1 ères Rencontres parlementaires sur les Tumeurs rares. «Tumeurs rares : un enjeu pour la recherche au service de tous»

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1 ères Rencontres parlementaires sur les Tumeurs rares «Tumeurs rares : un enjeu pour la recherche au service de tous»

«Tumeurs rares : un enjeu pour la recherche au service de tous» ACTES DES RENCONTRES (16 mars 2011) Présidées par Dr Yves BUR Député du Bas-Rhin, rapporteur du budget de la Sécurité sociale Sous le haut patronage de Xavier BERTRAND Ministre du Travail, de l Emploi et de la Santé

SOMMAIRE OUVERTURE DES RENCONTRES 1 Dr Yves BUR Député du Bas-Rhin, rapporteur du budget de la Sécurité sociale TABLE RONDE I 5 DIAGNOSTIC, INFORMATION, TRAITEMENT Introduction 7 Catherine GÉNISSON* Députée du Pas-de-Calais, vice-présidente de la Commission des affaires sociales Présentation des résultats de l enquête réalisée 8 par le Cercle des tumeurs rares Dr Yves BUR Député du Bas-Rhin, rapporteur du budget de la Sécurité sociale Témoignages Association Sclérose Tubéreuse de Bourneville 10 Céline BERTRAND-HARDY Présidente, Association Sclérose Tubéreuse de Bourneville Association Abigaël 16 Philippe BLIN Président, Association Abigaël Association «Ensemble contre le GIST» 20 Estelle LECOINTE Présidente, Association «Ensemble contre le GIST» Tumeurs rares : faits et chiffres Les tumeurs malignes rares 27 Dr Christine BARA Directrice des Soins et de la Vie des malades, INCa Les tumeurs bénignes rares 32 Pr Jean-Pierre GRÜNFELD Rapporteur du plan Cancer

Suivi et parcours de soins Le diagnostic : rôle de l anatomopathologiste. 35 L équipe experte au sein du réseau collaboratif. Pr Jean-François ÉMILE Chef du Service Anatomie pathologique, Hôpital Ambroise Paré Les centres de référence : organisations et missions. 38 Quelles avancées? Pr Jean-Yves BLAY* Oncologue, Centre de lutte contre le cancer Léon Bérard (Lyon), président de l European Organisation for Research and Treatment of Cancer (EORTC) Quelle prise en charge adaptée à l enfant? 41 Pr André BARUCHEL* Chef du Service d immuno-hématologie pédiatrique, Hôpital Robert Debré Le rôle des Agences régionales de santé 44 Pierre-Jean LANCRY Directeur général, ARS Basse Normandie DÉBAT 46 TABLE RONDE II 49 PERSPECTIVES ET SUCCÈS Introduction 51 Claude GREFF Députée d Indre-et-Loire, co-présidente du Groupe d études «Cancer et causes sanitaires nationales» Comment mieux intégrer la recherche sur les tumeurs rares 53 aux politiques de santé? Pr Jacques DOMERGUE* Député de l Hérault Regard européen 55 Françoise GROSSETÊTE Députée européenne Réseau de recherche clinique dans les tumeurs rares, un exemple 58 Pr Yazid BELKACEMI Oncologue-radiothérapeute, CHU Henri Mondor, président de l Association de radiothérapie et d oncologie de la Méditerranée et membre du Rare Cancer Network

La recherche universitaire : enjeux théoriques et pratiques. 60 Quelle place pour la formation? Pr Jean-Yves BLAY* Oncologue, Centre de lutte contre le cancer Léon Bérard (Lyon), président de l European Organisation for Research and Treatment of Cancer (EORTC) Quelles contributions possibles de l industriel du médicament? 62 Dr Christine CHATEAUNEUF Directeur Oncologie, Novartis Pharma Comment mieux intégrer la recherche sur les tumeurs rares 64 aux politiques de santé? Dr Gérard BAPT Député de Haute-Garonne, rapporteur spécial (santé) au nom de la Commission des finances, de l économie générale et du contrôle budgétaire DÉBAT 66 CONCLUSION LES ACTIONS À METTRE EN PLACE POUR ALLER PLUS LOIN Estelle LECOINTE 71 Présidente, Association «Ensemble contre le GIST» Céline BERTRAND-HARDY 73 Présidente, Association Sclérose Tubéreuse de Bourneville Dr Yves BUR 75 Député du Bas-Rhin, rapporteur du budget de la Sécurité sociale * Synthèse des propos non validée par son auteur (intervention liminaire et échanges avec la salle)

Ouverture des Rencontres Dr Yves BUR Député du Bas-Rhin, rapporteur du budget de la Sécurité sociale Docteur en chirurgie dentaire, Yves BUR est maire de Lingolsheim depuis 1995 et élu député de la 4 ème circonscription du Bas-Rhin la même année. Membre de la Commission des affaires sociales, il préside le Groupe d études sur le médicament et les produits de santé. Rapporteur recettes et équilibre général du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour la Commission des affaires sociales, il est également membre titulaire de la Commission des comptes de la Sécurité sociale, membre titulaire du Conseil de surveillance du fonds de réserve pour les retraites et membre titulaire du Haut conseil pour l'avenir de l Assurance maladie. Dans le cadre de la Commission des affaires sociales, il a présidé la mission d'information sur les Agences régionales de santé. Mesdames et messieurs, chers collègues parlementaires, mesdames et messieurs les directeurs régionaux des agences de santé, messieurs les professeurs, mesdames et messieurs les présidents et présidentes d association de patients, je suis heureux de vous accueillir pour ces 1 ères Rencontres parlementaires sur les Tumeurs rares. Formes rares de tumeurs bénignes ou malignes des os, du cerveau, des glandes endocrines pour n en citer que quelques-unes, individuellement, chacun de ces cancers touche moins de 3 personnes sur 100 000 par an. Pourtant, 2,5 millions d Européens sont touchés par ces tumeurs rares encore trop souvent méconnues. La conséquence de la rareté qui caractérise ces tumeurs est l errance diagnostique et une prise en charge parfois inadéquate. Dans un tel contexte, le rôle des associations de patients, qui s intègrent progressivement au parcours de soins dans l ensemble du champ sanitaire s avère ici déterminant. Pourtant l information et le soutien dont bénéficient les patients concernés restent encore 1

trop souvent inégaux. Avec quelques collègues comme Gérard Bapt, Jacques Domergue, Catherine Génisson, nous avons souhaité adhérer au Cercle des Tumeurs rares créé en novembre 2008. Il s agit d un cercle de réflexion et d action au service des patients atteints de tumeurs rares dans le but de susciter de l information, des échanges et une meilleure collaboration entre l ensemble des acteurs impliqués dans la lutte contre ces pathologies rares. La principale mission que nous nous sommes fixés est de promouvoir une égalité d accès au traitement, au centre de référence, qui constitue souvent la réponse à la meilleure prise en charge possible. Ce cercle rassemble, outre les parlementaires, des professionnels de santé, des associations de patients qui souhaitent apporter leur engagement au service des malades souffrant de ces tumeurs rares. Dans un contexte où la rareté est encore trop souvent synonyme d isolement, le Cercle des Tumeurs rares poursuit trois objectifs essentiels. Le premier consiste à mieux connaître et faire connaître les tumeurs rares. J avoue que je n y connaissais pas grand-chose avant de m y intéresser. Le deuxième tient à agir pour améliorer la prise en charge. Dans le cadre du plan cancer 2009-2013, la prise en charge de huit cancers rares a pu s organiser autour de centres de référence nationaux et régionaux, dans le but de faciliter le parcours de soins du patient, sa prise en charge rapide et de qualité ainsi que le développement de programmes de recherche ambitieux favorisés par le regroupement et le travail en réseau. Il s agit enfin de fédérer et accompagner l ensemble des acteurs impliqués sur le terrain. L activité du Cercle s est structurée autour de trois grands domaines : améliorer la visibilité et l accessibilité de l information pour les patients comme pour les professionnels ; mieux appréhender et comprendre les situations et les pratiques touchant aux tumeurs rares afin d accroître la qualité des réponses apportées dans la prise en charge ; favoriser les échanges entre les différents acteurs pour promouvoir la valorisation et le partage des savoirs et des expériences. 2

Le 16 octobre 2010, une première rencontre de l ensemble des associations de patients souffrant de tumeurs rares a permis de mieux cerner la réalité du vécu des malades et leurs attentes en termes de prise en charge et d information. Cette journée associative s est appuyée notamment sur les résultats d une étude nationale sur la prise en charge des tumeurs rares. Les associations présentes ont contribué activement à préparer ces premières rencontres dont l objectif est de mieux comprendre les tumeurs rares et d identifier les principales actions pour assurer une meilleure prise en charge des patients. Mais au-delà du parcours de soins, il s agit aussi de faire comprendre aux responsables politiques et administratifs, aux décideurs que nous incarnons que les travaux de recherche sur les tumeurs rares, s ils constituent bien sûr un espoir pour les malades, seront aussi utiles à toute la recherche en oncologie. En vous accueillant nombreux ce matin dans cette salle Victor Hugo, au cœur de l Assemblée nationale, nous avons souhaité donner à cette cause, encore trop méconnue, une meilleure visibilité. C est en rencontrant dans le cadre du Cercle des Tumeurs rares les représentants associatifs, qui affrontent courageusement leur maladie tout en assumant un engagement collectif au service des autres malades, qui m ont profondément marqué, que j ai décidé de donner un peu de mon temps et de mon énergie au service de cette cause. Puisse cette matinée de travail et d échange être utile à l amélioration de la prise en charge de ces maladies et surtout des malades qui ont besoin, dans la lutte qui est la leur au quotidien contre la maladie, de notre soutien. 3

4

TABLE RONDE I DIAGNOSTIC, INFORMATION, TRAITEMENT Président Catherine GÉNISSON Députée du Pas-de-Calais, vice-présidente de la Commission des affaires sociales Intervenants Dr Christine BARA Directrice des Soins et de la Vie des malades, INCa Pr André BARUCHEL Chef du Service d immuno-hématologie pédiatrique, Hôpital Robert Debré Céline BERTRAND-HARDY Présidente, Association Sclérose Tubéreuse de Bourneville Pr Jean-Yves BLAY Oncologue, Centre de lutte contre le cancer Léon Bérard (Lyon), président de l European Organisation for Research ant Treatment of Cancer (EORTC) Philippe BLIN Président, Association Abigaël Pr Jean-François ÉMILE Chef du Service Anatomie pathologique, Hôpital Ambroise Paré Pr Jean-Pierre GRÜNFELD Rapporteur du plan Cancer 5

Pierre-Jean LANCRY Directeur général, ARS Basse Normandie Estelle LECOINTE Présidente, Association «Ensemble contre le GIST» 6

Introduction Catherine GÉNISSON Députée du Pas-de-Calais, vice-présidente de la Commisssion des affaires sociales Députée du Pas-de-Calais depuis juin 1997, Catherine GÉNISSON est vice-présidente de la Commission des affaires sociales, vice-présidente du Groupe d études Mondialisation : régulations économiques et sociales et membre de la Mission d évaluation et de contrôle des lois de financement de la Sécurité sociale. Elle a également été vice-présidente de l Assemblée nationale de juin 2007 à septembre 2008. Vice-présidente du Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, elle a été adjointe au maire de la ville d Arras de mars 1989 à juin 1995. Je serai très brève, préférant laisser la parole à nos différents intervenants. Je pense, à l instar de mon collègue Yves Bur, qu il importe de donner de la lisibilité aux tumeurs rares. Yves Bur a beaucoup insisté sur l importance des usagers, des citoyens et de la relation très forte qui doit exister entre les citoyens et les professionnels, ceux qui prennent en charge comme ceux qui s occupent de la recherche. Il existe, de mon point de vue, pour le grand public voire pour les pouvoirs publics une ambiguïté à lever entre les tumeurs rares et les maladies rares. Il convient de clarifier cette situation et de traiter le sujet des inégalités très fortes qui existent pour les patients souffrant de ces pathologies, sur notre territoire national mais également sur le territoire européen. Bons travaux à nous tous et si nous pouvons solidairement faire avancer le sujet de la prise en charge des tumeurs rares, ce sera l honneur de notre colloque. 7

Présentation des résultats de l enquête réalisée par le Cercle des Tumeurs rares Dr Yves BUR Député du Bas-Rhin, rapporteur du budget de la Sécurité sociale Cette enquête constitue la première enquête du genre concernant ces pathologies. Elle a été menée auprès de 401 médecins généralistes, 101 spécialistes, 169 patients atteints d une tumeur rare et 102 patients atteints d autres tumeurs. Ont également participé à cette étude une vingtaine d associations sur les 36 répertoriées. Il importait, dans le contexte de cette étude, de mesurer que la confrontation à une tumeur rare se révèle relativement peu fréquente au cours de l exercice d un médecin. Cette rareté pose d abord le problème du diagnostic qui peut parfois être considéré comme trop tardif. 63 % des tumeurs rares sont diagnostiquées endeçà de trois mois mais dans 40 % des cas il faut parfois jusqu à un an pour aboutir à un diagnostic. On mesure bien là les difficultés pour le patient qui sait qu une chose grave lui arrive mais auquel l on est incapable de dire précisément de quoi il s agit. Réside là un problème qui peut entraîner des conséquences sur la perte de chance tout au long du parcours de soins. Cette étude a également permis de constater que le nombre de tumeurs rares va certainement s accroître à l avenir, au fil de l amélioration de la technologie du diagnostic. Face à cela, il faut une labellisation au sein des centres de référence, une démarche lancée par l INCa depuis 2009. Cette étude visait à dresser un état des lieux de la connaissance des pratiques des médecins dans l initiation du diagnostic des tumeurs rares, de la qualité de vie et de la prise en charge des patients atteints, du vécu des patients et d évaluer les difficultés rencontrées 8

par les associations qui les représentent et les difficultés relationnelles qu il peut exister entre elles et le corps médical dans son ensemble. Ces pathologies sont avant tout caractérisées par la rareté, qui complexifie encore davantage le premier diagnostic et la prise en charge. Cette rareté et la relative méconnaissance du corps médical s avèrent tout à fait compréhensibles 20 % des généralistes et 40 % des spécialistes connaissent ces pathologies mais soulèvent le problème de la prise en charge. Cette étude a également démontré le rôle extrêmement important des associations de patients. Le fait de rencontrer une association constitue une chance dans le parcours du combattant que les malades doivent affronter. Ce sont ces associations qui seules apportent l écoute qui devrait être plus générale. Leur rôle s avère absolument essentiel pour accompagner le patient dans l ensemble de son parcours local et défendre sa cause au niveau national. Les relations entre associations de patients et professionnels constituent une autre caractéristique pointée par l étude. Les travaux du Cercle ont fait ressortir une attente tant du côté des associations que des professionnels, qui ont fait part de leur besoin d une meilleure compréhension du vécu des patients afin d appréhender les implications sur le parcours de soins. C est aussi l une des ambitions de ce Cercle de favoriser ces relations. Un partenariat s avère nécessaire pour créer une réelle interactivité entre les patients, leurs associations et le corps médical. Enfin l étude pointe le dispositif de prise en charge qui repose aujourd hui principalement sur les spécialistes alors que le médecin généraliste, médecin du quotidien, devrait davantage être impliqué dans la chaîne. Ceci nécessite information et formation, des challenges que nous nous fixons. Tels sont les enseignements que nous avons pu tirer de cette étude qui a permis de dresser un état des lieux et souligner la nécessité de travailler tous ensemble en équipe. 9

Association Sclérose Tubéreuse de Bourneville Céline BERTRAND-HARDY Présidente, Association Sclérose Tubéreuse de Bourneville Présidente de l Association sclérose tubéreuse de Bourneville (ASTB) depuis 2005, Céline BERTRANDHARDY était administrateur et secrétaire de l association dès 2002. Elle est diplômée de l École des Hautes études commerciales (HEC) et titulaire d une agrégation d économie-gestion. Mère de 4 enfants, elle est actuellement professeur en lycée (classes BTS). Je vous remercie de donner aujourd hui la parole aux patients. Je vous parlerai en tant que maman d une enfant atteinte de Sclérose tubéreuse de Bourneville (STB), une maladie génétique rare d expression et de sévérité très variable et avec des symptômes très variés, dont certaines tumeurs rares. J interviendrai aussi en tant que présidente de l Association Sclérose Tubéreuse de Bourneville (ASTB) et mon propos sera donc l écho de ce que j ai vu et entendu depuis maintenant neuf ans que je suis impliquée dans le conseil d administration de cette association. Je voudrais dans un premier temps illustrer ce qu est la problématique du patient lorsque l on parle de diagnostic, d information ou de traitement. J ai entendu parler de la maladie de Bourneville pour la première fois voilà treize ans lorsque le diagnostic a été posé sur ma fille de cinq mois. Lorsque l on «entre» dans cette maladie, on peut découvrir une liste de symptômes tout à fait effrayante sur internet : tubers et épilepsie, astro-cytomes, angiofibromes de la 10

face, rhabdomiomes au cœur, angiomyolipomes du rein, lymphangio-léïomiomatose aux poumons, hamartomes sur la rétine, etc... La première étape consiste donc à affronter cette liste et à remettre les choses à leur place : tous les organes peuvent certes être atteints mais ils ne le seront pas forcément tous ; il existe des risques importants sur certains et pas sur d autres ; certaines choses sont à surveiller chez l enfant, d autres chez l adulte, etc... Ce travail d accompagnement «éclairé» est vraiment indispensable pour aider les familles à surmonter le choc du diagnostic. Nous connaissons tous en effet des gens détruits par une annonce brutale et erronée. Internet donne aujourd hui accès à de nombreuses informations mais la question de leur fiabilité et de leur interprétation se pose. De ce point de vue, les fiches Orphanet Grand public sont d une grande utilité. D une certaine façon, Internet pêche par excès d informations non relativisées, tandis que les médecins risquent de pêcher par omission : ils ne communiquent généralement pas cette liste apocalyptique aux patients, par délicatesse d abord car il est stérile et injustifié de laisser supposer que la personne va souffrir de tant de maux, mais aussi parfois par ignorance. C est ainsi que l on retrouve des adultes qui savent très bien qu ils ont une STB mais qui n ont aucun suivi et ne savent pas qu il existe un risque réel de tumeurs aux reins avec de possibles hémorragies internes. On rencontre donc des gens qui ont perdu un rein dans l urgence alors qu un suivi aurait permis une embolisation préventive. À l inverse, des médecins zélés mais mal informés prescrivent des examens inutiles compte tenu de la façon dont la maladie s est exprimée chez le patient. La gestion de l information se révèle donc capitale. Une mauvaise information du patient comme du médecin génère un coût psychologique, humain et financier qui peut s avérer non négligeable. Ceci est vrai aussi bien au moment du diagnostic initial qu au fil de l évolution de la maladie, lorsqu apparaissent «les symptômes rares de la maladie rare». Chaque fois qu un nouveau symptôme apparaît dans la maladie, il importe de savoir le diagnostiquer avec précision et de connaître la conduite à tenir. Là se pose souvent la question de l accès aux «vrais» spécialistes de la maladie : les centres de référence constituent un vrai plus dans ce domaine mais 11

force est de constater que leur existence n est pas encore connue de tous et l association reçoit encore beaucoup d appels de personnes qui nous demandent «où dois-je aller consulter pour tel ou tel problème?». Les gens n appellent pas toujours directement pour cela mais nous pouvons nous poser des questions en entendant leur parcours. J ai en tête l appel d une femme à qui une STB a été diagnostiquée suite à une IRM réalisée après une crise d épilepsie à l âge adulte. Seul un antiépileptique lui avait été prescrit avec la suggestion de revenir dans un an. Aucun bilan rein-poumons. Aucun diagnostic ni surveillance de ses enfants. Je l ai mise en contact avec les médecins référents de sa région et tout a été organisé très vite. Elle était très contente mais il est anormal que le suivi de cette famille ait dépendu aussi fortement de son appel à l association. Il existe encore beaucoup trop d aléas dans le parcours des patients. S agissant de ce parcours de soins, selon une récente enquête menée par l ASTB et le centre de référence auprès des patients et de leurs familles, près des deux tiers des patients déclarent que c est la famille qui assure la coordination des soins. Pour environ 20 % des patients, cette coordination est confiée au médecin généraliste. Les familles interrogées étaient en grande majorité en lien avec l association et donc sans doute bien informées, ce qui leur permet d assurer cette coordination dans de bonnes conditions mais qu en est-il de toutes les autres, livrées à elles-mêmes? Nous pouvons aussi nous demander comment sont informés tous les généralistes qui assurent de fait la coordination des soins. La même question se pose d ailleurs pour le spécialiste qui va coordonner les soins d une maladie systémique comme la STB : quelle est l information du neurologue en matière de risque de tumeurs rénales ou d atteinte pulmonaire chez ses patients STB? Ce médecin saura-t-il prescrire le bon suivi? Est-il intégré dans un réseau? Sera-t-il en mesure de bien orienter son patient dans une spécialité qui n est pas la sienne? Au-delà de l aspect strictement médical, les besoins du patient portent sur la gestion de sa vie quotidienne et sur l accès aux prestations. Cette question n est pas spécifique des tumeurs rares mais elle mérite d être signalée car elle peut se complexifier dans un contexte de pathologie rare, mal connue et parfois mal comprise. À titre d exemple je citerai un mail reçu récemment à l association. Il 12

s agit d un homme dont la femme est hospitalisée suite aux complications pulmonaires de la maladie. Ils souhaiteraient simplement une aide ménagère. Leur dossier a apparemment été refusé deux fois par la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Ils viennent de tenter leur chance auprès du Conseil général qui les a logiquement renvoyés vers la MDPH. Je ne connais pas leur dossier dans le détail mais je ne serais pas étonnée que ces errements soient liés à une méconnaissance de la pathologie de cette femme et à l assimilation de son atteinte pulmonaire à un simple pneumothorax passager. La nécessité de centres experts, capables de s impliquer jusque dans le quotidien des patients, réapparait ici. Nous sentons bien toute la difficulté et la tension permanente entre l expertise qui dans les maladies rares se trouve plutôt à l échelon national, et la nécessité d une action spécifique de proximité, via par exemple des plateformes régionales. Je voudrais maintenant évoquer notre travail associatif. L ASTB assure un soutien psychologique et une écoute téléphonique, c est l activité la plus ancienne de l association qui fête ses vingt ans cette année. Nous menons également des actions de diffusion de l information auprès des familles et des médecins : journaux d information, recueil de témoignages, site internet, stands dans des congrès médicaux, etc L ASTB mène aussi une démarche volontariste pour contribuer à l organisation du réseau de soins, qui a abouti à la labellisation d un centre de référence en 2007 dont l objectif prioritaire consistait à structurer et coordonner les filières de soins dans les différentes spécialités : neuro, rein, poumon, peau, etc Et la définition du Plan national de développement sanitaire (PNDS). Nous espérons que le nouveau plan Maladies rares nous permettra d aboutir sur ce dossier central pour nous. La dernière et nouvelle étape tient, pour nous, à notre implication dans la recherche. Nous nous sommes aperçus que les chercheurs étaient demandeurs de fonds mais également de contacts avec les médecins cliniciens et souhaitaient avoir accès aux patients. Nous devons donc jouer un rôle d interface très précieux. Je soulignerai deux points sur notre situation actuelle. Le premier touche à la visibilité des filières de soins. Le second plan Maladies rares insiste sur la notion de filière et c est bien mais il va falloir 13

encore inventer pour toutes les maladies qui ne rentrent pas dans les cases. Une maladie systémique comme la STB, par exemple, est rattachée au centre de référence Epilepsies rares qui relèvera de la filière «maladies neurologiques». Ceci s avère parfaitement logique lorsque l on traite des tumeurs rares du cerveau comme les astrocytomes mais cela l est moins quand on s intéresse aux angiomyolipomes sur les reins. La recherche ne fonctionne d ailleurs pas non plus par «filière spécialisée». La recherche sur la voie mtor, par exemple, qui est impliquée dans la STB mais aussi dans le cancer conduit à tester des molécules qui pourraient se révéler efficaces sur des organes aussi différents que le cerveau, les reins, les poumons et la peau. Il faut donc structurer, organiser mais aussi conserver de la souplesse et favoriser les réseaux transversaux. C est d ailleurs la demande du patient qui se vit non pas comme un cerveau d un côté et un rein de l autre mais comme une personne qui aspire à être prise en compte dans sa globalité. Les associations ont cette vision globale du patient et du réseau de soins. C est la raison pour laquelle notre intervention s avère souvent décisive pour ceux qui nous contactent, ou plutôt, ceux qui «ont la chance de nous connaître». Mais le problème est que nous sommes loin d être connus de tous ceux qui sont concernés par la STB et cela est dommage. Il faut sûrement améliorer la visibilité de nos associations. Le deuxième point sur lequel j insisterai est le paradoxe dans lequel nous nous trouvons aujourd hui. Si d un côté nous souhaitons être beaucoup plus visibles pour faire davantage face aux besoins, nous sommes, de l autre, parfois tentés de crier «STOP! On ne peut plus suivre!». Être responsable d une association de maladie rare aujourd hui implique d être bénévole, disponible et compétent dans tous les domaines que je viens d évoquer. Cela fait beaucoup! Il faudrait presque être psychologue, chef d entreprise, médecin, chercheur, etc Le problème s avère particulièrement criant lorsqu un responsable d association cherche à passer la main. On mesure alors toute la fragilité de nos structures. La première présidente de l ASTB a porté l association pendant 14 ans et elle ne travaillait pas. 14

J ai pris la suite en enchaînant les congés parentaux et en ne reprenant mon activité qu à mi-temps. La personne qui a accepté de prendre la suite travaille actuellement à plein temps. La question est simple : comment lui donner les moyens, humainement, de poursuivre et développer tout le travail que réalise l association? Elle n a pas pu se libérer aujourd hui. Si elle l avait fait, elle aurait dû prendre une journée sur ses congés payés. Est-ce normal? N ya-t-il pas là matière à inventer? Notre association a choisi le slogan suivant : «une maladie à combattre, mille espoirs à partager». J ajouterai pour conclure : «Des tumeurs rares à combattre, mille choses à inventer pour le bien de tous». Catherine Génisson Merci de votre intervention remarquable qui met en exergue l importance des associations, de la médiation humaine et la nécessité pour le monde médical d une formation initiale et continue qui prenne en compte ces sujets encore trop méconnus. Vous avez également mis en évidence le fait que vous vous substituez de fait aux pouvoirs publics en mettant en vis-à-vis les chercheurs et cliniciens, ce qui devrait relever de la responsabilité des pouvoirs publics. Dans le domaine de la médecine, nous devons nous attaquer à ces problématiques et assouplir l organisation de notre système de santé. Je pense que monsieur Blin, président de l Association Abigaël, ira sans doute dans le même sens. 15

Association Abigaël Philippe BLIN Président, Association Abigaël Président de l Association Abigaël, Philippe BLIN est chef de projet en informatique au Conservatoire national des arts et métiers de Nantes depuis 2007 dans le cadre d un Congé individuel de formation. Il est également technicien géomètre depuis 1999. L association Abigaël est une petite association locale située en Loire-Atlantique, entre Nantes et Saint-Nazaire, créée suite au décès à l âge de treize mois de notre fille atteinte de la tumeur rhabdoïde. Nous souhaitions, ma femme et moi, rendre hommage au courage d Abigaël et poursuivre son combat, en aidant les enfants malades. Nous étions d autant plus déterminés à créer cette association qu en discutant avec les médecins du CHU de Nantes, nous avons identifié un réel besoin puisqu il n existait aucune association sur la tumeur rhabdoïde à l époque. Notre association, qui a aujourd hui trois ans d existence, vise à créer un réseau entre les parents d enfants malades. Cette maladie chimio-résistante atteint principalement les enfants de moins de deux ans. Aujourd hui nous dénombrons une trentaine de cas par an en France. Le but de l association est de récolter des fonds pour soutenir la recherche menée par l Institut Curie sur la tumeur rhabdoïde et d améliorer le quotidien des enfants hospitalisés au CHU de Nantes. Nous faisons cela grâce aux adhésions et aux dons mais également aux deux manifestations que nous organisons dans 16

l année un loto et une journée jeux avec tombola ainsi que grâce aux différentes actions menées aux alentours de notre commune par des écoles et des particuliers. Nous avons ainsi pu remettre cette année 5 000 euros à l Institut Curie et 2 000 euros au CHU de Nantes. Par expérience, nous savons que les parents d enfants malades sont à la recherche d informations et ont besoin de discuter et d échanger. Nous avons donc mis en place, sur notre site internet, un forum où nous recevons de nombreux témoignages, soutiens et questions de France et de l étranger. Par les contacts réguliers que nous entretenons avec les médecins et chercheurs et notre rôle d intermédiaire, nous pouvons tenter d apporter des réponses aux parents. Il y a un mois environ, nous avons reçu une demande d aide pour envoyer un enfant atteint de la tumeur rhabdoïde en Australie afin d y recevoir un traitement qui «donne» des résultats d après les parents. Cet exemple montre que dans un dernier espoir les parents se jettent sur Internet pour y lire tout et n importe quoi. Il faut savoir qu en France ce type de traitement expérimental est effectué dans un cadre légal et éthique strict. Un tel traitement n est d ailleurs pas forcément approprié à cet enfant et peut au contraire entraîner des effets non désirables. Notre projet vise donc à réaliser une information pour amener certains parents, dans le même cas, dans une réflexion sur leur désir, sur le bien-être de leur enfant et sur l accompagnement de fin de vie. Nous effectuons donc une prise en charge non seulement des patients mais également des parents. La semaine dernière, nous avons reçu l appel de la grand-mère d une enfant malade, témoignant du manque d écoute des médecins généralistes, des pédiatres et même du professeur oncologue envers les parents, qui sont pourtant les mieux placés pour savoir si leur enfant souffre réellement ou si quelque chose ne va pas, en particulier lorsqu il s agit d un bébé. Nous avons donc du travail à accomplir. Nous projetons de diffuser une information sur la tumeur rhabdoïde à l attention, dans un premier temps, des médecins généralistes. Nous pensons qu il pourrait également s avérer utile d inclure dans le cursus des 17

étudiants en médecine un module pour apprendre l écoute, le tact, l humanisme. Les témoignages que j ai cités montrent bien le manque réel en la matière! Nos projets comprennent aussi un investissement dans les travaux du Cercle des Tumeurs rares. Tous ensemble nous ne pouvons en effet qu être plus forts, évoluer grâce au travail naissant avec l école de management de Lyon et continuer notre partenariat avec le Lions Club de Nantes. Diffuser l information peut coûter cher mais notre association a besoin de se faire connaître et de faire connaître la maladie. Elle veut également faire comprendre que la recherche existe et qu elle a besoin de finances. Seuls trois centres de recherche, deux en France et un aux États-Unis, travaillent actuellement sur la tumeur rhabdoïde. Pour continuer notre combat, nous avons besoin d accéder aux médias. Nous éprouvons parfois des difficultés à engranger de réels bénéfices dans nos récoltes de fonds, compte tenu du coût des matières premières. Peut-être faudrait-il créer une carte associative nous permettant de bénéficier de prix plus intéressants sur celles-ci. Nous souhaitons également rassembler les familles d enfants atteints de tumeur rhabdoïde ou décédés. Ce rêve a cependant besoin d un soutien financier. Je voudrais, dans un second temps, parler du vécu en tant que parent d un enfant atteint de tumeur rhabdoïde. Nous nous sommes trouvés face à un médecin généraliste qui a décidé de réaliser une radio. Une grosseur nous a conduits au CHU de Nantes. La prise en charge s est révélée relativement rapide. Le diagnostic l a moins été. Un examen génétique s est avéré nécessaire pour déterminer le type auquel cette tumeur appartenait. Du jour au lendemain, nous nous sommes trouvés enfermés dans un monde que nous ne connaissions pas, coupés du reste de la vie courante et totalement déconnectés. Nous avons cependant eu à notre disposition la Maison des parents à Nantes, qui a été mise en place par les restaurants McDonalds. Cela nous permettait de demeurer à cinq minutes du CHU sans avoir à nous déplacer de notre commune, ce qui aurait entraîné une perte de temps et d argent. Nous avons par ailleurs dû nous battre pour effectuer des démarches administratives, luttant pour obtenir les documents dont nous avions besoin, ce qui me parait totalement aberrant. 18

Après le décès de notre fille, nous sommes revenus à la vie réelle comme si nous avions vécu, durant sa maladie, un laps de temps au ralenti, plongé dans l univers médical. Le retour à la vie «normale» constitue une deuxième déchirure. Vous vous trouvez arraché à votre famille d accueil qu est l hôpital, dans lequel vous avez pu créer des liens très forts. Le CHU dispose heureusement d une unité mobile qui a pu se déplacer dans les derniers moments de notre fille. Je souhaiterais enfin évoquer l association. Présider une telle association exige d être polyvalent et de jongler avec sa vie de famille, ce qui s avère peu évident, en particulier lorsque vous avez d autres enfants à charge. Les échanges qui se développent sur Internet ou avec les médecins et chercheurs se révèlent utiles mais ne suffisent pas encore. Le travail de lien est immense et nous souhaiterions aller encore plus loin mais cela nécessite un investissement et un partenariat important, notamment avec vous. Catherine Génisson Merci pour votre témoignage qui montre la force de votre engagement mais également la solitude du fonctionnement de votre association. Il est quand même incroyable que vous vous investissiez autant pour la recherche sans abondement des pouvoirs publics. Ceux-ci doivent être véritablement sensibilisés. Vous avez insisté également sur la personnalité du monde médical. Je pense que cela fait plus de trente ans que l on se trompe dans le mode de sélection des futurs médecins. De nombreux critères pseudo-scientifiques ont été établis qui, même si nous disposons de très bons médecins, nous ont peut-être fait perdre des personnalités qui avaient plus d appétence à accompagner les familles et les patients. Vous avez enfin insisté sur l humanisation qu il convient de mettre en exergue dans ces situations particulièrement difficiles à vivre. Je donne maintenant la parole à madame Estelle Lecointe, présidente de l Association «Ensemble contre le GIST». 19

Association «Ensemble contre le GIST» Estelle LECOINTE Présidente, Association «Ensemble contre le GIST» Présidente de l Association française des patients atteints de tumeurs stromales gastro-intestinales (GIST) «Ensemble contre le GIST», Estelle LECOINTE est également vice-présidente fondatrice de la coalition associative européenne regroupant l ensemble des associations GIST et sarcomes recensées en Europe «Sarcoma patients euro net» et membre du Comité des malades, de leurs proches et des usagers de l Institut national du Cancer (INCa). Je voudrais remercier les membres du Cercle des Tumeurs rares pour l organisation de ces premières Rencontres parlementaires ainsi que le député Yves Bur qui, par son engagement à nos côtés dans la mise en place de cette matinée d échange, a permis que de petites associations de patients comme les nôtres puissent porter fièrement la parole de tous les malades atteints de tumeurs rares dans ce haut lieu de la République aux côtés de médecins, chercheurs, industriels et institutionnels engagés avec ferveur dans ce champ de pathologies rares, atypiques, souvent méconnues et parfois délaissées. C est à la fois en tant que présidente de l association et que patiente diagnostiquée pour un cancer rare que je suis amenée à m exprimer devant vous aujourd hui afin de vous exposer les problèmes rencontrés par les personnes confrontées au diagnostic de tumeurs malignes rares. Ma rencontre officielle avec les tumeurs rares remonte à juin 2004. Lorsque j avais 29 ans, les médecins m ont diagnostiqué un cancer digestif rare, appelé GIST, dont l incidence s élève à 15 personnes pour un million, soit environ 900 nouveaux cas par an en France, pour lesquels les médecins pensent qu il n existe à l heure actuelle pas de traitement curatif. 20

Si dans la vie d un individu, affronter l annonce d une tumeur maligne constitue déjà une épreuve en soi, j ai rapidement découvert à mes dépens que le diagnostic de cancer rare raisonne souvent pour le malade comme une double peine. Être diagnostiqué pour un cancer rare, c est affronter simultanément la dureté d un diagnostic qui engage le pronostic vital et qui survient comme une rupture brutale du parcours de vie dans lequel vous étiez engagé, la dureté du sentiment d isolement qui découle de la rareté de la maladie de par la méconnaissance de la pathologie sinon l impuissance face à celle-ci, parfois légitimement exprimée par les médecins non spécialistes. Les premiers mots du médecin qui pose le diagnostic sont souvent : «vous êtes un cas très rare, je n ai jamais eu de patients comme vous». Les médias ne communiquent que sur les cancers les plus répandus et nous préparent ainsi à vivre l éventualité d un cancer du sein, du poumon ou du sang mais jamais à l idée de pouvoir un jour être confronté à un cancer rare. Avant d être diagnostiquée moi-même pour ce type de tumeur, j ignorais jusqu à l existence des cancers rares. C est aussi affronter le manque sinon l absence d information sur ces pathologies auprès des institutions reconnues. Les premiers éléments que vous trouverez en recherchant de l information suite au diagnostic se révéleront souvent très succincts. En 2004, lorsque je m étais tournée vers l espace de rencontre et d information de l Institut Gustave Roussy où je suis prise en charge, la seule définition qui m avait été donnée était : «GIST : cancer orphelin», ce qui laisse injustement présumer au malade d une méconnaissance totale de la maladie au sein du corps médical, de l absence de traitement et d un désintérêt de la recherche en ce domaine, donc d une probabilité très faible de s en sortir. En bref, le plus souvent, être diagnostiqué pour un cancer rare, c est un peu comme se retrouver propulsé sur une «île déserte», sans eau potable, sans vivres ni aucun secours à l horizon. Au-delà du retentissement psychologique d un tel diagnostic et du faible niveau d information qui en découle, la rareté dans le cancer expose aussi le malade à des situations potentiellement délétères pour sa survie. Être diagnostiqué pour un cancer rare, c est se confronter à la méconnaissance de la maladie au sein du corps médical non spécialisé qui génère des errances de diagnostic car il faut parfois voir plusieurs médecins avant d obtenir le bon diagnostic, ce qui retarde la prise en charge et peut influer sur les 21

chances de guérison, sur la qualité de vie et sur la survie du malade. Cette méconnaissance expose également le malade à des risques de prises en charge inadaptées qui lui seront préjudiciables et engendreront des surcoûts phénoménaux pour le système de santé du fait des consultations qui vont en découler. Il ne faut pas se leurrer, si les médecins qui reconnaissent leurs limites soulèvent des montagnes pour trouver le spécialiste qui saura vous prendre en charge, beaucoup pratiquent encore une médecine de tâtonnement dont le patient paiera parfois le prix de sa propre vie alors qu il existe parfois des réseaux d expertise nationaux reconnus. Être enfin diagnostiqué pour un cancer rare, notamment en dehors des centres spécialisés, c est aussi souvent se confronter aux difficultés d accès au traitement, en particulier de seconde et troisième ligne, souvent méconnus des médecins non spécialisés. Cela aura encore un impact délétère sur la survie du patient. C est aussi se confronter au manque de visibilité des réseaux d expertise qui rend difficile l accès à des équipes spécialisées, à un second avis médical et donc à une prise en charge adaptée. J ai longtemps pensé, comme vous sans doute, qu il existait des structures adaptées aux cancers. Lorsque l on est diagnostiqué pour un cancer rare cependant, on se rend compte que l on n entre dans aucune case. Les tumeurs malignes rares se trouvent en effet à un carrefour où les cancers et les maladies rares sont censés se rejoindre mais dans la réalité la jonction est loin d être aussi évidente. En France, il existe des structures reconnues d utilité publique pour les maladies rares et des structures bien reconnues dédiées aux cancers. Si chacune d entre elles est disposée à nous réserver le meilleur accueil, elles ont cependant des champs d action et de communication très ciblés qui ne permettent pas de couvrir les besoins des malades que nous sommes. Le premier plan Maladies rares n évoquait pas les cancers rares censés relever du plan Cancer qui, dans sa première version, n abordait pas du tout la rareté. Dans ces conditions, difficile pour le malade atteint de cancer rare de savoir vers quelle structure il doit se tourner pour obtenir l information et/ou l aide dont il a besoin à un moment précis de sa maladie. Je citerai un exemple concret. Voilà environ deux ans, un jeune homme avait été diagnostiqué pour une tumeur cancéreuse très rare. Il s est logiquement tourné vers la ligne d information nationale pour le cancer afin d obtenir des informations sur sa pathologie. La réponse suivante lui a été donnée : 22

«vous avez un cancer très rare. Nous n abordons pas ce sujet. Nous vous conseillons de vous orienter vers la ligne dédiée aux maladies rares». Celle-ci lui a indiqué qu elle ne traitait pas les cancers. La personne travaillant pour Cancer Info service, sachant que je mettais en place une structure sur des tumeurs proches de celle-ci, a orienté ce jeune homme vers moi, simple usager, pour lui fournir cette information. Ne disposant pas de l information, la tumeur ne relevant pas de mon champ d intervention, je n ai pu renseigner ce patient, qui n a jamais réellement pu identifier les personnes ressources pour obtenir les informations qui lui permettraient d accéder à une prise en charge adaptée. Cette méconnaissance entraîne également un accès inégal aux aides et aux prestations sociales. Les écarts de reconnaissance entre les différentes MDPH et les rejets de dossiers transforment le parcours administratif du patient en un parcours du combattant. L absence de repères clairement établis oblige le malade à «naviguer tant bien que mal entre deux eaux». Question triviale : un malade atteint d une tumeur maligne rare relève-t-il davantage d une structure dédiée au cancer ou doit-il plutôt se référer à une structure dont l activité s articule autour des maladies rares pour avoir la garantie d accéder à une information fiable, un service de qualité? Devons-nous avant tout nous considérer comme des malades du cancer ou comme des personnes atteintes d une maladie rare? Si des projets de «rapprochement», notamment avec l INCa, sont en cours, la question reste entière C est pour accompagner les malades et leur famille à contourner sinon à surmonter les difficultés que je me suis lancée dans la création de l association Ensemble contre le GIST en 2005. Nos missions s articulent autour des failles rencontrées par le patient dans son parcours. Nous développons et diffusons de l information aux malades, aux familles et aux médecins non spécialisés. Nous tentons de rompre leur isolement à travers une plateforme d échange sur notre site internet et par l organisation de rencontres associatives. Nous participons à de nombreux événements afin de tisser un réseau associatif et institutionnel qui nous permettra d optimiser à terme la visibilité de l association au niveau national. 23

Nous travaillons aussi activement pour interagir avec les réseaux d expertise scientifique pour développer la connaissance de la maladie, faciliter l accès aux soins, promouvoir l expertise et soutenir conjointement le développement de la recherche. Enfin nous militons activement pour intégrer différentes instances de santé et sensibiliser l opinion à l existence des cancers rares, plaider la cause de ces malades et soutenir la mise en place des centres de référence. Sans les associations de patients, nombre de malades atteints de tumeurs malignes rares se trouveraient démunis car les pathologies cancéreuses rares sont extrêmement nombreuses et l on ne peut reprocher aux structures les plus connues de ne pas les connaître et donc les couvrir. Nous sommes devenues un maillon indispensable du parcours de soins des malades. Nous qui ne représentons que des franges marginales de la population de malades comblons néanmoins un déficit qui relève à la fois d un besoin public mais aussi d un droit, celui de l accès à l information, aux soins adaptés au même titre qu un malade atteint d une pathologie plus commune. Nos actions ont un impact tant sur le devenir du malade que sur l économie du système de santé car en aidant les patients à mieux connaître la maladie, à mieux se soigner, nous contribuons à améliorer la qualité de prise en charge des malades réduisant du même coup les frais générés par des consultations et examens supplémentaires découlant de prises en charge inappropriées. Pourtant, nous rencontrons un certain nombre de difficultés quotidiennes qui, à terme, risquent de compromettre non seulement la pérennité de nos actions mais aussi la possibilité future pour les malades que nous représentons aujourd hui d accéder à une information fiable et à des soins de qualité comme n importe quel autre patient. Parce qu à l échelle individuelle, les pathologies que nous représentons ne constituent pas une priorité de santé publique, beaucoup d associations doivent déployer des efforts phénoménaux pour exister sur la place publique mais aussi pour tenter de stimuler des programmes de recherche spécifiques. Nous avons parfois la chance que la maladie se fasse connaître à travers une célébrité ou la découverte d un médicament révolutionnaire mais qu en est-il pour les autres? Nous devons ensemble, à travers cette journée, trouver les moyens de permettre à ces petites associations qui fournissent le plus souvent un travail colossal et 24

admirable, le moyen d être visibles facilement à l échelle locale, régionale et nationale. Les associations de patients atteints de tumeurs rares acquièrent au fil du temps une expertise unique et inestimable mais nous demeurons malgré nous des associations «MacGyver» qui sortent les gens d une situation désespérée avec trois bouts de ficelle et des projets d envergure souvent élaborés sur le coin d une table de cuisine. Nous sommes indéniablement devenus ce que certains désignent comme des «patients experts». La qualité de notre travail est reconnue par les patients qui recourent à nos services et nos conseils, par les médecins qui nous associent parfois à leurs projets de recherche et par certaines instances qui nous intègrent dans leurs groupes de travail ou leurs instances décisionnaires. Qu en est-il cependant de la reconnaissance sociale? Comment valider cette forme d expertise et mettre en place un partenariat social qui nous permettrait d accéder à cette reconnaissance et de fonctionner de manière optimale auprès du public? Chaque jour nous nous interrogeons sur les moyens de pérenniser la structure car les associations de tumeurs rares n accèdent à aucune forme de labellisation, ce qui nous coupe des moyens financiers aptes à développer notre potentiel d efficacité pour notamment engager du personnel. À ce jour, la qualité du service fourni aux usagers dépend de notre investissement personnel, de nos charges familiales, de notre travail et du poids de la maladie. La montée en puissance de l association représente la croisée des chemins entre sa vie personnelle, professionnelle et associative. Si l association poursuit son ascension et que les attentes des usagers vont grandissant, nos capacités humaines et financières plafonnent. Afin d assurer un service acceptable aux membres de mon association, j ai fait le choix de travailler à 80 %, ce qui représente un manque à gagner de 400 par mois. Si les demandes des usagers se font de plus en plus grandes, je ne pourrais réduire davantage mon temps de travail, ce pour des raisons financières évidentes. En ce sens, la question de la pérennité se pose. Nous aider à maintenir notre action auprès des usagers et à développer notre efficacité s avère essentiel. En tant que présidents, nous portons la lourde responsabilité de la pérennité de ce service auprès des malades. Si demain, pour une raison quelconque, je ne pouvais plus assurer cette charge et ne trouvais personne pour me remplacer, c est alors tout l avenir d une communauté que je compromettrais. Consolider et renouve- 25