c) De lui allouer la somme de quatre mille francs suisses au titre des frais de consultation juridique et dépenses diverses."

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TRIBUNAL ADMINISTRATIF Jugement No 818 Affaire No 906 : PAUKERT Contre : Le Secrétaire général de l'organisation des Nations Unies LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES, Composé de M. Mikuin Leliel Balanda, Vice-Président, assurant la présidence; M. Mayer Gabay; Mme Deborah Taylor Ashford; Attendu que, les 10 et 26 octobre 1995, Libuse Paukert, ancienne fonctionnaire de l'organisation des Nations Unies, a introduit une requête qui ne remplissait pas toutes les conditions de forme prescrites par l'article 7 du Règlement du Tribunal; Attendu que, le 23 janvier 1996, la requérante, après avoir procédé aux régularisations nécessaires, a de nouveau introduit une requête contenant des conclusions par lesquelles elle priait notamment le Tribunal : "a) De juger que, pendant sa période d'emploi à l'organisation des Nations Unies, la requérante a été victime d'une série de décisions prises en violation de l'article 100 de la Charte et de l'article 1 du Règlement du personnel; b) De lui allouer une indemnité d'un montant de deux cent cinquante mille francs suisses pour l'atteinte grave au développement de sa carrière et à ses droits à pension qui a résulté de ces décisions; c) De lui allouer la somme de quatre mille francs suisses au titre des frais de consultation juridique et dépenses diverses." Attendu que le défendeur a déposé sa réplique le 5 juillet 1996; Attendu que, le 21 mai 1997, la requérante a déposé un document additionnel auprès du Tribunal; Attendu que les faits de la cause sont les suivants : La requérante a été engagée à l'office des Nations Unies à Genève, plus précisément à la Commission économique pour l'europe, en vertu d'un contrat de louage de services de 11 semaines le 1er octobre 1962. Entre cette date et le 20 juillet 1984, il lui a été octroyé 45 contrats de consultant ou d'assistance temporaire. Elle apparaît dans sa notice personnelle de 1963 comme

- 2 - ressortissante britannique, de nationalité tchécoslovaque à la naissance. Nonobstant ces 45 contrats avec l'organisation et malgré deux évaluations très positives de son travail datant de 1963 et de 1968, il ne lui a jamais été accordé de contrat de durée déterminée ou de contrat permanent. Le 28 février 1979, le Chef de la Section du recrutement pour le Secrétariat a envoyé au Chef du Service administratif de la Commission économique pour l'europe (CEE) un mémorandum dans lequel, après avoir récapitulé les états de services de la requérante, il déclarait : "... le tableau ci-dessus donne l'impression que [la requérante] est engagée pour effectuer sur une base régulière une tâche... d'importance essentielle pour la CEE et qui, me semble-t-il, devrait maintenant être remplie dans le cadre du programme de travail établi au lieu d'être confiée à un consultant ou un fonctionnaire temporaire. Je vous serais très reconnaissant des éclaircissements que vous pourriez m'apporter au sujet des engagements récurrents de [la requérante]." Il n'y a pas, dans le dossier, de réponse à cette communication. L'un des superviseurs de la requérante a indiqué : "Je souhaiterais qu'elle puisse être intégrée à notre tableau d'effectifs." Un autre lui a attribué, dans son rapport d'évaluation du comportement professionnel, la note "Excellent". La requérante prétend qu'à l'époque, on lui a opposé, entre autres arguments, qu'il n'était pas possible de normaliser ses conditions d'engagement vu que la représentation du Royaume-Uni au sein du Secrétariat était à son niveau maximum. Le 28 mai 1984, la requérante a écrit à l'assistant spécial du Secrétaire exécutif de la CEE qu'elle avait été "complètement abasourdie... de vous entendre dire que le seul obstacle à mon engagement... était 'mon comportement acerbe vis-à-vis de l'ex-secrétaire exécutif'. Je n'ai eu que des rapports très agréables avec [lui]". Par une lettre datée du 4 juin 1993 adressée au Directeur de la Division de l'administration de l'office des Nations Unies à Genève, la requérante a demandé à être indemnisée du préjudice matériel et moral subi pendant ses 22 années d'activité au service des Nations Unies. Elle déclarait avoir reçu de l'ex-représentant permanent de la République fédérale tchèque et slovaque auprès de l'office des Nations Unies à Genève une déclaration écrite, en date du 20 avril 1993, certifiant qu'en 1963, durant la période 1970-1980 et en 1984, le Chef de la Mission de la République fédérale tchèque et slovaque avait reçu des autorités de Prague des instructions expresses d'intervenir auprès du Secrétaire exécutif de la CEE et du Service du personnel de l'onu pour l'empêcher d'être jamais engagée à titre régulier aux Nations Unies. Ces instructions étaient apparemment motivées par "l'origine sociale" de la requérante et le fait qu'en quittant le pays en 1948, ses parents l'avaient emmenée à l'étranger. N'ayant pas reçu de réponse à sa lettre du 4 juin 1993, la requérante a envoyé deux rappels au Directeur de la Division de l'administration, le 7 septembre et le 1er octobre 1993 respectivement, sans, là encore, obtenir de réponse. Le 30 novembre 1993, la requérante a demandé au Secrétaire général de reconsidérer la décision relative à la demande d'indemnisation contenue dans sa lettre du 4 juin 1993 décision qu'en l'absence de réponse à sa demande, elle présumait négative.

- 3 - Par une lettre datée du 5 janvier 1994, le Chef du Groupe d'examen des mesures administratives a accusé réception de la demande de la requérante en l'informant que le délai de deux mois prescrit par la disposition 111.2 a) ii) du Règlement du personnel avait commencé à courir le 17 décembre 1993. N'ayant pas reçu de réponse dans le délai prescrit, la requérante a, le 2 mars 1994, introduit un recours devant la Commission paritaire de recours de Genève. La Commission a adopté son rapport le 9 juin 1995. La partie du rapport contenant l'argumentation et les conclusions de la Commission se lisait en partie comme suit : "23. La Chambre a d'abord examiné la recevabilité ratione materiae du recours. Elle a noté que la requérante avait précisé à plusieurs reprises que son recours était dirigé contre le refus de l'administration de faire droit à sa demande d'indemnisation, ce qui ressortait clairement du passage ciaprès de la lettre du 30 novembre 1994 qu'elle avait adressée au Secrétaire général pour le prier de reconsidérer sa décision : 'J'ai donc écrit à [...], Chef de l'administration à l'office des Nations Unies à Genève, pour appeler son attention sur mon cas et demander réparation du grave préjudice moral et matériel dont j'ai été victime dans le développement de ma carrière (...). Toutes ces lettres sont restées sans réponse. J'interprète le silence de l'organisation comme signifiant que l'office des Nations Unies à Genève refuse d'examiner ma demande et de lui donner une suite favorable. Je souhaite me pourvoir contre ce refus. Conformément à la disposition 111.2 du Règlement du personnel, je m'adresse à vous pour que vous reconsidériez l'inaction de l'office des Nations Unies à Genève face à ma demande...' (c'est la Commission qui souligne). En conséquence et conformément à la disposition 111.2 du Règlement du Tribunal et à l'article 7 du document intitulé "Règlement intérieur et directives de la Commission paritaire de recours de Genève", ainsi qu'à la jurisprudence du Tribunal administratif des Nations Unies (voir notamment le jugement No 165, Kahale, par. I), la Chambre a considéré le présent recours comme portant exclusivement sur la décision administrative bien précise par laquelle un refus a été opposé à la demande d'indemnisation de la requérante.... 25.... la Chambre s'est ensuite demandé si elle était compétente pour examiner le présent recours. Elle a tout d'abord eu à déterminer si le refus de l'administration de faire droit à la demande d'indemnisation de la requérante constituait une décision administrative au sens de la disposition 11.1 du Statut du personnel. La Chambre a jugé qu'il ne peut y avoir décision administrative faisant grief que si un lien juridique existe entre les deux parties. En fait, une décision administrative est une décision de l'administration qui modifie unilatéralement les conditions d'emploi de l'intéressé(e) de par son incidence sur les droits qu'il ou elle tire des dispositions pertinentes ou des principes généraux de l'ordre juridique de l'organisation. En conséquence, le recours doit faire apparaître l'existence d'un certain lien entre le grief et les dispositions pertinentes invoquées.

- 4-26. La Chambre a constaté qu'en l'espèce, le lien juridique entre les parties visé plus haut fait défaut et que le refus de faire droit à la demande d'indemnisation de la requérante ne peut pas être considéré comme une décision administrative au sens de la disposition 111.2 a) du Règlement du personnel et de l'article 11.1 du Statut du personnel. Si la requérante, au lieu de faire exclusivement porter son recours sur la décision bien précise de ne pas faire droit à sa demande d'indemnisation, avait soulevé la question d'une violation éventuelle de l'article 100 de la Charte des Nations Unies et de l'article 1 du Statut du personnel durant sa période d'emploi aux Nations Unies, le sort de son recours aurait pu être différent. 27. Sur la base de ce qui précède, la Chambre a décidé, en se fondant sur la disposition 111.2 j) du Règlement du personnel, que le recours était irrecevable ratione materiae et qu'elle n'avait pas compétence pour l'examiner. La Chambre n'a de ce fait pas examiné le fond du recours ni abordé la question de sa recevabilité ratione temporis. 28. La Chambre conclut que le refus de l'administration de faire droit à la demande d'indemnisation de la requérante ne constitue pas une décision administrative susceptible de recours." Le 6 octobre 1995, la requérante a été informée par le Secrétaire général adjoint à l'administration et à la gestion de la décision du Secrétaire général dans les termes suivants : "Le Secrétaire général a procédé à un examen approfondi de la présente affaire sur la base du rapport de la Commission et a noté que, du 1er octobre 1962 au 20 juillet 1984, vous aviez été engagée à 45 reprises par l'office des Nations Unies à Genève en qualité de consultante ou au titre de l'assistance temporaire. Il a également été mis au courant des déclarations largement postérieures aux événements faites, le 20 avril 1993, par un ancien ambassadeur de la République socialiste tchécoslovaque auprès des Nations Unies, le 18 mars 1994 par un ancien Secrétaire exécutif de la Commission économique pour l'europe et, le 27 mars 1994, par un superviseur, tous faisant état d'interventions de la République socialiste tchécoslovaque datant des dernières décennies. La Chambre a refusé de se prononcer sur les éléments de preuve, motif pris de l'absence de 'lien juridique entre les deux parties' et de 'décision' au sens de la disposition 111.2 a) du Règlement du personnel et de l'article 11.1 du Statut du personnel. La Chambre a en conséquence conclu que votre recours n'était pas recevable ratione materiae et elle n'a pas abordé la question de savoir s'il était recevable ratione temporis. Sur ce dernier point, le dossier soumis à la Commission paritaire de recours ne fournit aucun élément justifiant le retard avec lequel a été introduit, sur la base du Règlement et du Statut du personnel, un recours qui aurait dû être soumis beaucoup plus tôt. Chacun des 45 contrats a été accepté et signé par vous. Toute contestation de la légitimité des offres

- 5 - qui vous ont ainsi été faites est maintenant frappée de forclusion et il ne suffit pas, pour échapper à la forclusion, de soulever une question contentieuse et de prétendre ensuite que le défaut de réaction de l'autre partie constitue une nouvelle décision sur le fond du litige, qui peut être attaquée indépendamment de la forclusion. S'il a été reconnu que, dans certaines conditions, l'accumulation d'une longue série de contrats de louage de services par une personne s'acquittant de fonctions normalement dévolues à un fonctionnaire peut créer une espérance légitime de renouvellement, le Tribunal a jugé que, si l'intéressé néglige de se pourvoir en temps utile, il ne peut plus prétendre à indemnisation ou au recalcul de sa période d'affiliation au système des pensions (jugement du TANU No 281, H. de Vittorioso. En l'occurrence, le délai pour l'exercice de votre droit de recours doit avoir pour point de départ les dates auxquelles vous avez émis des craintes au sujet de votre situation contractuelle - ce que vous avez fait, d'après vos 'Observations supplémentaires' du 30 mai 1994, 'à plusieurs reprises' entre 1963 et 1980. Le Secrétaire général considère donc que votre recours concerne des mesures prises pendant la période en question. Comme vous êtes depuis longtemps forclose, il a décidé de rejeter votre demande d'indemnisation." Le 23 janvier 1996, la requérante a introduit devant le Tribunal la requête visée plus haut. Attendu que les principaux arguments de la requérante sont les suivants : 1. En cédant à des interventions politiques de représentants de l'ex-république socialiste tchécoslovaque, l'organisation a violé l'article 100 de la Charte et l'article 1 du Statut du personnel. 2. La demande d'indemnisation de la requérante au titre desdites violations n'est pas frappée de forclusion parce que les motifs réels des décisions de l'organisation sur ses conditions d'emploi ne lui ont jamais été communiqués par voie de notification. Aux fins d'un recours contentieux, c'est la notification qui marque le point de départ du délai. La requérante a reçu notification le 20 avril 1993; son recours est donc formé en temps utile. Attendu que le principal argument du défendeur est le suivant : La disposition 111.2 a) du Règlement du personnel fixe les délais dans lesquels doivent être introduits les recours contre les décisions administratives. La demande de réexamen de la décision contestée présentée par la requérante n'a pas été soumise dans les délais et est donc frappée de forclusion. Le Tribunal, ayant délibéré du 9 au 25 juillet 1997, rend le jugement suivant : I. Le présent recours a pour base le refus du défendeur d'examiner la demande d'indemnisation présentée par la requérante au titre de décisions dommageables prises au sujet de ses conditions d'emploi en violation de l'article 100 de la Charte et de l'article 1 du Règlement du personnel. Après avoir attendu pendant

- 6 - près de six mois une réponse à sa demande d'indemnisation, la requérante a estimé que le défaut de réaction du défendeur constituait une décision administrative, qu'elle a demandé au Secrétaire général de reconsidérer conformément à la disposition 111.2 a) du Règlement du personnel. Le défendeur a avisé la requérante que le délai de deux mois dans lequel devait être présentée une demande de reconsidération commençait à courir le 17 décembre 1993 et expirait le 17 février 1994. La requérante a, par la suite, introduit un recours devant la Commission paritaire de recours le 2 mars 1994, conformément à la disposition 111.2 a) ii) du Règlement du personnel. II. La Commission paritaire de recours a adopté son rapport le 9 juin 1995. Elle a estimé que le recours n'était pas recevable ratione materiae au motif que le refus implicite du défendeur d'examiner la demande d'indemnisation de la requérante qui servait de base au recours ne constituait pas une décision administrative au sens de la disposition 111.2 du Règlement du personnel et de l'article 1.1 du Statut du personnel. La Commission a conclu qu'il n'existait pas de lien juridique entre les parties et qu'en conséquence, le refus d'examiner la demande de la requérante ne constituait pas une décision modifiant ses conditions d'emploi. Ayant conclu à l'irrecevabilité du recours de la requérante ratione materiae, la Commission ne s'est pas penchée sur la question de sa recevabilité ratione temporis ni prononcée sur le fond. III. Le Tribunal juge mal fondée la conclusion de la Commission paritaire de recours touchant la recevabilité du recours ratione materiae. Le Tribunal rejette tout d'abord l'argument de la Commission selon lequel le refus implicite d'examiner la demande qui a servi de base au recours ne constitue pas, en l'absence d'un lien juridique entre les parties, une décision administrative au sens de la disposition 111.2 du Règlement du personnel et de l'article 11.1 du Statut du personnel. D'abord, les dispositions du Règlement du personnel identifiant l'organe paritaire de recours compétent pour connaître du recours d'un requérant visent "tout ancien fonctionnaire", d'où il résulte implicitement que les anciens fonctionnaires peuvent, en cas de litige lié à leurs anciens emplois avec les Nations Unies, user des procédures de reconsidération et de recours prévues, y compris devant la Commission paritaire de recours. IV. Au surplus, le paragraphe 2 de l'article 2 du Statut du Tribunal dispose que le Tribunal est ouvert à tout fonctionnaire, "même si son emploi a cessé, ainsi qu'à... toute autre personne qui peut justifier de droits résultant d'un contrat d'engagement". Il découle clairement du Statut que les anciens fonctionnaires et autres personnes ayant subi un préjudice du fait de leurs conditions d'emploi aux Nations Unies ont qualité pour saisir les instances administratives appropriées de leur grief. Comme l'a relevé la requérante, le Tribunal a eu à connaître d'affaires présentées par d'anciens employés des Nations Unies et il ne les a pas déclarées irrecevables au motif que le requérant avait cessé d'être au service des Nations Unies (cf. les jugements No 232, Dias (1978) et No 320, Mills (1983)). V. En second lieu, la Commission paritaire de recours note dans son rapport que "[s]i la requérante, au lieu de faire exclusivement porter son recours sur la décision bien précise de ne pas faire droit à sa demande d'indemnisation, avait soulevé la question d'une violation éventuelle de l'article 100 de la

- 7 - Charte et de l'article 1 du Statut du personnel durant sa période d'emploi aux Nations Unies, le sort de son recours aurait pu être différent". Aux yeux du Tribunal néanmoins, c'est à tort que la Commission a estimé ne pas être saisie par la requérante du grief de violation de l'article 100 de la Charte et de l'article 1 du Statut du personnel. VI. Le Tribunal estime que c'est bien le fond du litige que la requérante a porté devant le défendeur par sa lettre du 30 novembre 1993, ainsi qu'il ressort du membre de phrase "Je me permets de vous transmettre un cas de discrimination se rapportant aux conditions d'emploi aux Nations Unies..." et de l'exposé subséquent du fond de sa demande. La lettre de la requérante et les pièces jointes en annexe auraient dû faire clairement comprendre au défendeur que la requérante sollicitait un nouvel examen du fond du litige. De même, le Tribunal conclut que c'est bien du fond du litige, exposé tant dans la présentation initiale de son recours que dans ses observations écrites ultérieures, que la requérante a saisi la Commission paritaire de recours. Dans ces conditions, le Tribunal juge contestable l'affirmation de la Commission selon laquelle la requérante a fait "exclusivement porter son recours sur la décision bien précise de ne pas faire droit à sa demande d'indemnisation". Le fait que la décision administrative ait consisté en une inaction plutôt qu'en un rejet explicite de la demande de la requérante est sans effet sur le sens de cette demande, laquelle invoque un préjudice imputable à des décisions intéressant les conditions d'emploi de la requérante prises en violation de la Charte des Nations Unies et du Règlement du personnel. VII. Le Tribunal ne peut souscrire au raisonnement de la Commission paritaire de recours quant à la recevabilité ratione materiae en raison de la conclusion erronée sur laquelle il débouche. Le Tribunal juge donc que la demande de la requérante est recevable ratione materiae. VIII. S'agissant de la recevabilité ratione temporis, le dossier montre que la requérante a respecté tous les délais prescrits par la disposition 111.2 du Règlement du personnel à partir du 30 novembre 1993, date à laquelle elle a écrit pour la première fois au défendeur pour demander que le refus de l'office des Nations Unies à Genève de statuer sur sa demande fasse l'objet d'un nouvel examen. Le Tribunal estime qu'à compter de cette date, la requérante a procédé de façon entièrement régulière. IX. Le principal argument avancé par le défendeur tant devant la Commission paritaire de recours que devant le Tribunal est qu'il y a forclusion parce que la requérante aurait dû se pourvoir au plus tard deux mois après la fin de son emploi aux Nations Unies, laquelle remonte au 20 juillet 1984. Selon les calculs du défendeur, la requérante a attendu neuf ans pour entamer la procédure et elle est donc, de toute évidence, forclose en vertu de la disposition 111.2 du Règlement du personnel. Le Tribunal rejette le raisonnement du défendeur mais se range à sa conclusion. X. Le Tribunal relève que la requérante n'a pas recueilli moins de six déclarations sous serment de personnes au courant de son passé d'employée des Nations Unies qui confirment que, comme elle le prétend, la possibilité d'un engagement à titre permanent à l'onu lui a été refusée en raison de pressions

- 8 - politiques exercées par les autorités de l'ex-république socialiste tchécoslovaque. La requérante apporte en outre des preuves que son travail a été invariablement d'une haute qualité et que ses supérieurs ont recommandé à plusieurs reprises de lui accorder un engagement à titre permanent. Bien qu'ayant accumulé pendant 22 ans recommandations et bons états de services, la requérante a conclu 45 contrats de courte durée et contrats de louage de services sans protester contre le fait qu'il ne lui était pas accordé d'engagement à titre permanent. Le Tribunal convient avec la requérante que les explications (état de la représentation du Royaume-Uni au sein du Secrétariat et comportement prétendument inconvenant) qui lui ont été fournies en réponse à ses questions répétées touchant ses perspectives de carrière étaient vagues et superficielles. Vu la longueur de la période en cause et le nombre de contrats, le Tribunal ne comprend pas pourquoi la requérante s'est abstenue de protester pendant 22 ans ou lorsque son emploi a pris fin. Dès lors que six personnes ont confirmé l'existence de violations de la Charte, il est bien probable que si la requérante avait questionné le défendeur pendant ou immédiatement après sa période d'emploi, elle aurait obtenu les réponses voulues. La requérante s'est bornée à continuer d'accepter des engagements de courte durée et des contrats de louage de services sans contester les raisons avancées. La conclusion du Tribunal, si difficile soit-elle à accepter, est que la requérante porte la responsabilité de la situation vu qu'elle n'a pas soulevé les questions pertinentes au moment opportun. Le Tribunal rappelle que dans son jugement No 549 (1994) Renninger, il a jugé que : "Le temps... a joué manifestement contre le défendeur car l'obligation lui incombant en raison du coût actuariel lié à la validation [aux fins de pension] de services passés ne cesse de s'accroître avec le temps. Dans ces conditions, il serait injuste à l'extrême de ne pas tenir compte du comportement du requérant qui a attendu si longtemps pour formuler sa réclamation...... d'ordinaire, lorsqu'on a intérêt à présenter sa réclamation en raison du préjudice éventuel qu'un retard peut entraîner, la logique veut que le point de départ du délai soit le moment où l'on se rend compte ou où l'on aurait dû se rendre compte que l'on a une prétention à faire valoir... On prend des risques lorsqu'on retarde déraisonnablement les mesures qui doivent permettre de défendre le droit auquel on prétend." (C'est le Tribunal qui souligne). En l'espèce, la requérante aurait dû contester les raisons invoquées pour ne pas lui accorder de contrat permanent. Si elle l'avait fait, elle aurait découvert les raisons auxquelles un certain nombre de fonctionnaires attribuaient apparemment le fait qu'elle n'était pas employée à titre permanent. Soulever ces questions neuf ans après la cessation de services et 31 ans après le commencement de l'illicite allégué est inadmissible. XII. Pour toutes les raisons énoncées plus haut, le Tribunal juge que le recours de la requérante est frappé de forclusion. (Signatures)

- 9 - Mikuin Leliel BALANDA Vice-Président, assurant la présidence Mayer GABAY Membre Deborah Taylor ASHFORD Membre Genève, le 25 juillet 1997 R. Maria VICIEN-MILBURN Secrétaire