V O L U M E 1 2 N U M É R O S e p t e m b r e 2012 3 2 0 Internationalisation précoce : Les bases d une entrée efficace sur les marchés étrangers dès la création de l entreprise Bulletin InfoPME Le bulletin InfoPME a pour objectif de présenter des statistiques fidèles et à jour sur l état des PME, des chroniques sur des thèmes d actualité importants et des notes sur divers phénomènes touchant les PME afin de fournir des informations pertinentes aux entrepreneurs, aux conseillers économiques, aux consultants, aux banquiers et aux chercheurs intéressés au développement de ces entreprises. Il est publié trois fois par année et disponible sur le site www.uqtr.ca/larepe. Éditorial L internationalisation des activités commerciales des entreprises et principalement l exportation est souvent perçue comme étant réservée aux entreprises ayant une certaine maturité et des ressources importantes. Or, comme on le voit depuis près d une vingtaine d années, de jeunes entreprises réalisent des ventes à l étranger très tôt après leur création, et parfois même sans jamais vendre leurs produits dans leur propre pays. Les risques et les difficultés d exporter ses produits sont pourtant un défi que ne veulent pas relever de nombreuses entreprises qui auraient pourtant le potentiel de vendre à l étranger. L exportation précoce demande donc de posséder certains avantages pour réussir : un produit unique, des dirigeants ouverts aux différences culturelles mais aussi à l idée de s allier à divers partenaires, et une utilisation intense des outils technologiques pour réduire la distance physique et les différents coûts liés aux déplacements et aux communications. Les résultats de recherche présentés ici montrent cependant qu il n existe pas un modèle unique pour réussir à exporter rapidement après sa création. Selon la configuration de l entreprise, son marché, ses atouts et ses déficiences, les facteurs clés joueront des rôles différents où la faiblesse de l un sera compensée par la force de l autre. Cette recherche, bien qu elle soit relativement modeste vu le nombre limité de cas étudiés, est une autre démonstration de l hétérogénéité des PME et des difficultés à trouver un mode d organisation qui puisse être généralisé et garantir le succès à tous les chefs d entreprise. Cependant, elle démontre aussi que les dirigeants motivés à réussir malgré certaines lacunes organisationnelles, font preuve de talents pour trouver des solutions aux défis qui se présentent à eux. Josée St-Pierre, Ph.D. Directrice Laboratoire de recherche sur la performance des entreprises
Internationalisation précoce : Les bases d une entrée efficace sur les marchés étrangers dès la création de l entreprise JORIS DESMARES-DECAUX, MBA gestion internationale des PME. Institut de recherche sur les PME, Université du Québec à Trois-Rivières Courriel : joris.desmares-decaux@uqtr.ca 1. LES FACTEURS EXPLICATIFS DE L INTERNATIONALISATION PRECOCE La mondialisation de l économie et l'ouverture des marchés ont entrainé de nombreuses difficultés pour les PME des pays développés confrontées à une compétition croissante venant notamment des pays émergents tels que ceux du BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine). Parallèlement, les changements dans les habitudes de consommation, la diminution des barrières douanières ou la suppression de frontières suite à des accords comme l'aléna et l Union Européenne ont permis une augmentation des opportunités d affaires. Pour les saisir, les PME doivent toutefois internationaliser leurs activités afin de pouvoir répondre aux exigences du commerce international et d une concurrence mondialisée. L internationalisation, et en particulier l exportation, ne se limite plus aux entreprises expérimentées ayant consolidé dans un premier temps leur marché local avant de se lancer dans l arène internationale. En effet, on constate de plus en plus que des PME jeunes, inexpérimentées et avec peu de ressources s installent rapidement après leur création sur des marchés étrangers, qu ils soient éloignés ou rapprochés de leur territoire. Ces entreprises très actives à l international, appelées «born global» ou «international new venture» (INV), illustrent aussi très bien le fait que la taille ne constitue pas un facteur critique pour exporter comme cela a souvent été évoqué. Depuis le début des années 1990, de nombreuses études se sont intéressées aux facteurs qui permettent d expliquer cet engagement précoce sur les marchés étrangers, alors que ces décisions présentent d importants défis. Ces études ont permis de faire ressortir différents facteurs explicatifs que nous avons regroupés en quatre catégories tels que rapportés dans la figure 1 à savoir l environnement externe, le dirigeant, le capital intangible et les stratégies, et qui sont discutés plus bas. Figure 1 : Facteurs explicatifs de l'internationalisation précoce Environnement externe (E²) Dirigeant (D) Capital intangible (Ci) Stratégies (S) Ouverture des marchés (mondialisation) Secteur industriel Milieu géographique Expériences (personnelle, professionnelle) Vision internationale Compétences et connaissances Capital humain (expériences, connaissances des employés) Capital organisationnel (procédés, culture d'entreprise) Capital social (résaux) Capital technologique (équipements, logiciels, façons de faire) Différentiation Niche (spécialisation) Page 1
L ENVIRONNEMENT EXTERNE L'environnement externe rassemble des facteurs tels que le degré d'ouverture des marchés (mondialisation) et le secteur industriel dans lequel évolue l entreprise qui peuvent être source d opportunités et influencer l'élaboration des stratégies à mettre en place, mais aussi le milieu géographique où elle se situe. Ainsi la localisation dans un grand centre urbain permet une proximité avec des infrastructures tels que les aéroports et ports internationaux, axes routiers, organismes gouvernementaux d aides comme les ORPEX 1 ou de main-d œuvre qualifiée. En revanche, un milieu éloigné moins riche en infrastructures peut présenter d autres avantages tels que bénéficier de grands espaces à faibles coûts. LE DIRIGEANT (OU EQUIPE DIRIGEANTE) Les diverses expériences professionnelles, personnelles et aussi internationales du dirigeant (voyages personnels ou d affaires), ainsi qu une «mentalité» (vision) internationale, permettent de faire face à certaines difficultés, notamment celles liées aux différences culturelles, et de mieux affronter l incertitude. C est au travers des caractéristiques et capacités du dirigeant que l entreprise pourra se doter de connaissances pertinentes pour conquérir les marchés internationaux. Parallèlement, la maitrise de l anglais est une condition essentielle à la réussite de l engagement international. Aussi, on notera qu un nombre important d entreprises sont créées par des «équipes dirigeantes» dont les membres disposent d expériences et d expertises complémentaires, celles-ci permettant de mieux affronter la grande diversité des défis liés aux activités (production, gestion, commerce, logistique, juridique, etc.). Les entreprises dirigées par plusieurs associés bénéficient d une variété de compétences qui facilitent ainsi l engagement international. La saisie d une opportunité internationale constitue l élément déclencheur de l internationalisation précoce. Celle-ci peut résulter d une perception de tendances sur un marché, de nouveaux comportements d entreprises ou de consommateurs. C est au travers des capacités et expériences du dirigeant que les opportunités sont interprétées. LE CAPITAL INTANGIBLE La jeune entreprise doit compter sur des ressources accessibles afin de combler, notamment et en partie, ses capacités financières réduites qui pourraient limiter les investissements à réaliser dans sa structure et ses activités. Ces diverses ressources peuvent être apportées par : les employés (capital humain), qui par leurs capacités (linguistique par exemple) compétences et connaissances, peuvent faciliter certaines démarches de l entreprise ou permettre la suggestion d idées qui contribuent au développement de nouveaux produits et aussi de nouveaux marchés ; les réseaux tissés par le(s) dirigeant(s) (capital social) qu ils soient personnels (famille, amis), d affaires, associatifs ou institutionnels (organismes gouvernementaux), permettent notamment l interprétation et la saisie d opportunités, l accès à des aides et des conseils lors de l arrivée sur les marchés étrangers et la recherche de partenaires d affaires ; 1- Organismes Régionaux de Promotion des Exportations. Page 2
les routines, procédés ou techniques mises en place par l'entreprise (capital organisationnel) procurent une source d'avantages concurrentiels non négligeable lors de l exportation. Cela peut être la détention de brevet ou la mise en place d une «culture» d innovation incitant à une amélioration continue des produits ou procédés ; les nouvelles technologies (capital technologique), dont les technologies de pointe accroissent les possibilités d exportation précoce en facilitant la gestion courante ou encore la production de l entreprise. Par ailleurs l Internet constitue un outil indispensable dans la récupération et la saisie d'informations, la diffusion marketing, mais aussi dans le suivi des clients (site, réseaux sociaux, forums spécialisés etc.). LES STRATEGIES Mises en place par le dirigeant, l élaboration notamment de stratégies marketing, de spécialisation (marché de niche), de qualité et de relation client assurent un accès et un maintien plus efficace sur les marchés internationaux. La relation client est importante car elle permet d assurer notamment une amélioration des produits/services pour que ceux-ci demeurent pertinents pour le marché. Il faut aussi compter sur une stratégie d innovation et de différenciation permettant à l entreprise de se distinguer des concurrents. L innovation est définie comme «la mise en œuvre d'un produit (bien ou service) ou d'un procédé nouveau ou sensiblement amélioré, d'une nouvelle méthode de commercialisation ou d'une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques de l'entreprise, l'organisation du lieu de travail ou les relations extérieures» 2. L innovation et la détention d un produit unique constituent une base essentielle de l internationalisation précoce et au maintien des activités internationales. Comment ces différents facteurs se mettent en place dans les jeunes PME? C est ce que nous avons étudié en analysant le processus d internationalisation de trois jeunes entreprises québécoises et ce qui conditionnait leur réussite. Nous en discutons dans les prochaines sections. 2. MISE EN CONTEXTE ET FACTEURS DÉTERMINANTS DE L INTERNATIONALISATION PRÉCOCE Dans le cadre de notre recherche, nous avons rencontré les dirigeants de trois entreprises manufacturières québécoises indépendantes, leader dans leur domaine, ayant réussi à exporter dans les premiers mois après leur création (tableau 1). Nous leur avons demandé de nous faire part de leur expérience, dans le but d identifier les éléments clés de leur réussite. Rappelons que ces entreprises sont jeunes et ont peu de ressources même humaines, ce qui occasionne rapidement une surcharge d activités chez les dirigeants, d où l importance de voir à une allocation des ressources la plus optimale possible. 2- Définition de l OCDE (2006). Manuel d'oslo: Principes directeurs pour le receuil et l'interprétation des données sur l'innovation (3e éd.). Éditions OCDE. Page 3
Tableau 1 : Quelques caractéristiques des entreprises étudiées Entreprises AERIS MENSURA VIRIDIS Année de création 2008 2009 2008 Délais entre la création et la première exportation Quelques mois Quelques mois Quelques mois Nombre de pays desservis 27 10 1 Exportateur hors Aléna Oui Oui Oui Nombre d employés à la création Nombre de dirigeants à la création 2 5 6 2 3 3 Ventes à l étranger 80% 80-90% 100% Position mondiale Top 5 Leader Leader AERIS L entreprise Aéris a été créée en 2008 par deux associés d origine française, et se spécialise dans la conception-fabrication d appareils de loisir motorisés. Elle est située en région, la privant de la présence de transporteurs expérimentés, mais sa localisation lui permet de pouvoir bénéficier des grands espaces à faibles coûts. L une des principales motivations à la création fut de fabriquer un produit nouveau, innovant et différent de la concurrence dans le but de le vendre à l étranger. Dans les premiers mois de sa création, les dirigeants effectuaient eux-mêmes les exportations vers les clients finaux ce qui s est avéré devenir rapidement un facteur de risque vu l augmentation de la clientèle. Ils ont donc signé des accords avec des compagnies de transport internationales dans plusieurs pays pour faciliter la distribution 3, ce qui a été un élément clé de la croissance, les dirigeants pouvant alors se consacrer davantage au développement des affaires. Développer un nouveau produit a nécessité des investissements en R&D pour le distinguer de la concurrence. Ces activités de recherche et les nombreux tests nécessaires pour assurer la qualité et la sécurité des produits ont entraîné une pression importante sur les ressources financières dans les mois suivant la création. MENSURA Située dans l agglomération de Montréal, Mensura fût créé en 2009 par trois associés suite à la fermeture de leur précédente entreprise. L équipe dirigeante est composée de deux jeunes associés québécois, encore étudiants lors de la création, et d un ingénieur français plus expérimenté, inventeur du produit. Le marché sur lequel œuvre l entreprise est celui de la fabrication d appareil de mesure et elle exporte sur plusieurs continents (dix pays en tout). Tout comme Aéris, l entreprise a exporté elle-même ses produits vers ses clients finaux, puis a décidé de faire appel à un distributeur afin de gagner du temps pour les autres activités. Mensura a noué ce partenariat pour combler son manque de connaissances et ses ressources financières limitées. Aussi, la petite taille de l équipe ne permettait pas de répondre aux besoins de nombreux clients et rendait difficile la gestion des exportations. Leur produit unique, inventé au Québec, est protégé par des brevets un peu partout dans le monde. Lors de l entrevue, les dirigeants ont évoqué les problèmes financiers rencontrés à la création de l entreprise, problèmes en partie atténués grâce à l aide de divers organismes publics. Bien que n ayant aucune expérience dans la gestion internationale d une entreprise, l ensemble des expériences liées au niveau de l éducation, de la connaissance du produit, de la maitrise de langues étrangères ou de la détention de savoir-faire technique et spécifique, ont assuré aux dirigeants des connaissances clés dans tout le processus d exportation. 3- L entreprise a signé des accords avec un distributeur par pays, soit 27 au total. «On fonctionne sauf exceptions avec un importateur par pays». Page 4
VIRIDIS. Localisée à Montréal, l entreprise Viridis a été créée en 2008 par trois associés québécois qui ont mentionné que la création visait exclusivement l exportation. Malgré cela, Viridis commença à exploiter le marché québécois entre la création et les premières exportations. Contrairement aux autres entreprises, Viridis a décidé d effectuer elle-même la distribution de son produit via une filiale sur son seul marché desservi, alors que son produit est fabriqué au Canada. Ce produit, qui est protégé par brevet et dont la qualité a été approuvée par des organismes indépendants, est totalement nouveau sur le marché étranger. Pour faciliter son intégration sur ce marché, les dirigeants ont déployé d importants efforts de représentation visant sa reconnaissance légale auprès des autorités, en faisant appel à différentes personnes de leur réseau. Cette reconnaissance et le brevet ont toutefois pour effet d attirer d éventuels compétiteurs. L entreprise se voit donc contrainte à offrir des prestations nouvelles pour se démarquer de ces nouveaux concurrents et ses innovations ont principalement porté sur les méthodes de commercialisation du produit. 3. L EXPORTATION PRÉCOCE : UN JEU DE COMPENSATIONS PLUTOT QU UN MODELE UNIQUE L analyse des différents cas a permis de constater que les quatre facteurs identifiés dans la figure 1 ont joué des rôles pouvant différer d une entreprise à une autre. Cela illustre que le processus d internationalisation des entreprises «born global» n est pas «tracé» de façon unique et rigide et que la réussite des exportations précoces se réalise à partir de conditions initiales différentes. En d autres termes, le succès international ne peut être le fruit d un comportement homogène de toutes les entreprises, et chaque processus est le résultat d une configuration différente de l ensemble des facteurs convenant à la réalité de chaque entreprise. Des dirigeants ayant des expériences différentes, visant un marché spécifique, utilisant des technologies particulières ne peuvent tous adopter le même processus d internationalisation. Les différents liens établis entre les facteurs ont permis de révéler un jeu de «compensation» en cas de faiblesse d un ou plusieurs d entre eux (figure 2). Figure 2 : Liens entre les facteurs clés de l exportation C s : Capital social ; C t : Capital technologique C h : Capital humain C i : Capital intellectuel E 2 : Environnement externe D 1, D 2 : Dirigeants 1 et dirigeant 2 4- Gartner, W. B. (1985). A conceptual framework for describing the phenomenon of new venture creation. The Academy of Management Review, 10 (4), 696-706. Parmi les difficultés communes des trois entreprises étudiées, figurent les faibles connaissances et compétences en gestion internationale des dirigeants, bien que certains d entre eux aient déjà une expérience de gestionnaire. Dans les cas des entreprises Viridis et Mensura, les dirigeants ont fait appel au capital social pour combler cette lacune, à travers les conseils et les formations venant d organismes, et les réseaux personnels. Page 5
L entreprise Mensura a aussi bénéficié d aide et d assistance de la part du gouvernement (environnement externe). Pour sa part, Aéris a eu recours à du capital technologique plutôt qu au capital social. En plus des «essais-erreurs» comme le mentionnait le dirigeant principal lors de l entrevue, ses lacunes ont été comblées par la mise en place d un ensemble de systèmes automatisés permettant de faciliter au mieux ses exportations. Cette stratégie a aussi été utilisée par Mensura qui a implanté des logiciels pour aider les dirigeants dans les tâches liées à l exportation. Ces observations renvoient à l étude de Gartner 4 illustrant que les nouvelles entreprises sont configurées comme un ensemble d'éléments (un gestalt) devant être équilibrés par différents liens. Et cet équilibre peut être obtenu de multiples façons comme l ont montré les trois cas, et sur un échéancier propre à chaque entreprise. Ces liens permettant de comprendre à la fois l articulation entre les facteurs et l idée de compensation, donnent lieu à la formation d un «tout cohérent» pour permettre une exportation rapide. Cela évoque la notion de «système» ou «d'ensemble organisé» en vue de répondre à un objectif qui, dans notre cas, est l exportation. L analyse a relevé une autre forme de compensation observée concernant le nombre de personnes formant l équipe dirigeante. Aucune des trois entreprises n est dirigée par une seule personne. Lors des entrevues, tous ont mentionné que la complémentarité des compétences et connaissances des associés a joué un rôle primordial dans le processus d internationalisation. Ainsi, nous trouvons dans chaque entreprise des dirigeants aux profils différents, soit le plus souvent un dirigeant plus technique et l autre plus orienté sur la gestion. 4. LES BASES D UNE INTERNATIONALISATION PRÉCOCE REUSSIE L analyse des différents cas a permis de constater que les quatre facteurs identifiés dans la figure 1 ont joué des rôles pouvant différer d une entreprise à une autre. Cela illustre que le processus d internationalisation des entreprises «born global» n est pas «tracé» de façon unique et rigide et que la réussite des exportations précoces se réalise à partir de conditions initiales différentes. En d autres termes, le succès international ne peut être le fruit d un comportement homogène de toutes les entreprises, et chaque processus est le résultat d une configuration différente de l ensemble des facteurs convenant à la réalité de chaque entreprise. Des dirigeants ayant des expériences différentes, visant un marché spécifique, utilisant des technologies particulières ne peuvent tous adopter le même processus d internationalisation. Au-delà de la détermination des facteurs nécessaires à l exportation précoce ainsi que des liens et du jeu de compensation existant entre eux, l analyse a permis de faire ressortir une importance plus prononcée de certains éléments pouvant être considérés comme «le centre névralgique» de l internationalisation des entreprises étudiées à savoir le dirigeant, les réseaux (capital social), les nouvelles technologies (capital technologique) et la possession d un produit unique. L importance pour le dirigeant d avoir une mentalité (ou vision) internationale est démontrée, celle-ci facilitant les défis posés notamment par l entrée sur des marchés ayant une culture différente. Dans les entreprises étudiées, au moins un des dirigeants possédait une expérience internationale avant la création que ce soit par son origine, ou par des expériences professionnelles ou personnelles antérieures. Ces expériences ont été déterminantes dans la réussite des exportations pour les entreprises Aéris et Mensura dans la mesure où elles ont permis notamment de saisir des opportunités et construire des réseaux. Aussi, la méconnaissance des rudiments de la gestion internationale a été compensée, chez Aéris, par une connaissance approfondie du secteur d activités et de Page 6
l environnement externe. Par ailleurs, la maîtrise de plusieurs langues dont l anglais s est aussi révélée indispensable, permettant de dépasser les barrières linguistiques et d offrir l accès à des marchés qui n étaient pas prévus à l origine. Les réseaux trouvent leur utilité dans la découverte et la saisie d opportunité, mais aussi lors de l arrivée de l entreprise sur les marchés étrangers. Qu ils soient personnels, d affaires ou institutionnels (avec des organismes gouvernementaux), ils apportent l aide et les conseils nécessaires pour faciliter et accélérer les démarches ou en cas de difficultés rencontrées par l entreprise tout au long de son processus d internationalisation (par exemple l adaptation culturelle ou la connaissance de normes internationales à respecter). Ajoutons que la facilité pour le dirigeant d établir des liens avec des partenaires à l étranger est tout aussi importante que la disposition d un réseau au démarrage de son activité. Ces liens peuvent s établir avec les clients, mais aussi avec des fournisseurs, des distributeurs, des conseillers et des représentants gouvernementaux. Dans le cas des entreprises Aéris et Mensura, les réseaux ont permis de réduire les délais dans la recherche de différents partenaires, mais aussi les coûts d exportation en établissant des liens avec des entreprises de distribution. Ces dernières ont pu offrir toute leur expertise aux jeunes entreprises et ainsi permettre de gagner en efficacité. Numéros précédents Numéro 3 : septembre 2011 L internationalisation des PME dans un contexte global : Synopsis à partir d une enquête réalisée auprès de manufacturiers québécois Numéro 1 : janvier 2012 «Diagnostiquer» la capacité d innovation des PME par un outil systémique : Innostic Numéro 2 : mai 2012 Stratégie et pratiques d affaires : Un alignement qui conduit à la performance L accès aux marchés étrangers est facilité par l utilisation de nouvelles technologies. Première d entre elles, l Internet, même si on ne peut le considérer comme une technologie récente. Il demeure un outil indispensable pour toute nouvelle entreprise par les nombreuses possibilités offertes mais aussi par son faible coût et sa grande accessibilité. Ainsi la création d un site Internet, l utilisation des réseaux sociaux ou forums sont des moyens peu coûteux et efficaces pour accroitre sa visibilité, déterminer les nouvelles tendances du marché, permettre un suivi de ses clients et proposer de nouveaux produits. À cela s ajoutent les technologies dites de «pointes» utiles lors de la conception des produits qui permettent d offrir d avantage de flexibilité, de rapidité d exécution, de contrôle des coûts et d assurance de qualité. Les entreprises étudiées ont misé sur l importance de l utilisation des nouvelles technologies. L utilisation des réseaux sociaux et des forums pour le suivi des clients et des concurrents ainsi que la diffusion marketing des produits ont été souvent soulignés. L utilisation de technologies de pointe a été nécessaire pour la conception du produit de Mensura qui représente une certaine complexité. Enfin, la mise en place de systèmes informatisés et l utilisation de nouveaux logiciels de gestion ont permis respectivement aux entreprises Aéris et Mensura de faciliter la gestion de leurs exportations. Enfin, l'offre d'un produit innovateur ayant des caractéristiques uniques permet d accroitre et d accélérer la pénétration sur un marché et de se distinguer de la concurrence. Aussi, les trois cas ont révélé que les entreprises devaient exploiter le label «made in Canada» étant donné l image de qualité et de fiabilité qu il renvoie. Il convient aussi de maintenir une capacité d innovation après l arrivée sur les marchés étrangers (innovation continue) pour que la jeune entreprise puisse conserver sa position. L innovation continue est notamment facilitée par les suggestions des employés et le suivi assuré auprès des clients. Aussi, les trois entreprises ont mentionné qu elles procédaient à de l innovation continue grâce à de la recherche et développement (R&D) afin de ne pas se faire distancer par d éventuels concurrents. 5. CONCLUSION La recherche effectuée sur trois entreprises québécoises m0ntre qu il est possible de jouer un rôle actif sur les marchés internationaux très tôt après la création, dès lors que l entreprise dispose de certains facteurs spécifiques. Dans ce contexte changeant engendré par la mondialisation, des opportunités nombreuses peuvent rapidement être saisies en Page 7
comblant les lacunes liées aux ressources limitées, par des contacts de différentes natures, par une forte implication du personnel, par l utilisation de différentes technologies et par une connaissance pointue des différents enjeux des activités internationales et des risques qu elles présentent. Ajoutons à cela la nécessité de détenir un produit unique qui permet d attirer les clients étrangers et de distinguer l entreprise de ses concurrents locaux. Une autre condition mise de l avant par les trois études de cas est la direction conjointe de l entreprise grâce à des expertises complémentaires et une vision internationale du développement des affaires. Dans les trois cas, les dirigeants n ont pas envisagé le marché canadien pour lancer leur entreprise, se sentant prêt à affronter l incertitude des activités internationales. Cet état d esprit est essentiel pour réussir à surmonter les nombreux défis présents dans les activités internationales compte tenu de la distance physique et culturelle séparant les dirigeants de leur marché. Notons finalement qu il n existe pas de modèle «unique» pour réussir à l international en dépit de ressources réduites et d une expérience managériale limitée. Le processus d internationalisation des entreprises «born global» donne ainsi tout son sens au célèbre proverbe, «tous les chemins mènent à Rome!» Institut de recherche sur les PME Université du Québec à Trois-Rivières 3351, boul. des Forges, C.P. 500 Trois-Rivières (Québec) G9A 5H7 www.uqtr.ca/inrpme Téléphone : 819 376-5011, poste 4043 Sans frais : 1 800 365-0922 Télécopieur : 819 376-5138 www.uqtr.ca/larepe larepe@uqtr.ca Page 8