L activité physique chez les élèves de 2 à 6 ans. Ses effets et les différentes façons de l enseigner. Jacques Méard Maître de conférences ESPE Célestin Freinet, U. Nice Sophia Antipolis Il s agit ici de convoquer les connaissances actuelles sur le sujet pour décrypter les différentes façons d enseigner et leurs effets sur les élèves. 1. Les effets de l activité physique La santé : lutter contre l obésité et la sédentarité. Recommandations d activité chez les jeunes: 60 mn par jour. (Charte de Toronto 2010) L habileté : lutter contre les AcVC (accidents de la vie courante), qui sont les plus nombreux. Activité bio-informationnelle de l être humain (en terme d habiletés) Perception de l environnement Gestion de l incertitude de l environnement Perception des trajectoires de mobiles Atteintes de cible Coordination motrice (en rapport avec les sphères émotionnelles et cognitives)
Toutes ces habiletés s apprennent et permettent de lutter contre les accidents de la vie courante. Le moment privilégié pour construire ça est la prime enfance. Donc : À l école maternelle il est intéressant de mettre l accent sur la lutte contre la sédentarité (lutte contre l obésité) et l apprentissage d habiletés (impact sur l'adresse des enfants et par conséquent sur les AcVC). En maternelle, c est peut-être plus important que la dimension culturelle de ces activités physiques ou les compétences sociales. D autant que ces aspects sont très discriminants : Socialement discriminant : père ouvrier : 14% surcharge pondérale contre 9% père cadre. Sexuellement discriminant : la baisse d'exercice avec l'âge touche notamment les filles, et plutôt dans les milieux défavorisés. 2. Quelle activité physique? Cette question touche des choix éducatifs, rejoignant les problématiques scolaires (égalité des chances, accès aux savoirs ) Ça va avoir des impacts sur ce que je vais enseigner et comment je vais l enseigner. La question qui se pose est de savoir quelle activité physique je vais enseigner : - si je veux lutter contre l obésité.. - si je veux faire construire des habiletés
- si je veux acquérir une culture - si je veux construire des compétences sociales 3. Les différentes façons d enseigner Pour apprendre d un point de vue moteur, les humains utilisent trois moyens, toujours conjugués : (Delignières 2007 ; Durand 2001) 1. S adapter à des environnements. L'accent est mis sur des côtés bio informationnels : démarches d enseignement écologiques qui jouent sur l envie qu on offre aux enfants : il s agit de produire de l incertitude, de très peu parler. On s adapte pour atteindre un but, l enfant devient ainsi plus habile, plus adroit. Cette méthode se voie beaucoup en maternelle : on produit un environnement où les obstacles sont de plus en plus difficiles et variés. L enfant doit s adapter pour atteindre le but fixé. Dans une démarche écologique, il faut : - Donner un but attrayant - Aménager l environnement pour poser des obstacles dans l atteinte de ce but - Permettre à l élève de vérifier si le but est atteint ou non, un peu, beaucoup, L enfant doit s évaluer pour savoir s il a atteint le but ou pas. L élève apprend par auto adaptation. C'est ce qu'on rencontre de façon massive en maternelle. Ces démarches sont les plus efficaces en maternelle.
2. Réfléchir, planifier, expérimenter pour résoudre des problèmes. Démarches d enseignement cognitivistes L'accent est plutôt mis sur le cognitif : le langage, on parle, on fait dire, on fait décrire. Sur un même environnement que vu précédemment l adulte amène à la conscience un certain nombre d éléments de l environnement, de moyens de mettre en œuvre. C est très pratiqué, une démarche n est jamais que constructiviste ou qu écologique. Ça se justifie : amener à la conscience en verbalisant/faisant verbaliser : 1. Le but, 2. L atteinte ou non du but, 3. Le problème posé par l environnement dans l atteinte de ce but, 4. Les moyens pour résoudre ce problème, 5. Les hypothèses et le test des moyens. Les phases 3 ; 4 et 5 sont inadaptées au cycle 1. Ces démarches sont bornées par les capacités cognitives de l élève. C est la verbalisation qui permet d inscrire dans le temps, de sortir de l immédiat, qui transforme peu à peu un enfant en élève, qui met des mots sur le geste et suspend le passage à l acte, qui fait construire un lexique, une culture, qui donne du sens. Ces démarches, qui eurent énormément de succès dans les années 70/90 ont montré leurs limites car elles baissaient énormément le temps de pratique des élèves : limites pointées par les praticiens et les travaux sur les apprentissages dynamiques (récents : 90, 2000 ). (exemple de la trace bleue au ski : limite scientifique aussi)
3. Observer et reproduire des techniques corporelles : démarches d enseignement vicariantes Démarches d enseignement vicariantes (qui s appuient sur le support visuel : photos, schémas ou vidéos, exemple de l autre qui fait...) Réaliser ce que j attends fut banni pendant très longtemps mais : mise en avant des neurones miroirs. Cette démarche se pratique beaucoup entre élèves, le prof demandant à un élève adroit de montrer la façon dont on s y prend. Ça peut être aussi des images, photos... Prend une importance énorme dans le secondaire par le biais des tablettes qui permettent de garder trace visuelle d un mouvement et peut de suite le renvoyer à un enfant, voire en support d apprentissage aux autres. Existe à l école maternelle, massivement, mais souvent de façon incidente. Souvent, cette démarche n'est pas voulue par le prof. En EPS il est difficile de ne pas regarder l autre faire, et les autres deviennent une aide. Ceci a été énormément remis en question : il était presque interdit de le faire parce que c était la pédagogie du modèle, que ça allait brider la créativité (malentendu total). Alors que ce support visuel est primordial. Enfin, il est parfois difficile pour les enseignants de montrer le modèle. Les neurones miroirs ont été mis en évidence par un courant de recherche qui s intéresse au processus vécu par la personne qui regarde quelqu un d autre en train de faire : il y a les mêmes impulsions électriques au niveau neuronal des personnes qui regardent que celles en train de faire. On se rend compte que 1 qualité : ils font revivre à l observateur le mouvement observé tout en inhibant ce mouvement. Quand un enfant en regarde un autre, ça active ses neurones miroirs : il vit dans l immobilité les mêmes choses. Il en déchiffre aussi l intention. L être humain a une capacité énorme à revivre ce qu il voit. On ressent émotionnellement celui qu on est en train d observer et son intention. Il ne s'agit pas seulement d'une fonction mécanique, mais aussi d'accéder à l émotion vécue et à son intention.
Au niveau corporel, la dimension émotionnelle est centrale. En observant un autre élève faire, pour un enfant qui a peur, c est voir que l autre prend du plaisir, est en réussite. Cette démarche d enseignement est mise en avant. Elle vient concurrencer les démarches écologiques. Dans la pratique, les démarches sont toujours conjuguées, avec confrontation à l environnement, regard sur les autres et réflexion. 4. Que retenir? Si la priorité de l enseignant est de lutter contre l obésité : Donner le goût de l activité physique Augmenter le temps de pratique (question centrale) Donc : Démarches vicariantes-écologiques dans des situations peu complexes et répétées Donner du plaisir immédiatement et faire réussir Si la priorité est de faire construire des compétences sociales : Rendre les élèves dépendants les uns des autres Ou de faire acquérir des éléments de culture / Parler et faire parler (négociations, rappel des motifs partagés, mise en lien avec des pratiques sociales ) Donc : démarches plutôt cognitives dans des situations collectives et/ou en lien avec d autres disciplines.
Si la priorité est de rendre plus habile Poser des problèmes moteurs Donner le goût Augmenter la pratique Donc : démarches vicariantes-écologiques dans des situations complexes et variées (espaces saturés avec beaucoup de mobiles, des cibles, on joue sur l environnement et l incertitude : maximum de ballons par ex) Conclusion Les spécificités de l enseignement en maternelle - une leçon quotidienne - phase critique de développement - élèves soumis à la sédentarité et aux AcVC Privilégier les supports et les démarches qui permettent d augmenter le temps d'activité et de varier les environnements, d introduire de l incertitude. L ALT Academic learning time : outils privilégiés chez des enseignants de maternelle qui ne sont pas des spécialistes de didactique de l EPS : prendre un critère d observation (temps d activité, nombre de lancers, de sauts )