Les obligations juridiques instaurées par la nouvelle réglementation thermique



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Transcription:

FICHE PRATIQUE N 1/6 Les obligations juridiques instaurées par la nouvelle réglementation thermique La nouvelle réglementation thermique, applicable dès le 28 octobre 2011, affiche des objectifs ambitieux en matière de performance énergétique. Pour les atteindre, la RT 2012 impose aux constructeurs et aux maîtres d ouvrage des obligations plus contraignantes, ce qui n est pas sans incidence sur leur régime de responsabilité. Aujourd hui, la première des six fiches consacrées à ces changements. EMMANUELLE MENARD Avocate au barreau de Bordeaux, associée de la Selarl Racine, professeur à l ICH-Cnam de Bordeaux La réglementation thermique a été instaurée en 1974, dans un contexte de crise énergétique qui persiste et auquel s ajoutent désormais des réflexions environnementales et écologiques parfois très alarmistes. A qui et à quoi s applique la RT 2012? Les lois «Grenelle» du 3 août 2009 et du 12 juillet 2010 ont donné lieu à un décret 2010-1269 et à un arrêté du 26 octobre 2010. Ces textes forment la RT 2012, laquelle n est pas limitée à une simple réglementation thermique, mais recouvre tous les domaines de performance énergétique et environnementale : chauffage, production d eau chaude, système de refroidissement/climatisation, ventilation, éclairage, émission de gaz à effet de serre, production de déchets liés à la construction Sont concernés tous les acteurs de la construction maîtres d ouvrage, maîtres d œuvre, constructeurs et promoteurs, architectes, bureaux d études, contrôleurs techniques, industriels, fournisseurs d énergie et de nouvelles entités comme celle dite des certificateurs. La RT 2012 concerne les bâtiments neufs, les parties nouvelles des bâtiments à usage de bureau, d enseignement, d accueil de la petite enfance, ainsi que les bâtiments ou parties de bâtiments à usage d habitation. L article 1 er de l arrêté dresse une liste exhaustive des bâtiments exclus : bâtiments ou parties de bâtiment dont la température normale d utilisation est inférieure à 12 C ; constructions provisoires d une durée d utilisation de moins de deux ans ; bâtiments ou parties de bâtiment ouverts sur l extérieur en fonctionnement habituel ; bâtiments ou parties de bâtiment qui doivent garantir des conditions particulières de températures, d hygrométrie ou de qualité d air ; bâtiments ou parties de bâtiment chauffés ou refroidis pour un usage dédié à un processus industriel ; bâtiments agricoles ou d élevage ; bâtiments situés dans les départements d outre-mer. Quand la RT 2012 entre-t-elle en vigueur? Elle sera applicable à tous les permis de construire déposés à partir du 28 octobre 2011 pour les bâtiments neufs à usage de bureau, d enseignement, d accueil de la petite enfance et ceux à usage d habitation construits en zone Anru. A compter du 1 er janvier 2013, les autres bâtiments neufs à usage d habitation seront également concernés. Un décret doit intervenir pour les bâtiments neufs ou existants du tertiaire (hôtels, restaurants ou hôpitaux) privés ou publics. En l état, il n est pas prévu d obligation de rénovation pour l habitat existant, mais si le propriétaire décide une rénovation, il aura l obligation de respecter la nouvelle norme énergétique. Ces nouvelles dispositions sont d ordre public et reposent pour partie sur une obligation de résultat. CE QU IL FAUT RETENIR La RT 2012 s appliquera, dès le 28 octobre 2011, à tous les bâtiments neufs et aux parties nouvelles des bâtiments à usage de bureau, d enseignement, ou d habitation. Les bâtiments exclus sont listés précisément. Elle s appliquera à tous les acteurs de la construction maîtres d ouvrage, maîtres d œuvre, constructeurs et promoteurs, industriels, fournisseurs d énergie, contrôleurs techniques et certificateurs. En quoi consistent les obligations de résultat instaurées par la RT 2012? La RT 2012 institue une obligation de performance énergétique pour laquelle sont responsabilisés à la fois le maître d ouvrage et les intervenants à l acte de construire. Cette exigence de performance énergétique des bâtiments s articule autour de trois obligations de résultat reprises à l article R. 111-20-I du Code de la construction et de l habitation et qui reposent sur les mesures définies par l arrêté du 26 octobre 2010 : La première obligation de résultat concerne la limitation de la consommation d énergie primaire (1) sur une base de 50 kwh/m2/an, critère qui était précédemment applicable dans la recherche volontaire du label BBC et qui devient la norme. La deuxième concerne l optimisation de la conception du bâti indépendamment des systèmes énergétiques mis en œuvre. La troisième vise à assurer un confort en été avec une limitation des températures intérieures du bâtiment. Le principe de l obligation de résultat est de conduire à engager la responsabilité du constructeur dès que ce résultat n est pas atteint, sans qu il soit nécessaire de rapporter La RT 2012 repose sur une obligation de résultat qui peut conduire à engager la responsabilité du constructeur dès que ce résultat n est pas atteint, sans qu il soit nécessaire de rapporter la preuve d une faute. Outre le rejet de la demande de permis de construire, une amende de 45000 euros et, en cas de récidive, une peine d emprisonnement de six mois sont prévues. 3 29 avril 2011 _ LE MONITEUR 49

3 RT 2012 et responsabilité des constructeurs Les obligations juridiques instaurées FICHE PRATIQUE la preuve d une faute (2). Ainsi, quelles que soient les techniques utilisées, les constructeurs devront respecter ces trois obligations dont découlent des seuils de performance énergétique précis, destinés à répondre aux exigences d efficacité énergétique (besoins bioclimatiques), un seuil de consommation maximale d énergie primaire et un seuil de confort d été dans les bâtiments. A quoi correspondent les obligations de moyens maintenues par la RT 2012? Elle maintient des obligations de moyens pour garantir le respect des obligations de résultat et en faciliter le contrôle : ponts thermiques, étanchéité à l air, surface minimale de baies vitrées, protection solaire, énergies renouvelables, consommations d énergie par usage et affichage des consommations. Pour ces obligations de moyens, la responsabilité du constructeur ne sera engagée que si la preuve d une faute en lien avec le dommage est rapportée. Afin de favoriser le respect de ces nouvelles exigences, sont institués de nouveaux outils de contrôle qui impliquent de nouvelles obligations. Avant leur construction ou leur rénovation, les bâtiments doivent faire l objet d une étude de faisabilité prévue par un décret 2007-363 du 19 mars 2007 dont le contenu est redéfini. Le dossier de permis de construire doit-il prendre en compte la RT 2012? Oui. Au moment du dépôt du permis, la RT 2012 impose au maître d ouvrage d attester la prise en compte de la réglementation thermique, tant pour les bâtiments neufs que pour les travaux sur existant. Il devra également attester de la réalisation de l étude de faisabilité relative aux approvisionnements en énergie. Le non-respect de cette obligation attestation non jointe au dossier conduira au rejet de la demande de permis. On peut, par contre, penser qu il n y aura pas de contrôle de l autorité administrative sur le contenu de l attestation ou de l étude. La RT 2012 crée une seconde obligation à la charge du maître d ouvrage qui doit attester, après achèvement, que la réglementation thermique a bien été prise en compte par le maître d œuvre ou, en son absence, par le maître d ouvrage. Cette attestation, que le maître d ouvrage remet à l autorité ayant délivré le permis de construire, est établie par un contrôleur technique (3), par un diagnostiqueur (3), par un organisme certificateur (3) ou un architecte (3). Contrairement à ce qui était envisagé initialement, l architecte qui a conçu et suivi la réalisation peut être l auteur de l attestation. S agissant du contenu, l arrêté du 26 octobre 2010 fait état d un récapitulatif standardisé d étude thermique. Une incertitude demeure en ce qui concerne l étendue de la vérification, sachant que le texte prévoit uniquement le contrôle de la perméabilité à l air avec le test dit de «la porte soufflante». Comment est sanctionnée l obligation d attestation avant et après travaux? Par une amende de 45 000 euros et, en cas de récidive, par une peine d emprisonnement de six mois (4). Cette sanction pénale vise le bénéficiaire des travaux, les architectes, les entrepreneurs ou toute personne responsable de l exécution des travaux. Si la non-conformité est révélée après le début de travaux, il est prévu que le chantier puisse être interrompu sur réquisition du parquet agissant à la requête du maire ou du fonctionnaire compétent, soit d office par le juge d instruction saisi des poursuites ou par le tribunal correctionnel (5). Si l attestation établie après achèvement révèle une non-conformité, la responsabilité pénale notamment du maître d ouvrage pourra de facto être engagée. Si elle relève cette non-conformité, l autorité administrative pourra exiger une mise en conformité des travaux (6). Si l autorité administrative ne réagit pas, le maître d ouvrage pourrait obtenir une attestation de non-opposition à la conformité, nonobstant l attestation faisant état du non-respect de la norme (7). Si, en cours de travaux ou après achèvement lors du contrôle ainsi institué, une nonconformité est établie, le maître d ouvrage devrait a priori choisir d engager la responsabilité des intervenants concernés. La nature de cette responsabilité n est pas définie par les textes et il faudra déterminer si le manquement aux nouvelles obligations, notamment de résultat, relève d une responsabilité contractuelle de droit commun ou de l une des garanties légales, avec les conséquences que l on connaît sur l assurance applicable (obligatoire ou facultative). (1) Une source d énergie primaire est une forme d énergie disponible dans la nature avant transformation. (2) Cass. 3 e civ., 22 juin 2010, n 09-16199. (3) Définitions, voir art. L. 111-23, L. 271-6 CCH, art. L. 115-27 à L. 115-31 du Code de la consommation et art. 2 de la loi 77-2 du 3 janvier 1977. (4) L. 152-4 CCH. (5) L. 152-2 CCH. (6) Art. R. 462-9 du Code de l urbanisme (CU). (7) Art. R. 462-10 CU. Décret 2007-363 du 19 mars 2007. Loi 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l environnement («Grenelle 1»). Loi 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l environnement («Grenelle 2»). Décret du 2010-1269 du 26 octobre 2010. Arrêté du 26 octobre 2010. Code de la construction et de l habitation, art. L. 111-9 et s., R. 111-20-1, R. 111-22 et s. Dans ce numéro : cahier pratique «30 questions sur la RT 2012», réalisé par le Bureau Véritas pour «Le Moniteur». Cahier pratique RT 2012 IMPACTS ET SOLUTIONS INNOVANTES EN CONSTRUCTION POINT RÉGLEMENTAIRE ET CONCEPTION Application, contrôle, exigences, Page 6 ISOLATION THERMIQUE ET PERMÉABILITÉ Á L AIR Ponts thermiques, isolation par l extérieur, Monomur, rupteurs thermiques, isolants bio-sourcés, Page 8 29 avril 2011 Le Moniteur n 5605 Cahier détaché n 2 consultable sur www.lemoniteur.fr PHOTOVOLTAÏQUE, CHAUFFAGE ET EAU CHAUDE SANITAIRE Principaux procédés, recommandations, nouveaux équipements, Page 14 30 QUESTIONS CP5605_QUEST_REP.indd 1 19/04/11 14:11 La semaine prochaine : rappel des différents régimes de responsabilités applicables aux constructeurs (2/6) 50 LE MONITEUR _ 29 avril 2011

FICHE PRATIQUE N 2/6 Les règles qui encadrent la responsabilité des constructeurs Même si aucun des textes relatifs au «Grenelle» ne contient de dispositions concernant les effets de la RT 2012 sur la responsabilité des constructeurs, il est indéniable que l une aura des effets sur l autre. Avant de les examiner, cette deuxième fiche rappelle les principes qui sont applicables aux rapports entre maîtres d ouvrage et constructeurs, avant et après réception. EMMANUELLE MÉNARD Avocate au barreau de Bordeaux, associée de la SELARL Racine, professeur à l ICH-Cnam de Bordeaux On distinguera différentes hypothèses, avant et après réception de l ouvrage. Que se passe-t-il en cas de non-conformité ou de dommage survenu avant la réception? Quatre hypothèses peuvent être envisagées. 1 re hypothèse : un dommage constaté avant réception relève de la responsabilité contractuelle de droit commun visée à l article 1147 du code civil. Le constructeur est tenu d une obligation de résultat, celle de délivrer un ouvrage exempt de tout vice ou dommage, fût-il de faible importance et purement esthétique. Cette obligation de résultat signifie que la responsabilité du constructeur est engagée par le simple constat du dommage sans qu il soit nécessaire de rapporter la preuve d une faute (1). Le constructeur ne peut s exonérer que par la preuve d une cause étrangère exonératoire (force majeure ou fait d un tiers) (2). Le maître d œuvre est pour sa part tenu d une simple obligation de moyen, de sorte que sa responsabilité est conditionnée à la preuve d une faute en lien avec sa mission contractuelle (faute de conception, dans le suivi ou la direction des travaux, ou relative au devoir de conseil) et ayant participé à la réalisation du dommage allégué (3). 2 e hypothèse : il peut ne pas y avoir de dommage dès lors qu est relevé un simple défaut de conformité à des stipulations contractuelles ou à des dispositions réglementaires. Les responsabilités doivent être aussi envisagées sur le terrain de l article 1147. L entrepreneur est tenu à une obligation de résultat y compris sur la conformité de l ouvrage (4). Dans le cas d une stipulation contractuelle plus exigeante que la norme, il y sera tenu uniquement si cette stipulation figure dans son marché ou dans le descriptif joint (5). Le maître d œuvre reste quant à lui tenu à une obligation de moyen. 3 e hypothèse : le dommage ou la non-conformité peut être apparu avant la réception et avoir fait l objet de réserves à la réception. L entrepreneur est alors tenu à la garantie de parfait achèvement prévue à l article 1792-6 qui lui impose une réparation en nature dans l année qui suit la réception. Cette garantie est applicable quelle que soit la gra vité du dommage ou de la non-conformité. Le maître d ouvrage peut aussi agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun (6). Il peut enfin agir sur le terrain de la garantie décennale s il démontre que le dommage, ou la non-conformité, réser vé ne s est révélé dans son ampleur et ses conséquences qu après la réception et qu il entraîne soit une impropriété à destination soit une atteinte à la solidité de l ouvrage (7). 4 e hypothèse : si les désordres ou défauts de conformité étaient connus ou apparents lors de la réception mais n ont fait l objet d aucune réserve, le maître d ouvrage est en principe irrecevable à agir (8). L application de ce principe est modérée en fonction de la technicité du vice ou de la non-conformité qui doit pouvoir être jugée apparent CE QU IL FAUT RETENIR La présente fiche fait le point sur les règles qui encadrent la responsabilité des intervenants à l acte de construire. Ces règles se confrontent à la RT 2012 et les fiches suivantes permettront d essayer de mesurer l impact de cette nouvelle réglementation thermique. De manière générale, on distingue la responsabilité contractuelle de droit commun et la responsabilité des constructeurs. Cette dernière se subdivise en une garantie de parfait pour un profane (9). La notion d apparence n est en outre pas caractérisée lorsque le dommage est considéré comme se révélant dans son ampleur ou sa gravité après la réception (10). Le maître d œuvre reste responsable sur le fondement d un manquement à son devoir de conseil, dès lors qu il avait une mission d assistance aux opérations de réception (11). Que se passe-t-il en cas de non-conformité ou de dommage survenu après la réception? L application des garanties légales (art. 1792 et s.) suppose par principe que les travaux réalisés soient assimilables à un ouvrage. Qu appelle-t-on exactement un ouvrage? Dans le cas d une construction neuve, la question ne soulève pas de difficulté. La notion d ouvrage est plus difficile à appréhender en présence de travaux sur existant. Pour qualifier ou non d ouvrage de tels travaux, les juges recourent à trois critères principaux : le critère de l immobilisation lorsque les travaux neufs sont intégrés dans l ouvrage existant (12), le critère de l adjonction lorsque les travaux sur existant ont impliqué l apport de matériaux nouveaux (13), achèvement, une garantie biennale et une garantie décennale. En principe, les constructeurs sont tenus de livrer un ouvrage conforme et exempt de vices, cachés ou non. Ces régimes de responsabilité s appliquent avec des nuances à tous les intervenants à l acte de construire, qu il s agisse des entreprises, de l architecte, des BET et contrôleurs de toute nature. 3 6 mai 2011 _ LE MONITEUR 53

3 RT 2012 et responsabilité des constructeurs Les principales règles FICHE PRATIQUE le critère de l ampleur des travaux avec les notions de rénovations dites lourdes ou légères d application variable (14). Les juges appliquent parfois des critères plus techniques. En matière de peinture ou de ravalement, est qualifié d ouvrage le revêtement qui a une fonction d étanchéité (15) ou celui dont la mise en œuvre implique des travaux de maçonnerie (16). La pose d un insert ou d une cheminée relève de la notion d ouvrage si les travaux ont nécessité des reprises de maçonnerie ou l aména gement de la structure (17). Dans ce cadre et en excluant les travaux qui ne sont pas assimilables à un ouvrage et qui relèveront unique ment d une responsabilité de droit commun, le régime applicable aux constructeurs va ensuite dépendre du siège, de la nature, de la gravité des désordres ainsi que de leur date de survenance. Quels sont les régimes de responsabilité applicables après réception? On évoquera ici cinq hypothèses. 1 re hypothèse : si les désordres se sont révélés dans l année suivant la réception et s ils ont fait l objet d une action en réparation de la part du maître d ouvrage durant cette même période, la garantie de parfait achèvement visée à l article 1792-6 peut être mise en œuvre. Elle n est exclusive ni de la responsabilité contractuelle de droit commun des constructeurs (18) ni de la garantie décennale et présente l avantage de couvrir tous les types de dommages, même purement esthétiques, mais ne concerne que l entrepreneur et non le maître d œuvre. 2 e hypothèse : la garantie biennale de bon fonctionnement de l article 1792-3 s applique au défaut de fonctionnement affectant un élément d équipement dissociable de l ouvrage, le maître d ouvrage devant agir en répara tion dans les deux ans de la réception. 3 e hypothèse : la garantie décennale s applique si le dommage affecte un ouvrage, revêt une certaine gravité et si le maître d ouvrage agit dans les dix ans de la réception. La gravité requise est admise pour un dommage qui compromet la solidité de l ouvrage, pour un dommage qui, l affectant dans l un de ses éléments constitutifs ou l un de ses éléments d équipement (dissociable ou non), le rend impropre à sa destination et pour un dommage qui affecte la solidité d un élément d équipement indissociable d un ouvrage. Peu importe l origine du dommage affectant l ouvrage : vice du sol, vice de conception, erreur d exécution, vice d un produit, défaut de conformité. Si l impropriété à destination est retenue pour un dommage à l ouvrage, se pose ensuite la question de savoir si la garantie décennale est le seul régime applicable. L article 1792 institue une responsabilité de plein droit à l encontre du constructeur dès lors que le dommage est imputable aux travaux qu il a réalisés et cette responsabilité est en principe exclusive de toute action en responsabilité contractuelle de droit commun des constructeurs. Un arrêt du 17 juin 2009 pouvait en faire douter, la Cour de cassation ayant rejeté le pourvoi qui avait retenu que l application de la garantie décennale n était pas exclusive de la garantie des vices cachés de l article 1641 du code civil (19). Par un arrêt du 3 mars 2010, la haute juridiction a nuancé le propos en appliquant l article 1792 à un vendeur qui prétendait invoquer une clause contractuelle de non garantie des vices cachés (20). Pour un dommage de nature décennale, la garantie décennale est donc a priori d application exclusive. 4 e hypothèse : pour tous les dommages révélés postérieurement à la réception de l ouvrage, qu ils proviennent d un vice ou d un défaut de conformité et qui ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale, la responsabilité des constructeurs est engagée sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun au visa de l article 1147 du code civil (garantie dite des dommages intermédiaires). Cette responsabilité repose sur une obligation de moyen, de sorte qu elle n est engagée que pour faute prouvée (21). Y sont soumis tous les intervenants à l acte de construire (22). 5 e hypothèse : reste la situation dans laquelle se révèle, après réception, une non-conformité qui n entraîne pas de dommage. La garantie décennale est en principe exclue sauf application de la théorie des dommages «futurs», c està-dire si la non-conformité entraîne, de façon certaine et avant l expiration du délai de garantie, un dommage décennal (23). L application de la garantie décennale peut aussi se justifier sans attendre la manifestation d un dommage s il y a un risque pour la sécurité des personnes, ce qui sera retenu dans le cas du non-respect de normes parasismiques (24), ou dans celle d une violation de la réglementation sécurité incendie (25). S agissant de l architecte concepteur, sa responsabilité ne sera retenue que si la réglementation alléguée et non respectée était effectivement applicable à la date du dépôt du permis de construire (26). A défaut de relever de la garantie décennale, la non-conformité est réparée sur le terrain du droit commun et la responsabilité du constructeur est engagée dès lors que la nonconformité est avérée sans que le maître d ouvrage ait à rapporter la preuve d une faute (27). Dans ce contexte déjà complexe, la RT 2012 crée de nouvelles obligations qui vont évidemment influer sur le régime de responsabilité des constructeurs, ce qui sera l objet de la prochaine fiche. Législation : code civil, articles 1147, 1641, 1792 et s. Jurisprudence : (1) Cass. 3 e civ., 16 déc. 2008, n 07-21.392 ; 1 er juil. 2009, JD 2009-048937 ; 9 sept. 2009, JD 2009-049394. (2) Cass. com. 16 fév. 2010, n 08-21662. (3) Cass. 3 e civ., 11 fév. 2009, JD 2009-047049 ; 24 fév. 2009, n 08-11335 ; 5 mai 2009, n 08-13206 ; 14 avril 2010, JD 2010-003915 ; 11 janv. 2011, n 09-72813. (4) CA Paris, 31 janv. 2001, JD 2001-136069. (5) CA Paris, 26 oct. 2006, JD 2006-316476. (6) Cass. 3 e civ., 30 juin 2009, n 08-18410. (7) Cass. 3 e civ., 28 févr. 1996, n 94-14220 ; 3 déc. 2002, n 00-22579 ; 22 octobre 2002, n 01-11320. (8) Cass. 3 e civ., 14 févr. 2007, n 06-10140 ; 8 nov. 2005, n 04-16932. (9) CA Agen, 31 mai 2010, n 09/00422. (10) Cass. 3 e civ., 24 févr. 2009, n 07-20619. (11) Cass. 3 e civ., 19 mai 2009, n 08-15973 ; 1 er déc. 2009, n 08-20217. (12) Cass. 3 e civ., 18 juil. 2001, n 99-12326. (13) Cass. 3 e civ., 7 oct. 1998, n 96-22837. (14) Cass. 3 e civ., 26 juin 2002, n 00-19616 ; 29 janv. 2003, n 01-13034. (15) Cass. 3 e civ., 27 avr. 2000, n 98-15970. (16) Cass. 3 e civ., 4 avr. 2002, n 00-13890. (17) Cass. 3 e civ., 6 févr. 2002, n 00-15301 ; 6 juil. 2010, n 09-14328. (18) Cass. 3 e civ., 30 juin 2009, n 08-18410. (19) Cass. 3 e civ., 17 juin 2009, n 08-15503. (20) Cass. 3 e civ., 3 mars 2010, n 09-11282. (21) Cass. 3 e civ., 23 nov. 1994, n 92-20620 ; 22 oct. 2002, n 01-01539 ; 22 oct. 2002, n 01-12401 ; 10 mai 2006, n 05-12052. (22) Cass. 3 e civ., 4 juin 2009, n 08-13239 ; 4 nov. 2010, n 09-12988. (23) Cass. 3 e civ., 4 nov. 2010, n 09-70235 ; 12 fév. 2008, n 06-10642. (24) Cass. 3 e civ., 25 mai 2005, n 03-20247 ; 7 oct. 2009, n 08-17620. (25) CA Aix-en-Provence, 20 déc. 2007, JD 2007-367701. (26) Cass. 3 e civ., 1 er déc. 2010, n 09-15282. (27) Cass. 3 e civ., 22 oct. 2002, n 01-12401 ; 6 mai 2009, n 08-14505. La semaine prochaine : notion d ouvrage et régime de responsabilité applicable avant réception (3/6) 54 LE MONITEUR _ 6 mai 2011

FICHE PRATIQUE N 3/6 Notion d ouvrage et régime de responsabilité applicable avant réception Ni les lois Grenelle 1 et 2, ni le décret et l arrêté du 26 octobre 2010 ne contiennent de dispositions afférentes aux effets de la RT 2012 sur les régimes de responsabilité. Ces nouvelles dispositions sont pourtant susceptibles d avoir un impact en la matière, tant au niveau des garanties légales qu au niveau du droit commun. EMMANUELLE MÉNARD Avocate au barreau de Bordeaux, associée de la Selarl Racine, professeur à l ICH-Cnam de Bordeaux. Les travaux neufs liés à la performance énergétique relèvent-ils de la notion d ouvrage? Il faut distinguer plusieurs hypothèses. Dans le cas d une construction neuve, les travaux participant à la performance énergétique seront a priori qualifiés d ouvrage sans difficulté. Cette solution devrait également s imposer pour les installations photovoltaïques et notamment les ouvrages dits fermes solaires dont la seule destination est de produire de l énergie sans fonction d habitation. Sachant que la jurisprudence a admis qu un aquarium soit qualifié d ouvrage, on peut présumer que la ferme solaire le sera aussi (1). Si elle est qualifiée d ouvrage, la question demeurera de savoir si la ferme solaire est également soumise à l assurance obli gatoire. L article L. 243-1-1 du Code des assurances vise en son alinéa 2 les ouvrages de production d énergie et les exclut de l assurance obligatoire sauf s ils sont accessoires à un bâtiment lui-même soumis. La ferme solaire sera donc exclue de l assu rance obligatoire sauf si elle est mise en place dans le cadre d un programme d alimentation en énergie de bâtiments soumis comme, par exemple, ceux d habitation. Qu en est-il des travaux de rénovation énergétique sur existants? La notion d ouvrage est plus difficile à appréhender en présence de travaux de rénovation énergétique réalisés sur existants (2), question pour laquelle la réponse jurisprudentielle a évolué ces dernières années. Peut-on assimiler à un ouvrage une installation de capteurs solaires, un système de géothermie, une installation de chauffage ou de climatisation? La question posée sous l empire des RT 2000 et 2005 reste à cet égard la même avec la RT 2012 mais ce sont les réponses qui risquent d évoluer. La Cour de cassation avait d abord admis qu une installation de chauffage centrale puisse en elle-même constituer un ouvrage (3) puis l avait exclu pour une installation de climatisation (4), sans que le critère retenu soit clairement explicité. Dans un arrêt du 26 avril 2006, la Cour de cassation a cassé une décision de la cour d appel de Dijon qui avait retenu la qualification d ouvrage pour une instal lation de production d eau chaude comprenant la pose de canalisation, de tuyauteries, de raccordements et autres acces soires matériels nécessaires impliquant des ancra ges et fixations formant corps avec l ou vrage d ossature. La Cour de cassation a estimé que ces critères, qui font référence à des techniques de pose, ne permettaient pas de déduire que l entrepreneur ait cons truit un ouvrage au sens de l article 1792 du Code civil (5). Cependant, l arrêt ne nous éclaire pas sur les critères à retenir pour qua lifier ou non d ouvrage ce type de travaux sur existants. On peut faire le même repro che à un arrêt du 18 juin 2008 au terme duquel la Cour de cassation a validé la qualification d ouvrage pour un complexe isolant (6). CE QU IL FAUT RETENIR La responsabilité des constructeurs s appliquant à un ouvrage, il y a lieu de définir cette notion. Si la construction est neuve, les travaux liés à la performance énergétique seront eux-mêmes qualifiés d ouvrage. Mais même qualifiés ainsi, ils ne seront pas nécessairement soumis à l obligation d assurance, comme cela peut être le cas de certaines fermes solaires non accessoires à «un ouvrage soumis» au sens du Code des assurances. Dans un arrêt du 28 janvier 2009, la 3 e chambre civile semble avoir posé un critère plus précis en qualifiant d ouvrage une installation de climatisation, dès lors que sa conception, son ampleur et l emprunt de ses éléments à la construction immo bilière étaient caractérisés (7). Ce critère plus précis pourrait être à même de favoriser une uni fication de la jurisprudence en la matière. Si les arrêts récents de cours d appel marquent une volonté de retenir la qua lification d ouvrage pour une installation de chauffage/rafraîchissement (8) ou pour une ins tallation de chauffage/clima tisation (9), le critère retenu reste souvent imprécis. Dans un arrêt du 5 octobre 2009, la cour d appel de Versailles qualifie d ouvrage une installation de géothermie en se référant à «son ampleur, sa nature et son coût», ce qui rejoint les critères de la Cour de cassation (10). Le critère posé par l arrêt du 28 janvier 2009 viendrait in fine compléter celui dégagé dès 2003 par la Cour de cassation et visant à exclure de la garantie décennale et de la garantie de bon fonctionnement de l article 1792-3 du Code civil, les éléments d équipements simplement adjoints à un ouvrage existant (11). Pour des travaux de rénovation énergétique sur existants, la jurisprudence n a pas de critères clairement définis, mais a plutôt tendance à reconnaître un ouvrage s agissant d installations de chauffage/rafraîchissement. Si les travaux ne sont pas conformes, cela devrait être révélé au plus tard lors du contrôle effectué à l achèvement des travaux, et avant la remise, par le maître d ouvrage, de l attestation à l autorité qui lui a délivré le permis de construire. 3 13 mai 2011 _ LE MONITEUR 61

3 RT 2012 et responsabilité des constructeurs Notion d ouvrage et régime de responsabilité FICHE PRATIQUE Si l élément d équipement dissociable est simplement adjoint à l existant, est ainsi seule applicable la responsabilité contractuelle de droit commun. Cette solution a été depuis confirmée à plusieurs reprises, pour exclure l application de la garantie de bon fonctionnement sans toutefois que la question d une qualification d ouvrage ait été posée (12). Ainsi, pour les travaux de rénovation éner gétique réalisés sur existant, se déga gerait de la jurisprudence le principe suivant : si la conception de l installation, son ampleur et l emprunt de ses éléments à la construction immobilière existante sont caractérisés, les travaux pourront être qualifiés d ouvrage. À défaut, s il s agit d un élément d équipement simplement adjoint à l existant, le seul régime applicable sera celui de la responsabilité contractuelle de droit commun. La garantie de bon fonctionnement restera applicable à l élément d équipement dissociable installé lors de la cons truction d un ouvrage et non à celui adjoint à l existant (13). Que reste-t-il de l article 1792-7 du Code civil? Cette conception extensive de la notion d ouvrage appliquée aux travaux sur existants risque de limiter la portée de l article 1792-7 du Code civil qui exclut des garanties légales l élément d équipement ayant pour fonction exclusive de permettre l exercice d une activité professionnelle dans l ouvrage. L application de ce texte pourrait se poser pour les installations de panneaux photovoltaïques lorsque la production d électricité est destinée à être revendue en tout ou partie. L exigence d une fonction exclusivement professionnelle ne sera pas satisfaite lorsque l installation desservira au moins partiellement la partie habitation de l ouvrage. Ce débat pourrait ne pas avoir lieu si les panneaux photovoltaïques ne sont pas assimilés à un élément d équipement mais considérés comme un ouvrage à part entière, selon les critères posés par l arrêt précité du 28 janvier 2009. Que modifie la RT 2012 au régime de responsabilité avant réception? La RT 2012 n est pas encore applicable, mais elle le sera pour les bâtiments neufs à usage de bureaux ou d enseignement, les établissements d accueil de la petite enfance et les bâtiments à usage d habi tation construits en zone Anru dès le 28 octobre 2011, et pour les autres bâtiments neufs à usage d habitation à compter du 1 er janvier 2013 (14). Avant ces dates, les parties peuvent décider contractuellement d appliquer la RT 2012 à un bâtiment qui n y serait pas encore soumis pour obtenir par exemple un label BBC. Quel serait l impact sur la responsabilité des constructeurs si in fine les exigences de la RT 2012 ne sont pas respectées? Si les parties décident contractuellement de s y soumettre et donc d en faire leur loi, ils devront respecter toutes les dispositions de la RT 2012. La Cour de cassation a retenu ce principe dans l hypothèse d une soumission volontaire à la réglementation applicable en matière de construction de maison individuelle et son raisonnement est transposable à l hypothèse d une soumission volontaire à la RT 2012 (15). Si la non-conformité se révèle en cours de travaux, la responsabilité du constructeur sera encourue sur le terrain du droit commun de l article 1147 du Code civil. Dans cette hypothèse, l entrepreneur sera évidemment soumis à une obligation de résultat ce qui n est pas en soi une nouveauté. Pour tout dommage ou nonconformité apparu avant réception (et sauf hypothèse d une réception de l ouvrage sans réserve, cf. fiche n 2), le constructeur est tenu d une obligation de résultat, celle de délivrer un ouvrage exempt de tout vice ou dommage fût-il de faible importance et purement inesthétique. Ce qui en revanche est novateur, c est qu a priori le maître d œuvre devrait éga lement s y trouver soumis dès lors que la non-conformité porte sur un élément technique relevant d une des trois obligations de résultat instituées par la RT 2012. Cette obligation de résultat sous-tend que la responsabilité du maître d œuvre à l instar de celle du constructeur sera engagée par le simple constat du dommage sans qu il soit nécessaire de rapporter la preuve d une faute (16). Le maître d œuvre ne devrait pouvoir s en exonérer que s il rapporte la preuve d une cause étrangère exonératoire. Si les travaux réalisés ne sont pas conformes à la RT 2012, cette non-conformité devrait en principe être révélée en cours de travaux ou au plus tard lors du contrôle effectué à l achèvement et précédent l établissement de l attestation que le maître d ouvrage doit remettre à l autorité lui ayant délivré le permis de construire (17). On peut évi demment envisager que ce contrôle ne soit pas efficient et la question de cette non-conformité ou du dommage qui la révèlera se manifeste alors après réception. (1) Cass. 3 e civ., 9 février 2000, n 98-16017 - Cass. 3 e civ., 9 juin 2004, n 02-20292. (2) Tels que le changement d une installation de chauffage, de climatisation, de production d eau chaude ou de production d électricité, travaux d isolation thermique. (3) Cass. 3 e civ., 18 novembre 1992, n 90-21233. (4) Cass. 3 e civ., 10 décembre 2003, n 02-12215, JD n 2003-021351. (5) Cass. 3 e civ., 26 avril 2006, n 05-13971. (6) Cass. 3 e civ., 18 juin 2008, n 07-12977. (7) Cass. 3 e civ., 28 janvier 2009, n 07-20891, JD n 2009-046846. (8) CA Grenoble, 3 novembre 2009, n 06/00589. (9) CA Agen, 31 mai 2010, n 09/00422. (10) CA Versailles, 5 octobre 2009, n 08/02692. (11) Cass. 3 e civ., 10 décembre 2003, précité (installation de climatisation facilement démontable sans détérioration ou enlèvement de matière). (12) Cass. 3 e civ., 18 janvier 2006, n 04-17888 (pose d un revêtement isolant sur façades extérieures) Cass. 3 e civ., 19 décembre 2006, n 05-20543 (système de chauffage climatisation). (13) Illustrations : CA Reims, 19 mai 2008, n 07/1429 CA Dijon, 2 février 2010, JD n 2010-002541 CA Poitiers, 12 février 2010, n 08/01710 CA Chambéry, 9 novembre 2010, n 09/02084 CA Angers, 14 décembre 2010, n 09/2319. (14) Article 2 du décret n 2010-1269 du 26 octobre 2010. (15) Cass. 3 e civ., 6 octobre 2010, n 09-66252, JD n 2010-017799. (16) Cass. 3 e civ., 16 décembre 2008, n 07-21.392 Cass. 3 e civ., 1 er juillet 2009, JD n 2009-048937 - Cass. 3 e civ., 9 septembre 2009, JD n 2009-049394. (17) Attestation après achèvement de l article L. 111-9-1 du Code de la construction et de l habitation. La semaine prochaine : Régime de responsabilité applicable après réception (4/6) 62 LE MONITEUR _ 13 mai 2011

FICHE FICHE PRATIQUE PRATIQUE N 4/6 Régime de responsabilité applicable après réception Ni les lois Grenelle 1 et 2, ni le décret et l arrêté du 26 octobre 2010 ne contiennent de dispositions afférentes à l impact de la RT 2012 sur les régimes de responsabilité. Dans la fiche précédente, nous avons examiné les effets de la RT 2012 sur le régime de responsabilité applicable avant la réception. Dans celle-ci, nous abordons la question des effets de la réglementation thermique sur la responsabilité après réception. PAR EMMANUELLE MÉNARD avocate au barreau de Bordeaux, associée de la SELARL Racine, professeur à l ICH-Cnam de Bordeaux La garantie décennale visée à l article 1792 du Code civil s applique uniquement si le dommage affecte un ouvrage, s il revêt une certaine gravité et si le maître d ouvrage agit dans les dix ans suivant la date de la réception. La gravité requise est admise logiquement pour un dommage qui compromet la solidité de l ouvrage, pour un dommage qui, l affectant dans l un de ses éléments constitutifs ou l un de ses éléments d équipement (dissociable ou non), le rend impropre à sa destination, et pour un dommage qui affecte la solidité d un élément d équipement indissociable d un ouvrage. Qu entend-on par impropriété à destination? S agissant de dommages ou non-conformité affectant des travaux dits énergétiques, c est la notion d impropriété à destination qui est la plus usitée. S en trouve en principe exclu le dommage n entraînant qu un inconvénient à l usage. L impropriété à destination doit en effet concerner l immeuble dans son ensemble (1). Certaines décisions semblent néanmoins retenir qu un immeuble doit être par principe chauffé et isolé, et il est déduit parfois du simple constat d un défaut de mise en œuvre ou d un dysfonctionnement d un élément d équipement que cette exigence n est pas satisfaite, ce qui implique en soi une impropriété à destination (2). Spécifiquement en matière thermique, le désordre n est pas constant et peut soit survenir en été pour un dysfonctionnement de la climatisation, soit survenir en hiver pour un dysfonctionnement du chauffage. Le fait que le dommage soit ainsi limité dans le temps et n affecte pas l ouvrage en permanence n exclut pas que soit retenue une impropriété à destination. Ainsi, dans un arrêt du 9 mai 2007, la cour d appel de Paris a rappelé que «l article 1792 du Code civil n impose pas le caractère permanent de l impropriété à destination, de sorte qu il est indifférent en la cause que la chaleur excessive des locaux soit limitée à la période estivale» (3). C est une solution a priori logique, et à défaut il ne serait jamais possible de retenir la nature décennale d un dysfonctionnement d une installation de chauffage ou de climatisation qui, de fait, ne fonctionne pas toute l année et pour laquelle l impropriété à destination surviendra en hiver ou en été. CE QU IL FAUT RETENIR La responsabilité décennale des constructeurs peut être mise en jeu si l ouvrage s avère impropre à sa destination ou si sa solidité est compromise. En matière thermique, par exemple, on pourrait soutenir qu un dysfonctionnement de la climatisation en été suffit à considérer que l ouvrage est impropre à sa destination, même si un tel désordre n est pas, par définition, permanent. Le non-respect des normes applicables peut être soulevé à l appui d une Quel est l impact de la norme sur la notion d impropriété à destination? En matière énergétique, la notion d impropriété à destination peut également s articuler autour du respect ou non de la norme applicable dont il faut, en la matière, définir la portée. Le respect de la norme n est pas en lui-même exclusif d une impropriété à destination. Il est en effet acquis que le juge doit rechercher s il y a ou non un dommage de nature à rendre impropre l ouvrage à sa destination indépendamment du respect de la norme applicable (4). Le non-respect d une norme a, en revanche, pu être jugé suffisant pour établir une impropriété à destination (5). Cette solution a également été retenue dans l hypothèse du non-respect de la norme applicable pour l accessibilité des bâtiments aux handicapés (6). Cette position n est cependant pas systématique et la cour d appel de Toulouse a ainsi estimé qu il n y avait pas d impropriété à destination du seul fait d une non-conformité avérée à la RT 2000 dès lors que le confort thermique de l ouvrage n était pas atteint (7). Ainsi, le non-respect de la norme a un impact certain sur la question d une éventuelle impropriété à destination mais, jusqu à présent, sous réserve que la non-conformité relevée ait des conséquences sur les conditions d habitabilité. Désormais, si la non-conformité porte sur une des dispositions d ordre public de la RT 2012 et notamment l une des trois obligations de résultat, les conséquences de cette non-conformité aux dispositions recherche en responsabilité décennale. Mais actuellement, certaines juridictions recherchent, au-delà de la norme, s il y a effectivement une impropriété de l ouvrage à sa destination, ce qui n est pas la même chose. Lorsque les parties conviennent de normes contractuelles plus contraignantes que celles auxquelles elles sont tenues, on pourrait soutenir qu elles ont entendu inclure ces stipulations dans le champ de la responsabilité décennale. 3 20 mai 2011 _ LE MONITEUR 61

3 RT 2012 Régime de responsabilité applicable après réception FICHE PRATIQUE légales pourraient amener à retenir plus facilement l existence d une impropriété à destination. Doit-on tenir compte des exigences contractuelles plus contraignantes que la norme? Dans certaines hypothèses, la notion d impropriété est en outre envisagée en fonction des exigences précises que le maître d ouvrage avait pu émettre avant le début des travaux. Si, in fine, cette exigence spécifique n a pas été respectée, un dommage qui a priori n aurait pas été jugé de nature décennale peut être considéré comme entraînant dans ce cas précis une impropriété à destination. L immeuble est ainsi jugé ou non impropre à une destination spécifiquement et préalablement définie par les parties (8). Selon le même raisonnement, il est également tenu compte de la nature de l immeuble, et ainsi un désordre esthétique n est pas apprécié de la même façon dans une habitation classique et dans une villa de grand standing ou un hôtel de luxe (9). Dans la sphère énergétique, la recherche d un label HPE, BBC ou autre, peut correspondre à une exigence spécifique du maître d ouvrage. D ores et déjà, la jurisprudence semble en tenir compte comme l un des éléments constitutifs d une impropriété à destination (10). Ainsi, on peut penser que pour un immeuble que les parties auront voulu à énergie ou à économie positive avec des performances énergétiques pouvant être plus contraignantes que celles de la RT 2012, il pourrait être soutenu une impropriété à une destination spécifiquement convenue entre les parties. Vers une impropriété à destination environnementale? D une manière générale, et compte tenu de l enjeu écologique que traduisent les lois dites «Grenelle», on peut se demander si ne se posera pas la question d une impropriété à une destination énergétique ou environnementale. Dans cette prospective, l impropriété à destination serait retenue lorsqu il existe une non-conformité à la RT 2012 ou à des exigences contractuelles plus contraignantes. Dans cette conception élargie d une impropriété à destination environnementale, la performance énergétique ne serait pas seulement appréciée en termes d économie d énergie, mais aussi en termes de production d électricité, notamment avec les installations photovoltaïques. La destination d un immeuble pourrait s entendre comme étant entre autres de produire de l électricité. Cette conception élargie de l impropriété à destination pourrait paraître logique au regard de l objectif fixé à l horizon 2020 pour des bâtiments consommant moins qu ils ne produisent. Quel sort réserver aux désordres après réception lorsqu ils ne sont pas de nature décennale? Pour tous les dommages révélés postérieurement à la réception de l ouvrage, qu ils proviennent d un vice ou d un défaut de conformité et qui ne relèveraient ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale, la responsabilité des constructeurs serait engagée sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun au visa de l article 1147 du Code civil (garantie dite des dommages intermédiaires). Cette responsabilité sera désormais envisagée sans faute prouvée si elle concerne le non-respect d une des obligations de résultat de la RT 2012. Il s agira d une nouvelle garantie des dommages intermédiaires mais sans faute prouvée. Les parties ne pourront y déroger contractuellement ni la limiter s agissant d une obligation d ordre public. La responsabilité des intervenants sera en revanche subordonnée à la preuve d une faute s il s agit du non-respect d une stipulation contractuelle distincte de la norme. (1) Cass., 3 e civ., 28 février 1996, «J-D» n 1996-000755 (en matière de chauffage) ; Cass., 3 e civ., 2 octobre 2001, pourvoi n 00-12788 (à l inverse, voir CA Nancy, 25 mai 2010, «J-D» n 2010-022432). (2) CA Rennes, 21 octobre 2010, n 08/06894 (défaut de mise en œuvre de plaques d isolant) ; Cass., 3 e civ., 27 septembre 2000, pourvoi n 98-11986 (dysfonctionnement de capteurs solaires ayant une fonction de chauffage d appoint) ; CA Paris, 6 juin 2006, «J-D» n 2006-308819 (isolation thermique). (3) CA Paris, 9 mai 2007, n 04/17462. (4) Cass., 3 e civ., 9 décembre 2003, pourvoi n 02-18628 ; Cass., ass. plénière, 27 octobre 2006, pourvoi n 05-19408 ; Cass., 3 e civ., 20 février 1991, pourvoi n 89-17113 ; Cass., 3 e civ., 2 février 1994, «J-D» n 1994-000248. (5) Cass., 3 e civ., 1 er avril 1992, pourvoi n 90-14438 (en matière d isolation acoustique) ; Cass., 3 e civ., 23 mai 2006, pourvoi n 05-10859. (6) CA Aix-en-Provence, 17 janvier 2002, «J-D» n 2002-171731. (7) CA Toulouse, 26 janvier 2009, «J-D» n 2009-376846. (8) Cass., 3 e civ., 28 février 2006, pourvoi n 05-11827. (9) Cass., 3 e civ., 11 mars 2008, «J-D» n 07-10651, «J-D» n 2008-043184. (10) CA Grenoble, 25 mars 2008, «J-D» n 2008-362491 ; CA Poitiers, 5 décembre 1995, «J-D» n 1995-053726. La semaine prochaine : rappel des différents régimes de responsabilité applicables aux constructeurs (5/6) 62 LE MONITEUR _ 20 mai 2011

FICHE PRATIQUE N 5/6 Non-conformité révélée après réception et n entraînant pas de dommage matériel Dans la fiche précédente, nous avons examiné les effets de la RT 2012 sur le régime de responsabilité applicable après la réception. Dans cette fiche, nous abordons la question de la non-conformité, lorsque celle-ci est révélée après la réception de l ouvrage et lorsqu elle n entraîne pas de dommage matériel. EMMANUELLE MÉNARD Avocate au barreau de Bordeaux, associée de la Selarl Racine, professeur à l ICH-Cnam de Bordeaux La surconsommation d électricité peut-elle relever de la garantie décennale? Oui. L un des objectifs principaux de la Réglementation Thermique 2012 est de réduire les consommations d énergies. La non-conformité peut, dans ce cadre, n entraîner aucun dommage physique et se traduire uniquement par une surconsommation d énergie. A priori, ce dommage semble plus immatériel que matériel. Telle n est pas l orientation de certaines juridictions qui, d ores et déjà, admettent qu une surconsommation d eau ou d électricité puisse constituer un dommage matériel. Certaines cours se sont prononcées en ce sens, mais sans que la question de la nature du dommage leur ait été soumise (1). D autres ont écarté la qualification immatérielle du dommage pour en déduire l application de la garantie décennale (2). Dans un arrêt du 20 octobre 2010 (3), la Cour de cassation éclaire la définition du dommage matériel. Saisie d une question liée à la réfection d un dallage, elle précise que le dommage doit s entendre comme «l intégralité des sommes nécessaires à la réfection des ouvrages» et inclut en conséquence «les postes annexes indispensables à la reprise matérielle des ouvrages». Ainsi, la surconsommation d eau ou d électricité, qui ne participe pas à la réfection de l ouvrage, ne devrait pas pouvoir être qualifiée de dommage matériel, mais encore faut-il que les cours d appel s harmonisent en ce sens. Sur cette question, la RT 2012 peut avoir un impact dans la mesure où elle place au premier plan les obligations de performance énergétique, les juridictions pouvant dès lors être tentées d y appliquer les principes de la garantie décennale. L enjeu est d importance puisque le dommage, s il est qualifié d immatériel, ne relève pas de l assurance décennale obligatoire. Le non-respect de la norme applicable peut-il entraîner une impropriété à destination quand il n existe aucun dommage matériel? L impropriété à destination conditionne l application de la garantie décennale. Elle peut s articuler autour du respect des normes applicables. Le non-respect d une norme a pu être jugé suffisant pour établir une impropriété à destination s agissant de l accessibilité des bâtiments aux handicapés (4). Cette position n est cependant pas systématique et une cour d appel a pu juger qu il n y avait pas impropriété à destination du seul fait d une non-conformité avérée à la RT 2000, dès lors que le confort thermique de l ouvrage n était pas atteint (5). Si la non-conformité porte sur une des dispositions d ordre public de la RT 2012, il n est pas exclu que celle-ci puisse constituer une impropriété à destination. Quid en cas de défaut de performance énergétique ou d insuffisance d économie d énergie? La réclamation peut ne pas porter sur un dysfonctionnement de l installation ou une surconsommation d énergie. Elle peut relever uniquement d un manque de performance et d une insuffisance d économie d énergie. Cela relève-t-il de la garantie décennale? Précédemment, la Cour de cassation avait CE QU IL FAUT RETENIR L un des objectifs de la RT 2012 est de réduire les consommations d énergie. On peut se demander si, en conséquence, une surconsommation d énergie est susceptible de caractériser un désordre rendant l ouvrage impropre à sa destination. En général, les juridictions considèrent que le non-respect d une norme comme la RT 2012 n implique pas nécessairement une impropriété à destination susceptible d engager la responsabilité été saisie par un maître d ouvrage qui se plaignait des insuffisances d une installation de géothermie destinée à la fourniture de chauffage et d eau chaude. Après avoir relevé que «l ouvrage de géothermie n était pas en lui-même affecté de dommages de nature à compromettre sa solidité ou à le rendre impropre à sa destination», la Cour a retenu que «l installation a toujours fonctionné mais seulement fait preuve d un manque de performance certains mois de l année» et confirmé l arrêt de la cour d appel ayant écarté l application de l article 1792 du Code civil (6). Les cours d appel semblent s orienter dans ce sens. Ainsi, celle de Toulouse a écarté l article 1792, estimant que le dysfonctionnement de l installation de chauffage entraîne «seulement un défaut de performance essentiellement quant au chauffage des pièces du rez-de-chaussée de la maison, et aux économies d énergie espérées» (7). La cour de Grenoble a jugé «qu une performance moindre du système en certaines périodes de l année (été), par ailleurs non démontrée, ne saurait constituer un désordre rendant l ouvrage impropre à sa destination». La cour de Nancy applique le même raisonnement pour exclure l impropriété à destination d un manque de performance décennale des constructeurs. Mais, dans certains cas, les juges ont pu faire le lien entre le non-respect de la norme et l impropriété à destination. A l inverse, le strict respect de la norme ne garantit pas que l ouvrage n est pas impropre à sa destination. Enfin, si le contrat contient des clauses plus contraignantes que la norme, le juge pourrait considérer que le non-respect de ces clauses est susceptible de rendre l ouvrage impropre à sa destination. 3 27 mai 2011 _ LE MONITEUR 61

3 RT 2012 et responsabilité des constructeurs Non-conformité n entraînant pas de dommage FICHE PRATIQUE qui se manifeste uniquement «pendant les jours les plus froids de l hiver» (8). C est ainsi le caractère limité du défaut de performance qui, jusqu à présent, semblait justifier la nature non décennale du dysfonctionnement. La solution peut être différente si le défaut de performance se cumule avec une surconsommation importante. La cour de Bordeaux a ainsi retenu qu une surconsommation électrique pouvait suffire à rendre l ouvrage impropre à sa destination, dès lors qu elle affectait les fonctions ventilation et chauffage d une installation avec gestion centralisée et qu il était établi une non-conformité aux caractéristiques thermiques exigées pour les bâtiments à usage d hôtellerie (9). Sur cette question spécifique du défaut de performance énergétique, la jurisprudence peut être amenée à évoluer. Dans la conception élargie d une impropriété à une destination dite environnementale et d un dommage matériel incluant la surconsommation ou le manque de performance, la performance énergétique ne serait pas seulement appréciée en termes d économie d énergie, mais aussi en termes de production d électricité, notamment avec les installations photovoltaïques. La destination d un immeuble pourrait s entendre comme étant entre autres de produire de l électricité. Cette conception élargie de l impropriété à destination serait logique au regard de l objectif fixé à l horizon 2020 de bâtiments à énergie positive. Le respect de la norme permet-il d exclure toute réclamation sur le terrain de la décennale? Le respect de la norme n est pas exclusif d une impropriété à destination. Le juge doit rechercher s il y a ou non un dommage de nature à rendre l ouvrage impropre à sa destination, indépendamment du respect de la norme applicable (10). Si la RT 2012 est respectée, mais qu il existe néanmoins une non-conformité aux documents contractuels, la question d une éventuelle impropriété à destination se posera différemment. Si la non-conformité n entraîne pas un dommage grave, mais simplement une surconsommation ou une insuffisance d économie d énergie, on peut penser que la non-conformité au contrat ne relèvera pas de la notion d impropriété à destination, tout au moins au sens où l entend actuellement la jurisprudence (11). Mais la Cour de cassation retient parfois que la destination de l ouvrage doit être celle convenue entre les parties, de sorte que l impropriété s appréciera aussi en fonction de ce que les parties ont pu décider (12, 13). On peut penser que, pour un immeuble que les parties auront voulu à énergie ou à économie positive avec des performances énergétiques plus contraignantes que celles de la RT 2012, il pourrait être soutenu une impropriété à une destination convenue entre les parties. Quelle responsabilité appliquer lorsque le contrat est plus contraignant que la norme? Il faudra distinguer selon que la non-conformité alléguée concerne la norme elle-même ou simplement une stipulation contractuelle plus exigeante. Dans la seconde hypothèse, on peut exclure que soit retenue l application de la garantie décennale, la preuve d une impropriété à destination étant en pareil cas difficile à apporter. Dans le domaine de l isolation acoustique, la responsabilité contractuelle de droit commun a pu, en revanche, être retenue même si la norme était respectée dès lors qu une non-conformité contractuelle était établie. Cette dernière peut être justifiée par référence à un document publicitaire, dès lors qu il est reconnu comme valant pièce contractuelle (14). Le raisonnement peut être le même pour la RT 2012. Que faire de la promesse d un label HPE ou BBC? Se pose aussi la question du défaut d obtention du label promis. En matière de performance énergétique, ces labels ont fleuri : HPE (15), THPE (16), HPE EnR (17), THPE EnR, HPE rénovation et BBC (18). Pour l octroi de ces labels, la consommation doit être inférieure de 10, 20 ou 30 % à une consommation de référence définie par la RT 2000 puis 2005 (19). A ce jour, le défaut d obtention du label n induisait pas, en lui-même, d impropriété à destination. La jurisprudence en tient compte, mais seulement comme élément constitutif d une impropriété à destination (20). Qu en est-il alors de la responsabilité de droit commun encourue par les intervenants lorsque le label promis n est pas obtenu? Une cour a retenu celle du vendeur d immeuble à construire, dans une espèce où la norme était respectée en matière d isolation phonique mais où l exigence contractuelle d obtention d un label Qualitel n était pas atteinte (21). Mais, il faut que l obtention du label soit intégrée au contrat. Ainsi, la cour de Nîmes a exclu la responsabilité d un entrepreneur, dès lors que l obtention du label n était pas prévue contractuellement et que le maître d ouvrage ne démontrait pas l avoir informé de son souhait de l obtenir (22). (1) CA Bordeaux, 25 nov. 2008, «J-D» 2008-372335 CA Nîmes, 14 déc. 2010, n 09/05410. (2) CA Paris, 26 sept. 2007, «J-D» 2007-343699. (3) Cass. 3 e civ., 20 oct. 2010, n 09-15093, «J-D» 2010-019045. (4) CA Aix-en-Provence, 17 janv. 2002, «J-D» 2002-171731. (5) CA Toulouse, 26 janv. 2009, «J-D» 2009-376846. (6) Cass. 3 e civ., 12 mai 2004, n 02-20247, «J-D» 2004-023700 ; CA Paris, 12 sept. 2002, «J-D» 2002-187036. (7) CA Toulouse, 22 nov. 2010, n 09/0464. (8) CA Grenoble, 3 nov. 2009, n 06/00589 - Nancy, 26 janv. 2010, n 10/00263. (9) CA Bordeaux, 21 févr. 2006, «J-D» 2006-300831 dans le même sens : Paris, 26 sept. 2007, «J-D» 2007-343699. (10) Cass. 3 e civ., 9 déc. 2003, n 02-18628 Ass. plén., 27 oct. 2006, n 05-19408 3 e civ., 20 févr. 1991, n 89-17113 3 e civ., 2 févr. 1994, «J-D» 1994-000248. (11) Déjà retenu pour un ouvrage de géothermie faisant preuve d un manque de performance certains mois de l année : Cass. 3 e civ., 12 mai 2004, préc. (12) Cass. 3 e civ., 28 févr. 2006, préc. (13) Cass. 3 e civ., 11 mars 2008, préc. (14) Cass. 3 e civ., 8 juin 2004, n 02-19739 (publicités faisant état d une prestation phonique supérieure à la normale) 3 e civ., 2 avr. 1979, n 77-12919. (15) Haute performance énergétique. (16) Très haute performance énergétique. (17) Haute performance énergétique - énergie renouvelable. (18) Bâtiment basse consommation, neuf ou rénovation. (19) Arrêté du 3 mai 2007, JO 15 mai 2007, et arrêté du 29 sept. 2009, JO 1 er oct. 2009. (20) CA Grenoble, 25 mars 2008, «J-D» 2008-362491 - CA Poitiers, 5 déc. 1995, «J-D» 1995-053726. (21) CA Aix-en-Provence, 10 sept. 2009, «J-D» 2009-015862. (22) CA Nîmes, 4 mai 2006, «J-D» 2006-317885. La semaine prochaine : réponses des constructeurs dans le cadre du débat judiciaire (6/6). 62 LE MONITEUR _ 27 mai 2011 557251.GRP.indd 62 08/06/11 15:40

FICHE PRATIQUE N 6/6 La défense des constructeurs dans le cadre du procès Lorsque vient le temps du litige, il appartient aux constructeurs de démontrer, soit le fait d un tiers, soit une immixtion fautive du maître d ouvrage dans les travaux, soit la force majeure. Avec la RT 2012, le débat judiciaire va nécessairement évoluer : nouveaux matériaux, énergies renouvelables... imposent un regard nouveau sur la responsabilité des constructeurs. EMMANUELLE MÉNARD Avocate au barreau de Bordeaux, Selarl Racine, professeur à l ICH-Cnam de Bordeaux Quels arguments de défense les constructeurs peuvent-ils opposer au maître d ouvrage? Dans ce contexte d une responsabilité aggravée, de quelles armes juridiques disposeront les constructeurs pour se défendre? Il restera en premier lieu aux constructeurs l argument du défaut d imputabilité puisqu en la matière, la charge de la preuve pèse sur le maître d ouvrage ou ses ayants droit (1). En matière de garantie légale, les causes exonératoires de responsabilité sont ensuite limitées : fait du tiers, fait du maître d ouvrage [immixtion fautive (2), acceptation délibérée des risques (3)], et force majeure. La notion d innovation technologique n y figure pas, alors qu évidemment les constructions dites écologiques vont y recourir. Les constructeurs vont devoir assumer le risque de l utilisation de matériaux innovants, et de techniques parfois mal connues. Leur obligation sera même accrue en matière de conseil et d information puisqu ils devront transmettre l information permettant un bon usage et un entretien convenable du matériau. Les constructeurs peuvent-ils soutenir que le maître d ouvrage n utilise pas celui-ci conformément à sa destination? Au rang des causes exonératoires, celle qui sera certainement la plus évoquée procède des conditions d utilisation de l immeuble (4). La consommation d énergie va évidemment dépendre des conditions d usage de l immeuble qui pourraient, à elles seules, expliquer une non-conformité à la RT 2012. L hypothèse serait celle du maître d ouvrage qui laisse les fenêtres ouvertes sans éteindre le chauffage, qui maintient une température intérieure excessivement élevée ou qui prend plusieurs bains par jour en laissant toutes les lumières allumées. La difficulté sera néanmoins de prouver la réalité puis l anormalité de ce comportement, sachant que la charge de la preuve pèse sur le constructeur qui prétend s exonérer totalement ou partiellement. Une autre cause exonératoire pourrait résulter du défaut d entretien, s il a un lien de causalité avec le dommage (5), et s il est établi que le maître d ouvrage a été correctement informé des conditions d entretien que le constructeur lui reproche de ne pas avoir respectées. Le débat se déplacera sur le terrain du devoir de conseil des constructeurs et sur celui du devoir d information du fabricant de matériel, notamment au regard des éléments contenus dans la notice du produit installé. Le recours à l argument de la force majeure reste délicat en ce qu il suppose la réunion de trois critères cumulatifs tenant à l extériorité, à l imprévisibilité et à l irrésistibilité de l événement en cause (6). Il a été jugé que «un ouragan d une violence exceptionnelle peut constituer un événement de force majeure» dégageant l entrepreneur de toute responsabilité (7). Les juridictions restent toutefois peu enclines à en faire bénéficier les constructeurs pour les exonérer de leur responsabilité (8). Pour autant, certaines énergies renouvelables utilisent les éléments naturels comme le soleil ou le vent comment faudra-t-il tenir compte des caprices du temps? (1) Cass. 3 e civ., 29 octobre 2003, n 01-12482 - CA Montpellier, 18 avril 2006, «J-D» n 2006-314734 Cass. 3 e civ., 16 janvier 2008, n 04-20218 Cass. 3 e civ., 14 janvier 2009, n 07-19084 Cass. 3 e civ., 10 mars 2009, n 07-21185. (2) Cass. 3 e civ., 16 juin 2009, n 08-17200, «J-D» 2009-04900. (3) Cass. 3 e civ., 10 mars 2009, n 07-21858 «J-D» 2009-047423. (4) Cass. 3 e civ., 6 février 2002, n 00-10543 Cass. 3 e civ., 11 février 1998, n 95-17199. Peut-on envisager des aménagements contractuels au régime de responsabilité? Pour essayer de minimiser le risque d une responsabilité aggravée par la nouvelle norme, les constructeurs pourraient être tentés d aménager contractuellement la responsabilité encourue. Si le litige relève des principes de garanties légales, l article 1792-5 du code civil exclut tout aménagement conventionnel ayant pour objet d exclure ou de limiter les responsabilités encourues par le constructeur. Aucun aménagement ne peut donc par principe être envisagé pour les dommages ou non conformités qui relèvent de la garantie décennale et il en sera de même pour l une des dispositions d ordre public de la RT 2012 dont au premier chef les trois obligations de résultats imposées par la nouvelle norme. En revanche, la question pourrait se poser pour les prescriptions contractuelles plus contraignantes que la norme. Les parties devraient pouvoir inclure dans le contrat, une clause de tolérance qui sera valable entre professionnels, mais pas en revanche à l égard d un particulier (9). La clause de limitation de garantie restera proscrite même pour une obligation purement contractuelle considérée comme étant essentielle au contrat. Par analogie, le raisonnement sera le même que celui de la jurisprudence «Chronopost» sur les clauses limitatives de responsabilité contraire à une obligation essentielle du contrat (10). (5) Cass. 3 e civ., 7 avril 2009, n 08-10551 Cass. 3 e civ., 12 février 2003, n 01-03176 «J-D» 2003-01773. (6) Cass. 3 e civ., 30 octobre 2008, n 07-17134 Cass. Ass. plén., 14 avril 2006, «J-D» 2006-033180. (7) Civ. 1 re, 11 mai 1994, n 92-16201 dans le même sens, voir aussi CA Montpellier, 2 mai 1994, «J-D» 1994-043644 - CA Montpellier 09 septembre 1997 «J-D» 1997-034173 - CA Rennes, 30 avril 1992 «J-D» 1992-043877. (8) Cass. 3 e civ., 9 décembre 1998 «JD» 1998-004939 - Cass. 3 e civ., 28 novembre 2001, «J-D» 2001-011893 - Cass. 3 e civ., 16 février 2005, n 03-18999 - Cass. 3 e civ., 27 février 2008, «J-D» 2008-042927 CA Rouen, 3 mars 2010 «J-D» 2010-005812 CA Toulouse, 6 septembre 2010, «J-D» 2010-025493. (9) Article R. 132-1, 3 du Code de la consommation. (10) Cass. com., 22 octobre 1996, n 93-18632 - Cass. com., 9 juin 2009, n 08-10350 Cass. com., 29 juin 2010, n 09-11841. 3 juin 2011 _ LE MONITEUR 53