Réanimation du nouveau-né en salle de naissance : quelles innovations techniques?



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Réanimation du nouveau-né en salle de naissance : quelles innovations techniques? Résumé : De nouvelles recommandations internationales concernant la salle de naissance sont parues fin 2010. La priorité d une réanimation respiratoire de qualité fait consensus avec une pièce en T contrôlant les pressions et sous air pour le nouveau-né à terme. En cas de recours à l O2, une titration est effectuée en fonction de la SpO2 susductale attendue. L intubation est au mieux vérifiée par capnographie. Le MCE et l adrénaline IV ont une place réduite. Si le nouveau-né naît dans un liquide méconial et qu il est en mauvais état, il est aspiré et intubé pour aspiration endotrachéale avant toute ventilation. S il va bien, on s abstient. L hypothermie globale contrôlée précoce est bénéfique en cas d encéphalopathie anoxo- ischémique. Les prématurissimes doivent naître dans une ambiance de 26 C et sont placés d emblée dans un sac en polyéthylène. Il est licite d arrêter une réanimation bien conduite au bout de 10 minutes en cas d activité cardiaque indétectable. Les dilemmes éthiques seront exposés. La formation régulière du personnel de salle de naissance est encouragée. N. LodE SMUR Pédiatrique, Hôpital Robert Debré, PARIS. Des difficultés d adaptation à la vie extra-utérine du nouveauné surviennent dans 10 % des naissances. Une réanimation est nécessaire dans 1 % des cas. La priorité de la réanimation respiratoire a été affirmée dès 2005 par l American Heart Association (AHA) suivie des recommandations de l International Liaison Committee on Resuscitation (ILCOR) [1] et de l European Resuscitation Council (ERC) [2]. Au cours des 5 dernières années, de nombreux points ont été débattus dans la littérature : toxicité de l oxygène, stratégie et matériel de ventilation, voie d administration des médicaments, conduite à tenir en fonction de situations particulières : hypothermie, présence d un liquide méconial, prématurité, anoxie périnatale, éthique, qualification et formation du personnel. Les dernières recommandations de l ILCOR et de l ERC ont été publiées fin 2010 [3, 4]. Nous en reprenons ici les différents points. Préparation, anticipation et [ évaluation du nouveau-né Il est souvent possible de prévoir le besoin d une réanimation ou d une stabilisation à la naissance. Les situations à risque sont bien connues : prématurité, asphyxie périnatale, contexte infectieux, retard de croissance intra-utérin sévère (< 3 e percentile), malformations fœtales, grossesses multiples et certaines thérapeutiques maternelles. Elles nécessitent une bonne collaboration obstétricopédiatrique et elles permettent le transfert in utero dans une maternité adaptée. Néanmoins, dans un petit nombre de cas, le risque n est pas prévisible. Il faut alors pouvoir faire face avec du matériel 1

adapté, toujours prêt et vérifié, du personnel formé et entraîné. Les recommandations de 2010 [3, 4] insistent sur ce point. Le délai de clampage du cordon ombilical est d au moins une minute après la naissance si le nouveau-né ne présente aucune difficulté [5]. Il n y a pas de recommandation pour les nouveau-nés requérant une réanimation. L évaluation repose sur trois critères : la respiration (cris, présence ou absence d ampliation thoracique efficace), la fréquence cardiaque (FC) et le tonus. La couleur est un mauvais reflet de l oxygénation dans les premières minutes de vie. Le degré d oxygénation s évalue au mieux avec un oxymètre de pouls (SpO 2 ), placé en position susductale (main droite). Une pâleur est le reflet d une mauvaise perfusion périphérique possiblement en rapport avec une acidose et/ou une hypovolémie (anémie aiguë). L évaluation est périodique toutes les 30 secondes. Elle impose une action qui, à son tour, est évaluée. Les gestes de stabilisation ou de réanimation sont guidés par la mesure de la FC, de préférence à l auscultation, sinon en appréciant les battements du cordon. Une augmentation de FC signe une amélioration, sa diminution une détérioration [4]. Le score d Apgar ne guide pas la réanimation mais permet d en évaluer l effet. Quatre impératifs sont à respecter : rapidité, coordination, lutte contre le refroidissement, asepsie et douceur des manipulations (en particulier pour le prématuré). La prise en charge est résumée par l algorithme de l ILCOR (fig. 1). Nous détaillons ci-dessous les nouveautés et les points qui font encore débat. >>> Contrôle de la température : objectif normothermie Pour le nouveau-né qui va bien, la mise rapide en peau à peau est recommandée. NAISSANCE 30 secondes 60 secondes A terme? Liquide amniotique clair? Respire ou crie? Bon tonus musculaire Réchauffer Positionner la tête, désobstruer (si nécessaire) Sécher, stimuler, repositionner Evaluer FC et respiration FC < 100/min Gasp ou apnée? Ventiler au masque en l absence des CI : Liquide méconial ou hernie diaphragmatique Monitorer SpO2 Corriger les étapes de la ventilation : position, Ti (temps d insufflation), pression Corriger les étapes de la ventilation Intuber si pas de soulèvement thoracique Rechercher : hypovolémie : Remplissage 10 ml/kg NaCL 9 Pneumothorax Hernie diaphragmatique non diagnostiquée AN FC < 100/min? FC < 60/min? Reste avec sa mère Soins de routine Réchauffer Désobstruer (si nécessaire) Essuyer et sécher Suivre l évolution Respiration difficile ou cyanose persistante Repositionner, désobstruer Monitorer SpO2 susductale Envisager CPAP Titrer O2 pour les valeurs attendues de SpO2 Soins et surveillance Post-réanimation Envisager l intubation Compressions thoraciques Coordonner avec ventilation en pression positive 3 :1 Adrénaline IV 0,01-0,03 mg/kg ou IT 0,05 mg/kg 1 min 60 %-65 % 2 min 65 %-70 % 3 min 70 %-75 % FC < 60/min? Valeurs des SpO2 susductales attendues après la naissance 4 min 75 %- 80 % 5 min 80 %- 85 % 10 min 85 %- 95 % Fig. 1 : Algorithme de prise en charge du nouveau-né à la naissance d après l ILCOR 2010 [3]. 2

Les extrêmes prématurés bénéficient au mieux d une température de la salle de naissance à 26 C [3, 4] et de l installation sans séchage préalable dans un sac en polyéthylène [6] jusqu aux épaules permettant tous les gestes de réanimation, sur la table radiante avec sonde cutanée et servo-contrôle. Le caractère délétère de l hyperthermie est également souligné d autant qu une ischémie est associée. >>> Libération des voies aériennes l Quand le liquide amniotique est clair : L aspiration oropharyngée systématique est proscrite en raison du risque de retard à la mise en route de la ventilation spontanée et de bradycardie vagale [7]. En cas d encombrement, on réalise une désobstruction douce de l oropharynx et des narines avec une dépression entre 100 et 150 cm H 2 O au retrait de la sonde. La tête est en position neutre. l En présence de liquide méconial L aspiration intrapartum (tête à la vulve) n est plus recommandée [8]. Si le nouveau-né est en mauvais état à la naissance (apnée ou hypotonie), il est aspiré sous contrôle de la vue, intubé pour poursuivre l aspiration [4]. En cas d échec d intubation, si la bradycardie persiste, une ventilation au masque, malgré les risques d inhalation, est entreprise pour sauver l enfant. Depuis 2005, l aspiration systématique du pharynx et de la trachée est abandonnée [1, 2]. [ Réanimation à l air L hypoxie et l hyperoxie sont délétères. Un nouveau-né à terme et sain met environ 10 minutes à atteindre une saturation susductale de 95 % (mesurée au SpO2 (%) 100 95 90 85 80 75 70 65 SpO2 préductale 60 SpO2 post-ductale 55 50 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 Minutes après la naissance Fig. 2 : SpO2 pré- et postductales dans les 15 premières minutes de vie chez l enfant à terme sans pathologie. D après Mariani G et al. J Pediatr, 2007 ; 150 : 418-421. mieux par un capteur de SpO 2 à la main droite) [9] (fig. 2), témoin de la transition d une circulation fœtale à une circulation postnatale. Saugstadt, depuis 20 ans [10], a démontré les effets nocifs de l hyperoxie : stress oxydatif avec libération des radicaux libres pour une ventilation à l air efficace étayée par deux méta-analyses [11, 12]. L apport d oxygène (O 2 ) est réservé aux nouveau-nés gardant une SpO 2 en dessous des valeurs attendues [3] malgré une ventilation efficace. Il est délivré par un mélangeur Air/O 2 en se guidant selon les valeurs de SpO 2 sus-ductale (titration de l O 2 ). Par contre, chez le prématuré, l air ne semble pas suffisant et un mélange Air/O 2 est préconisé. La FiO 2 de départ n est pas consensuelle [3]. Les équipes françaises tablent sur 30 %, à adapter en fonction des SpO 2 (SpO 2 maxima 90 % chez les prématurissimes). Ventilation en pression [ positive intermittente Si après stabilisation initiale l enfant n a pas une respiration autonome efficace et/ou présente une FC inférieure à 100/ min, la priorité est alors une ventilation en pression positive intermittente pour aider à la résorption du liquide alvéolaire, créer une capacité résiduelle fonctionnelle, diminuer les pressions dans les cavités cardiaques droites et établir une P limite de sécurité Arrivées des fluides après mélange air/o2 circulation à haute pression systémique dont le témoin va être l amélioration de la FC. L ILCOR [1, 3] et l ERC [2, 4] insistent sur le monitorage des pressions pour limiter le barotraumatisme. La ventilation en pression positive est réalisée avec masque et ballon auto-remplissable de volume suffisant (400-500 ml) (si possible raccordé à un manomètre de pression) ou effectuée avec une pièce en T comme le Néopuff (Fischer & Paykel) et ses concurrents (fig. 3) avec une fréquence entre 40 et 60/min, des pressions à 20-25 cm H 2 O. En cas d inefficacité ou d absence d accélération de la FC, un temps d insufflation allongé de 2 à 3 secondes, plus facilement effectué avec une pièce en T, et/ou des pressions d insufflation supérieures (30-40 cm H 2 O) peuvent être employés chez le nouveau-né à terme [3]. Il n y a pas suffisamment d évidence pour recommander un temps d insufflation, un débit de fluide, ni une fréquence optimale par rapport au terme. Les masques faciaux sont ronds, adaptés à la taille du visage, incorporant le nez et la bouche pour une ventilation sans fuites, tête du bébé en position neutre. Les contreindications à respecter sont la présence de liquide méconial et la suspicion de hernie diaphragmatique. Pi PEP Fig. 3 : Ventilation manuelle avec une pièce en T. Exemple de Néopuff (Fisher&Paykel). 3

La pression de fin [ d expiration positive (PEP) Beaucoup d auteurs recommandent l administration d une pression positive continue (CPAP) chez les enfants qui ont une respiration spontanée imparfaite dans les minutes suivant la naissance. Son intérêt a été démontré chez le prématuré à 4-6 cm H 2 O avec des canules uni- ou binarinaires permettant d éviter de recourir d emblée à l intubation [13] ou en relais après instillation intratrachéale prophylactique de surfactant chez les moins de 28 SA. Chez le nouveau-né à terme, une CPAP précoce semble être également bénéfique. Cette pratique reste à évaluer. [ Masque laryngé Il est proposé depuis 2005 par l ILCOR et l ERC [1, 2] pour les enfants de plus de 2 kg et 34 SA en cas d échec de ventilation au masque et d impossibilité d intubation. Son utilisation en France est quasi inexistante. Intubation endotrachéale [ et ventilation mécanique L intubation est indiquée [3, 4] en cas d aspiration endotrachéale du bébé non vigoureux né dans un liquide amniotique méconial, en cas d échec de ventilation en pression positive ou si celle-ci est prolongée, si le massage cardiaque devient nécessaire, ou dans des situations spécifiques (hernie diaphragmatique, prématurissime pour instillation de surfactant). Elle est réalisée par voie nasale permettant une fixation plus facile et fiable ou par voie orale (réalisation plus facile) [3, 4]. Les repères et calibres sont illustrés par le tableau I. Les lames d intubation sont toujours des lames droites. Dans Poids Calibre de sonde Repère à la narine Repère à la lèvre < 2,5 kg 2,5 2,5-3 kg 3 7+ poids 6+ poids 3-4 kg 3,5 Tableau I : Sondes d intubation en fonction du poids. les recommandations [3, 4], il n est pas fait mention de lames jetables. Actuellement, les lames jetables, même métalliques, sont de qualité, commodité d exposition et luminosité inférieures aux lames réutilisables. Pour la Miller 00, il est très difficile de passer une pince de Magill, quel que soit le fabricant. La preuve de la bonne place de la sonde d intubation, outre le soulèvement thoracique, est l amélioration rapide de la FC et de la SpO 2. La mesure du CO 2 expiré par capnographie est devenue la méthode de référence pour contrôler l intubation lorsque le nouveau-né a une circulation spontanée efficace [3, 4]. Obligatoire dans les salles d opération, elle n est pas encore répandue dans les salles de naissance, mais les recommandations internationales fortes vont promouvoir sa diffusion. En revanche, les détecteurs colorimétriques de CO 2 ne sont pas recommandés car leur fiabilité est trop incertaine [3, 4]. La disponibilité d un respirateur permet un réglage précis de la ventilation et libère les mains des opérateurs. Le massage cardiaque [ externe (MCE) Il est entrepris en cas de FC < 60/min malgré une ventilation efficace avec une FiO 2 adaptée. L association ventilation/ MCE nécessite deux personnes sauf si l enfant est déjà intubé et en ventilation mécanique. La méthode la plus efficace est celle avec les deux pouces placés au 1/3 inférieur du sternum, les paumes des mains et les doigts encerclant le thorax avec un rythme de compression de 120/ min, une égalité du temps de compression et de relaxation et un rapport de 3 compressions pour une ventilation, ce qui, sur un temps d une minute, fait 90 compressions et 30 ventilations. Le MCE est interrompu quand la FC est supérieure à 60/min et stable. [ Les médicaments >>> Adrénaline rarement nécessaire Si la FC reste inférieure à 60/min malgré une ventilation et un MCE efficaces, l adrénaline est administrée préférentiellement par voie IV pour l ILCOR comme pour l ERC. Un cathéter veineux ombilical (KTVO) est mis en urgence au premier repère (5 cm) [4] permettant, après vérification d un reflux, l injection de 10 à 30 mcg/kg d adrénaline : ampoule de 1 ml = 1 mg diluée au 1/10 e. Si la voie intratrachéale est utilisée, les doses sont plus élevées : 50 à 100 mcg/kg [3, 4] en attendant une voie veineuse. >>> Remplissage Si une hémorragie est suspectée : anamnèse, pâleur, non réponse aux gestes de réanimation, un remplissage par sérum salé isotonique de 10 ml/kg est effectué en attendant de transfuser en urgence du culot globulaire O Rhésus négatif. L albumine n a plus de place. Une mesure extemporanée du taux d hémoglobine (Hemocue) est précieuse. >>> Naloxone L ILCOR [3] déconseille son utilisation chez le nouveau-né présentant une détresse respiratoire après prise par la mère de morphiniques. Le support ventilatoire est préférable. 4

>>> Glucose L apport IV de glucose est à considérer aussitôt que possible après la réanimation dans le but d éviter l hypoglycémie. Aucune étude contrôlée ne permet de déterminer quel niveau de glycémie est bénéfique ou délétère après hypoxieischémie du nouveau-né. >>> Bicarbonates L administration parentérale de bicarbonate de sodium induit une hyperosmolarité et une hypercapnie avec un effet délétère sur les fonctions myocardiques et cérébrales. Pour l ERC [4], il n est indiqué à la dose de 1-2 meq/kg en IV lente, diluée, après une stabilisation ventilatoire et hémodynamique, qu en cas d acidose sévère et documentée (gaz du sang). L ILCOR ne l évoque même plus. POINTS FORTS û La réanimation du nouveau-né à terme est effectuée en air ambiant. En l absence d amélioration, l oxygène est titré en surveillant la SpO2 susductale. û Priorité à la ventilation si possible avec une pièce en T. û Vérification de l intubation par capnographie. POINTS FORTS û En présence de liquide méconial, les aspirations oropharyngées et endotrachéales sont pratiquées uniquement si l enfant va mal et avant toute ventilation au masque. û En cas d anémie aiguë, remplissage par sérum salé isotonique 10 ml/kg en attendant la transfusion. û Prévention de l hypothermie des prématurissimes : 26 C et sac en polyéthylène. û En cas d anoxie périnatale, l hypothermie corporelle globale est à proposer avant 6 heures de vie. û Il faut des formations répétées du personnel de salle de naissance. [ Cas particuliers Le liquide méconial et la prématurité ont déjà été évoqués. On insiste sur la possibilité d administration prophylactique avant 30 minutes de vie de surfactant (Curosurf ) 200 mg/kg en intratrachéal en cas d âge gestationnel (AG) < 28 SA. 1. Asphyxie périnatale Plusieurs essais multicentriques randomisés contrôlés d hypothermie induite (33,5 C à 34,5 C) chez des nouveaunés d AG 36 SA avec encéphalopathie anoxo-ischémique modérée ou sévère ont montré une diminution de la mortalité et un bénéfice neuro-développemental à 18 mois [14, 15]. L hypothermie contrôlée est recommandée par les deux sociétés [3, 4] à condition d être initiée avant la sixième 5

heure de vie et poursuivie 72 heures. La balance bénéfice/risque n est pas en faveur de l hypothermie profonde (< 33 C) [4]. La société française de néonatologie (SFN) a publié des recommandations dans le même sens [16]. L hypothermie est pratiquée en réanimation (risque cardiovasculaire et hématologique) sur des critères précis anamnestiques, cliniques (score d Apgar < 5 à 10 minutes et signes précoces d encéphalopathie anoxoischémique) et biologiques (ph < 7, lactates 12 mml/l à 1 heure de vie). Une évaluation avec EEG est refaite dans les réanimations pratiquant l hypothermie corporelle globale. En attente de transport SMUR, la température est maintenue à environ 35 C. Sont évitées hyperoxie, hypocapnie, hypoglycémie et stimulations nociceptives. 2. Atrésie de l œsophage Le test à la seringue n est plus systématique (HAS, 2008) [17]. La pose d une sonde gastrique chez un bébé bien portant peut induire une bradycardie par réflexe vagal. Une sonde oro-gastrique est mise en cas d hydramnios anténatal, ou devant des sécrétions salivaires abondantes ou des accès de cyanose avec bradycardie. En cas d atrésie, la sonde gastrique bute dans le cul-de-sac supérieur. En dehors des circonstances susmentionnées, un personnel qualifié de salle de naissance s assure de l exécution parfaite de la première tétée. 3. Ethique >>> En cas d absence d activité cardiaque au bout de 10 minutes de réanimation, il est licite d arrêter. La décision de continuer au-delà est souvent complexe et influencée par l étiologie présumée, l âge gestationnel, la gravité de la malformation éventuelle, le degré de morbidité et de séquelles accepté par les parents. >>> Si la FC reste < 60/min entre 10 et 15 minutes malgré une réanimation bien conduite, la situation est moins claire et une recommandation formelle ne peut être faite [3, 4]. >>> Aux limites de la viabilité, quand l anamnèse est défavorable ou devant des malformations sévères, si le décès ou des séquelles très lourdes sont hautement prévisibles, il n est pas licite de proposer des soins de réanimation [3, 4, 18]. Ils sont remplacés par des soins de confort (soins palliatifs néonatals) [18]. [ Conclusion La réanimation en salle de naissance nécessite un personnel compétent régulièrement formé et entraîné, au fait des nouvelles recommandations qui paraissent tous les 5 ans. Les points essentiels sont la ventilation sous air en pression positive avec monitorage des pressions. Si besoin, l oxygène est titrée en fonction de la SpO 2 attendue. Le contrôle de l intubation est recommandé par la capnographie. L hypothermie contrôlée a démontré son efficacité dans l asphyxie périnatale et doit être proposée tôt. Bibliographie 1. The International Liaison Committee on Resuscitation (ILCOR). Consensus on Science with Treatment Recommandations for Pediatric and Neonatal patients : Neonatal Resuscitation. Pediatrics, 2006 ; 117 : 978-988. 2. Biarent D, Bingham R, Richmond S et al. European Resuscitation Council Guidelines for Resuscitation 2005, Section 6. Paediatric life support. Resuscitation, 2005 ; 67 : S97-133. 3. Perlman JM, Wyllie J, Kattwinkel J et al. 2010 International Consensus on Cardiopulmonary Resuscitation and Emergency Cardiovascular Care Science with Treatment Recommendations, Part 11. Neonatal Resuscitation. Circulation, 2010 ; 122 : S516-S538. 4. 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