Question 308 Maladie de Hodgkin (MDH) I. Introduction- définition Lymphome malin défini histologiquement par la présence de cellules malignes, les cellules de Reed-Sternberg (RS), au sein d'une population cellulaire plus ou moins polymorphe considérée comme réactionnelle. - Description initiale par Th. Hodgkin en 1832 - Intérêt particulier car il s'agit d'une maladie aujourd'hui curable chez environ 75 % des patients, tous stades confondus. Ces résultats ont été obtenus grâce à la standardisation des modalités de classification et de traitement. - Tendance actuelle à la "réduction" de la thérapeutique afin de limiter les risques de séquelles liées au traitement. II. Epidémiologie - fréquence : 2 à 5 nouveaux cas / 10 5 habitants / an - 2 pics de fréquence : de 20 à 30 ans après 60 ans - répartition selon le sexe : H/F = 2/1 avant 20 ans et après 40 ans H/F = 1 entre 20 et 40 ans - dans les pays en voie de développement, maladie fréquente chez l'enfant de 5 à 15 ans. III. Etiologie Inconnue - Rôle suspecté d'une infection virale car : - Description de formes familiales ou "épidemiques" (chez des enfants ayant fréquenté la même école) - Mise en évidence du génome EBV (Epstein Barr Virus) dans 20 à 80 % des biopsie de MDH mais sans que l'on sache si le génome se trouve dans les cellules de RS ou dans la population lymphocytaire réactionnelle, et sans que cela prouve la relation de causalité. - Association avec l'infection à VIH (Virus d'immunodéficience Humaine) : la MDH se développe à cause du déficit immunitaire secondaire à l'infection à VIH, mais sans relation de causalité directe avec le VIH - Anomalies du caryotype décrites dans > 50 % des cas de MDH, mais aucune anomalie n'est retrouvée avec une plus grande fréquence Hypothèse : la MDH correspondrait à la réponse finale à une cascade d'événements pathologiques tels que infections virales, expositions professionnelles particulières (ex. travailleurs du bois), facteurs de l'environnement, terrain génétique... Origine de la cellule de reed-sternberg Controversée - Exprime des antigènes trouvés notamment sur des lymphocytes activés comme : CD 30' CD 25 (récepteur de l'interleukine 2), CD 71 (récepteur de la transferrine, témoin de prolifération), HLA-DR - Phénotype et génotype différents selon le type histologique: 150
- Soit marqueurs B (CD 19', CD 20', CD 22 ) et réarrangement des gènes des immunoglobulines - Soit marqueurs T (CD 2, CD 3, CD 4, CD 5, CD 6 parfois CD 8 ) et réarrangement des gènes du récepteur T, - Soit coexistence de marqueurs T et B Il est donc impossible d'affirmer l'origine T ou B de la cellule de RS. Il est possible que l'origine de la cellule maligne diffère selon le type histologique de MDH. Cette hétérogénéité phénotypique et génotypique pourrait signifier que l'on regroupe des maladies différentes sous le vocable MDH. - La cellule de RS produit des lymphokines responsables de certains signes généraux, et de la présence de la population lymphoïde réactionnelle. IV. Diagnostic IV. A. Rappels sur le mode d'extension (théorie de Kaplan) La MDH a un début ganglionnaire unifocal. - L'extension se fait de proche en proche aux territoires ganglionnaires adjacents en suivant le courant physiologique des voies lymphatiques. Le site initial, qui n'est pas toujours le site révélateur (le site révélateur le plus fréquent est le creux sus-claviculaire), est par ordre de fréquence décroissant intra-thoracique, cervical haut ou moyen, sous-diaphragmatique (inguino-crural et rétro-péritonéal) et axillaire. L'extension se fait à partir (cf. Figure 1) : - des territoires intra-thoraciques vers les creux sus-claviculaires puis axillaires, - des localisations cervicales vers les creux sus-claviculaires puis axillaires, - des territoires sous-diaphragmatiques vers le creux sus-claviculaire gauche en épargnant le médiastin (par le canal thoracique), - des territoires axillaires vers le territoire sus-claviculaire homolatéral. - Extension par diffusion hématogène, parfois précoce expliquant la fréquence des atteintes spléniques et les formes généralisées d'emblée. Par ordre de fréquence, les atteintes viscérales sont la moelle osseuse hématopoïétique, le poumon, le foie (associée à une atteinte splénique) et l os. - Extension par contiguïté à partir d'une grosse ADNP ; cela correspond à une atteinte extraganglionnaire limitée à distinguer d'une atteinte viscérale par voie hématogène. IV.B. Circonstances de découverte : stéréotypées - Adénopathies (ADNP) périphérique : 70 % (2/3 cervical, 10 % inguinal, 10 % axillaire), caractère ferme, élastique, indolore, asymétrique, non inflammatoire, sans explication locorégionale - gros médiastin (10 %) : radio pulmonaire systématique, devant des signes minimes (toux, dyspnée, douleur) Le syndrome cave supérieur est rare mais c est une urgence diagnostique et thérapeutique - signes généraux (éventuellement associés à une splénomégalie (SMG) dans les formes généralisées d'emblée du sujet âgé) (20 %) : amaigrissement > 10 % poids en < 6 mois, température > 38 pendant > 3 semaines sans explication, sueurs nocturnes, prurit généralisé (n'est retenu que s'il est associé à un autre signe général) IV.C. Diagnostic & Diagnostic différentiel : Histologique La ponction ganglionnaire ne suffit pas. 151
anapath = destruction plus ou moins complète de l'architecture ganglionnaire normale associée à des cellules de RS. Le matériel est obtenu par : - BIOPSIE d'une ADP périphérique - médiastinoscopie ou thoracotomie en cas d'adp du médiastin antéro-supérieur, - laparotomie exploratrice, s'il existe seulement des ADP sous-diaphragmatiques ou une SMG, - Biopsie ostéo-médullaire (BOM) dans les formes avec des signes généraux, sans syndrome tumoral périphérique, - parfois par ponction biopsie hépatique (PBH) La valeur pronostique de la classification histologique doit être nuancée car la stratégie thérapeutique dépend uniquement du stade d'extension et à ce stade d'extension égal, du volume tumoral. Importance de la qualité du prélèvement ganglionnaire, de la fixation, de la compétence de l'ana-path qui lira les lames. Nécessité de faire un prélèvement pour congélation avant fixation permettant une étude phénotypique nécessaire au diagnostic différentiel (ex : LNH de Lennert dans les formes de type 1, ou LNH anaplasique Ki-1 dans les formes de type 4). Classification histologique de LUKES-RYE (1971) - type 1 = MDH à prédominance lymphocytaire architecture ganglionnaire effacée par une prolifération de petits lymphocytes + rares cellules de RS. (< 10 % MDH, théoriquement = formes localisées) - Type 2 = MDH scléro-nodulaire fibrose nodulaire + nombreuses cellules de RS. La + fréquente, surtout adulte jeune, sus-diaphragmatique, classiquement de bon pronostic. - Type 3 = MDH à cellularité mixte nombreuses cellules de RS associées à un infiltrat polymorphe (lymphocytes, histiocytes, neutrophiles, éosinophiles, plasmocytes). Les types 2+3 représentent > 80 % MDH - Type 4 = MDH avec déplétion lymphocytaire Fibrose diffuse sans organisation + cellularité très diminuée : déplétion lymphocytaire nette, peu de population cellulaire réactionnelle + cellules de RS plus ou moins nombreuses. (< 10 % MDH, classiquement formes étendues et de mauvais pronostic). Rque : cas particulier des biopsies viscérales = mise en évidence du granulome épithélioïde qui suffit à affirmer l'atteinte par MDH seulement si le diagnostic de MDH a pu être porté par ailleurs ; dans le cas contraire, la présence des cellules de RS est indispensable. V. Bilan d'extension fondamental, car de ce bilan dépend la stratégie thérapeutique et donc le pronostic. Réalisable à titre externe, en moins d'une semaine V.A. Clinique - Palpation de toutes les aires ganglionnaires superficielles (voir schéma) : recherche HMG ou SMG - Examen ORL (anneau de Waldeyer) s'il existe des ADNP cervicales hautes ou prétragiennes - Recherche de signes généraux V.B. Recherche d'adnp profondes - Sus-diaphragmatiques = médiastinales 152
- radio pulmonaire - scanner thoracique (objective également les atteintes de contiguïté, les localisations parenchymateuses) - tomographies de Frain (médiastinales) abandonnées - Sous diaphragmatiques - scanner abdomino-pelvien. Les avantages du scanner : plus simple de réalisation, explore des aires ganglionnaires non visualisées par la lymphographie (mésentère et rétropéritoine haut), visualise la taille et l'homogénéité de la rate et du foie (scanner avec injection), sert de référence au cours de l'évolution, notamment pour la détermination des volumes cibles lors de l'irradiation. Les inconvénients du scanner : n'apprécie que le volume (ne retenir comme pathologiques au scanner que les ADNP > 1,5 cm de diamètre) alors que la lymphographie apprécie la texture ganglionnaire, explore mal les aires ganglionnaires lombo-iliaques basses - ± lymphographie bipédieuse V.C. Recherche d'une atteinte extra-ganglionnaire - BOM systématique (positive dans 15 % MDH au diagnostic, et représente 50 % des stades IV). L atteinte est d'autant plus fréquente qu'il existe une extension importante et/ou des signes généraux, même avec une NFS normale - localisations pulmonaires (20 % des stades IV : radio pulmonaire, scanner thoracique, tomographie pulmonaires) : nodules condensés uni ou bilatéraux. Le diagnostic est histologique par thoracotomie (fibroscopie bronchique non rentable). - localisations séreuses = pleuro-péricardiques par contiguïté et non par localisation viscérale vraie - localisations hépatiques (5 % des stades IV). L indication de PBH est portée devant une cholestase, une hétérogénéité hépatique, et parfois une atteinte splénique. L'atteinte hépatique est toujours associée à l'atteinte splénique, mais l'inverse n'est pas vrai. - localisations osseuses rares et lytiques - ne rechercher d'autres localisations que s'il existe un point d'appel clinique. V.D. Bilan biologique - fibrinogène > 5 g/l - alpha-2-globulines > 10g/l - VS > 40 mm 1ère heure - hyperleucocytose à neutrophiles si GB > 20 g/l et PNN > 8 g/l - albuminémie < 35 g/l - fer sérique abaissé a = aucun ou 1 signe présent, b= 2 signes présents ou plus Au terme du bilan d'extension on peut établir une classification en 4 stades ; c'est la Classification de ANN ARBOR (1970), complétée récemment = classification de COSTWOLDS (1989). Stade I : atteinte d'un seul territoire ganglionnaire ou d'un seul organe lymphoïde Stade II : atteinte de deux ou plus territoires ganglionnaires d'un même côté du diaphragme (le médiastin est considéré comme un seul site alors que les ADNP hilaires sont considérées isolément). Le nombre de sites anatomiques envahis peut être noté en indice (ex II 3 ) Stade III : atteinte de territoires ganglionnaires de part et d'autre du diaphragme III 1 avec atteinte ou non de la rate, des ganglions coeliaques, portes ou du hile splénique 153
III 2 si atteinte des ganglions para-aortiques, iliaques et mésentériques Stade IV : atteinte d'un ou plusieurs site extra-nodal, à l'exclusion d'un site pour lequel "E" pourrait être employé Désignations particulières applicables quel que soit le stade : A absence de signes généraux B X présence de signes généraux (voir définitions dans texte) grosse masse tumorale (ADNP > 10 cm de diamètre ou gros médiastin c'est à dire rapport diamètre masse tumorale sur diamètre thoracique au niveau de la carène > 1/3) E atteinte d'un seul site extra-nodal par contiguïté CS classification clinique PS classification anapath ("pathological stage", après laporotomie) Après examen clinique & radio pulm : 90 % des patients sont classés stade I ou II, MAIS après l'ensemble du bilan d'extension : 60 % des patients sont classés stade III ou IV. La laparotomie : Systématique dans les années 70 pour faire un inventaire lésionnel sousdiphragmatique (splénectomie, biopsie hépatique, biopsies ganglionnaires multiples) permettant une stratégie thérapeutique optimale Aujourd'hui pratiquement abandonnée car le traitement comporte le plus souvent de la chimiothérapie qui permet de traiter les localisations infra-cliniques ; d'autre part il existe une morbidité post-opératoire non négligeable. VI. Formes particulières - généralisées d'emblée : chez le sujet âgé avec altération de l'état général : diagnostic par la BOM - neurologiques : très rares - épidurite - compression par tassement vertébral sur atteinte osseuse par granulome épidural - exceptionnelle leuco-encéphalite multi-focale progressive, parfois régressive sous chimiothérapie - dégénérescence cérébelleuse non liée à une atteinte tumorale, peut-être d'origine autoimmune, insensible à la chimiothérapie - rénales : syndrome néphrotique, équivalent d'un syndrome paranéoplasique hydronéphrose par compression urétérale par ADNP - MDH chez la femme enceinte de mauvais pronostic car la grossesse favorise une évolution rapide - MDH de l'enfant VII. Facteurs pronostiques MDH avancées : 75 à 90 % de RC 1/3 de rechutes 50 à 65 % de long survivants en RC1 + 10 à 15 % de long survivants en RC2 MDH localisées : 90 à 98 % de RC MDH en rechute après MOPP : si rechute après > 1 an RC1 : 90 % RC2 après reprise du MOPP si rechute après < 1 an RC1 : 29 % RC2 après reprise du MOPP Facteurs de mauvais pronostic Initiaux : - type histologique 4 154
- âge > 40 ans - sexe masculin - présence de signes généraux - VS > 40 mm 1ère heure - > 3 territoires ganglionnaires atteints - gros médiastin (>1/3) ou ADNP > 10 cm - > 2 atteintes viscérales Lors du traitement : absence de réponse complète (RC) après trois cycles de chimiothérapie Lors des rechutes : VIII. Principes de traitement - rechute < 12 mois après diagnostic - rechute en territoire irradié - âge > 50 ans VIII.A. Moyens thérapeutiques - Radiothérapie : dès 1940, a permis de guérir des MDH de stades localisées. dose éradicatrice = 35 à 40 Gray en 4 semaines Champs étendus = mantelet sus-diaphragmatique et Y inversé sous-diaphragmatique. Irradiation des territoires envahis + territoires potentiellement atteints. Technique utilisée lors d'un traitement par radiothérapie exclusive. Champs limités = irradiation seulement des sites initialement envahis. Technique toujours associée à de la chimiothérapie. - Chimiothérapie : depuis 1964, utilisation d'une polychimiothérapie (MOPP) qui a permis de guérir des MDH de stades étendus. Quel que soit le protocole, pour obtenir le maximum d'efficacité, il faut respecter les doses de chaque drogue et la durée de l'intercure. MOPP : Méchloréthamine (CARYOLYSINE ), ONCOVIN (Vincristine), Procarbazine (NATULAN ), Prednisone. ABVD = Adriamycine (ADRIBLASTINE ), Bléomycine (BLEOMYCINE ), Vinblastine (VELBE ), Dacarbazine (DETICENE ). Chimiothérapie proposée comme alternative depuis 1974, car au moins aussi efficace mais moins toxique. VIII.B. Stratégie - MDH avancée = III 2A + III B + IV - Polychimiothérapie seule (MOP Px6 ou ABVDx6 ou MOPP / ABVD alternés) - Polychimio + radiothérapie : pour les stades III mis en RC après 3 cures de chimio - radiothérapie complémentaire sur les sites initialement envahis - MDH localisées = I + II + IIIA ou III 1 = MDH que l'on peut traiter par radiothérapie seule, mais la tendance actuelle est de faire 3 cycles de chimio puis radiothérapie. Cependant les stades IA sont traités par radiothérapie seule, et les stades IIB sont traités par chimio-radiochimiothérapie. - MDH localisées à forte masse tumorale = à haut risque de rechute si traitées par chimiothérapie seule (33 à 50 %) ou radiothérapie seule (50 à 74 %). Traitement proposé = MOPP / ABVD alterné x2 puis radiothérapie. Problème des masses résiduelles où il faut différencier une masse résiduelle fibreuse de bon pronostic, d'une masse résiduelle tumorale donc résistante et de mauvais pronostic. Cela 155
concerne > 50 % des MDH avec gros médiastin initial. Intérêt de la scintigraphie au gallium. Parfois indication de biopsie chirurgicale. VIII.C. Maladies réfractaires et rechutes Définitions : rechute si > 6 mois de RC maladie réfractaire si MDH jamais mise en RC ou si rechute après < 6 mois de RC - Si rechute après radiothérapie (souvent en territoire non irradié et < 2 ans après fin traitement) : bon pronostic avec chimio de rattrapage de type MOPP et/ou ABVD - Si rechute après chimiothérapie (souvent < 3 ans après fin de traitement) : reprise de la chimiothérapie. RC 2 d'autant plus difficile à obtenir que RC 1 courte. - indication d'intensification avec autogreffe de moelle en RC en cas de - résistance initiale - rechute précoce IX. Complications du traitement - Complications infectieuse en dehors des cytopénies : - zona - varicelle - infections à pneumocoques (si splénectomie) - Complications de la radiothérapie : - hypothyroïdie - péricardite - fibrose pulmonaire - grêle radique - stérilité féminine en absence d'ovariopexie (irradiation sous-diaphragmatique) - cancers secondaires en territoire irradié (VADDS, poumon, mélanome, sein, estomac, tissus mous = sarcomes) - Complications de la chimiothérapie : - hypofertilité-stérilité définitive après MOPP, + ou - réversible après ABVD. Nécessité de congélation de sperme (CECOS) chez l'homme jeune - insuffisance cardiaque après anthracyclines - polyneuropathies après vincristine, surtout chez les sujets âgés - fibrose pulmonaire après bléomycine - myélodysplasies et leucémies aiguës myéloblastiques secondaires surtout liées à la méchloréthamine, réfractaires à la chimiothérapie. Pic de fréquence 4 à 6 ans après le traitement de MDH - lymphomes malins non hodgkiniens X. Conclusion = optimisation thérapeutique - Essayer de garder les mêmes bons résultats en diminuant le risque de séquelles chez les patients actuellement guéris. - Mieux définir la population de patients qui bénéficieront d'une intensification thérapeutique, afin d'améliorer les résultats. 156