L Union européenne face aux défis de l euro

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Transcription:

L Union européenne face aux défis de l euro Introduction : qui gère l euro? I) Une même monnaie pour des pays différents? 1 Des politiques économiques différentes 2 Des résultats économiques différents 3 Des contraintes de change différentes II) L euro internationalisé 1 L euro, une monnaie qui s internationalise 2 L euro et les autres monnaies 3 Vers une guerre des monnaies? Conclusion : l existence de la zone euro est-elle menacée?

Introduction : qui gère l euro? Etude conjointe du document 1 * Bientôt 17 : au 1 Janvier l Estonie fera partie de la zone euro La BCE : il n y a aucun organisme politique en face L euro système : la BCE + les 16* banques centrales de la zone euro L Eurogroupe peut constituer un embryon de pouvoir politique Le système européen des banques centrales (SEBC) : la BCE + les 16 banques centrales de l euro système + les 11 autres banques centrales de l UE Le Comité écofin n est qu un forum d échanges d idées

La BCE est donc totalement indépendante des pouvoirs politiques européens, et pour garantir cette indépendance, elle dispose d un capital qui lui est propre : Répartition du capital de la BCE (5 milliards ) par pays en % Autres membres de l'ue; 15,69 Allemagne; 18,94 Royaume-Uni; 14,52 France; 14,22 Autres membres de la zone euro ; 11,84 Italie; 12,5 Espagne; 8,3 Pays-Bas; 3,99

L absence de gouvernance économique face à la BCE est un cas unique dans l histoire économique et dans l organisation mondiale actuelle. Elle pose clairement 3 problèmes à l Union Européenne : - quel type de politique économique commune doit-être décidée en cohérence avec l euro et qui doit décider de cette politique économique? - comment réagir rapidement en cas de choc économique systémique (c est-à-dire qui affecte toute la zone euro) et surtout en cas de choc asymétrique (seuls 1 ou quelques pays sont concernés)? - comment définir le statut international de l euro, qui doit définir ce statut et avec quels objectifs? Toute la presse financière internationale se fait désormais l écho de ces questions et reconnaît que l idée de convergence économique automatique sans intervention politique commune a échoué.

I) Une même monnaie pour des pays différents? Il faut se rappeler que l idée originelle du «père théoricien fondateur» de l euro (Robert Mundell économiste canadien né en 1932, prix «Nobel» en 1999) était que l euro allait constituer une «zone monétaire optimale». Ce terme signifie que la monnaie unique allait contraindre «naturellement» les pays membres à adopter la même politique économique et donc les mêmes résultats économiques sur le modèle du plus vertueux des pays membres. Au fond, un peu comme dans un pays, les différentes régions entre elles se trouvent progressivement unifiées par la même monnaie et ne peuvent durablement s écarter du modèle unique (ce qui fut le cas des Etats-Unis avec le dollar). Dans ce type de raisonnement, l économique prime sur le politique qui devient en quelque sorte un simple accompagnateur des exigences économiques.

1 Des politiques économiques différentes - et ceux qui se sont davantage appuyés sur le revenu, la dette privée, la consommation des ménages et la hausse des prix. Ce raisonnement de Mundell et des pères fondateurs de l euro (pour l essentiel, Ms Giscard d Estaing et Helmut Schmidt) s est trouvé confronté à une autre réalité. Au sein de la zone euro, les pays sont souverains dans leur décision économique, et, faute d un pouvoir central n ont pas réellement de comptes à rendre sur leurs politiques. La seule «contrainte» est d essayer de respecter à peu près les critères de Maastricht, mais nous avons vu que cette contrainte est limitée. Les pays ont alors suivi des voies divergentes : - il y a ceux qui, vertueux, ont préféré maitriser l inflation et ont préféré s appuyer sur une compétitivité extérieure pour améliorer leur situation : L Allemagne, la Finlande mais également la France avec moins de succès.

Il faut se rappeler que la seule véritable mission confiée à la BCE est la stabilité des prix qui se définit comme une inflation inférieure ou égale à 2%/ an. En bonne logique, la hausse totale des prix de 1999 à 2010 aurait donc du être de 24,3%. On se rend compte que c est pratiquement le résultat de l Allemagne et de la France. Par contre, l Irlande (jusqu en 2008), la Grèce, l Espagne, voire l Italie ont largement dépassé ce taux : par exemple l Irlande a eu une inflation moyenne de 3.4% et la Grèce de 3.2%. Cette différence de stratégie renvoie à des stratégies différentes en matière d endettement : les pays inflationnistes ont poussé à la consommation des ménages par l endettement privé, et l on sait que la hausse des prix est un «bon» moyen d alléger les dettes. Ces pays ont donc bien privilégié la consommation intérieure.

Jusqu en 2008, les pays qui avaient opté pour une politique économique «offensive» (augmentation de la consommation par l endettement et l inflation) ont eu de meilleurs résultats que les pays prudents. Mais depuis 2008, c est l inverse. - on remarque que les capacités de rebond sont également différents pour 2010 : certains pays seront encore en récession (Irlande, Espagne, Grèce ) et d autres vont connaître une reprise vigoureuse à l image de l Allemagne. La France se situant dans une honnête moyenne. 2 Des résultats économiques différents Tous les pays ou presque ont été affectés par la crise de 2009, mais à des rythmes différents : - certains ont connu une véritable dépression économique : l Irlande, les pays Baltes, l Italie - d autres ont connu un ralentissement plus ou moins marqué : France, Autriche, Allemagne

Devant ces résultats différents, on voit combien il est difficile de faire coexister des pays différents avec la même monnaie. Comment définir une priorité? Pour certains pays, aujourd hui, la priorité est d alléger les dettes, de pouvoir exporter, de relancer la consommation Bref, un euro beaucoup plus faible leur plairait beaucoup. Mais les Allemands, et d autres, font justement remarquer que c est leur sagesse qui leur a permis de passer la crise et qui leur assure une certaine reprise économique. Pour eux, l euro fort est alors une évidence. La définition d une politique commune est donc très difficile. D autant plus que les attentes sociales sont différentes, en particulier en matière d emplois : le taux de chômage a grimpé partout, mais avec des ampleurs très différentes : avec la même monnaie, on rencontre les Pays-Bas avec 4.9% de chômeurs, mais aussi l Espagne avec 19.7%, l Allemagne avec 7.8% et l Irlande avec 13.8%.

Tout ceci se complique enfin quand on compare les résultats économiques des différentes zones mondiales depuis 2000 : - l Asie en développement a connu une croissance économique moyenne de 7.43%/an - les économies des pays émergents non asiatiques ont connu une croissance de 5.5%/an - la croissance économique mondiale a été de 3.1%/an - les Etats-Unis ont fait 1.67%/an - et la zone euro ferme la marche avec un tout petit 0.87% Si l euro devait être un facteur de croissance économique, il faut remarquer que c est quelque peu raté!! D où les critiques récurrentes à l égard de la BCE et sa trop grande prudence monétaire qui conduit certes à avoir un «euro fort», mais également une croissance faible.

3 Des contraintes de change différentes. Le niveau d une monnaie par rapport aux autres monnaies a des incidences essentielles sur le niveau de l activité économique : - des pays dont la compétitivité est relativement faible veulent avoir une monnaie elle-même relativement faible qui leur permettra tout de même d exporter à des niveaux de prix plus compétitifs. - à l inverse, les pays compétitifs n ont aucune raison de vouloir d une monnaie faible, puisqu ils sont compétitifs. Au contraire, ils souhaitent une monnaie forte puisque celle-ci leur permet de valoriser la valeur de leurs exportations et de diminuer le coût de leurs importations. Il existe donc un véritable débat au sein de la zone euro, d autant plus que le poids des exportations et leur localisation géographique compliquent le problème : pour la France, les exportations hors zone euro ne pèsent que 13.5% du PIB, contre 49.3% pour l Irlande.

II) L euro internationalisé La gestion de l euro sur le plan interne est donc difficile au niveau des choix à effectuer. Mais le problème se complique car l euro n est plus simplement une monnaie européenne : elle est devenue la seconde monnaie mondiale et ce en peu de temps. 1 L euro une monnaie qui s internationalise. Les américains avaient bien compris en 1993 que l euro deviendrait un rival du dollar. Et c est désormais le cas. Sur le plan des échanges mondiaux 30% des échanges hors zone euro sont libellés en euros en 2009 (rapport OMC 2010). Ceci signifie que l euro est désormais accepté comme moyen de paiement, et qu il sert également de monnaie d échanges pour des pays non membres. Il faut également remarquer que l euro joue un rôle croissant sur le plan monétaire international.

Part des différentes devises sur le marché des obligations en 2009 (BCE) Autres; 1758; 17% Livre; 598; 6% Dollar; 4733; 46% Euro; 3248; 31%

Dans les réserves de change, l euro représente également 35% des réserves des différentes banques centrales mondiales. L euro s est donc clairement affirmé comme une monnaie mondiale, en supplantant la livre, le yen et le franc suisse, aujourd hui relativement marginalisés. Mais cette situation débouche sur certains problèmes : - elle rend nécessaire une «voix» européenne dans les instances de décisions monétaires, surtout sur le plan politique. On retrouve ici le problème de la gouvernance monétaire. - elle complique la gestion de l euro : puisque de plus en plus de banques, et de banques centrales, disposent d euros, ces acteurs peuvent utiliser l euro à leur profit, indépendamment des désirs des pays européens. Les américains avaient bien connu ce problème avec les eurodollars au milieu des années 1960.

- la valeur internationale de l euro peut donc devenir relativement indépendante des besoins de la zone euro : par exemple, les Etats-Unis, en rachetant massivement des euros peuvent faire grimper le cours de celui-ci en diminuant parallèlement la valeur du dollar. En s internationalisant, l euro devient donc un peu moins européen et un peu plus mondial, ce qui pose le problème de son statut par rapport aux autres monnaies. 2 L euro et les autres monnaies. L évolution de la valeur d une monnaie par rapport aux autres monnaies est un déterminant essentiel de l activité et des stratégies économiques : - quand une monnaie s apprécie par rapport aux autres, les exportations valent plus cher et les importations valent moins cher. Il peut y avoir alors risque de déficit commercial et de moindre activité économique.

Un pays peut donc être tenté de laisser se déprécier sa monnaie pour redresser au moins temporairement son activité économique. Mais les variations de l euro dépendent principalement des jugements des marchés et des stratégies spéculatives des uns et des autres. - car à l inverse, quand une monnaie se déprécie, les exportations valent alors moins cher et les importations plus cher ce qui peut aider au redressement du commerce extérieur et à celui de l activité économique. L évolution de l euro par rapport aux autres monnaies, et en particulier le dollar est donc très importante, en nous rappelant que les attentes des pays européens entre eux sont différentes : - les pays en difficultés économiques (y compris la France) souhaitent plutôt un euro qui s affaiblisse par rapport au dollar. - l Allemagne, les Pays-Bas, la Finlande, l Autriche veulent plutôt un euro stable et si possible un euro qui se valorise.

Les différentes variations de l euro ne dépendent donc pas des politiques économiques de la zone euro, mais de facteurs extérieurs à la zone euro : Mais nous retrouvons ici le double problème : quelle politique et par qui? - la politique des spéculateurs qui peuvent «parier» sur la stabilité ou non de l euro et spéculer à la hausse ou à la baisse - la politique des différents pays non membres de la zone euro qui peuvent utiliser la valeur de l euro au mieux de leurs intérêts, comme dans le cas des États-Unis. L une des particularités de l euro est donc que l évolution de sa valeur est largement indépendante des autorités monétaires européennes, sans parler des autorités politiques. Alors que les États-Unis, la Chine, le Japon utilisent leur monnaie au gré de leurs intérêts, l Union européenne ne semble pas organisée pour mener une politique «offensive» en faveur de l euro.

3 Vers une guerre des monnaies? Malgré les dénégations des autorités monétaires nationales et internationales, le spectre d une guerre des monnaies est bien réel. Chaque pays essaierait alors de déprécier sa monnaie par rapport aux autres pour obtenir une compétitivité extérieure. Quand on dit «chaque pays» il s agit principalement de 3 monnaies en cause : le dollar, le yuan et l euro (avec également le problème du yen et de la livre). Il faut se rappeler qu il existe trois moyens pour «jouer» sur la valeur de sa monnaie : - le 1 moyen consiste à diminuer les taux d intérêts de la banque centrale (les taux directeurs) : la détention de cette monnaie devient moins rentable et les financiers internationaux vendent cette monnaie pour en acquérir une plus rentable. Mais les marges de manœuvre sur les taux sont devenues très étroites

- le second moyen consiste de la part d une banque centrale à vendre directement sur le marché monétaire des titres de dettes de sa propre monnaie et d acquérir des titres de dettes d une monnaie étrangère. La loi de l offre et de la demande fait alors monter la valeur de la monnaie acquise au détriment de la monnaie vendue - le 3 moyen, le plus d actualité, consiste à inciter les banques centrales à inquiéter les financiers internationaux et à les inciter à vendre cette monnaie : c est ce que font les Etats-Unis : ils rachètent très massivement de la dette américaine (pour 600 milliards $) ce qui jette un doute sur la fiabilité de cette monnaie. Les spéculateurs se réfugient donc dans des monnaies jugées plus sûres, à savoir l euro (et le yuan). La guerre de monnaies peut alors avoir lieu, chaque pays essayant d obtenir une valeur inférieure à celle du «voisin». Le problème dans cette «guerre des monnaies» est de savoir qui

Pour mener une guerre, il faut au moins un général et un objectif : Or l euro ne dispose ni de l un ni de l autre : - il n y a pas d autorité politique pour définir ce qui devrait être la valeur «correcte» de l euro par rapport aux autres monnaies et qui favoriserait les intérêts de la zone euro - il n y a as de consensus sue ce que doit être la valeur de l euro : Les Allemands, les Autrichiens, les Finlandais, les Pays-Bas estiment que l euro doit se valoriser par rapport aux autres monnaies et qu il doit par-dessus tout être stable. les pays de la «périphérie» (Grèce, Irlande, Espagne France) estiment que le cours de l euro est trop élevé et que cela mine leur compétitivité : ils militent alors pour un euro «faible». En clair, dans la guerre des monnaies qui s annonce, l euro risque d être une monnaie sans général et sans stratégie.

Conclusion : l existence de la zone euro est-elle menacée? Au milieu du mois de Novembre, devant l aggravation de la crise de la dette Irlandaise, la question de la survie de la zone euro a été crûment posée par M Van Rompuy qui pensait, en outre, que la fin de la zone euro pouvait signifier la fin de l Union européenne. Derrière l exagération et la dramatisation, il y a en effet une véritable inquiétude sur la capacité de la zone euro à surmonter ses contradictions, et «certains» envisagent désormais un «après euro». Trois scénarii peuvent alors se dessiner : - un scénario rose qui voudrait que la zone euro surmonte ses problèmes conjoncturels et structurels, et se dote de moyens politiques permettant d éviter les crises futures et de définir une politique commune pour l euro. Ce scénario n est pas forcément le plus invraisemblable et on peut penser que «tout le monde» le souhaite.

- un scénario gris voudrait que quelques pays «de la périphérie» (Portugal, Espagne, Italie ) décident de quitter la zone euro et d en revenir à leurs monnaies nationales. Un tel scénario existe pour le Portugal : l Escudo serait alors immédiatement dévalué par rapport aux autres monnaies, ce qui doperait la compétitivité des pays, mais cela ruinerait en même temps leur pouvoir d achat interne ( le prix des importations devenant beaucoup plus élevé). - un dernier scénario voudrait que les pays «sages et vertueux» décident de créer une union monétaire entre eux, demandant des gages très sévères pour les pays qui voudraient les rejoindre (dont la France). Les allemands, discrètement, pensent à un tel scénario, qui est un véritable cauchemar pour la France. Mais ne dit-on pas que ce qui est imaginé devient dés lors crédible?