L adoption des IFRS au Canada : une analyse empirique de l incidence sur les états financiers

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Transcription:

L adoption des IFRS au Canada : une analyse empirique de l incidence sur les états financiers Auteurs : Michel Blanchette, François-Éric Racicot et Komlan Sedzro Commanditaires : Rock Lefebvre, MBA, CFE, FCIS, CPA, FCGA, Recherche et normalisation, CGA-Canada Elena Simonova, M.A. (économie), MPA, Recherche et normalisation, CGA-Canada

À propos des auteurs Michel Blanchette, FCMA, FCPA, CA est professeur de comptabilité à l Université du Québec en Outaouais. François-Éric Racicot est professeur de finance à l École de gestion Telfer de l Université d Ottawa. Komlan Sedzro est professeur de finance à l École des sciences de la gestion de l Université du Québec à Montréal. Les auteurs souhaitent remercier CGA-Canada pour son soutien financier et son aide aux fins de la collecte des données, et en particulier Elena Simonova et Kevin Girdharry, ainsi que Kamalesh Gosalia pour son examen critique. Ils tiennent également à remercier Raef Gouiaa et les participants du congrès annuel de 2012 de l Institut de la gestion financière du Canada pour leurs commentaires utiles. Au sujet de CGA-Canada L Association des comptables généraux accrédités du Canada (CGA-Canada), fondée en 1908, est une association professionnelle autoréglementée qui représente 75 000 comptables généraux accrédités (CGA) et étudiants au Canada et dans près de 100 pays. CGA-Canada élabore le programme d études des CGA, établit les exigences en matière d accréditation et les normes professionnelles, contribue à l élaboration de normes comptables nationales et internationales et fait la promotion de l excellence en matière de services professionnels comptables. CGA-Canada s emploie activement à mener des travaux de recherche impartiaux et objectifs portant sur divers sujets d importance liés à la comptabilité, à l économie et aux affaires sociales qui ont une incidence sur les Canadiens et le commerce. Elle est renommée pour ses interventions en matière de sensibilisation et de protection du public, ainsi que pour sa contribution aux discussions sur les politiques publiques. Il est possible de consulter le présent document par voie électronique à l adresse www.cga.org/canada-fr. Le présent document est une traduction autorisée, effectuée par les Services linguistiques de CGA-Canada, de la version originale du rapport rédigée en anglais et intitulée «IFRS Adoption in Canada: An Empirical Analysis of the Impact on Financial Statements». Remarque : Dans cette publication, le masculin vise à la fois les hommes et les femmes, et est employé uniquement dans le but d alléger le texte. ISBN: 978-1-55219-673-1 Association des comptables généraux accrédités du Canada, octobre 2013. Toute reproduction totale ou partielle sans autorisation écrite est strictement interdite. 2 Association des comptables généraux accrédités du Canada

Table des matières Sommaire... 5 1. Introduction... 9 2. Incidences de l adoption des IFRS au Canada... 11 2.1. Différences théoriques entre les PCGRC et les IFRS... 12 2.2. Incidence des IFRS sur les états financiers et les ratios... 17 2.3. Effets spécifiques... 19 3. Méthodologie et données... 23 3.1. Sélection de l échantillon... 24 3.2. Collecte des données... 25 3.3. Conception de la recherche... 26 4. Résultats et analyse... 29 4.1. Statistiques descriptives... 29 4.2. Comparaison des moyennes, des médianes et des variances sur une base globale... 31 4.3. Vue globale des différences dans les états financiers... 36 4.4. Répartition des différences entre les catégories d ajustements comptables... 44 4.5. Effets sectoriels et effets auditeurs... 62 5. Conclusion et recommandations... 69 6. Références bibliographiques... 77 Liste des tableaux Tableau 1 : Dépréciation des actifs selon les PCGRC... 12 Tableau 2 : Comptabilisation en juste valeur selon les IFRS (exception faite de la dépréciation)... 14 Tableau 3 : Participations ne donnant pas le contrôle selon les IFRS et selon les PCGRC... 15 Tableau 4 : Catégories d ajustements comptables... 17 Tableau 5 : Chiffres des états financiers et ratios financiers... 18 Tableau 6 : Classification des secteurs d activité... 20 Tableau 7 : Classification des auditeurs... 21 L adoption des IFRS au Canada : une analyse empirique de l incidence sur les états financiers 3

Tableau 8 : Composition de l échantillon... 24 Tableau 9 : Monnaie de présentation... 26 Tableau 10 : Statistiques descriptives des chiffres des états financiers et des ratios... 29 Tableau 11 : Tests d égalité... 31 Tableau 12 : Analyses de régression au moyen du modèle de base... 35 Tableau 13 : Vue d ensemble des différences entre les chiffres des états financiers... 36 Tableau 14 : Répartition des différences entre les catégories d ajustements comptables... 44 Tableau 15 : Présentation des participations ne donnant pas le contrôle dans l état de la situation financière... 60 Tableau 16 : Incidence des participations ne donnant pas le contrôle sur le ratio de la dette à la valeur nette... 61 Tableau 17 : Effets sectoriels... 63 Tableau 18 : Statistiques sur les auditeurs compris dans l échantillon... 68 Liste des figures Figure 1 : Évolution des PCGR canadiens vers les IFRS... 11 Figure 2 : Comparabilité des états financiers établis selon les IFRS et les PCGR du pays à la transition... 23 Liste des graphiques Graphique 1 : Différences touchant le total de l actif... 38 Graphique 2 : Différences touchant le total du passif... 39 Graphique 3 : Différences touchant les capitaux propres... 40 Graphique 4 : Différences touchant les ventes (ou les produits des activités ordinaires)... 41 Graphique 5 : Différences touchant le résultat net et le résultat global... 42 Graphique 6 : Différences touchant les flux de trésorerie opérationnels nets... 43 Graphique 7 : Répartition des différences par mesure comptable... 47 Graphique 8 : Différences touchant le total de l actif par ajustement comptable... 50 Graphique 9 : Différences touchant le total du passif par ajustement comptable... 53 Graphique 10 : Différences touchant le résultat net par ajustement comptable... 56 Graphique 11 : Différences touchant le résultat global par ajustement comptable... 58 4 Association des comptables généraux accrédités du Canada

SOMMAIRE Les Normes internationales d information financière (IFRS) constituent désormais le référentiel comptable dominant, mais la transition à ce nouveau référentiel peut se révéler quelque peu déstabilisante pour les utilisateurs d états financiers. La comparabilité et les analyses des tendances peuvent être compromises, car les différences entre les IFRS et les principes comptables généralement reconnus (PCGR) du pays peuvent avoir une incidence sur les chiffres présentés dans les états financiers et donner lieu à des écarts entre les ratios financiers calculés selon les deux référentiels. La présente étude a pour but de fournir des preuves de l incidence de l adoption des IFRS au Canada sur les chiffres des états financiers et les principaux ratios financiers des sociétés cotées canadiennes qui ont adopté les IFRS. L étude vise également à identifier les sources des différences dans l information financière des sociétés qui sont attribuables au changement de référentiel. L analyse se fonde sur une comparaison des chiffres comptables et des ratios financiers calculés à partir de données établies selon les IFRS et de données établies selon les PCGR canadiens (PCGRC) pré-basculement pour une même période, et ce, pour un échantillon de 150 sociétés cotées à la Bourse de Toronto qui ont dû obligatoirement adopter les IFRS en 2011. Les différences observées dans les chiffres et les ratios ont été regroupées en 18 catégories d ajustements comptables. Des tests empiriques ont été menés pour isoler les principaux aspects comportant des différences et analyser les effets expressément associés au secteur dans lequel une société exerce ses activités ou à l auditeur retenu par celle-ci. Comme vous le verrez dans les pages qui suivent, on peut raisonnablement avancer ce qui suit : Dans l'ensemble, l adoption des IFRS n a pas eu d incidence significative sur les valeurs centrales présentées dans les états financiers qui décrivent la situation financière et la performance des sociétés canadiennes. Les valeurs centrales des chiffres des états financiers et des ratios en IFRS ne sont pas significativement différentes de celles obtenues par application des PCGRC, car, à une exception près (soit le résultat net), l égalité des moyennes et l égalité des médianes ne sont pas rejetées statistiquement pour l ensemble de ces chiffres et ratios. Ces résultats pourraient être rassurants, car ils indiquent que, en général, les bases de données établies à partir d informations comptables regroupées vont dans le même sens, que les données soient établies selon les IFRS ou selon les PCGRC. Les différences entre les valeurs individuelles établies selon les IFRS et les PCGRC peuvent être importantes, particulièrement à l état de la situation financière, et représentent une incidence assez importante. Par exemple, le total de l actif en IFRS représente moins de la moitié du total de l actif établi selon les PCGRC pour la société qui affiche la différence négative la plus importante dans l échantillon, et il représente plus du double du total de l actif établi selon les PCGRC pour la société qui affiche la différence positive la plus importante. Dans l ensemble, L adoption des IFRS au Canada : une analyse empirique de l incidence sur les états financiers 5

les actifs et les passifs sont plus élevés selon les IFRS que selon les PCGRC; toutefois, ces différences sont en grande partie contrebalancées dans les capitaux propres. Les ventes ou les produits des activités ordinaires sont moins élevés selon les IFRS que selon les PCGRC, mais le résultat net est plus élevé et les ajustements au titre des autres éléments du résultat global (AERG) sont majoritairement négatifs. La comptabilisation en juste valeur des immeubles de placement, la consolidation et les participations stratégiques, les instruments financiers et les dérivés et couvertures constituent les catégories d ajustements comptables les plus importantes dans le rapprochement entre les chiffres en IFRS et les chiffres en PCGRC. Dans la plupart des cas, les chiffres des états financiers sont plus volatils selon les IFRS que selon les PCGRC. Par exemple, on observe une fourchette de valeurs beaucoup plus étendue pour les chiffres des états financiers selon les IFRS que selon les PCGRC. L égalité des variances des chiffres en IFRS et en PCGRC est rejetée statistiquement pour trois postes de l état de la situation financière, soit le total de l actif, les passifs courants et le total du passif, dont la variance est plus élevée en IFRS qu'en PCGRC. Les ajustements liés à la consolidation (y compris les participations stratégiques), les instruments financiers (y compris les dérivés et couvertures) et la juste valeur des immeubles de placement sont les aspects qui présentent la plus forte volatilité. Les différences entre les valeurs établies selon les IFRS et les valeurs établies selon les PCGRC ne sont pas distribuées de façon aléatoire entre les divers secteurs d activité, ce qui révèle l existence d effets sectoriels. Par exemple, les secteurs Finance et Immobilier présentent des actifs et un résultat net beaucoup plus élevé selon les IFRS que selon les PCGRC en raison de la comptabilisation en juste valeur; le niveau des actifs et des passifs est sensiblement plus élevé selon les IFRS dans le secteur Gestion du fait des ajustements comptables liés aux instruments financiers (y compris les dérivés et couvertures) et dans le secteur Commerce de détail en raison des ajustements liés à la consolidation et aux participations stratégiques; et le résultat global est nettement moins élevé selon les IFRS dans les secteurs Information et Fabrication à cause des ajustements liés aux prestations de retraite et autres avantages du personnel. Il n existe aucune corrélation entre le choix d un auditeur faisant partie des quatre grands cabinets d experts-comptables (les «Quatre Grands» ou «Big Four») et des types d ajustements comptables particuliers dans le contexte de l adoption des IFRS, car les différences relevées dans les chiffres des états financiers sont distribuées de façon aléatoire entre les auditeurs. Il est à noter que les effets réels de l adoption des IFRS au Canada sont probablement plus prononcés que les effets décrits dans la présente étude, en raison de certaines limites de l analyse susceptibles d avoir dilué les effets observables des différences entre les valeurs établies selon les IFRS et les valeurs établies selon les PCGRC. Ces limites se rapportent au processus de collecte des données, à la nature progressive de la transition des PCGRC aux IFRS, au manque d uniformité dans la présentation des notes relatives à la transition, à la compensation des ajustements comptables, à la présence 6 Association des comptables généraux accrédités du Canada

d ajustements non récurrents et au recours possible à des stratégies de gestion des résultats en vue de lisser la transition. Un certain nombre de recommandations sont formulées à la lumière des constatations de la présente étude. Il est conseillé à ceux qui analysent les états financiers de porter attention à l analyse de tendances lorsqu ils comparent des données antérieures à l adoption établies selon les PCGRC et des données postérieures à l adoption établies selon les IFRS. Il pourrait s avérer prudent de procéder à une comparaison des ratios financiers calculés aussi bien à partir des données établies selon les PCGRC qu à partir des données établies selon les IFRS pour l exercice précédant l adoption des IFRS présenté aux fins de comparaison avant d entreprendre l analyse des tendances d une société. Par prudence, il pourrait également s avérer judicieux de s appuyer sur les flux de trésorerie pour éviter la subjectivité inhérente aux ajustements comptables. Il importe également de garder à l esprit que les chiffres comptables établis selon les IFRS sont plus volatils et de comprendre les principales catégories d ajustements ayant une incidence sur les chiffres comptables et les ratios en IFRS. L adoption des IFRS au Canada : une analyse empirique de l incidence sur les états financiers 7

8 Association des comptables généraux accrédités du Canada

1. INTRODUCTION Élaborées dans le cadre d une procédure officielle rigoureuse et actuellement utilisées dans plus de 120 pays, notamment en Australie, au Brésil, au Canada, dans les pays de l Union européenne, en Afrique du Sud et dans de nombreux autres pays, les Normes internationales d information financière (IFRS) constituent désormais le référentiel comptable dominant (Deloitte Touche Tohmatsu, 2013) 1. Chaque pays qui adopte les IFRS suit un processus de transition dans l année d adoption. Ce processus peut être assez déstabilisant pour les utilisateurs d états financiers, car le traitement comptable préconisé pour un même élément peut différer, compromettant du coup la comparabilité et l analyse des tendances. Puisque la qualité des états financiers est tributaire de la qualité des normes comptables qui les sous-tendent, les utilisateurs pourraient avoir avantage à comprendre l incidence du passage des principes comptables généralement reconnus (PCGR) du pays aux IFRS. La présente étude a pour but de fournir des preuves de l incidence de l adoption des IFRS sur les chiffres des états financiers et les principaux ratios des sociétés canadiennes qui ont dû obligatoirement adopter les IFRS en 2011. La comparaison des PCGR canadiens (PCGRC) pré-basculement 2 et des IFRS ainsi que l identification des différences entre les deux référentiels constituent un enjeu important pour les utilisateurs d états financiers. De nombreuses études analysent et interprètent les normes d un point de vue théorique, mais il existe peu de preuves empiriques de l incidence de la transition en pratique 3. Notre étude vise justement à fournir des preuves empiriques des différences dans l information financière présentée par les sociétés qui découlent de l application des IFRS et des causes de ces différences. Les résultats de l analyse permettront aux utilisateurs d états financiers d identifier les catégories d ajustements comptables susceptibles de donner lieu à des différences significatives entre les états financiers préparés selon les IFRS et ceux préparés selon les PCGRC. Le reste de la présente étude est structuré comme suit : la section 2 comporte une revue des écrits récents sur l incidence de l adoption des IFRS sur les états financiers et sur les ratios, une analyse des principales différences théoriques entre les IFRS et les PCGRC identifiées dans les études canadiennes et un examen des constatations dégagées en ce qui concerne le Canada et d autres pays qui ont adopté les IFRS. En outre, dans la section 2, les variables à tester sont définies et le 1 Bien que les États-Unis n aient pas officiellement adopté les IFRS, le pays s est engagé à faire converger ses PCGR avec les IFRS (FASB, 2009). 2 Dans la présente étude, les PCGR canadiens (PCGRC) pré-basculement s entendent des normes comptables appliquées au Canada avant 2011. 3 De nombreuses sources se sont intéressées aux questions liées à la transition aux IFRS au Canada, par exemple, l IFRS Foundation (2013), qui fournit une liste des ressources liées aux IFRS, y compris celles comparant les IFRS avec les référentiels comptables nationaux (canadien ou autres); ICCA (2009) et Blanchette et Desfleurs (2011), qui comparent également les PCGRC et les IFRS; Lorinc (2012), qui discute des questions de mise en application touchant les sociétés canadiennes; la Fondation de recherche des dirigeants financiers canadiens (2013), qui examine l incidence des IFRS sur les sociétés canadiennes dans le contexte de la dépréciation du goodwill; Salman et Shah (2011), qui analysent l incidence des IFRS sur des mesures clés dans le secteur immobilier au Canada. L adoption des IFRS au Canada : une analyse empirique de l incidence sur les états financiers 9

raisonnement sous-jacent à la sélection de ces variables est présenté. La méthodologie de l analyse et les sources de données sont décrites dans la section 3, tandis que dans la section 4, les principales constatations de l étude sont présentées et analysées. Le rapport se termine par un exposé des aspects les plus importants des constatations de l étude ainsi que des recommandations pratiques à l intention des analystes et des autres utilisateurs d états financiers. 10 Association des comptables généraux accrédités du Canada

2. INCIDENCES DE L ADOPTION DES IFRS AU CANADA Diverses parties prenantes exercent une influence sur l élaboration des normes comptables au Canada. Depuis la publication initiale du Manuel de l ICCA, en 1968, un certain nombre de pratiques comptables ont été établies pour tenir compte des particularités de l environnement canadien. Par exemple, les PCGRC ont été adaptés en fonction des caractéristiques du marché local en ce qui a trait au traitement des écarts de change (selon la méthode temporelle). Jusqu en 2001, ces écarts étaient amortis selon les PCGRC, tandis qu ils devaient être comptabilisés directement en résultat net selon le référentiel comptable en usage aux États-Unis et dans d autres pays. Cette pratique propre au Canada était bien appréciée des sociétés canadiennes, car elle permettait de stabiliser et de lisser les résultats. Les PCGRC renfermaient ainsi un certain nombre de pratiques comptables propres au Canada (Blanchette et Desfleurs, 2011). Il n en demeure pas moins que les PCGRC étaient fortement influencés par les PCGR américains, et ce, jusqu en 2006, lorsque la normalisation comptable au Canada a pris un tournant à l annonce, par le Conseil des normes comptables (CNC), de son intention d adopter les IFRS (ICCA, 2009). À partir de ce moment, les PCGRC se sont alignés graduellement sur les IFRS plutôt que sur les PCGR américains (figure 1). Figure 1 : Évolution des PCGR canadiens vers les IFRS 1968 2006 2011 Adoption des IFRS Convergence avec les IFRS Décision d adopter les IFRS Influence des É.-U. Création du Manuel de l ICCA L adoption des IFRS au Canada : une analyse empirique de l incidence sur les états financiers 11

2.1. Différences théoriques entre les PCGRC et les IFRS Les similarités sont nombreuses entre les PCGRC et les IFRS. En général, les deux référentiels sont considérés comme étant axés sur des principes, et ils reposent sur des fondements conceptuels similaires (ICCA, 2009). En revanche, on observe certaines divergences au chapitre de l application ainsi que des différences fondamentales entre certaines normes prises individuellement. Une différence importante, qui vise à répondre aux besoins des investisseurs, réside dans la plus grande place accordée à la comptabilisation en juste valeur dans les IFRS (Blanchette et Desfleurs, 2011; Chua et Taylor, 2008). Une autre différence clé réside dans le cadre conceptuel qui sous-tend la consolidation : selon les IFRS, les détenteurs des participations ne donnant pas le contrôle sont considérés comme des propriétaires et, de ce fait, les participations ne donnant pas le contrôle sont incluses dans les capitaux propres, tandis que selon les PCGRC, elles sont exclues des capitaux propres. Comptabilisation en juste valeur Le principe du coût historique a longtemps exercé une influence majeure sur les évaluations comptables au Canada et ailleurs dans le monde. Selon ce principe, la valeur comptable de divers postes des états financiers ne change pas au fil du temps, sauf par suite de l amortissement ou de la sortie. Or, petit à petit, les normes comptables ont permis aux sociétés d évaluer certains éléments à la juste valeur. Initialement, la juste valeur ne pouvait être utilisée en remplacement du coût historique que lorsque la valeur de marché des actifs avait baissé. En pareil cas, la valeur des actifs était réduite et les réductions ou pertes de valeur étaient comptabilisées immédiatement en résultat net. Cette pratique comptable, largement répandue à l échelle mondiale, repose sur le principe de prudence; elle s applique à presque tous les actifs figurant au bilan selon les PCGRC (tableau 1). Les IFRS comprennent également des dispositions visant la réduction de valeur d actifs, mais les modalités d application sont différentes, et imposent aux entités de comptabiliser une reprise lorsque les pertes de valeur n existent plus ou ont diminué. Tableau 1 : Dépréciation des actifs selon les PCGRC Norme imposant une réduction de la valeur par la voie d une provision pour créances irrécouvrables 3020, «Créances et effets à recevoir» Normes imposant une réduction de la valeur au titre d une moins-value ou d une dépréciation 3025, «Prêts douteux» 3051, «Placements» 3063, «Dépréciation d actifs à long terme» 3064, «Écarts d acquisition et actifs incorporels» 3855, «Instruments financiers comptabilisation et évaluation» Norme imposant une réduction de la valeur pour la ramener à la valeur nette de réalisation 3031, «Stocks» 12 Association des comptables généraux accrédités du Canada

Ultérieurement, l évaluation des instruments financiers à la juste valeur, à la hausse comme à la baisse, a fait son entrée dans les normes comptables de plusieurs pays, dont le Canada. Ce traitement (appelé «comptabilisation en juste valeur» ou «évaluation à la valeur de marché») implique la comptabilisation de profits et de pertes latents. Pour éviter la volatilité des résultats et pour classer séparément certains profits et pertes latents qui ne sont pas considérés comme représentatifs des activités ordinaires, un nouveau concept d information financière a été créé : le résultat global. Selon ce concept, un certain nombre de profits et de pertes résultant de l application de la comptabilisation en juste valeur contournent le compte de résultat et sont comptabilisés dans une nouvelle catégorie d information comptable appelée «autres éléments du résultat global» (AERG). Ces profits et pertes latents demeurent généralement dans les AERG jusqu à ce qu ils soient réalisés. Entre-temps, le résultat global d un exercice intègre deux composantes, à savoir le résultat net, qui provient du compte de résultat, et la variation annuelle des AERG. Les PCGRC ont intégré la comptabilisation en juste valeur pour les instruments financiers avant le basculement aux IFRS en 2011, mais avec quelques différences par rapport aux IFRS (ICCA, 2009). De plus, selon les IFRS, plusieurs éléments, outre les instruments financiers, peuvent ou doivent être évalués à la juste valeur. Le tableau 2 fait état de ces éléments 4. 4 Il est à noter que l International Accounting Standards Board (IASB) et le Financial Accounting Standards Board (FASB) ont entrepris un projet conjoint visant la révision des exigences en matière de comptabilisation et de présentation des instruments financiers; un certain nombre de projets connexes se greffent également à ce projet. L objectif de ce projet consiste à remplacer les dispositions d IAS 39 Instruments financiers : Comptabilisation et évaluation par une nouvelle norme qui reflète une revue en profondeur des exigences en matière de comptabilisation des instruments financiers. L adoption des IFRS au Canada : une analyse empirique de l incidence sur les états financiers 13

Tableau 2 : Comptabilisation en juste valeur selon les IFRS (exception faite de la dépréciation) Exigences quant à la comptabilisation en juste valeur Modalités de comptabilisation en juste valeur Juste valeur obligatoire Instruments financiers détenus à des fins Juste valeur par le biais du de transaction (IAS 39) résultat net Instruments financiers disponibles à la vente (IAS 39) Juste valeur par le biais des AERG Dérivés autres que ceux utilisés dans le cadre de Juste valeur par le biais du couvertures de flux de trésorerie désignées (IAS 39) résultat net Actifs biologiques (IAS 41) Juste valeur par le biais du résultat net Produits agricoles au moment de la récolte (IAS 41) Juste valeur par le biais du résultat net Participations ne donnant pas le contrôle lors de la Juste valeur ponctuelle comptabilisation initiale (IFRS 3) Juste valeur facultative Immobilisations corporelles (IAS 16) Immobilisations incorporelles (IAS 38) Immeubles de placement (IAS 40) Dérivés utilisés dans le cadre de couvertures de flux de trésorerie désignées (IAS 39) Certains éléments lors de l application initiale des IFRS (IFRS 1) Juste valeur par le biais des AERG Juste valeur par le biais des AERG Juste valeur par le biais du résultat net Juste valeur par le biais des AERG Juste valeur ponctuelle Participations ne donnant pas le contrôle Les participations ne donnant pas le contrôle représentent la quote-part des filiales consolidées qui n est pas détenue par la société mère ou qui ne lui est pas attribuée. Selon les PCGRC, les participations ne donnant pas le contrôle sont présentées hors des capitaux propres dans le bilan consolidé 5. En conséquence, ces participations sont traitées de manière similaire aux dettes et sont présentées dans le passif, ou encore entre le passif et les capitaux propres. Selon les IFRS, les participations ne donnant pas le contrôle sont traitées différemment, sur la base de la théorie de l entité distincte. Suivant cette théorie, les propriétaires détiennent un droit de participation ou un intérêt résiduel dans une partie de l entité consolidée et, en conséquence, les participations ne donnant pas le contrôle sont présentées dans les capitaux propres dans l état consolidé de la situation financière. 5 Il est à noter que les normes canadiennes relatives à la consolidation et aux participations ne donnant pas le contrôle ont été modifiées en décembre 2008 afin d assurer la convergence avec les IFRS. Ces modifications sont entrées en vigueur en 2011, mais une application anticipée de la nouvelle norme était permise. La présente section traite de la norme qui était en place avant décembre 2008. 14 Association des comptables généraux accrédités du Canada

En outre, selon les PCGRC, la quote-part du résultat net attribuable aux participations ne donnant pas le contrôle est traitée comme une charge/un produit dans l état consolidé des résultats (comme la charge d intérêts sur la dette), tandis que selon les IFRS, cette quote-part est considérée comme une attribution aux capitaux propres. La différence entre les PCGRC et les IFRS en ce qui concerne le traitement des participations ne donnant pas le contrôle a deux conséquences importantes. Premièrement, la différence a une incidence directe sur la structure financière présentée dans l état de la situation financière, particulièrement sur les ratios d endettement comme le ratio de la dette à la valeur nette. Deuxièmement, la différence a une incidence sur le résultat net présenté dans le compte de résultat et plusieurs ratios de rentabilité, comme le rendement de l actif et le ratio de la marge nette (tableau 3). Tableau 3 : Participations ne donnant pas le contrôle selon les IFRS et selon les PCGRC 6 Quote-part de l actif net attribuable aux participations ne donnant pas le contrôle Quote-part du résultat net attribuable aux participations ne donnant pas le contrôle IFRS Présentée dans les capitaux propres consolidés Traitée comme un ajustement des capitaux propres après le calcul du résultat net consolidé PCGRC Présentée dans le passif consolidé ou entre le passif et les capitaux propres consolidés Traitée comme une charge/un produit dans le calcul du résultat net consolidé Autres différences Il existe de nombreuses autres différences entre les PCGRC et les IFRS outre les dispositions relatives à la comptabilisation en juste valeur et aux participations ne donnant pas le contrôle. Ces différences portent notamment sur les produits, les immobilisations corporelles, les immobilisations incorporelles, les instruments financiers, les couvertures, les obligations liées à la mise hors service d immobilisations, les avantages futurs du personnel, la rémunération fondée sur des actions, les contrats de location, les impôts sur le résultat, la conversion des monnaies étrangères et les participations stratégiques (ICCA, 2009) 7. 6 Ibid 7 Il est à noter que l IASB a entrepris un projet exhaustif en ce qui concerne le cadre conceptuel, lequel met l accent sur les éléments des états financiers, l évaluation, l entité comptable, la présentation et les informations à fournir, et pourrait avoir une incidence sur les normes existantes selon les IFRS. L adoption des IFRS au Canada : une analyse empirique de l incidence sur les états financiers 15