Exemples de travaux. 3. Le compte rendu d un texte



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3. Le compte rendu d un texte 3.1 CONSIGNES Veuillez consulter les pages 157 à 160 de l'ouvrage de Bernard DIONNE, Pour réussir. Guide méthodologique pour les études et la recherche, 5 e éd., Montréal, Beauchemin, 2008. 3.2 TEXTE DONT IL FAUT FAIRE LE COMPTE RENDU Envahissement des minorités religieuses au Québec? FRÉDÉRIC CASTEL Religiologue, Département des sciences des religions, Université du Québec à Montréal Il est important de faire de véritables efforts pour mieux connaître, dans toute leur complexité, les personnes qui s installent au Québec. Faisant périodiquement la manchette depuis plus d un an, la controverse sur les accommodements raisonnables est parvenue à son paroxysme en février dernier, jusqu à ce que la mise sur pied de la commission de consultation menée par MM. Bouchard et Taylor permette de calmer les esprits. Les demandes d accommodement formulées par quelques membres de minorités non chrétiennes suscitent diverses formes d appréhension dès lors que la laïcité des institutions publiques paraît compromise (alors que l on ne fait guère état de celles qui proviennent de chrétiens). Les quelques cas d aberration soulevés ces derniers temps n ont pas manqué d exacerber le mécontentement populaire. Dans ce contexte, il n y a rien d étonnant à ce qu un nombre grandissant de gens estiment que les minorités religieuses «prennent trop de place» dans l espace public. Pour d aucuns, cette situation découle du fait que nous serions en train d assister à un déferlement d immigrants non chrétiens. Qu en est-il au juste? Depuis 40 ans Entre 1961 et 2001, la part des adeptes de religions orientales (judaïsme, islam, hindouisme, sikhisme, bouddhisme, etc.) au Québec est passée de 2,0 à 3,8 %. Malgré la hausse sensible, l apport ne semble pas spectaculaire. Toutes choses étant relatives, ces chiffres peuvent mieux s apprécier si on les compare à ceux que l on relève ailleurs au Canada, ou dans les pays occidentaux qui ont le plus attiré l immigration non chrétienne. Ailleurs au Canada et en Occident En 2001, à l échelle canadienne, 6,1 % de la population adhère à une tradition religieuse orientale. C est dire que le Québec se place en dessous de la moyenne canadienne. La situation rencontrée au Québec ne se compare guère avec ce que l on observe en Colombie-Britannique et en Ontario, où ces minorités dépassent les 8 % (voir Tableau 1). TABLEAU 1 Religions non chrétiennes en % Québec comparé aux autres provinces (2001) Maritimes 0,7 Saskatchewan 0,9 Manitoba 3,1 Québec 3,8 Alberta 5,7 Colombie-Britannique 8,7 Ontario 8,8 Souce: Statistique Canada 2001 Calculs de l auteur Du côté international, si la proportion des religions orientales au Québec est semblable à celle que l on retrouve aux États-Unis (même si le poids numérique est sans rapport) et en Belgique (voir tableau 2), elle reste en deçà des situations rencontrées dans la plupart des pays d Europe occidentale (Autriche, Allemagne, Suisse, Grande-Bretagne) ou d Océanie (Australie, Nouvelle-Zélande), où les appartenances non chrétiennes oscillent de 4 à 6 %. On est encore loin des Pays-Bas et de la France, où ces appartenances pourraient (par estimation) atteindre les 9 %. Dans cette perspective, la place qu occupe la population non chrétienne au Québec n a donc rien d extraordinaire. 1

Cela dit, dans le contexte canadien, il faut mentionner que cet état de choses a beaucoup à voir avec la géographie. Contrairement à l Ontario et à la Colombie-Britannique, l immigration du tiersmonde qui s installe au Québec est moins marquée par l apport asiatique que par les contingents d Amérique latine (comme c est d ailleurs le cas aux États-Unis), du monde arabe ou d Afrique noire. La religion la plus pratiquée par les minorités visibles Si on peut maintenant dire que la place qu occupent les religions orientales au Québec demeure encore relativement modeste, d où vient donc l impression populaire inverse? Il est vrai que la présence à Montréal de minorités visibles provenant du monde arabe, de l Afrique, du sous-continent indien et de l Extrême- Orient incline à penser que ces dernières contribuent naturellement au grand essor des religions «exotique». C est pourtant loin d être le cas, puisque 55 % de l ensemble des membres de minorités visibles adhèrent à l une ou à l autre des Églises chrétiennes, la majorité étant des catholiques. Bien que l association automatique des Arabes avec l islam soit compréhensible, il faut savoir que cette vision ne correspond pas à la réalité arabe québécoise. Déjà, 3 Palestiniens sur 10 sont chrétiens. Or, les appartenances chrétiennes dominent nettement parmi les Libanais, les Égyptiens et les Syriens, à la hauteur de 7 ou 8 personnes sur 10. On sera peut-être étonné d apprendre que de 20 à 30 % des Québécois d origine vietnamienne, chinoise, indienne et sri lankais sont catholiques ou protestants. Près de 80 % des Coréens et 97 % des Philippins sont chrétiens (voir le Tableau 3). De plus, les trois quarts de ceux qui déclinent l une ou l autre des identités africaines sont chrétiens. TABLEAU 2 Religions non chrétiennes en % Québec et quelques États occidentaux (2000 ou 2001) Pays-Bas 7,0 / 9,0 France 6,5 / 9,0 Nouvelle-Zélande* 6,6 Grande-Bretagne* 5,3 Suisse* 5,3 Australie* 4,8 Allemagne 4,5 Autriche* 4,3 / 4,5 Québec* 3,8 Belgique 3,0 / 4,4 États-Unis 3,0 Source : Recensements nationaux (*) et estimés de l auteur Si l immigration latino-américaine ou européenne est comprise comme étant essentiellement chrétienne (ou de culture chrétienne), il faut voir que l immigration des continents africain et asiatique, automatiquement associée aux religions «exotiques», est néanmoins porteuse d un important contingent de chrétiens. Parmi les immigrants qui se sont implantés au Québec entre 1991 et 2001, on dénombre 13 555 Africains et 30 025 Asiatiques chrétiens, ce qui correspond à 31,2 % et à 32,2 % de l immigration des continents africain et asiatique. La majorité de ces chrétiens sont d ailleurs catholiques. C est dire que la majorité des immigrants qui se sont établis au Québec pendant cette période, tous continents confondus, sont chrétiens. TABLEAU 3 Pourcentage de chrétiens au sein de certains groupes ethniques arabes et asiatiques (2001) Égyptiens 80,0 Palestiniens 31,4 Libanais 73,2 Syriens 81,1 Irakiens 20,0 Turcs 27,7 Arméniens 97,0 Indiens 19,0 Sri Lankais 24,0 Vietnamiens 27,3 Chinois 28,7 Japonais 40,5 Coréens 79,3 Philippins 97,4 Souce : Statistique Canada 2001 Calculs de l auteur Religions d immigrants? Bien qu il soit naturel de penser que les adeptes de religions non chrétiennes sont essentiellement des «immigrants», la réalité est toutefois moins stéréotypée. Si deux juifs sur trois sont nés au Québec, de 22 à 28 % des sikhs, des musulmans, des bouddhistes et des hindous sont aussi nés en terre québécoise (Tableau 4). D ailleurs, le tiers des musulmans 2

et des bouddhistes nés au Québec sont même des «Québécois de souche», selon une expression connue. En outre, les quelques milliers de conversions à l islam et au bouddhisme font oublier que des conversions au christianisme se produisent également. Force est de reconnaître que seul le premier phénomène est médiatisé. L impression des images Chiffres en main, on peut maintenant dire que cette idée selon laquelle les communautés non chrétiennes se sont développées de façon spectaculaire au Québec relève pour beaucoup du registre des impressions. Encore que celles-ci ne peuvent naître de rien. Évidemment, l idée selon laquelle les minorités non chrétiennes seraient soudainement en train de prendre beaucoup d importance ou de place n est pas sans lien avec le large écho que les médias donnent depuis plusieurs mois aux controverses qui s enchaînent à propos des religions minoritaires. Pour tout compliquer, on ne peut pas nier que l actualité internationale ajoute à la confusion tant il est courant d entendre que les religions sont à l origine de plusieurs problèmes et de conflits locaux. Sont ainsi exacerbées les craintes populaires en rapport avec les religions communément confondues avec les fondamentalismes. Aussi, le jeu des images télévisées montréalocentriques produit certainement ses effets dans les esprits tant le thème de l immigration s accompagne invariablement d images de membres de minorités religieuses originaires du tiers-monde (comme si l immigration européenne et latino-américaine s était depuis peu volatilisée). D ailleurs, ces derniers temps, on aura beaucoup plus vu de photographies de femmes portant le niqab dans les journaux qu on peut dénombrer de ces femmes au Québec. TABLEAU 4 Non-chrétiens nés au Canada en % (2001) Juifs 67,0 Hindous 28,4 Bouddhistes 26,4 Musulmans 22,4 Sikhs 22,2 Souce : Recensements nationaux et estimés de l auteur Comparaison avec la Suisse Comme le Québec et la Suisse comptent chacun sept millions d âmes, une comparaison à la même échelle permet de prendre du recul. En prenant l islam comme exemple, on constate qu en 2001, 108 620 musulmans vivent au Québec, alors que le recensement suisse de 2000 en dénombre 310 807 (voir tableau 5). Or, contrairement à la population musulmane de la Suisse qui s est disséminée à travers les 26 cantons, 92 % des musulmans du Québec sont concentrés dans la seule région de Montréal. Voilà qui doit certainement jouer quelque rôle sur le plan des perceptions, qui sont en outre influencées par les images télévisées des chaînes montréalaises. Confusion Bien que certaines questions légitimes restent sans réponse, on note que diverses formes de confusion, conceptuelle et factuelle, touchant la religion, la gestion de la diversité ou l immigration perdurent. Cela démontre que l information pertinente, notamment à propos des politiques gouvernementales, circule difficilement. Ceci engage tout l édifice de l information (au sens large), du gouvernement jusqu au public, en passant par les organismes gouvernementaux concernés, les spécialistes universitaires et les autres types d intervenants. Le tout, bien entendu, relayé par les médias. TABLEAU 5 Fidèles de religions non chrétiennes (Québec, Suisse) Québec (2001) Suisse (2001) N % N % Population totale 7 125 580 7 288 010 Musulmans 108 620 1,5 310 807 4,3 Juifs 89 915 1,2 17 914 0,2 Bouddhistes 41 375 0,5 21 305 0,3 Hindous 24 530 0,3 27 839 0,4 Non-chrétiens, total 264 440 0,3 377 865 0,4 Souces : Statistique Canada (2001) ; Suisse. Office fédéral de la statistique (2000). On s en rend bien compte, le gouvernement québécois doit davantage expliquer ses politiques et développer sa pédagogie. Aussi, l expertise de certains organismes gouvernementaux gagnerait à être mieux connue : on aurait tout intérêt à consulter les documents produits par le Conseil des relations interculturelles, le Comité sur les affaires religieuses, le Conseil du statut de la femme et la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. 3

Par ailleurs, on ne peut pas dire que les spécialistes universitaires ont été très sollicités ou très présents lorsque la polémique sur les accommodements raisonnables s est mise en branle à l hiver 2005-2006. Leurs analyses et leurs explications auraient permis de clarifier plusieurs questions complexes. Si on peut dire que l information pertinente concernant la gestion de la diversité ou de l immigration ne circule pas suffisamment, un semblable constat peut se faire en ce qui a trait aux questions proprement religieuses. Les méprises et les fausses conceptions sur les religions (en particulier sur l islam, le judaïsme et le sikhisme) sont encore trop répandues pour ne pas compromettre une compréhension mutuelle. Hérouxville est un symptôme que l on n a pas su gérer. Les affirmations lancées par le fameux code de vie auraient dû rencontrer une réponse immédiate et étayée point par point afin de court-circuiter tout dérapage. À défaut, les fausses conceptions et les rumeurs urbaines ont continué de se répandre sans que rien ne s y oppose. Quoi de plus normal que les gens s inquiètent? Le rôle central des médias Dans le contexte, on saisit d emblée le rôle central que peuvent jouer les médias dans la diffusion des informations, d autant plus qu ils ont toujours le choix entre naviguer dans les eaux troubles des idées toutes faites et des craintes, ou justement de nous en affranchir. À côté de la manchette qui distrait, plusieurs journalistes ont déjà pris conscience des effets sociaux qu engendre la surfocalisation médiatique sur certains thèmes religieux à résonances sociétales et communautaire alors que d autres, dans la tradition du journalisme d enquête, commencent à s interroger sur les idées reçues que les questions sur l immigration non chrétienne ne manquent pas de véhiculer. C est tout à leur honneur. Quand le regard empêche de voir En définitive, tout dépend comment on regarde et ce qu on veut voir. Dans le soi-disant débat sur l immigration qui s amorce, on ne se demande jamais pourquoi les immigrants ont choisi de s enraciner au Québec ni de quelle façon le Québec a vraiment besoin d eux, ne serait-ce que sur les plans économique et professionnel. Si certains sont enclins à percevoir l immigration récente sous un jour plutôt menaçant, d autres voient qu elle peut, au contraire, renforcer le Québec, en particulier dans le contexte d une économie plus performante et compétitive, tout en comblant des besoins sociaux. Il est vrai que jusqu à présent, l on n a pas déployé beaucoup d efforts pour mieux connaître ces immigrants. Or, n est-ce pas justement la méconnaissance qui est le terreau des stéréotypes, des fantasmes et finalement de la peur? En même temps, le regard pesant du jugement ou de l incompréhension qui se pose sur les minorités religieuses empêche de voir la souffrance engendrée. Nonobstant l usage impropre du terme «ethnies», il est temps de donner congé, le plus souvent possible, au mot «immigrants» puisqu il conduit à penser en termes de «nous» et de «eux». Il serait tout indiqué de lui préférer l expression, curieusement oubliée, de «nouveaux Québécois». Alors peut-être pourrons-nous tous regarder dans la même direction. 3.3 COMPTE RENDU ET REMARQUES Introduction Le texte de Frédéric Castel porte sur la place, que certains jugent «envahissante», des minorités religieuses au Québec. Comme on le sait, la question des accommodements envers les religions minoritaires a fait les manchettes au Québec en 2006 et en 2007. La question que pose Frédéric Castel est donc cruciale : les minorités religieuses auraient-elles envahi le Québec? Nous situerons le texte et son auteur dans la production de documents entourant la commission Bouchard-Taylor, puis, après avoir fait un bref résumé du texte, nous en ferons l analyse avant de conclure sur l intérêt général du document. Sujet amené Sujet posé Sujet divisé 4

L auteur et son texte Frédéric Castel est religiologue. Il enseigne au département des sciences des religions de l UQÀM. Il s intéresse au développement de l islam et des communautés musulmanes au Québec. Le texte de Frédéric Castel, «Envahissement des minorités religieuses au Québec?», est paru en 2007 dans Michel VENNE et Miriam FAHMY, dir., L annuaire du Québec 2008, (Fides), aux pages 133-140. Il fait partie d une série de textes sur la culture, l identité et les accommodements raisonnables, dans la foulée de la Commission «Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables mise sur pied par le gouvernement de M. Charest en 2007. Bref résumé du texte Un nombre grandissant de personnes estiment que les minorités religieuses prennent trop de place, à cause d un déferlement d immigrants non chrétiens. Qu en est-il au juste? La proportion d adeptes de religions orientales au Québec est sous la moyenne du Canada et largement inférieure à celle de l Europe occidentale. De plus, la religion chrétienne est la plus pratiquée par les minorités visibles et les immigrants. Enfin, une proportion importante des adeptes des religions non chrétiennes sont nés au Québec. Ainsi, l idée que les communautés non chrétiennes se sont développées de façon spectaculaire relève de l impression que véhiculent les médias à propos des controverses liées aux religions minoritaires ici et dans le monde. Dans ce contexte, les médias jouent un rôle central. On doit mieux connaître les immigrants car la méconnaissance engendre les stéréotypes et la peur. Il est temps d ailleurs d abandonner le mot «immigrant», qui «nous» oppose à «eux», et de le remplacer par «nouveaux Québécois», afin de regarder ensemble dans la même direction. Le statut de l auteur et son appartenance au département des sciences des religions de l UQÀM est précisé en première page de son texte, avant l introduction. Une visite du site Internet du département permet de se faire une idée des intérêts de l auteur et de ses sujets actuels de recherche. Approche thématique INTERPRÉTATION/CRITIQUE 1- Critique interne Afin de démontrer que l on a exagéré la place que prennent les adeptes des religions autres que la religion chrétienne au Québec, l auteur utilise des statistiques qui permettent de mesurer la croissance du nombre d adeptes de ces religions au Québec, de comparer ces chiffres à ceux du reste du Canada et à ceux du monde occidental (États-Unis et Europe de l Ouest, essentiellement). Il en arrive à la conclusion que la proportion de ces adeptes est largement inférieure ici à ce qu elle est ailleurs. Cette démonstration est précise et bien étayée par des tableaux statistiques pertinents. Pourtant, la perception que les adeptes de ces religions augmentent de manière spectaculaire est bien présente, comme l atteste la mise sur pied de la commission Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables. L auteur attribue la montée de cette perception à deux causes : d une part, la «surfocalisation» des médias autour de certains thèmes religieux contribuerait à créer cette impression. L auteur s en prend au «jeu des images télévisées montréalocentriques» qui produirait des effets importants dans les esprits des gens. Mais il donne par la suite l exemple de photos de femmes portant le niqab dans les journaux : est-ce la télévision ou les journaux, ou les deux qui créent ces impressions, cela n est pas clair. Et pourquoi «montréalocentrique» : l auteur ne développe pas cette idée, sauf pour comparer le Québec à la Suisse où la population musulmane est répartie dans les 26 cantons du pays tandis qu elle est concentrée presqu exclusivement à Montréal pour ce qui est du Québec. L auteur reprend alors l idée des chaînes de télévision montréalaises qui influencent l opinion, mais cette idée est peu développée. D autre part, l auteur met l accent sur la confusion entretenue entre religion, gestion de la diversité et immigration. Il insiste sur la difficile circulation de l information et il en donne Analyse des arguments de l auteur. 1 er jugement 2 e jugement 5

pour exemple le «dérapage» d Hérouxville. Malheureusement, il ne développe pas ses idées sur le sujet, faute d espace sans doute. Enfin, l auteur conclue en insistant sur le rôle central des médias et des journalistes. Il met en valeur certains journalistes qui refusent les idées préconçues, mais il ne fournit pas une analyse détaillée du rôle négatif qu auraient joué les médias dans la crise des accommodements. Il termine en insistant sur la nécessité de mieux connaître les immigrants, ou plutôt les «nouveaux Québécois», ce qui est certainement approprié dans les circonstances. 3 e jugement 4 e jugement 2- Critique externe La parution de ce texte dans un dossier portant sur la «crise» des accommodements raisonnables est une contribution intéressante au débat qui s est engagé au Québec depuis 2006 à ce sujet. L auteur montre que le développement des groupes religieux minoritaires est présenté de manière exagérée et les chiffres qu il soumet à l analyse sont concluants. L angle d analyse du texte est cependant limité : en se confinant à la seule question de savoir si la perception d un développement «spectaculaire» (ce sont les termes de l auteur) est crée par des médias montréalocentriques, l auteur néglige d analyser les pratiques, les comportements et les demandes d accommodements provenant de certains groupes religieux minoritaires et, parfois, fondamentalistes. Tout se passe comme si les seuls coupables sont les médias. Il aurait été intéressant de joindre une analyse des demandes de ces groupes et de tenter de mesurer l essor des groupes fondamentalistes dans la société québécoise. Mais le format d un texte court (7 pages) dans un recueil d une dizaine de textes ne permettait pas à l auteur de développer sa pensée sur le sujet. Conclusion L intérêt du texte de Frédéric Castel réside dans la présentation de statistiques qui viennent remettre en question le mythe d un développement spectaculaire des groupes religieux non chrétiens dans la société québécoise. Le lecteur ne peut faire autrement que conclure à une exagération de cette croissance lorsqu on la compare à la situation dans le reste du Canada et en l Europe de l Ouest. C est une impression de forte croissance qui contribue à inquiéter les gens, impression largement véhiculée par les médias québécois surtout basés à Montréal. Il y aurait lieu de s interroger sur le fait que les immigrants, ou les nouveaux Québécois, choisissent massivement de s intégrer à la société montréalaise au détriment des autres régions du Québec, contribuant ainsi à créer un déséquilibre dans la distribution des groupes ethniques sur le territoire du Québec. Quelle pourrait être la politique du gouvernement québécois à ce sujet? Quelles sont les responsabilités respectives des différents paliers de gouvernement (fédéral, provincial, régional et municipal) et celles des médias? Autant de perspectives de recherche et d action fort stimulantes pour les Québécois de toutes origines. Intérêt général du document Ouverture sur de nouvelles perspectives 3.4 PRÉSENTATION MATÉRIELLE Veuillez consulter les pages 202 à 220 de l ouvrage de Bernard DIONNE, Pour réussir. Guide méthodologique pour les études et la recherche, 5 e éd., Montréal, Beauchemin, 2008. 6