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MINISTERE DE LA JUSTICE REPUBLIQUE DE CÔTE D IVOIRE ------------------- --------------------- COUR D APPEL D ABIDJAN Union - Discipline - Travail -------------------- --------------------- TRIBUNAL DE COMMERCE D ABIDJAN -------------------- ORDONNANCE DE REFERE AUDIENCE PUBLIQUE DU 27 NOVEMBRE 2012 RG N 024/12 du 27/11/2012 L an deux mil douze Et le vingt sept novembre BALTIC LEOPARD L.T.D. Nous, Docteur KOMOIN François, Président du Tribunal (M e OUANGUI Agnès) de Commerce d Abidjan, statuant en matière de référé d heure à heure en notre Cabinet sis à Cocody les C/ Deux-Plateaux ; World Fuel Services (Singapour) PTE LTD (M e FOLQUET Léon) DECISION Contradictoire Rejetons l exception d incompétence soulevée par la ; société WORLD FUEL SERVICES LTD ; Recevons la société BALITC LEOPARD LTD en son action en en mainlevée de la saisie. conservatoire du navire BALTIC LEOPARD ; L y disons cependant mal fondée ; L en déboutons ; La condamnons aux dépens. Assisté de Maître KOUTOU Aya Gertrude, Greffier Avons rendu l ordonnance dont la teneur suit : Par exploit d huissier en date du 21 novembre 2012, la Société Baltic Leopard LTD a fait assigner devant le juge des référés du tribunal de commerce d Abidjan la Société World Fuel Services (Singapour) PTE LTD pour entendre ordonner la rétractation de l ordonnance N 00004/2012 en da te du 31 octobre 2012 ainsi que la mainlevée pure et simple de la saisie conservatoire pratiquée le 31 octobre 2012 sur le navire «Baltic Leopard» et ce, sous astreinte de 50.000.000 francs par heure de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir ; Au soutien de son action, la demanderesse expose que la Société Word Fuel Services (Singapour) PTE LTD a pratiqué une saisie conservatoire sur le navire «Baltic Leopard» dont elle est propriétaire, en vertu d une ordonnance N 00004/2012 en date du 31 octobre 2012 ; Qu elle relève en la forme que la saisie a été pratiquée entre les mains du commandant du navire alors même qu au jour de la saisie, le navire avait été affrété par la société RESSOURCES MARINE PTE LTD, Qu aussi, poursuit-elle, en application des dispositions de l article 67 alinéa 3 de l Acte Uniforme portant procédure simplifiée de recouvrement de créances et des voies d exécution (AURSVE), le saisissant aurait dû lui dénoncer la saisie dans les 8 jours à compter de celle-ci ; Et que 1

s agissant d une saisie entre les mains d un tiers, l exploit de saisie devait respecter les prescriptions de l alinéa 1 er dudit article, qui exigent l accomplissement de certaines formalités prescrites par les articles 107 à 110 et 112 à 114 de l AURSVE ; Que faute d avoir respecté ces dispositions, la saisie doit être déclarée caduque ; Au fond, la société BALTIC LEOPARD fait valoir qu en application de l article 9 de la Convention Internationale du 10 Mai 1952 pour l unification de certaines règles en matière de saisie conservatoire de navire, la loi applicable à la présente saisie est la loi du lieu de la saisie, en l espèce l Acte Uniforme portant procédures simplifiées de recouvrement de créances et des voies d exécution ; Or, explique-t-elle, il résulte des dispositions de l article 56 de l Acte Uniforme précité que la saisie conservatoire ne peut porter que sur les biens du débiteur, en l espèce sur les biens de la Société ALLIED MARITIME INC ; Elle fait noter que le navire objet de la saisie est sa propriété et non celle de la Société ALLIED MARITIME INC ; En outre, la BALTIC LEOPARD soutient que c est abusivement que la saisissant fait valoir que sa créance est une créance maritime privilégiée alors même qu elle ne satisfait pas aux exigences de l article 194 du code de commerce ; lequel article prescrit que les prestations ayant généré la créance doivent avoir été commandées par le capitaine du navire pour que la créance privilégiée qui est en issue soit considérée comme une créance privilégiée. Par ailleurs et subsidiairement, elle précise qu à supposer que ladite créance ait été privilégiée, ce privilège s est éteint en application de l article 194 du code de commerce qui prévoit la prescription de ce type de créance au bout de six (6) mois ; ce qui est acquis en l espèce. Enfin, la société BALTIC LEOPARD fait valoir que la Convention Internationale du 10 avril 1926 sur les privilèges et hypothèques maritimes dont l article 2-5 a fondé la saisie, n a pas été ratifiée par la Côte d Ivoire. Elle sollicite au regard de tout ce qui précède la mainlevée pure et simple de la saisie conservatoire du 31 octobre 2012 ; 2

La société World Fuel Services s oppose à toutes ces prétentions. Elle fait valoir avant toutes défenses au fond de l incompétence du Président du Tribunal à statuer sur la demande en rétractation ; Elle explique que le seul recours prévu par l article 62 de l AURSUE est la mainlevée de la saisie portée devant la juridiction qui l a autorisée ; Elle estime donc que le tribunal saisi ne peut valablement retenir sa compétence sur ce point sans ajouter à la loi ; Par ailleurs, elle conteste le moyen tiré de la violation des dispositions de l article 67 de l Acte Uniforme précité notamment pour inobservation des exigences de dénonciation sous huitaine de la saisie au débiteur et des mentions qui doivent figurer à l acte de saisie ; En effet, elle indique d une part que la demanderesse qui estime ne pas être sa débitrice ne peut exiger que la saisie lui soit dénoncée, et d autre part que s agissant d un affrètement au voyage, le fréteur conserve la gestion nautique du navire et le capitaine commandant du navire reste son représentant de sorte que la saisie pratiquée entre les mains du commandant n est pas une saisie pratiquée entre les mains de tiers ; Elle en déduit que les dispositions de l article 67 alinéa 1 ne peuvent trouver à s appliquer en l espèce ; Que sur le fond de l affaire, elle fait valoir qu il résulte des dispositions 8-2 de la Convention du 10 mai 1952 qu il est loisible au saisissant de pratiquer la saisie, en fonction de la nature de sa créance, soit sur la base de la convention, soit sur celle de la loi nationale, et qu en raison de ce choix, il ne peut être affirmé que les règles de la saisie sont celles de l Etat dans lequel la saisie est pratiquée ; Elle ajoute que les dispositions de l article 9 de la convention de 1952 ne font pas obstacle à une saisie pour la garantie d une dette d un affréteur et que l article 3-4 de ladite convention permet dans le cadre de ses stipulations la saisie conservatoire d un navire affrété ; S agissant du caractère privilégié de sa créance, tirée de la convention du 10 avril 1926, elle souligne que c est 3

surabondamment qu elle s en prévaut puisque la seule nature maritime de sa créance est suffisante à fonder la saisie ; En la forme SUR CE Sur la compétence de la juridiction des référés La société BALTIC LEOPARD sollicite la rétractation de l ordonnance ayant autorisé la saisie conservatoire et la mainlevée de cette mesure conservatoire. L examen des dispositions légales avancées au soutien de cette demande révèle cependant que la rétractation de l ordonnance litigieuse n y est pas indiquée ; seule la mainlevée de la saisie conservatoire y est visée. Il y a lieu de rejeter l exception d incompétence soulevée par la défenderesse relativement à une mesure qui n existe pas légalement dans la résolution du contentieux qui les oppose. La juridiction des référés étant compétente par contre pour statuer sur la mainlevée de la saisie litigieuse, notre compétence doit être retenue. Sur le caractère de la décision La défenderesse ayant comparu et conclu, il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard. Sur le caractère de l action La demanderesse a introduit son action dans les formes et délais légaux ; il y a lieu de la recevoir. Au fond La société BALTIC LEOPARD avance trois moyens à l appui de sa demande de mainlevée de la saisie conservatoire de son navire à savoir, la violation de l article 67 de l AURSVE, la violation de l article 9 de la convention du 10 mai 1952 et celle de l article 56 de l AURSVE, et la violation des articles 191 et 194 du code de commerce. Il convient d analyser tour à tour la pertinence de ces griefs. Sur la violation de l article 67 de l AURSVE La société BALTIC LEOPARD soutient d abord que la saisie conservatoire est irrégulière car elle ne lui a pas été dénoncée 4

conformément à l alinéa 3 de l article 67 de l AURSVE. Ce texte est ainsi libellé : «le procès-verbal de saisie est signifié au débiteur dans un délai de huit jours...». Il résulte cependant de ses propres écritures qu elle ne se considère pas débitrice de la créance dont se prévaut la défenderesse. Dans ces conditions, elle est mal venue à lui reprocher de ne lui avoir pas dénoncé ce procès-verbal, qui ne pouvait l être qu au débiteur ; ce qu elle affirme ne pas être. La demanderesse soutient ensuite que la saisie conservatoire est irrégulière car ayant été effectuée entre les mains d un tiers, la défenderesse se devait s accomplir certaines formalités prescrites par les articles 107 à 110 et 112 à 114 de l AURSVE comme l exige l alinéa 1 de l article 67 sus indiqué. Ce texte est ainsi libellé : «si la saisie est pratiquée entre les mains d un tiers, il est procédé comme il est dit aux articles 107 à 110 et 112 à 114 ci-après inclusivement». L examen du procès-verbal de saisie révèle qu il n a pas été satisfait à ces diligences. Toutefois, pour conclure à l irrégularité de la saisie, il importe de vérifier si en l espèce le saisissant avait l obligation de satisfaire à ces exigences. Il importe d observer que ce qui est en cause en l espèce, c est la garantie du paiement d une créance née de la fourniture de soutes au navire BALTIC LEOPARD appartenant à la demanderesse sur commande de la société ALLIED MARITIME INC à laquelle elle avait affrété le navire. A l issue de cette opération une créance est donc née au profit de la société World Fuel Services contre la société ALLIED MARITIME INC. Il résulte de l article 1 er de la Convention Internationale du 10 mai 1952 pour l unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires en mer qu est qualifiée de créance maritime la créance née de «la fourniture, quel qu en soit le lieu de produits ou de matériels faites à un navire en vue de son exploitation ou de son entretien» ; ce qui est bien le cas en l espèce. Lorsqu on poursuit la lecture de la convention du 10 mai 1952, l on s aperçoit aisément qu elle permet la saisie conservatoire du navire auquel se rapporte la créance sans se préoccuper du point de savoir si le propriétaire de ce navire est partie prenante ou non à l opération juridique à la base de la naissance de la créance. Ce droit de saisie est en effet 5

rattaché, comme en l espèce, à la naissance d une créance maritime issue de la fourniture de soutes au navire. Il en résulte que la société World Fuel Services n avait pas à respecter les dispositions des articles 107 à 110 et 112 à 114 de l AURSVE qui ne trouvent pas application en l espèce. Sur la violation des dispositions de l article 9 de la Convention du 10 mai 1952 et de celles de l article 56 de l AURSVE La société BALTIC LEOPARD cite l article 9 de la convention de 1952 qui dispose que «Rien dans cette convention ne doit être considéré comme créant un droit à une action qui, en dehors des stipulations de cette convention, n existerait pas d après la loi à appliquer par le tribunal saisi du litige. La présente convention ne confère aux demandeurs aucun droit de suite autre que celui accordé par cette dernière loi ou par la Convention internationale pour l unification de certaines règles relatives aux privilèges et hypothèques maritimes si celle-ci est applicable». La demanderesse soutient que les règles relatives à la saisie sont celles de l Etat dans lequel elle est pratiquée, et donc celles de la Côte d Ivoire ; et qu en Côte d Ivoire les saisies sont régies par l AURSVE dont l article 56 dispose que «la saisie conservatoire peut porter sur tous les biens mobiliers, corporels ou incorporels appartenant au débiteur». Elle en déduit que seuls les biens du débiteur peuvent faire l objet d une saisie conservatoire par le créancier. Il est à observer lorsqu on lit l article 9 de la convention que celui-ci contient le groupe mot suivant : «en dehors des stipulations de cette convention» ; ce qui sans besoin d interprétation revient à dire que dans le cadre des stipulations de la Convention du 10 mai 1952 un droit à une action peut être créé qui n existerait pas d après la loi à appliquer par le tribunal saisi du litige. Or les saisies conservatoires du navire auquel des soutes ont été fournies et restées impayées sont bien prévues par les stipulations de la Convention du 10 mai 1952 notamment en cas d un affrètement de navire comme en l espèce. En outre si l on considère qu il existe un conflit entre la convention du 10 mai 1952 et l article 56 de l AURSVE, le 6

conflit existerait alors entre une convention internationale et une norme communautaire dérivée du traité instituant l OHADA. Un principe essentiel constant en droit conventionnel est celui de la primauté du droit international sur les normes communautaires ; et partant celle de la convention du 10 mai 1952 dont l objectif, ainsi qu il ressort de son intitulé, est d unifier au plan international certaines règles sur la saisie conservatoire des navires en mer en vue de renforcer les droits des créanciers maritimes, sur l article 56 de l AURSVE qui vise les saisies conservatoires de meubles dans un espace plus restreint, l espace OHADA. Par ailleurs, il importe d observer que la convention du 10 mai 1952 a été ratifiée par la Côte d Ivoire et donc fait partie à part entière de l ordonnancement juridique ivoirien et comme sus indiqué, ladite convention, dans la hiérarchie des normes, a une place supérieure aux normes communautaires dérivées. Vainement la demanderesse considère-t-elle que pour la préservation de l ordre public communautaire, l article 54 de l AURSVE doit prévaloir, car en l espèce, l ordre public communautaire entre en conflit avec l ordre public international, et ce dernier ne peut céder au premier, sans paralyser toutes les règles spécifiques prévues pour renforcer le commerce maritime et les droits des créanciers maritimes. Au regard de tout ce qui précède, les griefs formulés à ce titre par la demanderesse contre la saisie litigieuse ne sont pas fondés ; Il y a lieu de les rejeter. Sur la violation des articles 191 et 194 du code de commerce et de l inapplication de l article 2-5 de la Convention Internationale pour l unification de certaines règles relatives aux privilèges et hypothèques maritimes du 10 avril 1926 La demanderesse fait valoir que le délai d action de la défenderesse au recouvrement d une créance qu elle considère comme privilégiée est prescrit et que la convention du 10 avril 1926 n a pas été ratifiée par la Côte d Ivoire. Tant à l audience que dans ses écritures, la défenderesse a déclaré renoncer aux prétentions formulées de ce chef dès lors que le caractère maritime de sa créance suffit à justifier la saisie conservatoire qu il a pratiquée. Il y a lieu de lui donner acte. 7

Au total, la saisie conservatoire critiquée étant régulière et la demanderesse n en ayant demandé que la mainlevée pure et simple sans subsidiairement offrir une caution ou des garanties suffisantes, la juridiction des référés rejette sa demande de mainlevée. Sur les dépens La demanderesse succombant en son action, les dépens de l instance doivent être mis à sa charge. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en premier ressort ; Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu elles aviseront mais dès à présent et vu l urgence ; Rejetons l exception d incompétence soulevée par la société WORLD FUEL SERVICES LTD ; Recevons la société BALTIC LEOPARD LTD en son action en mainlevée de la saisie conservatoire du navire BALTIC LEOPARD ; L y disons cependant mal fondée ; L en déboutons ; Mettons les dépens à sa charge. Et avons signé avec le Greffier. /. 8