement sous silence, n est pas sans fondement. Les relations inter-institutions requièrent la plus grande bonne foi et la plus grande transparence de part et d autre. L achat des comptes recevables par voie d affacturage rendait illusoire pour les comptes ainsi achetés toute possibilité de la part de GE de prétendre à quelque droit que ce soit dans le produit de disposition des biens financés par convention de vente à tempérament, et ce, à la connaissance même de BNC et à l encontre de la cession de priorité. C est unilatéralement et sans aucune communication avec GE que BNC, par l intermédiaire de sa filiale, a conclu une convention d affacturage avec la débitrice. Cette nouvelle convention, signée à l insu de GE, modifie les droits respectifs des parties dans la mesure où la débitrice se départit de tous ses droits dans les produits de disposition par le mécanisme de la vente de ses comptes recevables à une tierce partie, soit la filiale de BNC, et ce, au bénéfice de BNC qui encaisse alors immédiatement le produit de la vente. Conformément aux conventions conclues, GE avait priorité à l égard de BNC et la filiale de BNC, au courant de l interrelation existant entre GE et BNC, se devait, conformément à la convention d affacturage, d effectuer le paiement pour l achat des comptes recevables conjointement avec la débitrice et GE. Accepter qu il y ait affacturage sans tenir compte de la cession de priorité rendrait inutile et ultimement illusoire toute possibilité de la part de GE de bénéficier du produit de disposition des équipements couverts par le contrat de vente à tempérament. Le Tribunal condamne BNC à payer à GE un montant équivalent à la somme dont elle a bénéficié dans un tel contexte. GE, Financement Commercial aux Détaillants Canada c. Banque Nationale du Canada, C.S. 500-17-050094-096, jugement du 13 juin 2012, Juge Jean Guibault. - 5 -

DES VERSEMENTS SUR PRÊT HYPOTHÉCAIRE EFFECTUÉS APRÈS CESSION DE BIENS ET LIBÉRATION CONSTITUENT UN ENGAGEMENT VALABLE À ACQUITTER LE SOLDE DU PRÊT HYPOTHÉCAIRE. Une créancière requiert l autorisation de vendre sous contrôle de justice l immeuble de débitrices qui ont fait cession de leurs biens. Elle demande également une condamnation solidaire des débitrices à lui payer le solde de sa créance. Les débitrices consentent à toutes les conclusions recherchées, sauf et excepté celle demandant la condamnation à payer le solde de la créance. Les débitrices et la créancière étaient parties à une convention de financement suivant laquelle la résidence familiale des débitrices a été hypothéquée afin de garantir le remboursement de la créance. Les débitrices ont fait cession de leurs biens et le syndic, ne voyant pas d intérêt pour la masse, a donné «mainlevée» en faveur de la créancière. À la suite de la cession de leurs biens, les débitrices ont effectué environ vingt-cinq paiements et en ont effectués seize autres après avoir été libérées de leur faillite. Un solde important de la créance demeurant impayé, la créancière intente un recours en vente sous contrôle de justice assorti de conclusions de condamnation personnelle contre les débitrices à payer le solde de la créance. Revoyant certains auteurs et certaines décisions en jurisprudence, le Tribunal en vient à la conclusion qu un créancier de la faillite peut légalement exercer un recours contre le failli libéré si ce dernier, après avoir obtenu sa libération, s est engagé à payer cette créance. Il ne s agit pas de novation, puisque les recours pour recouvrer la dette originale étaient éteints. Il s agit d un nouvel engagement dont la considération est l obligation naturelle et morale qui subsiste, malgré l extinction de l obligation civile. Toutefois, la simple reconnaissance de l existence d une dette ne fait pas revivre celle-ci. Il faut que l engagement du débiteur de payer cette dette à titre d obligation morale soit claire et non équivoque 1. Le Tribunal conclut en l instance qu il y eut un engagement clair de payer la dette à titre d obligation morale, et ce, de façon non équivoque par les vingt-cinq paiements effectués après la cession de biens et les seize autres après la libération de la faillite. Le Tribunal autorise la vente sous contrôle de justice de l immeuble et condamne les faillis libérés au paiement du solde de la créance. Banque Laurentienne du Canada c. Vidal, C.S. 200-17- 015651-110, jugement du 9 juillet 2012, Juge Robert Dufresne. (Inscription en appel). - 6-1 DESLAURIERS, Jacques, La faillite et l insolvabilité au Québec, 2 e édition, 2011, Éditions Wilson & Lafleur, pp. 637 et 638 ainsi que l affaire Georges Gutkiowski et Jolanta Gutkowska c. Daniel Serruya, EYB 2006-112170, pp. 4, 5 et 6, ainsi que l affaire Seaboard Acceptance Corporation, 62 C.B.R. (N.S.), 143.

L INCESSIBILITÉ DES CRÉANCES SUR LA COURONNE : UN CRÉANCIER CESSIONNAIRE PAIE CHER POUR LA CONSTATER (COUR D APPEL). La débitrice était une entreprise spécialisée dans la confection de vêtements et avait droit à une remise de droits de douanes payés suivant la nature de ses activités. Elle informe un courtier en douane qu elle a ainsi droit à une remise de 387 934$ pour les années 2010, 2011 et 2012 et vend ses droits à cette remise au courtier en douane moyennant le paiement de 80% de la valeur de la remise. La débitrice dépose un avis d intention de faire une proposition concordataire à ses créanciers suivant l article 50.4 (1) LFI. Se rendant compte de l incessibilité de la créance qu elle avait vendue au courtier et ayant besoin de toutes les liquidités possibles pour sa proposition, la débitrice fait en sorte que l agence gouvernementale lui remette pour fins d encaissement la portion non effectuée de la remise et dépose ainsi un chèque substantiel dans son compte d opération. La somme ainsi déposée est «temporairement gelée» par son institution financière, le temps de tirer le tout au clair. Le courtier obtient ex parte la levée de la suspension des procédures et institue un recours en restitution des sommes de la remise des droits de douane assorti d une saisie-arrêt avant jugement pour saisir entre les mains de l institution financière le montant du dépôt, prétendant être propriétaire de la remise. La débitrice se reconnaît endettée envers le courtier, mais allègue que sa créance envers l agence est incessible et qu elle est en conséquence demeurée dans son patrimoine jusqu à l encaissement du chèque ; elle ne peut maintenant remettre au courtier la somme qu il réclame plutôt que d en faire bénéficier la masse des créanciers. Elle entend se servir de cette somme aux fins de la proposition concordataire en préparation. Le courtier plaide la mauvaise foi de la débitrice qui s est illégalement approprié la remise, en fraude de ses droits. Il demande la restitution des montants de la remise qu il a achetée et qui lui revient. La Cour d appel rappelle les dispositions prévoyant l incessibilité des créances sur sa Majesté : Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP) Art. 67 Sous réserve des autres dispositions de la présente loi ou de toute autre loi fédérale : a) les créances sur Sa Majesté sont incessibles ; b) aucune opération censée constituer une cession de créances sur Sa Majesté n a pour effet de conférer à quiconque un droit ou un recours à leur égard. [Soulignement ajouté] Art. 68.(1)Sous réserve des autres dispositions du présent article, les créances suivantes sont cessibles : a) celles qui correspondent à un montant échu ou à échoir aux termes d un marché ; b) celles qui appartiennent à une catégorie déterminée par règlement. (2) La cession n est valide que si les conditions suivantes sont remplies : a) elle est absolue, établie par écrit et signée par le cédant ; - 7 -

b) elle n est pas censée faite à titre de sûreté seulement ; c) il en a été donné avis conformément à l article 69. [ ] Art. 69.(1) Toute cession visée au paragraphe 68(2) est communiquée à Sa Majesté par un avis accompagné d une copie de l acte de cession, signifié ou envoyé par courrier recommandé au receveur général ou à un agent payeur ; la forme de l avis et la nature des autres documents qui doivent l accompagner, ainsi que la manière d établir ceuxci, sont fixées par règlement. (2) La signification de l avis n est considérée comme effective qu après envoi au cessionnaire, par courrier recommandé, d un accusé de réception établi en la forme réglementaire et signé par l agent payeur compétent. [Soulignement ajouté] La Cour détermine que l entente entre la débitrice et le courtier ne constitue pas un marché au sens de l article 68.(1) a) LGFP et ne concerne pas une créance cessible au sens de l article 68 LGFP. Ce faisant, la Cour rappelle et revient aux énoncés de l arrêt Marzetti 1 de la Cour suprême du Canada qui donne une interprétation large à l alinéa b) de l article 67 LGFP, de sorte qu une prétendue cession de créances sur Sa Majesté est rendue totalement inopérante entre le débiteur et le créancier, tout comme entre le cédant et le cessionnaire. Ensuite, la Cour réitère les énoncés dans l affaire de Bief des seigneurs inc. 2, indiquant que la prohibition de l article 67, qui empêche la cession des créances sur Sa Majesté, est absolue et non pas relative ainsi que plusieurs décisions antérieures l avaient décidé. En l instance, la Cour détermine que seule la débitrice avait qualité pour réclamer la remise puisque cette créance ne pouvait être cédée ou vendue au courtier. Le courtier a une créance contre la débitrice, mais il ne peut revendiquer le droit de propriété sur la remise. La créance du courtier contre la débitrice fait partie de l ensemble des créances dans la réorganisation que tente d opérer la débitrice par le dépôt d une proposition concordataire. Le courtier, qui allègue la fraude, pourra faire valoir sa prétention devant le Tribunal compétent en vertu de la LFI, mais il n a pas droit au montant de la remise. Chemise Perfection (2007) Inc. (Avis d intention de), C.A. 500-09-022364-129, jugement du 18 mai 2012, Juges Louis Rochette, Nicholas Kasirer et Jacques R. Fournier. 1 Marzetti c. Marzetti, [1994] 2 R.C.S. 765, 804-805. - 8-2 Bief des seigneurs inc. (Syndic de), J.E. 96-793 (C.A.).

EN MATIÈRE DE CAUTIONNEMENT RÉEL HYPOTHÉCAIRE DOIT-ON APPLIQUER LES RÈGLES DU CAUTIONNEMENT OU STRICTEMENT LES RÈGLES HYPOTHÉCAIRES? (COUR D APPEL). Un prêteur consent un prêt à des emprunteurs et le prêt est garanti par des hypothèques portant sur trois immeubles distincts (A, B et C). Les immeubles A et C appartiennent aux débiteurs alors que l immeuble B appartient à un tiers qui est intervenu à l acte de prêt strictement comme «caution réelle». Le contrat suivant lequel un tiers accepte d hypothéquer un immeuble pour garantir l exécution de l obligation d un débiteur et où il est prévu qu il n est pas tenu personnellement à exécuter l obligation du débiteur sur tout son patrimoine est qualifié de «cautionnement réel». Les emprunteurs deviennent en défaut et le prêteur entreprend le recours hypothécaire de prise en paiement à l égard des trois immeubles. Entre-temps, une Caisse populaire (Caisse) qui détient un premier rang hypothécaire sur l immeuble A procède à devenir propriétaire de cet immeuble A et le prêteur, par voie de subrogation, règle les intérêts de la Caisse et devient ainsi propriétaire de l immeuble A en vertu d une convention de subrogation. La caution réelle a demandé le rejet du recours en délaissement et prise en paiement de l immeuble B, invoquant qu elle est une caution, qu elle n était pas responsable de la dette de façon solidaire avec les débiteurs, qu elle pouvait exiger l application du bénéfice de discussion des biens des débiteurs principaux prévu aux règles générales du cautionnement et que le prêteur, par l effet de la subrogation aux droits de la Caisse, était devenu propriétaire de l immeuble A par prise de paiement, ce qui éteint toute la dette du prêteur. Le juge de première instance a fait droit au recours du prêteur en prise en paiement à l égard des immeubles B et C (le prêteur étant déjà propriétaire de l immeuble A en vertu de la subrogation) et la Cour d appel revoit le tout. La caution réelle plaide qu elle est une «caution hypothécaire» et qu à ce titre elle n est pas responsable personnellement du prêt. Elle ajoute qu elle pouvait s autoriser du bénéfice de discussion (Art. 2347 et 2348 C.c.Q.) pour exiger que les immeubles des deux emprunteurs soient saisis et vendus avant que son propre immeuble ne le soit : Art. 2347 C.c.Q. La caution conventionnelle ou légale jouit du bénéfice de discussion, à moins qu elle n y renonce expressément. Celui qui a cautionné la caution judiciaire ne peut demander la discussion du débiteur principal, ni de la caution. Art. 2348 C.c.Q. La caution qui se prévaut du bénéfice de discussion doit l invoquer dans l action intentée contre elle, indiquer au créancier les biens saisissables du débiteur principal en lui avançant les sommes nécessaires pour la discussion. Le créancier qui néglige de procéder à la discussion est tenu, à l égard de la caution et jusqu à concurrence de la valeur des biens indiqués, de l insolvabilité du débiteur principal survenue après l indication, par la caution, des biens saisissables du débiteur principal. Suivant la Cour d appel, il ne fait pas de doute que la caution réelle n a pas cautionné personnellement l obligation des débiteurs. Elle a consenti un cautionnement réel sur son immeuble pour garantir l obligation principale contractée par les débiteurs. Nous sommes donc en présence d une seule obligation contractée par les débiteurs avec le prêteur. Cette obligation est garantie par les hypothèques portant sur trois immeubles appartenant à des personnes différentes, les débiteurs et un tiers, ici la caution réelle. Quelles sont les règles applicables au cautionnement réel? Celles du cautionnement ou celles reliées à la sûreté consentie, ici une hypothèque? Plus précisément, la caution réelle a-t-elle droit au bénéfice de discussion dont jouit généralement la caution? - 9 -

La Cour constate que dans la doctrine, la question est controversée. Une thèse, défendue par les auteurs Marc Boudreault et Pierre Ciotola, veut que les règles du cautionnement régissent le cautionnement réel à moins que des règles particulières applicables à la sûreté consentie soient contraires ou qu il y ait une clause de renonciation expresse au bénéfice de discussion dans le contrat intervenu. Une autre thèse soutenue par les auteurs Jacques Deslauriers, Louis Payette et Denise Pratte propose, au contraire, que ce sont les règles relatives aux hypothèques qui s appliquent au contrat qualifié de cautionnement réel. Après analyse, la Cour d appel estime que doit prévaloir la thèse suivant laquelle les règles du cautionnement que l on retrouve dans la section intitulée «Des effets entre le créancier et la caution» (art. 2343 à 2355 C.c.Q.) ne s appliquent pas à l hypothèque constituée par un tiers pour garantir l obligation du débiteur et qui est désignée comme un cautionnement réel. En conséquence, ce tiers n a pas droit au bénéfice de discussion. La Cour fait siennes les raisons que donne l auteur Payette qui, dans son analyse, tient compte du texte du Code civil du Bas- Canada qui accordait le bénéfice de discussion à la caution réelle alors que le Code civil du Québec ne prévoit plus cette disposition et tient compte également de l économie générale des règles applicables aux contrats, en citant largement son argumentation, notamment le passage suivant : Ajoutons ce qui suit. Tel que souligné plus haut, certains tenants de la qualification de «caution» poussent la logique de leur raisonnement jusqu à penser que, si le bien hypothéqué disparaissait du patrimoine du tiers constituant de l hypothèque, celui-ci demeurait tenu comme caution, à concurrence de la valeur de ce bien. Cette façon de voir les choses est critiquable car elle attribue les obligations d une caution à celui qui n en voulait pas et elle occulte la règle suivant laquelle un cautionnement ne prend pas naissance sans une volonté clairement exprimée (art. 2335C.c.). Le régime du cautionnement prévu par le Code équilibre les droits et les obligations de la caution. Vouloir attribuer au tiers constituant de l hypothèque les droits d une caution sans qu il n en recueille les obligations ne nous apparaît pas justifiable ; par ailleurs, lui imposer les obligations d une caution, c est le forcer malgré lui à devenir caution. 1 La Cour d appel conclut que le prêteur était libre d intenter les recours afférents à chacune des hypothèques, sous réserve, évidemment, des conséquences relatives à une prise en paiement. En ce qui concerne la prétention de la caution réelle à l effet que le prêteur, en devenant propriétaire de l immeuble A en vertu de la prise en paiement effectuée par la Caisse voyait sa dette éteinte, elle est rejetée par la Cour d appel. Certes, la prise en paiement d un immeuble éteint l obligation comme le prévoit l article 2782 C.c.Q. et l extinction de l obligation emporte celle de l hypothèque consentie pour la garantir (art. 2661 et 2797 C.c.Q.). Ici, la prise en paiement par la Caisse de l immeuble A a eu pour effet d anéantir l hypothèque que le prêteur détenait sur cet immeuble suivant les termes de l article 2783 C.c.Q. et le fait que le prêteur soit devenu propriétaire de l immeuble A à la place de la Caisse n a aucun impact sur l obligation contractée par les débiteurs envers le prêteur. La seule obligation qui a été éteinte suivant la prise en paiement est l obligation à l égard de la Caisse (réglée par subrogation par le prêteur), comme l enseigne la Cour d appel dans l affaire de Bodeven c. Banque de Montréal 2. Roker c. Prêt relais Capital inc., C.A. 200-09-007521-112, jugement du 16 juillet 2012, Juges France Thibault, Julie Dutil et Marie-France Bich. - 10-1 PAYETTE, Louis, Les sûretés réelles dans le Code civil du Québec, 4 e édition, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2010, no. 567. 2 Bodeven Inc. c. Banque de Montréal, J.E. 2005-520.

LA COLLOCATION DU PRIX DE LA VENTE FORCÉE D UN IMMEUBLE ENTRE DÉTENTEURS D HYPOTHÈQUES CONVENTIONNELLES ET D HYPOTHÈQUES LÉGALES DE LA CONSTRUCTION : LA COUR D APPEL TRANCHE ENTRE LA THÉORIE DE LA PLUS-VALUE RELATIVE ET LA THÉORIE DE LA PLUS-VALUE ABSOLUE (COUR D APPEL). Un séquestre intérimaire nommé en vertu de l article 47 LFI est autorisé par le Tribunal à vendre un immeuble libre de toutes charges. La vente est effectuée et le séquestre intérimaire établit un état de collocation où il applique la théorie de la plus-value relative qui consiste à procéder à une ventilation pour établir, premièrement, le montant du produit de la vente qui correspond au terrain et deuxièmement, le montant du produit de la vente qui correspond aux travaux de construction. Ensuite, il faut colloquer les hypothèques conventionnelles sur la partie du produit de la vente attribuée au terrain et les hypothèques légales de la construction sur le montant attribué à la plus-value donnée à l immeuble. eux-mêmes contracté avec le propriétaire, elle est limitée aux travaux, matériaux ou services qui suivent la dénonciation écrite du contrat au propriétaire. L ouvrier n est pas tenu de dénoncer son contrat. Art. 2952 C.p.c. Les hypothèques légales en faveur des personnes qui ont participé à la construction ou à la rénovation d un immeuble prennent rang avant toute autre hypothèque publiée, pour la plus-value apportée à l immeuble ; entre elles, ces hypothèques viennent en concurrence, proportionnellement à la valeur de chacune des créances. Le juge de première instance a retenu et appliqué cette théorie faisant en sorte que les détenteurs d hypothèques conventionnelles recevront 34.35% du produit de la vente et les détenteurs d hypothèques de la construction, 65,65%. Certains créanciers détenteurs d hypothèques légales de la construction contestent cet état de collocation et le jugement qui l approuve en faisant valoir que c est la théorie de la plus-value absolue qui aurait dû être appliquée puisque l hypothèque légale de la construction, comme toute autre hypothèque, grève l ensemble de l immeuble. Suivant ces créanciers, suite à la vente de l immeuble, le produit de réalisation doit être versé aux détenteurs d hypothèques légales de la construction jusqu à concurrence d un montant équivalant à la plusvalue apportée à l immeuble, et ce, avant toute autre hypothèque. Dans les circonstances, si on appliquait cette théorie, les détenteurs d hypothèques conventionnelles ne recevraient rien du produit de vente de l immeuble. La Cour d appel considère le tout et rappelle les dispositions des articles 2728 et 2952 du Code civil du Québec : Art. 2728 C.p.c. L hypothèque garantit la plus-value donnée à l immeuble par les travaux, matériaux ou services fournis ou préparés pour ces travaux ; mais, lorsque ceux en faveur de qui elle existe n ont pas - 11 - La Cour note que parce que l hypothèque légale de la construction emprunte beaucoup au privilège ouvrier de l ancien code, c est à cette enseigne que les tenants de la plus-value relative puisent leurs principaux arguments, notamment en référant à l article 2013 b) C.c.B.-C. qui prévoyait expressément la ventilation en cas d insuffisance des montants à distribuer. Que cet article n ait pas été repris par le Code civil du Québec ne froisse en rien les tenants de la thèse de la plus-value relative représentés par l auteure Denise Pratte qui résume ainsi cette théorie de la plus-value relative : 401. Par la ventilation, celui qui est chargé de la distribution fixe la juste valeur marchande de l ensemble et la valeur de la plus-value. Il détermine également la plus-value relative par rapport au prix de vente de l immeuble. L assiette à distribuer aux participants à la construction ou à la rénovation est donc égale à la plus-value relative. Celle-ci s obtient de la façon suivante : Prix de vente créances prioritaires] X Plus-value Juste valeur marchande de l ensemble On comprendra que la valeur de la plus-value doit être relativisée par apport (sic) au prix de vente obtenu. En effet, si l immeuble n est pas vendu à sa juste valeur marchande, l assiette de toutes les sûretés doit être diminuée en conséquence. Si on payait les participants à la construction ou à la rénovation à même la plus-value réelle, on pénaliserait les autres créanciers en vendant l immeuble à prix réduit.

À l inverse, les tenants de la théorie de la plus-value absolue soutiennent que les détenteurs d une hypothèque légale de la construction ont droit d être colloqués en priorité jusqu à concurrence de la plus-value, sans répartition ou ventilation préalable. Concrètement, ceci signifie que s il n y a pas suffisamment d argent pour tous les créanciers, les détenteurs d une hypothèque légale de la construction seront les seuls à se partager le produit de la vente de l immeuble. La Cour note que les détenteurs d hypothèques légales de la construction plaident que l application de la théorie de la plus-value relative va directement à l encontre du principe de l indivisibilité de l hypothèque énoncé à l article 2662 C.c.Q. en ce que la ventilation et l exclusion du terrain réduisent l assiette de l hypothèque. La Cour d appel souligne toutefois que ce n est pas ce que signifie le principe de l indivisibilité de l hypothèque. Ce principe signifie simplement que le créancier hypothécaire peut saisir, prendre ou faire vendre l immeuble comme un tout, ce que le séquestre a fait en l espèce. Sur un plan théorique, la plus-value correspond à la valeur ajoutée à l immeuble à la suite des travaux. La plus-value donnée à l immeuble, logiquement, ne peut pas être pour un montant supérieur au prix de vente obtenu. De plus, il se trouve que dans le montant du prix de vente, il y a la valeur du terrain. Là encore, on ne peut pas affirmer que ce montant correspond à la plus-value donnée à l immeuble. Il faut nécessairement tenir compte de la valeur du terrain si on veut déterminer le montant de la plus-value. Comme les créanciers de la construction prennent rang uniquement pour la plus-value apportée à l immeuble, il revenait au juge d établir cette dernière afin d éviter qu ils ne prennent rang avant les autres créanciers hypothécaires pour un montant supérieur à la plus-value, ce qui serait contraire à l article 2952 C.c.Q. La Cour d appel conclut que le juge de première instance a eu raison d appliquer la théorie de la plus-value relative en mettant en œuvre la formule suggérée par l auteure Denise Pratte. Construction Delaumar Inc. c. Verrières Val des arbres Inc. (Séquestre de), C.A. 500-09-020125-092 et 500-09- 020139-093, jugement du 29 mai 2012, Juges Pierre J. Dalphond, Allan R. Hilton et Jean Bouchard. L équipe du droit de la réalisation des sûretés, Insolvabilité et réorganisations de Miller Thomson Pouliot sencrl Robert Tessier Stéphane Hébert Serge Amar Yves Robillard Fadi Amine Smaranda Mihalachi MILLER THOMSON POULIOT, SENCRL Été 2012-12 -

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