REMPLISSAGE EN PER OPERATOIRE. LES GELATINES L ALBUMINE Dr Christophe Canevet

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Transcription:

REMPLISSAGE EN PER OPERATOIRE LES GELATINES L ALBUMINE Dr Christophe Canevet

LES COLLOÏDES DE SYNTHESE LES GELATINES FLUIDES MODIFIEES

GELATINES : ORIGINE Dégradation du collagène d os bovidés Peptides de gélatines de faible masse moléculaire succinylées, qui s associent Molécules dont la masse moléculaire est voisine de 35 000 DA Elles sont de tailles variables : la solution est dite polydispersée

GELATINES : PROPRIETES PHYSICOCHIMIQUES Osmolarité proche du plasma (légèrement hypertonique) Viscosité élevée Rhéologie : temps agrégation et du seuil de dissociation des GR (affinité de la gélatine pour la ristocétine) Point de gélification entre 2 et 3 degrés

GELATINES : PHARMACOCINETIQUE Modèle à deux compartiments : demi-vie α de distribution et demi-vie β d élimination Dépendent de nombreux facteurs : taille des particules, poids moléculaire, charge électrique, volume administré, vitesse d administration Élimination essentiellement urinaire, 60 % de la GFM est éliminée après 24h, produisant une diurèse osmotique. Pas d accumulation.

LES PRODUITS Osmolalité (mosm/l) Solution P/Plasma Efficacité volémique Durée d efficacité (h) PLASMION (3%) (GFM) (3 ) 320 RL 1.17 0.8-1.0 3-4 GELOFUSINE (4%) (GFM) 308 S φ 0.90 0.8-1.0 3-4

GF : EFFETS SECONDAIRES SPECIFIQUES Risques essentiellement allergiques (0.35% par histaminolibération non spécifique) : 6 fois plus qu avec les HEA CI lors de la grossesse (choc maternel IgE) Effets sur l hémostase ( agrégation plaquettaire, synthèse de thrombine) avec peu de traduction clinique.

RISQUE HYPOTHETIQUE Faible risque de transmission de l encéphalopathie subaiguë spongiforme, car les méthodes d extraction chimique détruisent la virulence du prion MAIS ORIGINE ANIMALE: RISQUE BIOLOGIQUE NUL?

ALBUMINE Seul colloïde d origine humaine utilisable pour le remplissage 55% des protéines plasmatiques, 70% de la pression oncotique PM : 69 000 DA Solution à 4% ou 5% (hypo-oncotique) et 20% (hyper-oncotiques)

PHARMACOLOGIE (I) Taux de transfert du capillaire vers le secteur interstitiel : 5%/h ( sepsis ou insuffisance cardiaque) ½ vie d élimination : 18 jours, catabolisée par le système réticulo-endothélial Rôle discuté sur la perméabilité membranaire (Marganson MP, Soni N. Serum albumin : toughstone or totem? Anaesthesia 1998;53:789-803) Rôle de transporteur de substances endo-et exogènes. Peu de traduction clinique.

PHARMACOLOGIE (II) L efficacité de la perfusion d albumine à 4% est responsable d une augmentation modeste voire nulle de la pression oncotique chez le patient de réanimation (Mbaba Mena J, De Backer D, Vincent JL. Effects of a hydroxyethylstarch solution plasma colloid osmotic pressure in acutely ill patient. Acta Anaesthesiol Belg. 2000;51:39-42) L efficacité obtenue est inférieure à ce que ne laisse présager les données chez le sujet sain du fait d une fuite capillaire (Berger A. Why albumin may not work BMJ 1998;317:240)

LES PRODUITS Osmolalité (mosm/l) Solution P/Plasma Efficacité volémique Durée d efficacité (h) ALBUMINE 4% (26.63 ) 250-350 S φ 0.8 0.7 6-8 ALBUMINE 20% (38.8 ) 300 S φ 4.00 3.5 6-8

EFFETS SECONDAIRES Allergie : 0.099% Infectieux : SPECIFIQUES Virus : origine plasmatique, fractionnement, aucune transmission à ce jour. Prions : très faible infectiosité du plasma (Brown et al,transfusion,1998;38:810-816), mais risque potentiel

LA LITTERATURE

LITTERATURE REA (I) Méta-analyse du groupe Cochrane (Cochrane Injuries Group Albumin Reviewers). Human albumin administration in critically ill patients : systematic review of randomized controlled trials. BMJ 1998;317:235-40 6 % de la mortalité (IC 95 : 3-9%) dans groupe albumine versus cristalloïdes MAIS association de 3 sous-groupes (hypovolémie, brûlés et hypoprotidémie) avec des mortalités qui ne sont jamais statistiquement différentes. Les 20 études sur l hypovolémie sont très hétérogènes, dates souvent d avant 1990 avec des méthodologies discutables. Surtout, le critère de jugement est la mortalité, qui n est jamais un objectif de la plupart de ces études. (Horsey P. Albumin and hypovolemia : is the Cochrane evidence to be trusted? Lancet 2002;359:70-2) Même erreur en 2000 (30 études).

LITTERATURE REA (II) Choi PTL, Gordon Y, Quinonez LG, Cook D. Cristalloids vs colloids in fluid resuscitation : a systematic review. Crit Care Med, 1999;27:200-10. Groupe canadien spécialisé dans les meta-analyse, ne retiennent que 5 études regroupant 300 patients. Les colloïdes la mortalité par rapport aux cristalloïdes avec un risque relatif de 0.27 (IC 0.17-0.89), mais études hétérogènes Wilkes MM, Navickis RJ. Patient survival after humain albumin administration : a meta-analysis of randomised, controlled trials. Ann Intern Med 2001;135;149-64. 7 études, risque relatif de 0.87 (IC 0.67-1.14) plutôt en faveur de l albumine.

LITTERATURE REA (III) Finfer S, Bellomo R, Boyce N, French j, Myburgh J, Norton R; SAFE Study Investigators. A comparison of albumin and saline for fluid resuscitation in the intensive care unit. N Engl J Med. 2004;350:2247-56. Essai randomisé sur 6997 patients de réanimation. Pas de différence en terme de mortalité entre SSI et albumine à 4%, mais groupes hétérogènes, faible gravité des patients, peu de critères francs d hypovolémie.

LITTERATURE EN REA (IV) Vincent JL, Navickis RJ, Wilkes MM. Morbidity in hospitalized patients receiving human albumin : a meta-analysis of randomized, controlled trials. Crit Care Mad. 2004;32:2029-38. Comparaison de l albumine à d autres solutés de remplissage (3782 patients). L administration d albumine diminue la mortalité des patients hospitalisés en réanimation. L effet est plus marqué dans les groupes où l albumine est la plus basse (brûlés, cirrhose ). Su F, Wang Z, Cai Y, Rogiers P, Vincent JL. Fluid resuscitation in severe sepsis shock : albumin, HES, gelatin or RL-does it really make a difference? Shock.2007;27:520-6. Le choix n affecte pas la survie. Expérimental.

LITTERATURE ANESTHESIE Critère de jugement : évolution peropératoire (et non la mortalité à 28 j ) Boldt J. Volume remplacement in the surgical patient does the type of solution make a difference? Br J Anaesth 2000; 84: 783-93. Revue exhaustive de la littérature en anesthésie. Pas de différence. Venn R, Steele A, Richardson P, Polonieck j, Grounds M, Newman P. Randomized controlled trial to investigate influence of the fluid challenge on duration of hospital stay and perioperative morbidity in patients with hip fractures. BR J Anaesth. 2002;88:65-71. Insistent sur l importance du monitorage pour une détection précoce de l hypovolémie.

POUR RESUMER

INDICATIONS DES GELATINES En dehors de la réanimation du donneur d organes (sujet à discussion avec HEA nouvelle génération), peu ou pas d indications en remplissage en peropératoire par rapport aux HEA. La RPC ANDEM/SRLF/SFAR 1997 reste vraie : «il est recommandé d utiliser les HEA qui sont d origine végétale et ont des effets secondaires inférieurs à ceux des gélatines» (Réanim Urg 1997;6:331-427)

INDICATIONS DE L ALBUMINE (?) HYPOPROTIDEMIE SEVERE (<35g/l) REMPLISSAGE PER-OPERATOIRE DE GREFFE DE FOIE REMPLISSAGE NOUVEAU-NE PATIENTE ECLAMPTIQUE CEC?

INDICATIONS ALBUMINE : La conférence de consensus de 1995 reste vraie : «il n y a pas d argument privilégiant l albumine par rapport aux autres solutés, en dehors des contreindications à l utilisation de ces derniers»(afar 1996;15:401-576)