Imagerie en cancérologie du larynx et de l hypopharynx

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:998-1012 2008. Éditions Françaises de Radiologie. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés formation médicale continue le point sur F Dubrulle (1), R Souillard (1), D Chevalier (2) et P Puech (1) Imagerie en cancérologie du larynx et de l hypopharynx Abstract Imaging of tumors of the larynx and hypopharynx :998-1012 Evaluation of patients with laryngeal and hypopharyngeal tumors is based on multidetector CT imaging. The cervicomediastinal CT protocol and general guidelines with regards to planning and acquisition will be detailed. The primary role of imaging is accurate tumor staging but also detection of possible tumor extension to the superior aerodigestive tract and nodal areas. Therefore, images are acquired from the skull base to the cervicomediastinal junction. A chest CT must also be performed to look for distant metastases or other primary tumor. Deep tumor extension, detected only by imaging, is very important to consider for therapeutic planning: surgery or chemoradiotherapy. In case of surgery, accurate evaluation of tumor extension is of great importance to determine whether to perform partial or total surgery. Cervical nodal metastases are very common with laryngeal and hypopharyngeal carcinomas, and accurate staging of nodal disease is important. Key words: Head and neck, neoplasms. Larynx, neoplasms. Larynx, CT. Pharynx, neoplasms. Résumé Le bilan d extension en imagerie des tumeurs du larynx et de l hypopharynx repose sur le scanner hélicoïdal multibarrettes. Cet examen nécessite de respecter quelques règles simples dans sa préparation et sa réalisation. Le protocole de réalisation du scanner cervicomédiastinal sera développé. L imagerie doit prendre en compte la pathologie tumorale initiale mais aussi l ensemble des voies aérodigestives supérieures et des aires ganglionnaires, soit une acquisition étendue de la base du crâne à l orifice cervico-médiastinal. Une imagerie thoracique est à réaliser systématiquement pour la prise en charge globale du patient. Certaines extensions profondes, uniquement accessibles par l imagerie, sont décisives dans le choix thérapeutique : chirurgie ou radio-chimiothérapie. En cas de chirurgie, l imagerie est un élément clé dans le choix d une chirurgie totale ou partielle. Le bilan d extension ganglionnaire complet est également capital dans la prise en charge de ces tumeurs lymphophiles. Mots-clés : Larynx, tumeur maligne. Bonne pratique. Pharynx, tumeur maligne. Les tumeurs du larynx et de l hypopharynx correspondent, dans plus de 95 % des cas, à des carcinomes épidermoïdes. Un facteur de risques reconnu est l intoxication tagique et plus encore l intoxication mixte tac-alcool. Le bilan d extension des cancers du larynx et de l hypopharynx repose, à l heure actuelle, sur les trois éléments suivants : l examen clinique, l examen endoscopique et l examen tomodensitométrique. Les progrès technologiques liés à l acquisition tomodensitométrique spiralée et, plus récemment aux multibarrettes, ont permis d optimiser les études permettant d une part de réaliser un examen rapide, reproductible de l ensemble des voies aérodigestives supérieures et d autre part d obtenir des images précises et files de la région pharyngo-laryngée. Technique et protocole d examen 1. Objectif du bilan tomodensitométrique L objectif de l étude tomodensitométrique est de préciser l extension locale et régionale (ganglionnaire) en complément des données de l examen ORL (1-2). Il est important également (1) Service d Imagerie, Hôpital Claude Huriez, CHU de Lille, 59037 Lille cedex, France. (2) Service d ORL et de chirurgie cervico-faciale Hôpital Claude Huriez, CHU de Lille, 59037 Lille cedex, France. Correspondance : F Dubrulle E-mail : f-dubrulle@chru-lille.fr d analyser l ensemble des voies aérodigestives supérieures (VADS) et du thorax, car les localisations multiples ne sont pas rares chez ce type de patients. Pour ce faire, l étude doit s étendre du cavum à l orifice cervico-médiastinal. Ces repères sont individualisés sur le topogramme de profil et déterminent les limites supérieures et inférieures de l exploration (fig. 1). Actuellement, les appareils multibarrettes permettent de réduire l épaisseur des coupes (environ 1 mm) ; les temps d acquisition autorisent une étude complète du pharyngo-larynx et des aires ganglionnaires en des temps très courts, avec des coupes très fines et une excellente qualité des reconstructions bidimensionnelles (3-5). L exploration doit être élargie à la région médiastinale et thoracique : l acquisition spiralée, du fait de sa rapidité, permettant facilement la réalisation de coupes thoraciques à la recherche d autres localisations tumorales, de métastases ou d adénopathies (tleaux I-II). Les avantages de l acquisition spiralée sont (1, 3) : la possibilité d explorer l ensemble du pharyngo-larynx et des VADS en une seule acquisition de moins de 20 secondes ; la réduction des artefacts de mouvement et de déglutition ; la réalisation de manœuvres dynamiques comme la phonation ou la manœuvre de Valsalva ; la réalisation de reconstruction bi-dimensionnelle frontale ou sagittale ; l optimisation de l injection de produit de contraste qui permet une étude avec bonne imprégnation tumorale et ganglionnaire et, dans le même temps, une opacification vasculaire correcte ; la possibilité d explorer l ensemble des territoires ganglionnaires de la base du crâne à la région sus-claviculaire.

F Dubrulle et al. Larynx et hypopharynx 999 Fig. 1 : Topogramme de profil. Acquisition TDM en respiration indifférente sans déglutition étendue du cavum à l orifice cervico-médiastinal (rectangle blanc). 2. Modalités pratiques de l étude tomodensitométrique spiralée L examen doit être réalisé à distance des biopsies, en particulier pour les petites tumeurs. En effet, la réaction inflammatoire postbiopsie pourrait faussement majorer la description tumorale. L examen doit donc être réalisé au mieux avant la laryngoscopie directe ou à défaut dix à quinze jours après les biopsies pour les tumeurs de petite taille. Il est effectué une première spirale d environ 15 cm de hauteur débutant au niveau du cavum et se terminant aux premiers centimètres de la trachée cervicale (fig. 1), avec un filtre standard. Les coupes sont reconstruites, chevauchées de 50 % pour une bonne qualité des reconstructions 2D. Au cours de cette première acquisition, le patient est en respiration indifférente : il doit respirer calmement par le nez, l apnée est à proscrire car elle ferme la glotte. Il est demandé au patient de ne pas déglutir pendant cette acquisition, afin d éviter les artefacts de mouvements. Cette première acquisition est réalisée avec une injection de produit de contraste, la dose étant de 80 ml environ. Tleau I Bilan d extension des tumeurs du larynx et de hypopharynx TDM. Première acquisition : toute la région cervicale en respiration indifférente (pas d apnée) couvrant : le pharyngo larynx en entier du cavum à l orifice cervico-médiastinal les aires ganglionnaires Deuxième acquisition : en manœuvre dynamique sur le pharyngo larynx : soit Valsalva : pour ouvrir l hypopharynx «cavité virtuelle» et étudier les sinus piriformes et la région rétro crico-aryténoïdienne soit phonation pour : ouvrir les ventricules laryngés intérêt pour la limite glotte sus-glotte étudier l épaulement sous-glottique Injection du produit de contraste biphasique : phase d imprégnation tissulaire (tumeur + ganglions) phase d opacification vasculaire Reconstructions 2D -frontales ou sagittales : préciser certaines extensions : base de langue loge HTE extension sus ou sous-glottique étudier le rapport grand axe/petit axe des ganglions Technique 1 re spirale en respiration indifférente sans déglutir, respiration calme lente, pas d apnée du cavum à l orifice cervico-médiastinal 80 ml de produit de contraste selon un schéma biphasique si nécessaire reconstruction en constantes cartilagineuses 1 400 400 UH, + filtre dur 2 e spirale en manœuvre dynamique : Valsalva ou Phonation selon les données de la 1 re spirale et la localisation tumorale, centrée sur le larynx entraîner le patient avant l examen +++ réinjection de 80 ml de produit de contraste selon même schéma biphasique 3 e spirale thorax : systématique Schéma de l injection biphasique 50 ml à 1 ml/s 30 ml à 2 ml/s 30 s pause 0 50s 80s 95s spirale

1000 Larynx et hypopharynx F Dubrulle et al. Tleau II Points clés du bilan d extension. Tumeur sus-glottique Extension haut : vallécules et base de langue (intérêt des reconstructions sagittales) avant : loge HTE +++, commissure antérieure (si pied-bande), (intérêt des reconstructions sagittales) latéralement : espaces paralaryngés, sinus piriformes bas : plan glottique, intérêt des reconstructions coronales en phonation arrière : région rétro-cricoïdienne cartilage (condensation-érosion-lyse) Tumeur glottique En profondeur graisse paraglottique : bonne imprégnation tissulaire visualisation du liseré graisseux signe de la condensation cartilagineuse au contact Vers le haut extension sus-glottique : au ventricule laryngé, à la bande ventriculaire intérêt des reconstructions frontales en phonation Vers le bas sous-glotte : utiliser le signe de la condensation cricoïdienne au contact (proximité tumorale) intérêt des reconstructions frontales en phonation À la commissure antérieure : corde controlatérale pied épiglotte loge HTE Arrière : aryténoïde, commissure postérieure Cartilages (condensation-érosion-lyse) Tumeur de l hypopharynx Localisation initiale : sinus piriformes +++ paroi postérieure du pharynx région rétro-crico-aryténoïdienne Intérêt du Valsalva +++ bien étudier : toutes les faces du sinus piriforme (Valsalva) paroi pharyngée postérieure région rétro-crico-aryténoïdienne (Valsalva) extension endolaryngée extension vers le bas bouche de l œsophage +++ extension vers le haut base de langue, oropharynx extension cartilagineuse extension extra-laryngée : le long du muscle constricteur inférieur du pharynx le plus fréquent par lyse cartilagineuse L injection est effectuée de manière biphasique avec une phase d imprégnation tissulaire et tumorale et une réinjection juste avant l acquisition, à titre d exemple : injection de 50 ml à 1 ml/s puis 30 secondes d arrêt puis un bolus de 30 ml à 2 ml/s, la spirale débutant juste à la fin de ce bolus (tleau I). Cette méthode permet d obtenir au cours de la même acquisition une bonne imprégnation tumorale et une excellente opacification vasculaire (carotide et jugulaire) (3). La tumeur se traduit par une masse plus ou moins infiltrante ou exophytique, parfois ulcérée, rehaussée par le produit de contraste, créant une asymétrie des parties molles laryngées (2). 3. Les manœuvres dynamiques Elles sont importantes et doivent être réalisées au cours d une seconde acquisition. La manœuvre de phonation sur un «é», étudie la mobilité laryngée et offre l avantage, d une meilleure visualisation des replis ary-épiglottiques, mais l intérêt principal est l ouverture des ventricules laryngés permettant une compréhension et une analyse du larynx en étages, sus-glottique, glottique et sous-glottique. Cette distinction est bien appréhendée sur les reconstructions coronales (fig. 2). Cette analyse en étages du larynx est importante Fig. 2 : Reconstruction coronale en phonation d un larynx normal. L ouverture des ventricules laryngés (rond blanc) permet de bien séparer l étage sus-glottique (bande ventriculaire flèche courte) de l étage glottique (corde vocale flèche longue), l ogive sous-glottique est bien analysée.

F Dubrulle et al. Larynx et hypopharynx 1001 car elle permettra de classer la tumeur en stades, une tumeur atteignant plus d un étage est classée T2 (tleau III) (6) ; cette analyse en étages permet, en outre, de comprendre les différents types de chirurgie proposée, en particulier les chirurgies partielles. La manœuvre de Valsalva, doit être utilisée systématiquement pour l étude de l hypopharynx (3-4). Elle entraîne une fermeture glottique et une distension aérique de l hypopharynx, permettant ainsi une excellente analyse de cette région avec une bonne définition des replis ary-épiglottiques et une ouverture des sinus piriformes. Parfois, la pneumatisation obtenue par la manœuvre de Valsalva s étend jusqu en région rétro-crico-aryténoïdienne. Ces manœuvres sont parfois difficiles à réaliser pour le patient. Dans notre expérience, il est très important que l équipe radiologique prenne le temps de les lui expliquer et de l entraîner avant la réalisation de l examen. Lors de cette acquisition en manœuvre dynamique, le centrage de la spirale se fait sur le pharyngo-larynx uniquement, pour une spirale encore plus courte (moins de 10 s) avec une réinjection de 80 ml de produit de contraste toujours selon le mode biphasique (3). 4. Spirale thoracique Actuellement, une troisième spirale thoracique est systématiquement réalisée dans le cadre du bilan d extension tumorale pour rechercher des localisations concomitantes (poumon, œsophage) mais également pour rechercher des localisations secondaires ou des ganglions médiastinaux. La découverte d une pathologie pulmonaire ou médiastinale associée modifie la prise en charge des patients dans environ 10 % des cas selon notre expérience. Cancers du larynx 1. Cancers sus-glottiques Quatre localisations principales sont décrites : les tumeurs de la face laryngée de l épiglotte, les tumeurs de la margelle laryngée, les tumeurs de la bande ventriculaire et les tumeurs du ventricule de Morgagni souvent de découverte tardive. Un des points clés dans le bilan d extension des tumeurs sus-glottiques est de préciser l extension vers le bas au plan glottique, en vue d une éventuelle chirurgie partielle du larynx de type cricohyo-épiglottopexie (CHEP) ou crico-hyo-pexie (CHP). Pour bien séparer le plan sus-glottique du plan glottique, l acquisition spiralée en phonation est fondamentale car la phonation permet d ouvrir les ventricules laryngés et donc de bien délimiter la susglotte du plan glottique. Cette distinction est particulièrement bien appréciée sur les reconstructions frontales en phonation (fig. 3-4). En effet, la prise en charge d une tumeur strictement limitée à la sus-glotte est différente de celle d une tumeur susglottique étendue à la glotte (7). L extension tumorale vers le haut aux vallécules et à la base de langue est également importante à apprécier dans le bilan d extension des tumeurs sus-glottiques, principalement pour les tumeurs du bord libre de l épiglotte. Dans ce cas, la bonne imprégnation tumorale et les reconstructions sagittales sur la base de langue permettent d évaluer la présence ou non d une extension tumorale en base de langue. Si cette extension existe, il est nécessaire de la chiffrer et de la mesurer en profondeur en vue d une éventuelle résection partielle associée de la base de langue (fig. 5). Un des apports majeurs du scanner dans le bilan d extension des tumeurs sus-glottiques est l étude de l infiltration en profondeur, principalement à la loge pré-épiglottique ou loge hyo-thyro-épiglottique (HTE) qui ne peut être appréciée cliniquement (5, 8). Le scanner permet de mettre en évidence une extension à la loge HTE dans les tumeurs de la face laryngée d épiglotte ou, dans les tumeurs du complexe pied-bande, en montrant une infiltration avec remplacement de la graisse pré-épiglottique par la tumeur (7, 9). Cette infiltration est bien appréciée en coupes axiales mais également sur les reconstructions sagittales qui permettent de chiffrer le pourcentage d extension dans la loge ; le caractère partiel et limité de cette infiltration ou au contraire l envahissement total massif à toute la loge qui doit être précisé (fig. 6-8). Le scanner permet également de préciser une autre extension en profondeur qui est l atteinte cartilagineuse. Trois types de modifications cartilagineuses peuvent être décrits en TDM (10-12). La condensation des cartilages est fréquente (fig. 4). Ce signe traduit la proximité tumorale avec le cartilage. Par contre, il ne traduit l envahissement tumoral que dans 25 à 50 % des cas, 25 % au niveau des aryténoïdes et du cartilage thyroïde, 50 % au niveau du cricoïde (1, 11). Les érosions cartilagineuses traduisent un début d extension cartilagineuse. Elles sont à rechercher sur les reconstructions en constantes cartilagineuses avec un fenêtrage de 1 400 et 400 UH. Elles sont parfois difficiles à apprécier en cas d inhomogénéité de l ossification des cartilages, ce qui est fréquent au niveau du cartilage thyroïde. Il est, en effet, parfois peu aisé de distinguer l érosion liée à une extension tumorale de simples défauts d ossification des cartilages (11). La lyse franche traduit, par contre, une extension tumorale massive. Il faudra dans ce cas préciser s il existe ou non une extension tumorale extra-laryngée au travers de cette lyse cartilagineuse. Au niveau du cartilage thyroïde, il faudra donc rechercher, en constantes adaptées cartilagineuses, l existence d érosions. Une lyse franche du cartilage est toujours un signe d extension tumorale tout comme une lyse complète, avec une prise de contraste tumorale de part et d autre du cartilage, qui pose hituellement moins de problème pour le diagnostic. 2. Cancers glottiques Une bonne imprégnation tissulaire est nécessaire pour préciser l extension antéro-postérieure de la tumeur (fig. 9-10). Il est important de rechercher une extension à la commissure antérieure (fig. 11-12) se traduisant par un épaississement tissulaire antérieur au contact direct du cartilage. Si la commissure antérieure est envahie, l extension tumorale peut alors se faire plus facilement, à la corde vocale controlatérale, au cartilage, au pied de l épiglotte et à la loge pré-épiglottique (fig. 12). Une extension à la commissure postérieure est également à rechercher. Ces extensions aux commissures s analysent sur la spirale en respiration indifférente. Les extensions en profondeur sont également très importantes à analyser car elles conditionnent le stade de la tumeur et les modalités de prise en charge (13). L extension au muscle vocal, mais surtout l extension à l espace graisseux paraglottique au contact du cartilage thyroïdien, témoigne d une tumeur infiltrante. Cette extension se traduit par la perte de visualisation de l espace graisseux paraglottique (fig. 11). Une condensation du cartilage

1002 Larynx et hypopharynx F Dubrulle et al. Fig. 3 : a b Tumeur sus-glottique gauche atteignant la bande ventriculaire. Extension en profondeur à l espace paralaryngé (tête de flèche). Présence d un ganglion infra-centimétrique mais nécrotique spinal moyen gauche (flèche). La reconstruction frontale en phonation montre l sence d extension tumorale au plan glottique (flèche blanche) avec une bonne ouverture du ventricule laryngé (flèche noire). La tumeur est limitée à un étage (sus-glotte). c Fig. 4 : a b c Tumeur de la bande ventriculaire gauche Tumeur (flèche) avec condensation de l aryténoïde (tête de flèche). Présence d une prise de contraste de la corde vocale gauche (flèche) avec condensation de l aryténoïde (tête de flèche). La reconstruction coronale en phonation montre l extension de cette tumeur sus-glottique au ventricule laryngé droit qui ne s ouvre pas (flèche) avec prise de contraste en continuité de la corde vocale (flèche), aspect normal de la sous-glotte (tête de flèche). Tumeur de deux étages (susglotte étendue à la glotte).

F Dubrulle et al. Larynx et hypopharynx 1003 Fig. 5 : Reconstruction sagittale d une tumeur du bord libre de l épiglotte avec extension en vallécule (tête de flèche) et extension en base de langue (flèches). Fig. 6 : Tumeur de la face laryngée d épiglotte bourgeonnante (tête de flèche). Absence d extension à la loge pré-épiglottique (flèche). Fig. 7 : a b Tumeur de la face laryngée d épiglotte ulcérée. TDM : tumeur de la face laryngée d épiglotte ulcérée (flèche). Présence d une adénopathie nécrotique jugulaire moyenne gauche (tête de flèche) avec thrombose de la veine jugulaire et contact étroit avec l artère carotide. L extension à la loge pré-épiglottique est bien visible sur la reconstruction sagittale (tête de flèche). Fig. 8 : Tumeur de la face laryngée d épiglotte. Extension complète, massive à toute la loge pré-épiglottique (flèche).

1004 Larynx et hypopharynx F Dubrulle et al. Fig. 9 : Tumeur des deux tiers postérieurs de la corde vocale gauche (flèche blanche), superficielle sans extension en profondeur à l espace paraglottique (flèche noire). Fig. 10 : Tumeur superficielle des deux tiers antérieurs de la corde vocale gauche (tête de flèche blanche). Absence d extension à la commissure antérieure (flèche noire). Fig. 11 : Tumeur infiltrante de toute la corde vocale droite (flèche blanche), infiltration en profondeur de l espace paraglottique (flèches noires), infiltration de la commissure antérieure (tête de flèche). À noter la condensation de l aryténoïde droite. thyroïde est un bon signe indirect car il traduit le contact tumoral avec le cartilage. Les extensions au cartilage sont également à préciser. Les critères sont identiques aux tumeurs sus-glottiques : condensation, petites érosions (fig. 12) et lyses franches (fig. 13). Une extension aux cartilages fait passer la tumeur en stade T4, sauf pour les petites érosions limitées du périchondre interne qui sont classées T3 (tleau III) (6). De même, les extensions extra-laryngées au travers d une lyse cartilagineuse sont à décrire, témoignant de tumeurs très évoluées, infiltrantes, classées T4. Une extension extra-laryngée classique des tumeurs du plan glottique est l extension pré-laryngée antérieure qui nécessite une laryngectomie totale étendue aux tissus pré-laryngés (fig. 14). Ces extensions en profondeur représentent un des intérêts majeurs de l imagerie car ces infiltrations sous muqueuses sont mal appréhendées par l examen laryngoscopique (13), le seul reflet clinique étant la fixité du larynx. Elles doivent donc être bien étudiées en imagerie car une tumeur classée T4 ne relève pas d une chirurgie partielle conservatrice du larynx ni d un protocole de préservation laryngée associant chimiothérapie et radiothérapie. Une extension profonde à la loge pré-épiglottique est également à rechercher, avec les mêmes critères que pour les tumeurs susglottiques ; une extension à la loge pré-épiglottique fait classer stade T3 une tumeur du larynx (5, 13). L extension en hauteur des tumeurs glottiques est à préciser : une extension au ventricule laryngé et à la bande ventriculaire, parfois uniquement sous muqueuse, s analyse bien sur les reconstructions coronales en phonation. L extension sous-glottique d une tumeur de la corde vocale conditionne souvent la prise en charge de ces patients (2, 14). En effet, une extension sous-glottique importante contre-indique une chirurgie partielle et, le plus souvent, seule une laryngectomie totale mutilante peut être proposée à ces patients. L extension tumorale sous-glottique se traduit par un épaississement tissulaire prenant le contraste en continuité de la tumeur au contact du cartilage cricoïde. La condensation du cartilage cricoïde est un signe à utiliser car il témoigne d un processus tumoral au contact (fig. 15). La perte de la symétrie de l épaulement sous-glottique sur les reconstructions coronales en phonation est également un bon signe d atteinte sous-glottique (fig. 15). Il faudra essayer de chiffrer cette extension tumorale en hauteur au niveau de la sous-glotte antérieure et postérieure. Certains auteurs proposent également de calculer le volume de la tumeur (6, 8, 12). Ce volume aurait un intérêt dans le pronostic des tumeurs traitées par radiothérapie seule. 3. Cancers sous-glottiques Les tumeurs débutant primitivement au niveau sous-glottique sont rares ; il s agit principalement d extension à la sous-glotte d une tumeur sus-jacente. Les tumeurs atteignant primitivement à l étage sous-glottique sont souvent infiltrantes en profondeur, avec infiltration du

F Dubrulle et al. Larynx et hypopharynx 1005 Fig. 12 : Tumeur de la corde vocale droite infiltrante. c d a Tumeur étendue à la commissure antérieure et à la corde vocale controlatérale (flèches noires). b Présence d une extension sous glottique antérieure (flèche blanche) avec à ce niveau une érosion du cartilage thyroïde (flèche noire). c L érosion du cartilage thyroïde est bien visible sur la reconstruction en constantes cartilagineuses avec un fenêtrage adapté (1 400 400 UH). d La reconstruction sagittale montre une extension à la partie basse de la loge pré-épiglottique (flèche), tumeur des 3 étages. Fig. 13 : Tumeur très infiltrante de la corde vocale gauche étendue à la commissure antérieure et à la partie initiale de la corde controlatérale. Présence d une condensation adjacente du cartilage thyroïde (flèches noires) et d une lyse franche de la partie antérieure de l aile thyroïdienne gauche (flèche blanche). Fig. 14 : Volumineuse tumeur du plan glottique. Lyse complète du cartilage thyroïde dans sa partie antérieure et extension tumorale dans les parties molles pré-laryngées (flèches).

1006 Larynx et hypopharynx F Dubrulle et al. Tleau III Classification U.I.C.C. du T des carcinomes laryngés et hypopharyngés. Classification UICC du T des carcinomes laryngés (UICC version 2002) T1 : T1 sus-glottique : tumeur limitée à une sous-localisation de l étage sus-glottique avec mobilité normale des cordes vocales ; T1 glottique : tumeur limitée aux cordes vocales, avec mobilité normale, pouvant envahir la commissure antérieure ou postérieure : T1a : tumeur limitée à une corde vocale ; T1b : tumeur envahissant les deux cordes vocales. T1 sous-glottique : tumeur limitée à l étage sous-glottique, mobilité laryngée normale. T2 : T2 sus-glottique : tumeur avec envahissement de la muqueuse de plus d une sous-localisation adjacente de l étage sus-glottique, glottique ou extraglottique (muqueuse de la base de langue, vallécule, paroi interne du sinus piriforme) sans fixation des cordes vocales ; T2 glottique : tumeur glottique avec extension aux régions sus- ou sous-glottiques et/ou diminution de la mobilité glottique (sans fixité laryngée) ; T2 sous-glottique : tumeur sous-glottique étendue aux cordes vocales, mobilité normale ou diminuée. T3 : Tumeur limitée au larynx avec fixité glottique et/ou envahissement de la région rétro-cricoïdienne, de la loge pré-épiglottique (HTE), de l espace paraglottique et/ou érosion minime (périchondre interne) du cartilage thyroïde. T4a : Tumeur envahissant le cartilage thyroïde et/ou envahissant des structures extra-laryngées : trachée, tissus mous du cou (incluant la musculature profonde et extrinsèque de la langue : génioglosse, hyoglosse, palatoglosse et styloglosse), les muscles sous-hyoïdiens, la glande thyroïde, l œsophage. T4b : Tumeur envahissant l espace prévertébral, les structures médiastinales ou atteignant l artère carotide. Classification UICC du T des carcinomes hypopharyngés T1 : Tumeur limitée à une seule localisation de l hypopharynx, et inférieure ou égale à 2 cm. T2 : Tumeur étendue à plus d une sous-localisation ou à une région adjacente (repli ary-épiglottique, paroi pharyngée postérieure, région rétro-cricoaryténoïdienne), sans fixation de l hémi-larynx et/ou de plus de 2 cm et inférieure à 4 cm. T3 : Tumeur avec fixation de l hémi-larynx et/ou de plus de 4 cm. cartilage cricoïde ou extension extra-laryngée aux parties molles adjacentes et à la thyroïde. L extension en hauteur est importante à préciser car ces tumeurs nécessitent le plus souvent une laryngectomie totale. Il faudra rechercher une extension basse à la trachée et chiffrer cette extension. Cancers de l hypopharynx 1. Extension tumorale de surface Les tumeurs malignes de l hypopharynx sont également représentées par les carcinomes épidermoïdes, dans plus de 95 % des cas. La reconnaissance de la tumeur se fait par la présence d un processus infiltrant ou végétant, rehaussé par l injection de produit de contraste. La tumeur sera d autant mieux visualisée que les manœuvres de Valsalva auront été effectuées avec succès. On insistera à nouveau sur l importance de l entraînement préalle du patient (fig. 16-17). Le but de l examen est de préciser le siège et les extensions tumorales aux structures voisines afin de poser l indication thérapeutique la plus appropriée (2, 10). L hypopharynx, divisé en trois régions : les sinus piriformes ; la paroi pharyngée postérieure ; la région rétro-crico-aryténoïdienne, se termine par la bouche de l œsophage. De ces trois régions, ce sont les sinus piriformes qui sont le plus souvent concernés par les tumeurs malignes. L extension aux différentes faces du sinus piriforme (antérieure, latérale et postérieure) est bien visualisée grâce à la manœuvre de Valsalva qui permet d ouvrir le sinus piriforme et de bien analyser toutes ses faces (fig. 16-17, 19). Une extension de l infiltration tumorale vers la paroi pharyngée postérieure est à rechercher. Il faudra évaluer si cette extension en paroi pharyngée postérieure atteint la ligne médiane (fig. 17). Cet envahissement est très important à décrire pour évaluer les possibilités chirurgicales. On recherchera les limites supérieures de la tumeur et une éventuelle infiltration vers l oropharynx, en particulier la base de langue. La limite inférieure concerne l œsophage cervical et la bouche de Killian. Sa position exacte est parfois difficile à définir. Il faut s aider d un repère : la bouche de l œsophage se situe juste sous le bord inférieur du cartilage cricoïde ; c est aussi l endroit où l hypopharynx perd sa forme ovoïde et devient arrondi. Il est important d y chercher une prise de contraste ou un effet de masse tumorale et d évaluer s il existe une extension à l œsophage supérieur (fig. 18). La présence d une extension à la bouche de l œsophage entraîne une modification de la prise en charge de la tumeur. Une pharyngolaryngectomie totale n est plus suffisante. Il faut associer une lation partielle de l œsophage et une suture le plus souvent sur l estomac remonté (pharyngolaryngectomie totale circulaire) qui est un geste beaucoup plus lourd. L extension en région rétro-crico-aryténoïdienne est à préciser (fig. 18-19). 2. Extension tumorale en profondeur L avantage de la TDM est de bien étudier l extension en profondeur. Vers l avant, une tumeur du sinus piriforme peut présenter une extension intra-laryngée (3, 10), plus particulièrement à la partie postérieure de l espace paraglottique avec un élargissement de l espace inter-thyro-aryténoïdien et une infiltration plus ou moins importante de la partie postérieure de la corde vocale ou de la bande ventriculaire (fig. 18, 20). Une extension vers la loge HTE peut également se rencontrer pour

F Dubrulle et al. Larynx et hypopharynx 1007 c Fig. 15 : Tumeur infiltrante de la corde vocale gauche. a Érosion du cartilage thyroïde en regard de la commissure antérieure. b Présence d une extension sous-glottique (flèches blanches), avec condensation du cartilage cricoïde au contact de la tumeur (tête de flèche noire). c La reconstruction coronale en phonation apprécie la hauteur de cette extension sous-glottique (flèches blanches), à noter également l extension sus-glottique (flèche noire). Fig. 16 : Tumeur du sinus piriforme droit. Petite tumeur bourgeonnante de la face antérieure du sinus piriforme droit en manœuvre de Valsalva. Ganglion de 10 mm de diamètre transverse nécrotique. Fig. 17 : Acquisition en Valsalva montrant une tumeur superficielle de la face latérale et postérieure du sinus piriforme gauche (flèches). La tumeur atteint presque la ligne médiane en paroi pharyngée postérieure. des tumeurs plus évoluées et on recherche alors un effacement du tissu graisseux, remplacé par le processus tumoral. Il s agit d un élément important qui doit être pris en compte pour la décision thérapeutique, surtout si l extension endolaryngée est massive. L extension en profondeur aux parties molles prévertébrales doit être analysée pour les tumeurs de la paroi pharyngée postérieure (fig. 21). L étude de l extension cartilagineuse (2, 10) a également une importance pour les tumeurs de l hypopharynx, principalement ceux de la face externe du sinus piriforme ou de l angle antérieur.

1008 Larynx et hypopharynx F Dubrulle et al. Fig. 18 : Volumineuse tumeur du sinus piriforme droit avec extension en région rétro-crico-aryténoïdienne (flèche blanche courte). a La tumeur dépasse largement la ligne médiane en paroi postérieure (tête de flèche blanche). Extension endolaryngée (tête de flèche noire) et extension extra-laryngée le long du muscle constricteur inférieur du pharynx (flèche blanche longue). b Une coupe sous-jacente montre une extension sous muqueuse à la bouche de l œsophage (flèche) et une adénopathie jugulaire inférieure droite (tête de flèche blanche). c Fig. 19 : Tumeur de l hypopharynx. a Tumeur de la partie basse de l hypopharynx (flèche). b La manœuvre de Valsalva montre qu il s agit d une tumeur de la face antérieure du sinus piriforme dans sa partie inférieure (flèche). c La tumeur est étendue en région rétro-crico-aryténoïdienne (flèches). Une infiltration profonde peut progressivement s étendre vers l aile thyroïdienne qui, au début, constitue une barrière à l extension tumorale. Là encore, son envahissement est une notion importante à connaître pour la décision thérapeutique. Les critères d extension cartilagineuse en TDM sont identiques à ceux décrits pour les tumeurs laryngées. L extension aux parties molles extra-laryngées doit toujours être recherchée, du fait de son incidence en termes de choix thérapeutique (tumeurs classées T4). À partir du sinus piriforme, l extension tumorale peut s étendre au-delà des structures pharyngées, le plus souvent le long du muscle constricteur inférieur du pharynx, s insérant au niveau de la face externe de la lame thyroïdienne (fig. 19). La bonne imprégnation tumorale facilite l analyse de cette extension extra-laryngée. Une extension extra-laryngée directe par lyse cartilagineuse franche est moins fréquente.

F Dubrulle et al. Larynx et hypopharynx 1009 Fig. 20 : Tumeur de la partie basse du sinus piriforme droit (flèche) avec extension intra laryngée à la partie postérieure de la corde vocale avec élargissement de l espace interthyroaryténoïdien (tête de flèche). Noter la condensation des cartilages au contact de la tumeur. Fig. 21 : Tumeur étendue de l hypopharynx. a Coupe en respiration indifférente montrant une prise de contraste tumorale de l hypopharynx (flèche). b L acquisition en Valsalva montre qu il s agit d une tumeur de toute la paroi pharyngée postérieure avec extension en profondeur aux parties molles prévertébrales (flèches). Fig. 22 : Tumeur du sinus piriforme droit face antérieure et angle avec érosion du cartilage thyroïde en regard (flèche) et volumineuse adénopathie nécrotique en rupture capsulaire englobant la carotide (tête de flèche). La veine jugulaire est thrombosée. Extension ganglionnaire La fréquence des ganglions métastatiques des cancers du larynx, en particulier à l étage sus-glottique et surtout de l hypopharynx, justifie leur recherche systématique au cours du scanner spiralé cervical (4, 15). La présence d adénopathies est considérée comme pathologique lorsqu elles mesurent plus de 12 mm de plus petit diamètre

1010 Larynx et hypopharynx F Dubrulle et al. transverse au niveau jugulaire haut et 10 mm dans les autres régions. La présence d un ganglion hétérogène, associé à une hypodensité centrale et une prise de contraste périphérique évoquant une nécrose, sont des éléments forts, permettant de suspecter leur caractère métastatique, en particulier pour les ganglions de taille limite (16) (fig. 3, 16). Un autre critère est la perte du caractère ovale du ganglion. Dans ce cas, le rapport grand axe sur petit axe du ganglion est considéré comme un excellent critère d envahissement, en particulier lorsque ce rapport est inférieur à 2 (16). Ce rapport est effectué sur des reconstructions coronales. C est un excellent critère dans l analyse des ganglions dont la taille est à la limite supérieure de la normale. Le scanner spiralé permet également l étude complète des territoires ganglionnaires, y compris au niveau de la base du crâne, pour la recherche des ganglions rétro-pharyngés, la découverte d adénopathies hautes rétro-pharyngées modifiant la prise en charge thérapeutique. L existence d adénopathies de très grande taille, en rupture capsulaire, est une caractéristique fréquente des tumeurs de l hypopharynx. L imagerie doit alors rechercher des contre-indications à leur extirpilité chirurgicale qui sont principalement les rapports avec la carotide interne (la jugulaire, le plus souvent thrombosée, est enlevée lors du curage). Le scanner, grâce à une bonne opacification des vaisseaux, permet alors d analyser les rapports entre le bloc ganglionnaire et la carotide et de préciser la surface de contact, la persistance ou non d un liseré graisseux, voire même un englobement total (15) (fig. 7, 22). Plusieurs études ont montré l sence de différence significative entre l IRM et la TDM pour la détection des ganglions métastatiques du cou (16-17) et plusieurs auteurs suggèrent de réaliser cette analyse par la technique utilisée le plus fréquemment pour l étude de la tumeur, soit le scanner pour les tumeurs du larynx et de l hypopharynx (17). Place de l IRM La place de l IRM dans le bilan d extension des tumeurs du larynx et de l hypopharynx est très réduite, contrairement à son utilisation large pour tous les autres cancers de la sphère ORL. En effet, elle présente des inconvénients par rapport au scanner hélicoïdal multibarrette : les temps de séquence longs entraînent souvent des artefacts de déglutition, la résolution spatiale est plus faible et l acquisition est ciblée sur une région et non sur l ensemble des VADS. Elle ne doit être réalisée qu en seconde intention, dans des cas particuliers bien précis. Son rôle dans l imagerie du larynx a été montré pour préciser l extension cartilagineuse d une tumeur laryngée ou une extension tumorale profonde dans la corde vocale (8, 14), l IRM étant plus sensible que le scanner en cas d extension cartilagineuse modérée (19-21). L IRM du larynx peut donc avoir une place pour quelques cas particuliers où l extension en profondeur au cartilage est capitale à préciser dans la décision thérapeutique, le plus souvent pour des protocoles de préservation laryngée. En effet, un critère d exclusion des protocoles de préservation laryngée par radio-chimiothérapie est l extension cartilagineuse franche, tumeur classée T4. L atteinte du cartilage se traduit, en IRM, par une augmentation de signal par rapport au cartilage normal sur les séquences pondérées T2, associée à une prise de contraste à ce niveau sur les séquences pondérées T1 après injection. À noter toutefois que ces signes sont non spécifiques et qu ils peuvent également traduire des remaniements inflammatoires. L IRM entraîne donc un plus grand nombre de faux positifs que le scanner (19, 21). La modification de classification, apportée par le rapport de UICC de 2002 (tleau III) des tumeurs laryngées (6), a fait reculer la place de l IRM : les petites extensions cartilagineuses sont actuellement classées T3 et non plus T4, ce qui ne contre-indique plus les tentatives de préservation laryngée pour des atteintes cartilagineuses très limitées. Cette modification a simplifié les décisions : une lyse franche du cartilage sera détectée par un scanner correctement réalisé et classera la tumeur T4, une érosion limitée du cartilage en TDM ou un cartilage inhomogène suspect seront classés T3. Conclusion La réalisation d un scanner spiralé pour l étude de la région pharyngo-laryngée est devenue un élément clé du bilan d extension des cancers du larynx et de l hypopharynx. Ses avantages principaux sont la possibilité de réaliser des manœuvres dynamiques très utiles au bilan d extension tumoral, mais surtout la prise en charge globale de la pathologie grâce à un bilan d extension complet : local, régional, ganglionnaire et même étendu à la recherche d une localisation thoracique. Ce bilan complet permet une prise en charge et une attitude thérapeutique adaptées au mieux à l état du patient. Une explication précise des différents temps de l examen doit être faite au patient avant le début de l examen, ainsi qu un entraînement aux manœuvres. La réussite de cet examen, de réputation difficile pour beaucoup de radiologues, dépend en effet de la qualité de l acquisition en respiration indifférente sans déglutir, puis de la manœuvre dynamique adéquate, associées dans les deux cas à une injection biphasique adaptée. Références 1. Dubrulle F, Robert Y, Delerue C et al. Intérêt du scanner spiralé dans la pathologie du larynx et de l hypopharynx. Feuil Radiol 1997;37:118-31. 2. Hermans R. Staging of laryngeal and hypopharyngeal cancer: value of imaging studies. Eur Radiol 2006;16:2386-400. 3. Dubrulle F., Chevalier D. Imagerie par scanner hélicoïdal des cancers de l hypopharynx. Les cahiers d ORL T. XXXVI n 1, 2003. 4. Chevalier D, Dubrulle F, Vilette B. Anatomie descriptive, endoscopique et radiologique du larynx. Encycl. Méd. Chir. Elsevier. Paris ; 20-630-A-10, 2001, 13p. 5. Becker M. Larynx and hypopharynx. Radiol Clin North Am 1998;36:891-920 6. UICC International Union Against Cancer. TNM classification of malignant tumors. 6th ed. New York: Wiley-Liss; 2002. p36. 7. Mancuso AA, Mukherji SK, Schmalfuss I et al. Preradiotherapy computed tomography as a predictor of local control in supraglottic carcinoma. J Clin Oncol 1999;17:631-7. 8. Phelps PD. Carcinoma of the larynx--the role of imaging in staging and pre treatment assessments. Clin Radiol 1992;46:77-83.

F Dubrulle et al. Larynx et hypopharynx 1011 9. Freeman DE, Mancuso AA, Parsons JT, Mendenhall WM, Million RR. Irradiation alone for supraglottic larynx carcinoma: can CT findings predict treatment results? Int J Radiat Oncol Biol Phys 1990;19:485-90. 10. Zbären P, Becker M, Läng H. Pretherapeutic staging of hypopharyngeal carcinoma. Clinical findings, computed tomography, and magnetic resonance imaging compared with histopathologic evaluation. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 1997;123:908-13. Erratum 1998;124:231. 11. Becker M, Zbären P, Delavelle J et al. Neoplastic invasion of the laryngeal cartilage: reassessment of criteria for diagnosis at CT. Radiology 1997;203:521-32. 12. Curtin HD. Importance of imaging demonstration of neoplastic invasion of laryngeal cartilage. Radiology 1995;194:643-4. 13. Mukherji SK, Mancuso AA, Mendenhall W, Kotzur IM, Kubilis P. Can pretreatment CT predict local control of T2 glottic carcinomas treated with radiation therapy alone? AJNR 1995;16:655-62. 14. Hermans R. Laryngeal neoplasms. In: Hermans R, Castaigne C, editors. Head and neck cancer imaging. Berlin; New York: Springer; 2006. chapter 4. 15. Barbera L, Groome PA, Mackillop WJ et al. The role of computed tomography in the T classification of laryngeal carcinoma. Cancer 2001;91:394-407. 16. Steinkamp HJ, Hosten N, Richter C, Schedel H, Felix R. Enlarged cervical lymph nodes at helical CT. Radiology 1994;191:795-8. 17. Castelijns J, Van den Brekel M. Neck nodal disease. In: Hermans R, Castaigne C, editors. Head and neck cancer imaging. Berlin; New York: Springer; 2006. chapter 15. 18. Curtin HD, Ishwaran H, Mancuso AA, Dalley RW, Caudry DJ, McNeil BJ. Comparison of CT and MR imaging in staging of neck metastases. Radiology 1998;207:123-30. 19. Becker M, Zbären P, Laeng H, Stoupis C, Porcellini B, Vock P. Neoplastic invasion of the laryngeal cartilage: comparaison of MR imaging and CT with histopathologic correlation. Radiology 1995;194:661-9. 20. Becker M. Neoplastic invasion of laryngeal cartilage: radiologic diagnosis and therapeutic implications. Eur J Radiol 2000;33:216-29. 21. Castelijns JA, Becker M, Hermans R. Impact of cartilage invasion on treatment and prognosis of laryngeal cancer. Eur Radiol 1996;6:156-69. cas clinique Histoire de la maladie Patient de 51 ans, en bon état général, sans antécédent particulier, envoyé par un médecin ORL pour dysphonie ayant fait découvrir une tumeur de la corde vocale gauche. Le patient est adressé pour laryngoscopie directe avec biopsie, scanner et prise en charge thérapeutique (fig. 1-3). Questions 1. Préciser la localisation tumorale primitive et ses extensions principales. 2. Quel type de manœuvre allez-vous réaliser chez ce patient? 3. Quel est l intérêt de la reconstruction coronale dans ce cas? 4. Quel est l intérêt de la reconstruction sagittale dans ce cas? 5. Quelle prise en charge thérapeutique sera envisagée pour ce patient, sachant que les biopsies ont confirmé le diagnostic de carcinome épidermoïde infiltrant et qu il n y a pas d adénopathie ni d autre localisation décelle? Fig. 1 : c Coupes scanographiques en respiration indifférente passant par l étage sus-glottique (a), glottique (b) et sous-glottique (c).

1012 Larynx et hypopharynx F Dubrulle et al. Fig. 2 : Reconstruction coronale. Fig. 3 : Reconstruction sagittale médiane. Réponses 1. Tumeur de la corde vocale gauche étendue à la commissure antérieure ; extension en profondeur à l espace paraglottique, et extension sous muqueuse à la partie profonde de la bande ventriculaire, petite extension sous-glottique antérieure limitée. Absence d extension cartilagineuse décelle. 2. Une «phonation» doit être réalisée, pour bien analyser l extension sus-glottique. 3. La reconstruction coronale en phonation montre l sence d ouverture du ventricule laryngé gauche et l extension susglottique à la partie profonde de la bande ventriculaire. 4. La reconstruction sagittale montre l sence d extension à la loge pré-épiglottique (HTE) et l extension limitée en sous-glotte antérieure. 5. Il s agit d un patient encore jeune, en bon état général sans adénopathie sans autre localisation. Une cordectomie laser ne peut être proposée, la tumeur ayant infiltré l étage sus-glottique (intérêt du scanner car cette infiltration sous-muqueuse n était pas détectée par l endoscopie). Le caractère infiltrant de la tumeur justifie un geste chirurgical, l extension limitée en sous glotte antérieure uniquement sur 5 mm environ et l sence d extension à la loge HTE autorisent encore la réalisation d une laryngectomie partielle horizontale de type CHEP (crico-hyo-épiglottopexie).