LE COLLATÉRAL : QUELS ENJEUX?



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Transcription:

LE COLLATÉRAL : QUELS ENJEUX? Par Céline Bauné, Consultante Depuis la faillite de Lehman Brothers en septembre 28, les acteurs financiers font de plus en plus appel au collatéral : d une part, ses utilisations classiques se sont renforcées et d autre part, son usage se systématise avec l entrée en vigueur des réglementations visant à réguler le marché des dérivés OTC. 6 Les acteurs du «Sell Side» ont compris rapidement que la gestion du collatéral comportait des enjeux de profits importants tandis que le «Buy Side» se voit imposer une recherche de liquidités toujours plus forte. Mais quels sont les enjeux d une gestion efficace et normalisée du collatéral? Et quelles sont les craintes suscitées par la mise en application de la réglementation EMIR 1? QUELLES UTILISATIONS CLASSIQUES? QUELLES ÉVOLUTIONS AU COURS DES 1/15 DERNIÈRES ANNÉES? Les utilisations classiques du collatéral Titres mis en garantie comme collatéral - Eurosystème (en milliards d euros) 25 15 1 5 Titres d Etat Obligations bancaires (garanties ou non) Obligations d entreprises Titres adossés à des actifs Autres titres négociables Titres non négociables 24 25 26 27 28 29 21 211 212 Source : BCE - Banque Centrale Européenne EMIR : European Market Infrastructure Regulation

3. GESTION D ACTIFS 4. RISQUE 5. RÉGLEMENTAIRE 6. OPTIMISATION DES PROCESSUS 7. EVÉNEMENT Le transfert de collatéral pour garantir des opérations de gré à gré est une pratique courante depuis de nombreuses années. Bien avant la crise de 28, le prêt/emprunt de titres et les pensions livrées avaient déjà la faveur des institutions financières. Le prêt/emprunt est souvent utilisé pour couvrir des ventes à découvert dans le but de compenser le décalage entre la livraison d un titre et sa réception. Le prêteur de titres peut également exiger du cash en collatéral pour l utiliser comme source de financement ou de refinancement. De même, les investisseurs recourent au «repo» en masse pour obtenir des liquidités ou des titres : la pension livrée/ Repo se définit par un échange de titres contre de la liquidité pour une durée et à un prix prédéterminés entre les contractants. Le prêt/emprunt de titres comme son nom l indique permet de prêter ou d emprunter des titres en échange de liquidités. Le transfert réel de propriété des titres dans le cadre de ces deux pratiques a toujours intéressé les investisseurs car il permet d augmenter leur capacité de financement ou de refinancement Banque de France et/ou d obtenir des titres à placer en garantie sur des opérations plus complexes. Le collatéral est également utilisé sur les marchés réglementés. Il fait partie intégrante de la gestion des produits dérivés listés avec des appels de marge quotidiens échangés avec une chambre de compensation. Celle-ci se substitue aux participants, devenant l acheteur de tous les vendeurs et le vendeur de tous les acheteurs (mécanisme de la novation). La chambre de compensation assume le risque de contrepartie en lieu et place des parties au contrat. Pour se couvrir contre ce risque, elle va demander des dépôts de garantie et du collatéral, dont la valeur va être calculée en fonction de la valeur de marché des positions ouvertes par le participant. A l inverse, jusqu à récemment, le marché du gré à gré se définissait par son caractère bilatéral. ISDA : International Swaps Derivative Association Progression du marché du repo en Europe depuis 1 ans (en milliards d euros) 7 8 7 6 5 4 3 1 6/21 12/21 6/22 12/22 6/23 12/23 6/24 12/24 6/25 12/25 6/26 12/26 6/27 12/27 6/28 12/28 6/29 12/29 6/21 12/21 6/211 Source : ICMA European Repo Market Le collatéral comme garantie des opérations des dérivés de gré à gré Les établissements financiers, souhaitant des garanties supplémentaires pour sécuriser leurs contrats de gré à gré, renforcent les contrats cadres ISDA 2 par une annexe : des «Credit Support Annex - CSA». Cette annexe standardisée encadre l échange de collatéral entre les parties à un contrat de gré à gré, elle précise les types d actifs qui peuvent être remis en collatéral ainsi que les devises éligibles en cas de collatéral en cash, les modalités d échange du collatéral (seuils, montants minimums, ) ainsi que la périodicité de calcul, la nature/produits des transactions concernées, les modalités à suivre en cas de dispute, les «cut off» de valorisation, etc.

D une façon plus générale, le CSA permet d encadrer la gestion du collatéral : Part du volume des dérivés OTC échangés ayant fait l objet d un échange de collatéral Le mode de gestion du collatéral : par portefeuille ou par pool, La méthode de calcul des expositions : avec netting ou non, La méthode de valorisation du collatéral : la fréquence et les décotes à appliquer. 56% 59% 59% 63% 65% 7% 7% L éligibilité du collatéral est une notion clé de sa gestion car, pour garantir une transaction, les titres échangés en collatéral doivent être solides et liquides. Les impacts de la crise sont tels que l échange de collatéral aujourd hui s est systématisé afin que les différents acteurs du marché puissent se prémunir contre le risque de défaut de l une de leur contrepartie. Il est rare aujourd hui que des opérations de gré à gré ne soient pas collatéralisées. Le fait que des établissements solides et réputés aient pu faillir amène à la conclusion qu une notation ne peut suffire à garantir la solvabilité du partenaire contractuel. 51% 3% 22 23 24 25 26 27 28 29 Par type de dérivés en 211 Swap de taux 79% 21 8 Estimation du collatéral en circulation Dérivés OTC (en milliards d euros) 4 35 3 25 CDS 93% Swap de changes 58% Dérivés sur actions 72% Dérivés sur matières premières 6% Source : ISDA - International Swaps Derivatives Association 15 1 5 L enjeu du collatéral pour les établissements financiers est donc de traiter un nombre important de produits de gré à gré et d obtenir des gains liés aux effets de levier suscités par le gré à gré tout en limitant le risque de contrepartie inhérent aux opérations de gré à gré. 1999 21 22 23 24 25 26 27 28 29 Source : ISDA - International Swaps Derivatives Association 21 211 Le Parlement européen, en adoptant le 29 mars 212 le règlement EMIR visant à optimiser la transparence du marché du gré à gré et à instaurer un principe de compensation obligatoire de la majorité des dérivés de gré à gré, confirme fortement la tendance à la systématisation de l échange de collatéral.

3. GESTION D ACTIFS 4. RISQUE 5. RÉGLEMENTAIRE 6. OPTIMISATION DES PROCESSUS 7. EVÉNEMENT LA COMPENSATION DES DÉRIVÉS DE GRÉ À GRÉ ET LA PLACE DU COLLATÉRAL AU CŒUR DE LA RÉFORME EMIR EMIR : rappel des principes L opacité des transactions de gré à gré ayant été jugée directement responsable des faillites et des crises de ces dernières années, la réglementation européenne EMIR est entrée en vigueur le 16 août 212 quelques mois après son pendant américain : le titre VII du «Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act 3» de 2 Standardisation, compensation centrale des dérivés de gré à gré, appels de marge quotidiens en guise de garanties, déclarations auprès des référentiels centraux sont autant de mesures entérinées dans le cadre d EMIR afin de limiter toutes dérives supportées sur le marché de gré à gré. Le premier objectif de la compensation des dérivés de gré à gré et de l échange systématique de collatéral est de réduire, limiter voire annuler le risque de contrepartie. En effet, EMIR prévoit qu un tiers de confiance, une chambre de compensation - CCP, intervienne entre les contreparties afin de réguler et de garantir les échanges de flux comme c est le cas sur les marchés réglementés. De plus, les établissements financiers ont la possibilité de confirmer les données économiques des transactions de gré à gré via des plateformes électroniques telles que DTCC 4 (CDS), MarkitWire (Swaps de taux) ou encore Mysis (FX options ) : cette procédure devient obligatoire avec EMIR. EMIR impose également que toutes les transactions de gré à gré soient répertoriées chez des référentiels centraux afin d être consultables publiquement et d assurer ainsi une transparence réelle du marché. 3. Principal volet législatif de la réforme du marché financier engagée par l administration Obama suite à la crise des «subprimes» et la crise financière et économique qui s en est suivie 4. DTCC : The Depository Trust & Clearing Corporation Le calendrier ci-dessous résume les différentes obligations du règlement ainsi que leurs entrées en vigueur. 9 Obligations du règlement et dates d entrées en vigueur Valorisation et confirmation effective depuis le 15/3/213** Gestion des différends, réconciliation et compression effective au 15/9/213 Déclaration à un référentiel central entrée en vigueur au 12 février 214 Obligation de compensation pour les produits éligibles entrée en vigueur probable au 2 ème semestre 214* Echange de collatéral entrée en vigueur probable horizon 215* * : Ne concerne pas les contreparties non financières en-dessous du seuil de compensation. ** : La confirmation concerne toutes les contreparties non financières. Cependant les délais ne sont pas les mêmes selon que la contrepartie est au-dessus ou en-dessous du seuil de compensation. La valorisation quotidienne ne concerne par contre que les contreparties au-dessus du seuil de compensation. Source : OTC GROUPE ONEPOINT EMIR : les enjeux pour la gestion du collatéral Avec la mise en place de nouveaux flux de compensation, EMIR place la gestion du collatéral au cœur du processus de traitement des dérivés de gré à gré. Pour répondre aux nouvelles exigences sur le collatéral, les utilisateurs de dérivés devront valoriser quotidiennement leurs portefeuilles et calculer les appels de marge de couverture, tout en veillant au suivi du respect des nouveaux ratios de dispersion des risques par émetteur et par contrepartie. Si ces méthodes étaient déjà utilisées dans le cadre de la gestion bilatérale du collatéral, elles sont rendues obligatoires par EMIR avec, pour effet immédiat, une augmentation des volumes d opérations à gérer. EMIR impose un calcul d appel de marge initiale puis variable (comme pour les dérivés standardisés).

1 Il faut également envisager la mise en place de comptes ségrégués pour les adhérents aux chambres de compensation : les titres issus de l activité de gestion, libres de prêt, devront être distingués de ceux résultant du réinvestissement du collatéral, qui deviennent non réutilisables avec EMIR. La réglementation EMIR élargit ainsi le champ des fonctions qui tombaient jusqu ici sous le coude de l activité de gestion du collatéral et induit surtout une augmentation conséquente du volume des opérations à gérer. Aujourd hui plus vaste et surtout plus sensible, l activité de gestion du collatéral doit être optimisée à la fois au niveau de la gestion des risques et des actifs éligibles donnés en garantie, et au niveau de la maîtrise d un double processus pour les contrats compensés centralement ou en mode bilatéral. Jusqu à présent, la gestion du collatéral n entrait pas dans les priorités des banques et des gestionnaires d actifs mais les nouvelles réglementations changent la donne et vont affecter leur manière de gérer le collatéral. Avec les exigences croissantes sur la quantité et la qualité des garanties demandées ainsi que le coût pour se procurer des actifs sûrs, les acteurs gagnent à mettre en place des solutions d optimisation de leur collatéral. Il faut s assurer que les actifs sûrs et liquides tels que les titres d Etat et les liquidités sont utilisés le plus efficacement possible et ne sont pas inutilement donnés en collatéral pour des opérations qui acceptent des titres de moins bonne qualité. Cela implique de consolider, à un seul endroit, les positions et le collatéral utilisés par les différents services d un établissement pour pouvoir en temps réel, substituer les titres en fonction de leur liquidité et des coûts de financement. Or jusqu ici, la gestion du collatéral était très fragmentée en fonction de sa nature géographique, des catégories d actifs et de sa répartition dans différents départements/services des banques. Désormais, les gestionnaires du fonds transmettront les marges initiales pour les transactions bilatérales, ce qui n était pas le cas auparavant. Or, la détention de cash est très limitée dans les fonds et les obligations d entreprises détenues ne sont pas acceptées comme collatéral par les contreparties centrales. Des intermédiaires tels que les prime-brokers, les dépositaires ou les acteurs de la compensation envisagent ainsi d offrir à leurs clients des services à valeur ajoutée de transformation de collatéral. Ces opérations feront appel aux repos et aux prêts/emprunts de titres. EMIR : les limites Le plus gros risque aujourd hui, à la veille de la mise en application des nouvelles dispositions dans tous les établissements financiers (ou non) européens, est le manque d actifs éligibles pouvant servir de collatéral pour les acteurs du marché dans les mois à venir. Plusieurs éléments expliquent cette crainte. Ces dernières années, les banques ont utilisé beaucoup de garanties pour sécuriser leurs contrats bilatéraux et leurs accords de refinancement avec les banques centrales afin d obtenir de la liquidité. D autre part, avec les nouvelles réglementations, une part importante du collatéral, qui était ré-hypothéquée, sera désormais bloquée. Les actifs conservés par les banques pour se conformer aux ratios de liquidité Bâle III et les marges initiales transmises aux contreparties centrales dans le cadre d EMIR seront autant de ressources bloquées qui réduiront le collatéral disponible. Pourtant, les contreparties centrales quant à elles seront toujours plus prudentes sur la qualité des garanties acceptées car elles devront pouvoir liquider le collatéral lors de la faillite d un des membres à la compensation donc probablement dans des conditions de marché stressées. Un assèchement des titres éligibles au collatéral, avec les critères actuels, pousserait sans doute à élargir ces critères d éligibilité afin que le principe de compensation conserve ses fondements. Mais cela ferait naître de nouveau un risque systémique sur le marché des dérivés OTC si la solidité des garanties n était plus assurée. De plus, avec le rôle central donné aux chambres de compensation, la concentration des transactions ne risque-t-elle pas également de créer un nouveau risque? Pour pallier ce risque, un contrôle rigoureux du fonctionnement des CCP par les autorités de contrôle nationales ainsi que par les membres d un collège réunissant les autorités compétentes européennes, est essentiel. La réglementation EMIR prévoit des contrôles relatifs à l autorisation des contreparties centrales, le niveau requis en termes de capital, leurs modes d évaluation et le mode de reconnaissance des contreparties centrales des pays tiers ainsi que la gouvernance à mettre en place.