Décision de la Chambre de Résolution de Litiges rendue à Zurich, Suisse, le 9 novembre 2004, par la composition suivante: Slim Aloulou (Tunisie), Président Philippe Piat (France), Membre Philippe Diallo (France), Membre dans la procédure opposant Club X, France Demandeur au Joueur Défendeur et Club Y, Angleterre, Intervenant
Les faits du cas Le joueur, né en 1984, a été formé depuis son âge de 8 ans par le club français X. Pour les saisons 2002/03 et 2003/04, le joueur a signé un contrat stagiaire avec le club X. Ce contrat a expiré le 30 juin 2004. Par ce contrat, les parties s étaient engagées à respecter les dispositions sur le statut de joueur stagiaire insérées dans la Charte du Football Professionnel de la France (ci-après ; la Charte). L Article 261 de la Charte statue le suivant: «A l expiration du contrat stagiai re, le club est en droit d exiger de l autre partie la signature d un contrat professionnel. Le club aura du, le 30 avril au plus tard, prévenir le joueur de ses intentions pa r lettre recommandée avec accusé de réception [...]. 2. Si le joueur refuse de signer un contrat de joueur [...] professionnel il ne pourra pas, pendant un délai de trois ans, signer dans un autre club de la LFP [...].» L Article 262 de la Charte statue le suivant: «Les propositions de contrats faites aux joueurs en formation avant le 30 avr il doivent être suivies d effets 30 jours avant la fin de la péri ode de mutation estivale de la même année. A défau t, le club et le joueur seront libres de tou t engagement. La réponse du joueur devra être notifiée au cl ub au pl us tard le 31 mai de la même année.» Le 31 mars 2004, le club X a proposé au joueur de signer un contrat professionnel avec une durée de trois ans, ce que le joueur n a pas accepté. A la suite, le club X ne lui a jamais fait une offre concrète. En juillet 2004, le joueur a signé un contrat professionnel avec le club anglais Y. Le 29 juillet 2004, l Association de Football d Angleterre a demandé à la Fédération Française de Football d établir le Certificat International de Transfert (ci-après ; CIT) pour le joueur. Le 5 août 2004, la Fédération Française de Football a refusé d établir le CIT pour le joueur, suite à l opposition de son club affilié, le club X. Le 9 août 2004, la FIFA à été informé par la Fédération Française de Football et par le club X de leur point de vue de cette dispute. Le 10 août 2004, l Association de Football d Angleterre a demandé à la FIFA de lui accorder l autorisation d enregistrer le joueur, car la Fédération Française de Football a refusé d émettre le CIT. Le 11 août 2004, après avoir examiné les positions des parties, la FIFA a accordé à l Association de Football d Angleterre l autorisation provisoire d enregistrer le joueur, en considérant qu il n était plus sous contrat avec le club X, et donc était libre d être transféré sur le niveau international. 2
Le 13 août 2004, le club X a fait appel contre l autorisation accordé à l Association de Football d Angleterre d enregistrer le joueur devant le Tribunal Arbitral du Sport, et a demandé que le joueur sera sommé par mesure conservatoire de retourner au sein du club X jusqu à la décision finale dans le litige. Le 15 Septembre 2004, le Tribunal Arbitral du Sport a rejeté la requête conservatoire. Le club X demande à la Chambre de Résolution des Litiges : - d annuler l autorisation provisoire accordée à l Association de Football d Angleterre d enregistrer le joueur, - de sommer le joueur de signer un contrat professionnel avec le club X, - de sanctionner le club Y pour avoir incité le joueur à enfreindre son contrat avec le club X, - subsidiairement, de sommer le club Y de payer l indemnité de formation pour le joueur en application du chapitre VII du Règlement de la FIFA concernant le Statut et le Transfert des Joueurs (ci-après ; le Règlement). Le club X estime que la Charte du Football Professionnel de la France devrait être appliqué par la Chambre de Résolution des Litiges de la FIFA lors des transferts internationaux, suite à l Article 43 du Règlement. Le club X est de l opinion que le joueur était lié par la proposition d un contrat professionnel par son club formateur, le club X, en application de l Article 261 de la Charte. En plus, le club X est de l avis que l Article 262 n est pas applicable dans le cas présent puisque la non-signature du contrat est imputable seulement au joueur en question. Le club Y et le joueur demandent la Chambre de Résolution des Litiges de maintenir l autorisation de l Association de Football d Angleterre d enregistrer le joueur. Le club Y ne s oppose pas au payement de l indemnité de formation pour le joueur. Le joueur et le club Y maintiennent qu aucun contrat existe par lequel le joueur serait lié à son ancien club, le club X. En plus, suite à l article 261 alinéa 2 de la Charte, ils estiment que la Charte seulement limite le joueur d être transféré en France. Finalement, ils sont de l opinion que la demande du club X viole les droits de l homme et les provisions de la Communauté Européenne sur la libre circulation des travailleurs. Considérations de la Chambre de Résolution des Litiges 1. Les membres de la Chambre de Résolution des Litiges étaient convoqués de rendre une décision sur le cas présent par le président de la Chambre en application de l Article 1 al. 6 du Règlement de Procédure de la Chambre de Résolution des Litiges. 2. La compétence de la FIFA de trancher sur le litige présent découle de la portée internationale de ce cas, c est-à-dire la contestation de la registration du joueur pour l Association de Football d Angleterre par le club français X. 3
3. La compétence de la Chambre de Résolution des Litiges de décider l affaire présente découle de la question centrale de ce cas qui est située dans le droit du travail, c est-à-dire la question si le joueur a rompu son contrat de travail avec le club X. 4. La Chambre s est d abord penchée sur la question si le joueur pourrait, par principe, être contraint de signer un contrat avec son ancien club, le club X. 5. Sans préjuger la question de l applicabilité de la Charte dans le cas présent, la Chambre a constaté que la Charte exige d un joueur au terme de la formation la conclusion d un contrat professionnel avec son club formateur. Mais la Charte ne prévoit pas, si le joueur ne signe pas de contrat avec son club formateur, qu il pourrait être contraint de signer ce contrat. La seule sanction que la Charte prévoit est l interdiction de signer un contrat dans un autre club de la LFP pendant un délai de trois ans. La Charte ne prévoit pas des autres sanctions si le joueur ne signe pas de contrat avec son club formateur. En particulier, elle n établit pas un payement de compensation. 6. Pour l intégralité, et sans entrer en la question de la rupture de contrat, la Chambre a souligné que les Règlements de la FIFA évidemment ne prévoient non plus la contrainte de signer un contrat avec l ancien club dans le cas de rupture de contrat. Les sanctions que le Règlement prévoit sont la compensation financière (Art. 22 du Règlement) et des sanctions sportives (Art. 23 du Règlement). 7. La Chambre a estimé d ailleurs que la contrainte de signer un contrat dans le cas de rupture de contrat ne serrait pas satisfaisant pour les parties impliquées, supposant que la relation entre les parties était sérieusement perturbée. Il ne serait pas exigible du joueur de signer un contrat avec son ancien club dans des tels circonstances. 8. En outre, la Chambre a pris en considération une décision du Tribunal Arbitral du Sport dans un cas avec des circonstances similaires, la décision «Sissoko». Lors de cette décision, le Tribunal Arbitral du Sport a statué que le contrat conclu entre le joueur Mohamed Sissoko et son nouveau club, le Valence CF, aurait pu être invalidé par la Chambre de Résolution des Litiges de la FIFA, et le joueur aurait pu être sommé de se réintégrer au sein de son ancien club. Pourtant, lors de sa décision, le Tribunal Arbitral du Sport a manqué d indiquer une base légale sur laquelle la Chambre de Résolution des Litiges pourrait invalider un contrat conclu entre le joueur et son nouveau club et sommer le joueur de se réintégrer dans son ancien club. 9. En conclusion, la Chambre a statué que ni la Charte, ni les Règlements de la FIFA prévoient qu un joueur pourrait être contraint de signer un contrat avec son club formateur. Dès lors, la Chambre a décidé, sans entrer en la question de la rupture de contrat et la question de l applicabilité de la Charte dans le cas présent, qu à cause de manque de base légale, le joueur ne peut pas être sommé de se réintégrer au sein de son ancien club X et de signer un contrat avec ce club. 4
10. A la suite, la Chambre a considéré si le fait que le joueur n a pas signé un contrat professionnel avec son club formateur, le club X, au terme de sa formation pourrait engendrer des autres conséquences. 11. Premièrement, la Chambre a statué que la Charte prévoit comme conséquence si un joueur ne signe pas un contrat professionnel avec son club formateur qu il lui est interdit de signer un contrat dans un autre club de la LFP pendant un délai de trois ans. La Charte ne prévoit pas des autres conséquences. Par souci d ordre, il est mentionné que les effets de cette sanction sont restreints au territoire de la France. 12. La suspension du joueur de signer un contrat dans un autre club de la LFP pendant un délai de trois ans est à appliquer par la Fédération Française de Football. 13. Ensuite, la Chambre a délibéré si le joueur a rompu son contrat avec le club X, ce que pourrait mener à diverses sanctions contre le joueur et son nouveau club Y selon les Règlements de la FIFA. 14. La Chambre a d abord constaté que le contrat stagiaire entre le joueur et le club X a expiré en juin 2004, et que le joueur a signé un nouveau contrat de travail avec le club Y en juillet 2004. 15. Par conséquent, la Chambre a statué que le jouer, en signant un contrat de travail avec le club Y après l expiration de son ancien contrat de travail avec le club X, n a pas rompu le contrat de travail avec le club X. 16. Par conséquent, la Chambre a décidé que le joueur, en refusant de signer un contrat avec son club formateur peut-être a violé des provisions de la Charte, mais n a pas rompu le contrat de travail avec le club X, car aucun contrat de travail existait qui aurait pu être rompu. 17. Vu que la rupture du contrat est conditio sine qua non pour l application des sanctions selon les articles 22 et 23 du Règlement, et vu que la Chambre a décidé que le joueur n a pas rompu le contrat de travail avec le club X, la Chambre a décidé qu aucune sanction de manière financière ou sportive pour rupture de contrat est applique, ni contre le joueur, ni contre son nouveau club Y. 18. En dernier lieu, la Chambre a examiné si le club X avait droit à une indemnité de formation du club Y pour le joueur, en application du chapitre VII du Règlement. 19. Le joueur est né en 1984. Il était formé par le club X depuis son age de 8 ans. En juillet 2004, à l age de 20 ans, il a signé un contrat avec le club Y. 5
20. La Chambre a constaté que la période de formation pour laquelle le club X a droit à une indemnité de formation en application du Règlement a duré 8 ans, depuis l age de 12 ans jusqu à l age de 20 ans. 21. En application de l Article 7 alinéa 2 du Règlement d application du Règlement concernant le Statut et le Transfert des Joueurs, il faut prendre en compte pour les trois saisons de formation depuis l age de 12 ans jusqu à l age de 15 ans le montant indicatif pour la catégorie 4 en application de la Circulaire 826 de la FIFA datée du 31 octobre 2002 (ciaprès ; la Circulaire 826). Le montant indicatif pour la catégorie 4 en Europe est de EUR 10,000. Pour les trois saisons de formation depuis l age 12 ans jusqu à l age de 15 ans, l indemnité de formation est de EUR 30,000. 22. Pour les cinq saisons de formation depuis l age 15 ans jusqu à l age de 20 ans, il faut prendre en compte les catégories des clubs impliqués selon la Circulaire 826. Les clubs X et Y sont des clubs de la première catégorie, le montant indicatif en application de la Circulaire 826 est de EUR 90,000. Pour les cinq saisons de formation du joueur depuis son age de 15 ans jusqu à l age de 20 ans, l indemnité de formation est donc de EUR 450,000. 23. En total le montant de l indemnité de formation du par le club Y au club X est EUR 480,000. 24. Un payement d indemnité de formation qui dépasse le montant calculé, à cause de circonstances particulières comme indiqué dans la Circulaire 826, n est pas ordonné. Considérant les informations et documents que le demandeur devrait soumettre selon la Circulaire 826 pour justifier une demande dépassant le montant ordinaire (notamment des factures, le budget du centre de formation), la liberté d appréciation que le Circulaire 826 accorde à la Chambre ne concerne que des cas des dépenses extraordinaires pour la formation. Le club X n a pas fait valoir des dépenses pour la formation particulièrement levées. 25. En conclusion, la Chambre a décidé que le club Y doit payer le montant de EUR 480,000 au club X à titre d indemnité de formation, en application du chapitre VII du Règlement. Décision de la Chambre de Résolution des Litiges 1. La validité de la registration du joueur pour l Association de Football d Angleterre est confirmé. 2. La demande du club X contre le club Y pour une indemnité de formation pour le joueur en application du chapitre VII du Règlement est admise. 3. Le club Y doit payer le montant de EUR 480,000 au club X à titre d indemnité de formation. Ce montant doit être payé par le club Y dans les 30 jours à partir du jour de la notification de la présente décision. 6
4. Si le montant indiqué n est pas payé pendant le délai susmentionné, l affaire sera soumise au Comité Disciplinaire de la FIFA pour l application des sanctions disciplinaires nécessaires. 5. Toutes les autres demandes du club X sont rejetées. 6. Selon l art. 60 al. 1 des Statuts de la FIFA, cette décision peut faire l objet d un appel devant le Tribunal Arbitral du Sport (TAS). La déclaration d appel doit être soumise directement au TAS dans les dix jours dès la notification de cette décision et doit contenir tous les éléments conformément au point 2 des directives émises par le TAS, dont copie est annexée. Dans les dix jours suivant l expiration du délai d appel, l'appelant doit soumettre au TAS un mémoire contenant une description des faits et des moyens de droit fondant l'appel (cf. point 4 des directives). L'adresse complète du Tribunal Arbitral du Sport est la suivante: Avenue de l Elysée 28 1006 Lausanne Tel: +41 21 613 50 00, Fax: +41 21 613 50 01 e-mail: info@tas-cas.org www.tas-cas.org Au nom de la Chambre de Résolution des Litiges Urs Linsi Secrétaire Général 7