Conduites à tenir ANOMALIES AUX BANDELETTES URINAIRES SOMMAIRE. microscopique? P.4

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ANOMALIES AUX BANDELETTES URINAIRES Conduites à tenir SOMMAIRE!Protéinurie : diagnostic et orientation P.2!Mais d où vient cette hématurie microscopique? P.4 N 2178 - VENDREDI 22 FÉVRIER 2002 1

Protéinurie : diagnostic et orientation "Souvent découvertes au hasard d un examen systématique, les protéinuries peuvent signaler des néphropathies variées et graves. "Quelques examens de débrouillage sont utiles et parfois urgents avant de passer la main au néphrologue. PAR LE DR MARC KREUTER* TOUTES les occasions sont bonnes pour chercher une albuminurie grâce aux bandelettes, qu il s agisse du suivi d un malade diabétique ou hypertendu, de prévention (médecine du travail ou médecine scolaire) ou d un examen de routine en pratique quotidienne. Toutefois, la bandelette urinaire a ses limites. Elle ne détecte que des concentrations supérieures à 100 mg par litre (passant donc à côté d une microalbuminurie, importante à diagnostiquer chez le diabétique) et ne réagit pas aux chaînes légères d immunoglobulines (globuline de Bence- Jones). Ne jamais négliger une albuminurie La protéinurie est un signe d une très grande importance, qu il faut toujours préciser par la mesure de la protéinurie de vingtquatre heures. Jusqu à 100 mg par vingt-quatre heures, on considère que la protéinurie est physiologique ; au-dessus de 150 mg par vingt-quatre heures, il faut faire des examens complémentaires pour chercher une lésion rénale, notamment glomérulaire. Cependant, avant d inquiéter un sujet de moins de 30 ans, sans pathologie connue, notamment rénale ou diabétique, chez qui l on LA DÉCOUVERTE À L ECBU D ALBUMINE ET DE SANG (A FORTIORI DE CYLINDRES HÉMATIQUES) ORIENTE VERS UNE PATHOLOGIE DU GLOMÉRULE. découvre une protéinurie lors d un examen systématique, on demande d abord un nouvel examen d urine pour éliminer une albuminurie transitoire. Si ce second examen confirme l albuminurie, il peut s agir d une albuminurie orthostatique, toujours bénigne. Pour l affirmer on mesure la protéinurie nocturne. Lorsque l albuminurie anormalement élevée est confirmée, on demande des examens biologiques complémentaires : urinaires (électrophorèse des protéines et cytologie à la N 2178 - VENDREDI 22 FÉVRIER 2002 2 PHANIE

! Quelles sont les causes des albuminuries transitoires ou intermittentes? Comment les surveiller? Quels conseils donner dans la vie quotidienne (sports, vaccinations)? Dr Alexandre Dumoulin. Il peut exister des protéinuries transitoires, notamment au cours des hypertensions artérielles de type réno-vasculaire, en cas d élévation des cathécholamines, comme au cours des phéochromocytomes, mais alors il n existe pas, à proprement parler, de maladie glomérulaire. C est également le cas pour la protéinurie orthostatique chez l adolescent longiligne en croissance. Les sujets qui ont une protéinurie orthostatique peuvent mener une vie tout à fait normale et n ont à suivre aucun régime particulier. Ils peuvent faire tous les sports et recevoir les vaccinations habituelles. Il faut les suivre pendant la période de croissance, en cherchant l albuminurie une à deux fois par an. Les protéinuries orthostatiques persistent très rarement au-delà de 20 ou 22 ans ; si elles perdurent, il est souhaitable d approfondir les investigations et de réaliser éventuellement une biopsie rénale.! L albuminurie et l insuffisance rénale sont-elles des contre-indications aux vaccinations? Dr A. D. Il n existe aucune contre-indication particulière aux LES QUESTIONS DU GÉNÉRALISTE vaccinations, hormis les maladies immunologiques ou les traitements par corticoïdes. Dans le premier cas, le risque éventuel est de réactiver la maladie immunologique, dans le second, la vaccination risque d être inefficace. Toutefois, les vaccinations contre l hépatite B et la grippe sont fortement souhaitables chez les patients insuffisants rénaux et les personnes âgées.! Quelle est la définition biologique de l insuffisance rénale? Dr A. D. L insuffisance rénale est définie par le chiffre de la clairance de la créatinine. L insuffisance rénale chronique est dite «modérée» quand le débit de filtration glomérulaire (clairance) est compris entre 30 et 60 millilitres par minute, «sévère» entre 20 et 30 millilitres par minute, «préterminale» entre 10 et 20 millilitres par minute et «terminale», lorsqu il est inférieur à 10 millilitres par minute.! Quelle est la proportion d albumine dans la protéinurie physiologique? Dr A. D. La protéinurie physiologique est le plus souvent non sélective, si bien qu on retrouve également des protéines de type tubulaire, immunoglobuline. L albuminurie est donc inférieure à 80 % et se situe plus volontiers aux alentours de 50 %. recherche de sang et de cylindres hématiques) ; sanguins (créatininémie, urémie, glycémie, éventuellement dosage de l hémoglobine glyquée chez un diabétique). Maladie du glomérule ou du tubule? La découverte d une albuminurie ou d une microalbuminurie chez un diabétique implique la recherche d une insuffisance rénale et le maintien d un parfait équilibre de sa pression artérielle. Un traitement par inhibiteur de l enzyme de conversion (IEC) est conseillé, après avoir pris l avis d un diabétologue ou d un néphrologue. Autre situation : lorsque l examen cyto-bactériologique des urines (ECBU) révèle, en plus de l albumine, la présence de sang (a fortiori de cylindres hématiques), on suspecte une glomérulopathie. Une consultation néphrologique est nécessaire, d autant plus rapidement que l albuminurie et l hématurie sont associées à une insuffisance rénale. Dans ce cas, il est en effet urgent de faire une biopsie rénale et de donner un traitement, le plus souvent immunosuppresseur. Dans le cas particulier où l albuminurie est très abondante, dépassant trois grammes par vingt-quatre heures, on dose l albuminémie ; si celle-ci est nettement abaissée (inférieure à 20 grammes par litre), il s agit d un syndrome néphrotique. Il faut alors confier le malade au néphrologue et dépister une thrombose veineuse (notamment des veines rénales, par écho-doppler). Les lésions tubulaires sont caractérisées par une protéinurie inférieure à 2 grammes par vingt-quatre heures, composée essentiellement de protéines de bas poids moléculaire (comme la bêta-2-microglobuline) normalement réabsorbées par le tubule proximal. Là encore, l avis du néphrologue est important pour chercher l étiologie (intoxication au plomb, au cadmium, syndrome de Fanconi, acidose tubulaire rénale, etc.) et pour traiter l insuffisance rénale éventuelle. Sans oublier le myélome L hypertension artérielle peut entraîner, sur le long terme, une néphroangiosclérose révélée par une protéinurie souvent minime. Seul le néphrologue peut la diagnostiquer précisément et faire la différence avec d autres néphropathies interstitielles qui s accompagnent volontiers d hypertension. De plus, une hypertension artérielle sévère peut s accompagner d un syndrome néphrotique souvent d origine réno-vasculaire, avec une protéinurie de l ordre de 1 à 2 grammes par jour, indépendante des lésions rénales sous-jacentes. Une protéinurie faite de chaînes légères détectées à l immunoélectrophorèse, associée ou non à une insuffisance rénale, fait suspecter un rein myélomateux. Ces cas sont du ressort du néphrologue. * D après une communication, aux Entretiens de Bichat, du Dr Alexandre Dumoulin, service de néphrologie, hôpital Henri- Mondor, Créteil [94]. Voir le Généraliste n 2179, page 8 de notre numéro 2177, «Mais d où vient cette hématurie microscopique?». N 2178 - VENDREDI 22 FÉVRIER 2002 3

Mais d où vient cette hématurie microscopique?!souvent détectée lors d un examen systématique des urines par des bandelettes, une hématurie peut signaler une infection basse, une glomérulopathie, un cancer des voies excrétrices ou d autres pathologies familiales ou parasitaires.!comment organiser la recherche de la pathologie en cause? PAR LE DR MARC KREUTER* microscopique est fréquente, même chez des sujets apparemment L HÉMATURIE sains. L étude de Froom, Ribak et Benbassat, en 1984, portant sur mille soldats en bonne santé apparente, suivis pendant une douzaine d années en moyenne, fait état de 40 % d hématuries microscopiques. Une autre étude retenait 10 % d hématuries microscopiques chez 230 sujets de plus de 50 ans, sans symptômes apparents (Messing et coll., 1987). On peut découvrir une hématurie microscopique par un examen d urine à l aide de bandelettes dans deux circonstances : soit lors d un examen systématique (médecine du travail, médecine du sport, etc.) ; soit au titre d examen complémentaire dans une pathologie de la sphère néphro-urologique. Microscopique et isolée CHEZ une personne a priori en bonne santé, n ayant aucun symptôme, la découverte d une hématurie microscopique implique la répétition de l examen aux bandelettes, une ou deux fois, à quelques semaines d intervalle, en analysant des urines fraîches du matin. CHAQUE ANNÉE, SUR CENT SUJETS DE PLUS DE 50 ANS PRÉSENTANT UNE HÉMATURIE MICROSCOPIQUE, CINQ ONT UN CANCER DE LA VESSIE! Hématurie confirmée aux bandelettes = ECBU Si l on note à deux reprises une hématurie (cotée à une ou deux croix aux bandelettes), on peut certes prescrire une cytologie simple (B 15, soit 3,93 ) ; cet examen permet, en effet, si l on dénombre plus de 40 000 hématies par millilitre, de confirmer l hématurie et d éliminer une fausse réaction positive aux bandelettes détectant les hématies, due à la présence de myoglobine ou d hémoglobine. On préfère cependant demander d emblée un examen cyto-bactériologique des urines (ECBU, coté B 70, soit 18,25 ), qui non seulement confirme l hématurie, mais aussi permet d évoquer plusieurs diagnostics. Grâce à l ECBU, on peut dépister une éventuelle infection urinaire GARO /PHANIE asymptomatique ; si les urines sont stériles, une leucocyturie supérieure à 10000 éléments par millilitre incite à rechercher une pathologie parmi les leucocyturies aseptiques (tuberculose, infections par germes intracellulaires type chlamydiae ou mycoplasmes, néphropathies interstitielles chroniques). L aspect déformé des hématies ou la présence de cylindres hématiques (les hématies, déformées au passage des différents tubules urinaires, forment un cylindre hématique) orientent fortement vers une atteinte rénale de type glomérulopathie. La présence d albumine indique également une possibilité de lésion rénale. On fera préciser le taux d albumine par un dosage de l albuminurie de vingt-quatre heures: au-dessus de 0,50 gramme par vingt-quatre heures, l origine rénale est probable ; au-dessus de 3 grammes, la localisation glomérulaire est vraisemblable. En revanche, la présence de caillots indique que l hématurie prend plutôt sa source au niveau des voies excrétrices, car la présence d urokinase et de l activateur du plasminogène dans les tubes et dans le glomérule inhibe la formation de caillots. N 2177 - MARDI 19 FÉVRIER 2002 4

Hématurie confirmée à l ECBU: cibler la recherche Lorsque l hématurie est la seule anomalie de l examen cyto-bactériologique, il faut se poser plusieurs questions pour déterminer le cheminement des examens complémentaires. Des antécédents personnels ou familiaux de lithiase urinaire, même limités à la présence de sable dans les urines, orientent vers le diagnostic de lithiase urinaire. On prescrit en conséquence un dosage de la calciurie (une calciurie élevée peut, sans former de réels calculs, léser les parois urinaires et entraîner une hématurie microscopique) ; on recherche une hyperuricosurie ; une radiographie de l abdomen sans préparation parachève ce parcours diagnostique, non sans que le recours à l échographie ait été discuté. La révélation d antécédents familiaux d insuffisance rénale conduit à chercher une polykystose rénale ou une néphropathie familiale type syndrome d Alport ou maladie des membranes basales fines. Si l interrogatoire signale un risque de bilharziose, on demande un examen parasitologique des urines (à noter qu une bilharziose urinaire élève le risque de cancer de la vessie, notamment épidermoïde). Il faut s informer sur d éventuels antécédents de drépanocytose chez un sujet noir ou de thalassémie. Sujet masculin, passé 50 ans : penser au cancer! Enfin des examens complémentaires sont indispensables chez les sujets exposés à un risque de néoplasie vésicale et des voies excrétrices urinaires. Il faut savoir en effet que l incidence annuelle des cancers de la vessie chez les hommes de plus de 50 ans présentant une hématurie microscopique est d environ 5 %. Ces diagnostics seront évoqués, en particulier, chez les tabagiques, devant tout malade qui a consommé des antalgiques contenant de la phénacétine** pendant de longues périodes ou qui a subi une exposition professionnelle prolongée aux hydrocarbures. L échographie rénale et vésicale est prioritaire pour chercher une tumeur des voies excrétrices, éventuellement complétée par un scanner avec injection d iode (après vérification de la fonction rénale), parfois par une IRM susceptible de visualiser de petites tumeurs rénales. La cystoscopie peut être justifiée chez ces sujets masculins de plus de 50 ans, notamment s ils ont des facteurs de risque de cancer vésical, comme le tabagisme. Si ces examens sont négatifs, chez ces sujets à risque de cancer des voies excrétrices, on peut prescrire une cytologie urinaire deux fois par an et une échographie, voire une cystoscopie chaque année. La cytologie urinaire est pratiquée sur les urines fraîches du matin par un LES QUESTIONS DU GÉNÉRALISTE LA FIN D ADDIS Le Généraliste. L examen du sédiment urinaire est-il différent de la numération des hématies par millimètre cube? Quelles sont les valeurs normales? Dr Alexandre Dumoulin. L étude du sédiment urinaire consiste à compter les hématies sur un échantillon d urines fraîches du matin. Une valeur supérieure à 40 000 hématies par millilitre n est pas normale. L hématurie microscopique peut être considérée comme modérée jusqu à 30 000 ou 40 000 éléments par millilitre. Au-delà de ces chiffres, on peut la considérer comme abondante. À partir de un million d hématies par millilitre, les urines sont rouges et l hématurie est macroscopique. N utilise-t-on plus le compte d Addis? Dr A. D. Beaucoup moins qu autrefois. C est un examen astreignant, avec un recueil des urines à 4 heures, puis à 7 heures du matin. On tient pour pathologique une hématurie microscopique de plus de 10000 éléments par minute. Voulez-vous préciser les conditions de recueil et les valeurs normales de la calciurie et de l uricosurie? Un régime préalable est-il nécessaire? L examen doit-il être répété plusieurs jours de suite? Dr A. D. Le dosage de la calciurie et de l uricosurie se fait sur les urines de vingt-quatre heures. Pour cela, le patient doit jeter ses urines au réveil, puis recueillir toutes les urines de la journée, ainsi que les premières urines du lendemain matin et apporter le tout au laboratoire. On considère une calciurie comme normale quand elle est inférieure à 4 mg par kilogr et par vingt-quatre heures (0,1 mmol par kilogr et par vingt-quatre heures). Une hyperuricosurie correspond à une valeur supérieure à 400 mg par vingt-quatre heures (2,4 mmol par vingt-quatre heures). Quant au régime, tout dépend de ce qu on cherche. Si l on veut analyser la situation un jour quelconque, il convient de dire au patient de ne rien modifier à son régime habituel. Si l on veut savoir si le patient est un hyperabsorbeur intestinal du calcium, on peut réaliser un régime très pauvre en calcium (moins de un gramme par jour) et vérifier si la calciurie, après un tel régime, persiste ou non (elle est normalement inférieure à 0,48 mmol de calcium par mmol de créatinine). Je rappelle que le dosage de la calciurie et de l uricosurie doit être accompagné d un ionogramme ainsi que de la mesure de l urée et de la créatinine. On peut également ajouter le dosage de l oxalaturie, éventuel facteur favorisant de lithiase, tout comme un apport sodé et protidique important. Voulez-vous préciser l incidence du cancer de la vessie? Dr A. D. L incidence du cancer de la vessie varie d un pays à l autre et se situe, en France, aux alentours de vingt cas pour 100000 hommes et de trois à quatre cas pour 100000 femmes. Toutefois, après 50 ans, l incidence est d environ 5 % en cas d hématurie microscopique et de 20 % lorsque l hématurie est macroscopique. Cette proportion de cancer dépend clairement de l âge et augmente très nettement chez les patients de plus de 50 ans, en particulier de sexe masculin. L épreuve des trois verres est-elle encore (parfois ou couramment) utilisée? Dr A. D. Cette épreuve consiste à recueillir l urine du début de miction dans un verre, à poursuivre le recueil dans un deuxième verre et à la terminer dans un troisième. L hématurie initiale est en faveur d une lésion urétérale, alors qu une hématurie terminale témoigne d une lésion au niveau du trigone. Une hématurie présente sur les trois échantillons a une valeur localisatrice très faible, de même qu une hématurie abondante, qui est totale, ne permet en aucun cas de localiser la lésion. Cette épreuve des trois verres peut être utilisée, mais reste d un intérêt restreint, puisque les investigations ne se limiteront pas à ce type d examen. En cas d hématurie, il est clair que les examens morphologiques seront plus poussés. Chez un sujet de moins de 50 ans sans risque particulier ni pathologie évidente, quand décidez-vous de recourir à la cystoscopie? Quel est le schéma de la surveillance ultérieure? Dr A. D. La place de la cystoscopie, lorsqu une urographie intraveineuse et une échographie sont négatives, est mal définie. On sait que sa valeur diagnostique est faible chez les hommes de moins de 50 ans et chez les femmes à faible risque de cancer vésical. En revanche, au moindre doute, notamment chez les hommes de plus de 50 ans exposés à un facteur de risque de cancer urothélial (les fumeurs notamment), il faut prescrire une cystoscopie. En cas de négativité de tous les examens, je pense qu il est raisonnable, en cas de persistance de l hématurie, de refaire ces examens, notamment une échographie rénale et une cystoscopie, d autant plus que les personnes sont à risque, au moins une fois par an. Propos recueillis par le Dr Marc Kreuter N 2177 - MARDI 19 FÉVRIER 2002 5

anatomopathologiste qui cherche au microscope les cellules cancéreuses. Avant 40 ans : UIV Un sujet jeune chez qui on a découvert une hématurie isolée se verra plus volontiers prescrire une urographie intraveineuse en première intention. Si l urographie ou l échographie sont négatives, est-on fondé à prescrire une cystoscopie chez un sujet de moins de 40 ans, en particulier de sexe féminin, sachant que les risques de cancer des voies excrétrices et de la vessie sont faibles? Cette question est débattue. En revanche, une hématurie cyclique chez une femme peut évoquer une endométriose du tractus urinaire et justifier une cystoscopie. L hématurie n est pas le seul symptôme LA démarche diagnostique est différente si la découverte de sang dans les urines fait partie d une recherche dans un cadre pathologique. Au décours ou après une infection ORL, il faut chercher une glomérulonéphrite postinfectieuse ou une maladie de Berger. Il est aussi très fréquent de découvrir une hématurie au cours d une cystite ; elle est confirmée par l examen cyto-bactériologique des urines. Enfin, il faut explorer les malades présentant une hématurie sous traitement anticoagulant. Ce traitement, en général par antivitamines K, peut en effet révéler une lésion néphro-urologique : quand l hématurie se produit chez un malade dont le traitement par antivitamines K est «équilibré», la conduite à tenir est la même que pour un patient qui n est pas sous anticoagulants, à savoir une échographie rénale et des voies urinaires, voire une urographie, et une cystoscopie ; quand l hématurie se produit chez un malade dont le traitement par antivitamines K n est pas «équilibré», il faut vérifier la persistance de l hématurie sur un ou deux examens, puis, même si l on sait que le traitement par antivitamines K peut faciliter un passage d hématies à travers la muqueuse, il convient tout de même d entreprendre ces différents examens, car l enjeu est important. * D après une communication aux Entretiens de Bichat du Dr Alexandre Dumoulin, (service de néphrologie, hôpital Henri- Mondor, Créteil [94]). ** La phénacétine n entre plus dans la composition de médicaments en France depuis quelques années. N 2177 - MARDI 19 FÉVRIER 2002 6